- Cap’, c’est quoi cette voilà là-bas ?
- Une voile ? Niark ! Attend voir…
Le capitaine sort nonchalamment sa longue-vue de sa veste trop serrée sur son ventre gras. Sympathique, mais pas très propre sur lui.
- Niark, c’est pas du commerçant ça ! C’est même un pavillon noir qu’j’vois là !
Pavillon noir ? Ah, là ça m’intéresse. Deux semaines que j’ai rien chopé, deux semaines que je me coltine ce foutu capitaine sur ce foutu rafiot et ces foutus marchands. C’pas une vie, j’vous jure. J’ai été obligé de quitter le précédent, il voulait prendre une année sabbatique. Dommage, l’était sympa.
Et propre. Parce que là… Il grignote sans cesse des biscuits bizarres au beurre de je-ne-sais-quoi. Et une bouteille de rhum au passage, tu m’étonnes qu’on mette plus de temps que prévu pour arriver à destination ! Enfin, là il est sobre. Rare. Mais ça doit être par manque de boisson, parce qu’il se réfugie dans ses gâteaux, et ça se voit sur sa veste. Toutes ces miettes grasses.
Pouah !
- On va le contourner, j’risque pas ma cargaison.
Le navire marchand commence à virer de bord, tranquillement.
Mais moi, ça fait deux semaines que j’ai pas croqué un pirate. Alors je prends mon fusil et y place la lunette. J’préfère ça à une longue-vue, c’est plus agréable de tenir une arme à feu. Alors, combien êtes-vous, sales pirates ? Un, deux, trois… Ah, et toi, à la barre. Un petit équipage, ça, sur une petite chaloupe. Dommage, peut-être pas assez connu pour être primé. Bon, et ils ne semblent pas nous avoir remarqués.
- Niark ! Tu r’gardes quoi, Blue ?
- J’t’ai déjà dit, je m’appelle Bartimeus Law U. Ether !
- Ouais, Barti…
- Bartimeus !
- J’aime pas. Et puis c’marrant, parce qu’ton nom, les initiales ça fait Blue ! Niark !
- …
- T’fais quoi ?
- Je regardais les pirates. Y sont quatre. Tiens, passe-moi les affiches.
Le capitaine tâtonne ses poches, en vain, et gueule à un matelot :
- EH ! File m’chercher les affiches !
- Les quoi ?
- Les affiches ! Les primes !
- Haaan, tout d’suite !
Bande de bras cassés… Quand le pauvre bougre revient, le Cap fourre son casse-croûte dans sa bouche pour récupérer les papiers, qu’il me tend.
- Putain, t’es dég’, t’aurais pu éviter d’y foutre d’la graisse !
- Roh c’bon, Blue…
- Bartimeus !
- Yup Blue, pas d’souci.
Oh il me gave lui. Je prends les affiches, tâchant de ne pas me salir de trop.
- Alors… toi, non, toi, non plus… Ah, toi peut-être ?
Un coup d’œil dans ma lunette…
- Ah merde, non… Toi ? Arf ! Merde… Eh, toi ?
Un autre coup d’œil… Ah mais oui, toi oui ! Tony Lapelle, 1 million de Berries. Mais je ne quitte pas mon poste d’observation, continuant à parler.
- Enfin un, c’était pas trop tôt.
- T’es verni, mon p’tit Blue !
- Oh, arrête avec ça ! Ah, tiens, y en a un qui sort…
Effectivement, un cinquième s’extrait de la cale. Un grand et maigre moustachu, avec les poils lissés en petites bouclettes, portant un costume ocre et pourpre bouffant. Un original, ce type.
- Y me dit quelque chose…
Je reviens sur mes têtes primées, les passant les unes après les autres, pour enfin retrouver mon moustachu.
- Lam Oustash, 2 millions de Berries. En voilà un ! J’te tiens, mon grand ! Cap, droit vers eux !
- Eh ça va pas, j’risque pas mon navire moi !
- Ah, c’est bon, tu risques rien j’te dis, avec une prime comme ça y doivent pas être bien dangereux…
- Rien à faire, je m’approche pas d’un navire pirate, en plus y sont primés !
Oh et puis merde. J’escalade le grand mât et me place sur le bastingage, bien installé, fusil à l’épaule, lunette à l’œil. Qui va être ma première cible ? Tony Lapelle est au gouvernail, ça peut constituer un bon choix.
Viser…
Tirer.
- Merde, putain de vent !
Je peste contre la météo, la balle est passée à quelques mètres à droite du pirate. Le « bang » résonne dans l’océan qui s’étend à perte de vue. Ils ont entendu, se tournent vers nous et commencent à virer de bord, ayant repéré une cible potentielle pleine de bonnes marchandises.
Ô Joie ! Le tour est joué, si je ne les ai pas à distance, au moins ils vont tenter l’abordage. Et là je m’occuperai de leur cas.
- Blue, t’as foutu quoi ? J’voulais pas d’combat ! On voulait contourner !
- Désolé Cap’, je nettoyais le fusil et le coup est parti tout seul…
- C’est ça, prend moi pour une truffe ! Descend de là et aide nous pour les manœuvres, faut qu’on s’arrache !
- Nan Cap’, vu leur ligne d’eau élevée, ils iront plus vite que nous ! Autant se préparer au combat !
- Putain Blue, t’es chiant ! Bah descend quand même !
- Attend, y a encore une tache sur mon fusil, j’vais r’passer un coup !
Dans un grommellement gras, il se retourne pour gueuler une sorte de « branle-bas de combat » aux matelots apeurés et désemparés. Ouais, ils savent pas se battre ces gugusses-là. Bon, ça me fera une raison de plus pour garder toute la prime pour moi, vu que j’aurai fait tout le boulot.
Alors, on y retourne. Lunette à l’œil, je vous cherche. Tony est maintenant caché derrière le grand mât, vu que le navire nous fait face. Mais les autres, ha, ces futés, ils sont tous sur le gaillard d’avant, sabres d’abordage pointés vers moi. Très accueillant.
Bon, bah si vous le demandez tant…
Viser…
Tirer.
Eh bah voilà, suffisait de demander ! N°1 se plie sur lui-même, touché à la poitrine. Les autres le regardent, bouche bée.
Viser…
Tirer.
N°2 se prend l’épaule, blessé, et recule. Alors n°3 se cache derrière le bastingage, prenant enfin conscience de la situation. Lam Oustash, le capitaine, est masqué par le grand mât à l’instar de Tony Lapelle. Je n’aperçois qu’un bout de son costume coloré, pas de quoi tenter un tir.
BANG
Une balle me frôle. Je jette un rapide coup d’œil dans ma lunette et remarque que n°3 a sorti un flingue. Et qu’il est à portée. Putain, on peut plus faire son boulot tranquillement !
- Blue, descend, ils arrivent !
- Ah bon, j’avais pas vu tiens !
Quel attardé celui-là… Me pressant, j’atterris donc sur le pont, indemne malgré les quelques autres tirs qui me passent autour. Une chance.
Au passage, je saisis un de mes thermos de café et l’engloutis presque entièrement.
- Outch…
- Qu’est-ce qu’t’as encore Blue ?
- L’était corsé lui… Ouh…
Y a pas à dire, je vais être au maximum de mes capacités ! Et même au-delà, vu la dose…
On se cache tous derrière ce qu’on peut, évitant les tirs de n°3. Il semble qu’ils n’aient qu’un seul pistolet, une chance. Mais bon, ils doivent quand même savoir se battre vu qu’ils ont une prime…
Leur bateau cogne le navire marchand, et Lam en profite pour gueuler.
- Nous sommes les pirates mineurs ! Primés à 1 et 2 millions de Berries, de terreurs des mers ! Rendez-vous et on vous tuera proprement !
C’est… assez pathétique. Pourquoi tous les pirates minables s’appuient sur leur prime ridicule pour essayer de faire croire qu’ils sont forts ? C’est moche…
Revolvers en main, je surgis de ma cache et ouvre le feu, tout en me déplaçant latéralement. Je vise, un peu, mais surtout je tire. Une fois les barillets vides, je me jette à terre, évitant un tir supposé. Mais j’entends n°3 qui crie, touché.
Jetant un coup d’œil, je vois Lam et Tony qui atterrissent sur le pont de notre bâtiment, l’un armé d’une pioche, l’autre d’une pelle. Ah oui, les pirates mineurs, j’viens de piger. Je vous laisser deviner qui a quelle arme ! Vous ne voyez pas ? Allez, un indice, le nom de Tony. Pas son prénom, son nom !
Déportant mon regard vers le fond du navire, je remarque des paires d’yeux effrayés qui scrutent la scène, cachés derrière le capitaine tout gras, et tout aussi tremblant que ses matelots.
Compris, je me démerde seul. J’ai juste eu le temps de recharger complètement un colt, alors je range l’autre et sors plutôt ma lame à dépecer.
Surgissant à nouveau, je largue trois bastos sur Lam, histoire de… Et ça fait son effet, car il se décale sur le côté plutôt que de me foncer dessus. Mais Lapelle en profite pour se précipiter vers moi, me donnant un coup que je dévie de mon couteau. D’un geste circulaire, je place mon flingue dans son dos et tire un coup.
Plus que Lam. Un grand coup de pioche m’arrive sur le coin de la tronche, alors je saute de côté. Heureusement, car l’outil de mineur vient transpercer le pont… pour s’y coincer.
- Eh bah, ça, c’est bête !
Un grand coup de pied dans sa tête, et il tombe au sol, hébété. Et moi, vu que j’ai vraiment pas envie de me prendre la tête, j’lui colle une balle entre les yeux, tachant au passage son beau costume ocre et pourpre avec plein de froufrous partout, et défrisant sa moustache par la même occasion.
Tony grogne, j’lui file un coup de pelle pour le calmer.
- Cap’, maintenant que vous et votre équipage vous avez fait un boulot magnifique, on va peut-être pouvoir repartir ?
- Euh… Ouais Blue. Merci. On t’aide à les emballer ?
- Oh, trop gentil de votre part !
- Sois pas acerbe comme ça, on n’est pas comme toi…
- Ouais, faites ça, j’vais fouiller leur cale.
---
Une heure après, nous voilà repartis. Les marchands ont récupéré les vivres des pirates et les matériaux en état, et moi j’suis tombé sur leur petite cagnotte. Pirates de pacotille, deux malheureux millions de Berries. Mais bon, c’est de la monnaie sonnante et trébuchante, alors moi je prends ! En plus des deux primes, ça fait cinq millions, ça m’intéresse bien.
- Cap’, du coup faudrait qu’on aille donner les corps à la marine, sinon la prime elle va me passer sous le nez.
- Bah… Il y a bien le QG de West Blue pas loin, mais c’est pas prévu dans le trajet…
- Les morts vont pourrir et contaminer la cargaison, et les prisonniers vivants vont devoir être nourris.
Il se retourne vers moi, un biscuit en bouche, et grommelle sans hésitation :
- Direction le QG de West Blue !
Moustache, Bounty et Chope
Base du G-3.
Et mes trois millions supplémentaires. Lam et Tony sont enfermés dans la cale depuis quelques jours, sans même avoir tenté de s’échapper. Bon, ils sont à moitié agonisants, certes. J’y suis peut-être allé un peu fort. Mais ça reste mon boulot, et j’ai pas encore eu de remord à exercer.
On accoste à la ville portuaire non militaire, où le capitaine du navire marchand en profite pour se ravitailler.
- Blue, on va pas rester longtemps, on doit reprendre la route. On t’attend ?
- Nan, je me débrouillerai, merci.
J’ai vraiment pas envie de continuer à traverser les mers avec ce porc et ces biscuits gras. Normalement, j’aurais dû le payer pour m’avoir accueilli à bord et s’être occupé de mes prisonniers, mais les vivres qu’il a pu récupérer sur leur embarcation feront l’affaire. Et, depuis cet épisode, j’ai l’impression qu’il n’ose pas trop me contredire quand je lui propose quelque chose. Rapport à la violente altercation que j’ai eue avec les pirates ? Certainement. Quoi qu’il en soit, je me satisfais.
Je vérifie les liens de mes primes et les emmène à travers la ville, direction le QG. Et je ne suis pas le seul : de nombreuses autres personnes empruntent la même route que moi, emportant avec eux des prisonniers, et parfois même des équipages entiers. Je savais qu’il y avait une forte population de chasseurs de primes sur cette île, mais tout de même !
Au fur et à mesure que j’approche de la base de la marine, le flot grossis, jusqu’à tous nous forcer à marcher plus lentement. Lam et Tony ne bronchent pas : lorsqu’ils ont fait mine de ne pas respecter mes ordres d’avancer, ils ont eu droit à une petite correction. Et je crois qu’ils préfèrent vivre en prison que crever de suite. Même si, dans l’absolu, moi je n’en ai rien à faire : les primes, c’est mort ou vif.
Au passage, je croise une taverne et me rappelle que ma réserve de café est bien basse. Pas envie de revivre les épisodes du passé où j’en ai manqué. Le tavernier me conseille :
- Tardez pas, à cette heure d’affluence, chaque seconde passée ici c’est une minute de plus d’attente au QG pour récupérer votre prime !
Merde. Cette île est vraiment étrange, qu’est-ce qu’ils ont tous ? Il y a autant de primes ramenées chaque jour ?
Effectivement. Arrivé à la base du QG, des panneaux indiquent un chemin à suivre pour se rendre au service « Dépose des primes », et sur place, des cordons délimitent une zone pour faire la queue. Et là, devant moi, s’étend une immense file d’attente, à perte de vue. Un autre chasseur rigole en voyant ma tête et m’informe :
- Et ça continue encore dedans ! Haha, ça en fait du monde, hein ?
- Jamais vu ça, ouaip…
- Pourtant, t’es pas tout jeune. Tu t’en sors encore ?
- Bof, j’trouve pas des gros poissons.
Lam grogne, mécontent que je le rabaisse. J’lui fous une tape sur l’arrière de la tête, histoire de le calmer.
- En même temps, sur les Blues, les grosses primes ça court pas les mers !
- Ouais mais c’est tranquille pépère.
- Vrai que pour un vieux comme toi…
- Eh, j’te permets pas !
- Oh, j’dis ça, j’dis rien moi. Mais vu ton âge, normal que tu ne t’aventures pas sur Grand Line.
- Tu sais c’qu’il te dit mon âge ?
Y commence à me courir sur le haricot lui. Ah ces jeunes… Rien que pour ça, j’irais bien sur Grand Line, prouver que je tiens encore la route en tant que chasseur.
A côté de la file, je vois un type traîner un capitaine pirate solidement enchaîné, et nous doubler tous, sans même nous adresser un coup d’œil. Tous les autres le regardent passer, poussant des « oooh » et des « aaah » impressionnés.
- Il fout quoi, lui ?
- Lui ? C’est un premium de la B.N.A.
- La B.N.A. ?
- T’es vraiment d’une autre époque, l’épave. La guilde des chasseurs de prime ! Ohé !
Bon, lui, je le classe comme emmerdeur de première. Je me renseignerai autre part. Je lui tourne le dos, lui signifiant ainsi mon refus de continuer toute discussion.
Après une bonne demi-heure d’attente, je croise un panneau indiquant : « Une heure d’attente à partir de ce point ». Eh merde. Les collègues sortent petit à petit des sandwichs, des casse-croûtes, des gâteaux et autres biscuits. Ah oui, l’heure du déjeuner approche, j’avais pas prévu le coup. Je lorgne sur leurs en-cas.
Un marchand ambulant passe à côté de la file, chantant à tue-tête un texte citant tous les produits qu’il propose à la vente. Je le hèle, lui demandant un sandwich. Il me répond en me donnant le prix.
- Quoi ? Mais c’est du vol !
- Eh, vous voulez manger ou pas ?
Pas le choix. Profiteur ! Heureusement que j’ai récupéré un peu de monnaie sur le bateau des pirates mineurs. Dans ma lancée, je prends même une bouteille d’eau à un prix atteignant des sommets.
Et j’arrive enfin dans le bâtiment, où la queue continue. Quand vient enfin mon tour, on me dirige vers un guichet.
- Vous avez les primes ?
- Euh, les affiches ?
- Yep.
- Bah non, qu’est-ce que j’en ferais ?
- Il les faut pour déposer vos prisonniers.
- Vous avez pas ces documents, ici ?
- Il y en a tellement qu’on a décidé de modifier la procédure.
- Et je fais comment moi ?
- Vous allez en trouver, dans les tavernes ou autre !
- Mais ça fait une heure et demie que j’attends !
- Pas mon problème.
Sont chiants la Marine avec leurs procédures à la con. Je tourne la tête à droite à gauche, cherchant un endroit où pourraient se trouver des affiches. Le type au guichet crie un « suivant » qui signifie qu’il veut me voir partir.
Soit.
Je me trimballe donc dans la ville avec mes deux zoulous à moitié crevés que j’suis obligé de traîner par terre. Mais ça ne semble choquer personne. Après avoir parcouru la moitié du port, je trouve enfin un type qui a les deux affiches qu’il me faut.
- J’veux bien te les passer, mais en échange de deux autres qu’il me manque !
Bein voyons. Je perds donc une heure supplémentaire en recherche de ce qu’il veut, pour enfin les trouver dans une taverne.
- Eh nan, on peut pas se servir comme ça ! Faut payer pour prendre les affiches ici !
Heureusement que je suis réglo, sinon je lui aurais collé une patate dans la tronche à ce tavernier. Cette île va me rendre taré.
Je retourne donc à mon gus et lui donne ses deux papiers en échange des miens.
Joie !
Retour au QG, mais cette fois j’avance plus vite dans la file, arrivant directement au panneau « une heure d’attente à partir de ce point ».
Je vous passe les détails, et me voici de nouveau au guichet.
- Ah, je vous ai déjà vu aujourd’hui !
- Ouais, j’ai vos foutues affiches…
- Parfait ! Alors… Signez là, là…
Je commence à apposer ma marque un peu partout.
- Là, là, là. Hum… Là, et là. Ah, et là, là, là, là, et euh là. Là ? Oui, et là. Et puis là aussi, là, là, là, là. Et pour finir… Là et là !
- …
- Procédures, procédures !
- Certes.
- Voilà, voici votre argent ! Trois millions de berries pour monsieur…
Il déchiffre mon nom.
- Euh… Blue !
- Mais ! C’est écrit Bartimeus Law U. Ether !
- Ouais mais j’aime pas prononcer les noms à rallonge, et vos initiales ça fait B.L.U.E. ! Blue !
- Ville de fous…
- Ah mais ça, c’est nouveau ! Avant c’était plus calme, mais depuis que la B.N.A. a la main mise sur les meilleurs chasseurs de primes, ça dépote grave !
- Mais c’est quoi, la B.N.A. ?
- Vous connaissez pas ? La Bounty National Agency, la seule vraie guilde de chasseurs de primes ! Tenez, un prospectus, ça pourrait vous intéresser, sait-on jamais.
Je prends le flyer, il y a plein de couleurs et de texte dessus. Bof, j’le lirai plus tard.
Je me dirige vers la sortie, après avoir laissé mes prisonniers à la Marine. Mais avant que je sorte, un type vient se planter devant moi.
- Hey, bonjour à toi, je vois que tu as notre dépliant en main ! Alors, intéressé ?
- Euh, à vrai dire j’…
- Oui, je sais, tu dois pas encore avoir eu le temps de le lire ! Alors laisse moi t’expliquer ! T’as cinq minutes ?
- Je…
- Paaaarfait ! Alors tu vois, la Bounty National Agency, c’est une grande famille, et surtout un moyen de te faire plein de pognon ! Tu vois, là, déjà, t’as du galérer avec les affiches. Vrai ?
- Yep, mais…
- Eh bah avec la B.N.A., tu passes juste à notre bureau et on te file tes affiches avant que tu te pointes ici, et t’es tranquille ! Et quant à la file, si t’es premium, tu passes devant grâce à notre accord avec les guichets !
- Premium ?
- Ah oui, pour faire partie de la B.N.A., faut juste payer un petit peu, et le premium est une sorte de position VIP ! Mais viens donc, on va s’installer pour discuter plus posément sur les conditions !
N’ayant pas trop le choix étant donné son important débit de paroles, je le suis, et on s’assied à une table dans une salle connexe. D’autres personnes sont en train de parler avec des chasseurs, comme moi je pense. Quelle industrie !
Il sort des documents et me les présente.
- Alors, tu vois, il y a plusieurs formules. Mais bon, personnellement, je te conseillerais la formule premium évidemment, c’est la meilleure ! Et niveau prix, ça reste vachement abordable évidemment. Alors tu vois, à la B.N.A., on te propose plein de services. Déjà t’as droit gratuitement à la gazette des chasseurs de primes, histoire de rester dans le coup. Et ensuite, moyennant un prix très abordable, t’as le droit à plein de choses supplémentaires ! Du genre réserver officiellement un primé, et c’est totalement respecté par toute la guilde, avoir des informations supplémentaires sur ceux que tu recherches, la possibilité d’aller rendre visite à des criminels en prison, et plein d’autres magnifiques choses !
- Et euh… ça coûte quoi ?
- Alors, concrètement, c’est un pourcentage de chaque prime que tu captures. Pour la version classique du contrat, c’est 2%, mais les infos supplémentaires coûtent bonbon, et je te parle même pas de la réservation d’une prime. Par contre, tu vois, si tu passes premium, oulala ! T’as absolument tout gratuitement et à volonté, à condition que tu te serves des infos pour toi, personnellement. Genre, pas de revente, ni rien. Et on surveille ! Et tout ça, pour la très très modique part de 10% de chacune de tes primes ! Bon, bien sûr, t’as vivement intérêt à pas nous entourlouper, mais tant que tu payes ta cotisation, t’as la belle vie ! Alors, tu signes ?
- Euh…
- Tu le regretteras pas ! Et si tu veux te désinscrire, tu peux, moyennant une petite somme pour la documentation administrative. Tiens, là renseigne juste tes informations personnelles, nom, prénom, date de naissance, bla bla bla… Et signe !
Je réfléchis peu, car le mec m’a convaincu, et franchement ça a l’air intéressant. Alors oui, évidemment, je signe !
- Bieeen ! Bienvenue à la B.N.A., Bar…
Aaaah, enfin ?
- Euh… Blue !
- Bartimeus Law U. Ether !
- Trop compliqué, bienvenue Blue, te voilà premium !
Bon. Raté.
Au moins, me voilà dans une guilde assez intéressante ! Le recruteur me donne un tas de papiers, et notamment les indications pour me rendre à l’agora, place centrale du réseau de la B.N.A. Plein d’informations, selon lui !
L’Agora.
Lieu de passage, lieu de vie, lieu d’échange. L’Agora, construite par la B.N.A., entretenue par la B.N.A., occupée par la B.N.A.
Des affiches placardées partout, des chasseurs de primes discutant entre eux, allant rénover leurs armes, et des stands de l’Agency qui proposent à tous leurs services. Renseignements, informations, conseils, offres, vous trouverez de tout à l’Agora !
Et surtout, là, j’y trouve mon bonheur : dans une échoppe, un attirail complet pour faire du café ! Le torréfacteur, du bon grain, des filtres, des récipients et autres ustensiles tout aussi importants. Du matériel de professionnel, le genre de chose qui ne cassera pas au bout des centaines de litres que je prévois de faire. Ni une, ni deux, j’achète le tout, pour la somme exceptionnelle – selon le vendeur, mais je trouve ça un peu cher personnellement – de un million de berries. Heureusement que je commence à cumuler pas mal, là.
Dans ma lancée, je prends également le chemin de « Cagouilles Land », un magasin spécialisé dans la vente de Den Den Mushi. Je n’en ai jamais eus, mais la B.N.A. m’a conseillé d’en prendre, afin de contacter leurs bureaux le plus facilement possible. Pas con. Du coup, me voici désormais l’heureux possesseur d’un Normal Den Den à 350.000 berries.
Correctement équipé, je reviens à l’Agora.
- Ils ont capturé un Chopé ! Ils ont capturé un Chopé !
Un type court sur toute la place, vers le stand central de la B.N.A.
- Ils l’ont enfermé au G-3 !
Je m’approche de l’attroupement et me faufile devant, pour mieux comprendre. En fait, ça parle beaucoup, et ça crie dans tous les sens. Il paraît que la marine a arrêté un membre de l’équipage d’un certain Barry la Chope, un capitaine à la prime de trente millions. Et là, ça m’intéresse beaucoup. Alors je demande des infos un peu partout, en montrant ma carte récemment acquise de premium de la B.N.A., pour passer devant tout le monde. Très étonnant, que peu aient pris l’option premium. Mais moi, ça m’arrange.
Barry la Chope, il est à la tête de plus d’une centaine de pirates et vient de se lancer dans la destruction de villes, suivies d’un pillage en règle. Enfin, en règle… La marine ne semble pas apprécier – et ça se comprend – au vu de sa prime. On me dit aussi que les chasseurs de primes hésitent à se lancer à sa poursuite, à cause de l’importance de l’équipage. C’est vrai que s’arranger pour capturer plus de cent personnes, c’est assez chaud.
Mais moi, dans la journée on n’a pas arrêté de me dire que je me faisais vieux et que tout ça n’était plus de mon âge. Alors il me tente bien, le Barry. D’autant plus qu’un membre de son équipage vient de se faire enfermer, et qu’il peut potentiellement avoir des infos sur les futurs déplacements du capitaine.
Alors je me lance. Et, m’adressant au stand principal de la B.N.A. :
- J’le réserve !
- Qui ça ?
- Bah Barry !
- Vous réservez Barry la Chope ???
- Yep, placez moi la réservation avant qu’on me la pique !
- Waw ! Quel nom ?
- Bartimeus Law U. Ether !
- Bartime-quoi ?
- B-a-r-t-i-m-e-u-s L-a…
- Laissez tomber, c’est quoi vos initiales ?
- … B. L. U. E.
- Ah, c’est marrant, ça fait « Blue » !
- Oh oui tiens……………………..
Le gars se lève d’un bond et brandit l’affiche de Barry la Chope et ses trente millions de berries.
- Barry la Chope vient d’être officiellement réservé par un nouvel arrivant, j’ai nommé, Blue !
Le silence tombe d’un coup sur l’attroupement, et tous se tournent vers moi, avec de grands yeux, la plupart bouche bée. Beh quoi, j’ai fait quoi ?
- Oh, c’est qu’une réservation hein !
Mais ça ne semble pas les affecter. Ils partent dans un tonnerre d’applaudissements et de cris, de hip-hip-hip-hourra, et que sais-je encore…
Ouais on se calme les mecs, j’ai juste réservé un primé…
Après avoir réussi à m’extraire de la foule, en ayant pris soin de relever les coordonnées des bureaux de la B.N.A. pour pouvoir les joindre par Den Den, je me dirige avec tout mon fatras vers le QG.
Direction la prison, mon passe-droit pour une visite en main.
J’l’aime bien, cette île. Le coup de la guilde des chasseurs de primes, je dois avouer que ça m’a tout de suite plu. Cette possibilité d’avoir des indications supplémentaires pour traquer des primes toujours plus élevées, ça m’intéresse vraiment. Et honnêtement, le prix n’est vraiment pas élevé.
Barry la Chope, ça a l’air d’être un gros poisson, j’espère ne pas avoir fait de connerie. Mais bon, en plus de quarante années de carrière, j’ai jamais frôlé la mort plus de…
- Mince, j’ai pas assez de doigts…
Bref. J’ai certainement fait de grosses conneries, mais là je l’sens bien. Et puis, avec le temps je remarque qu’on me traite de plus en plus de vieux, et j’aime pas du tout ça. Va falloir que ça change. Et pour qu’on me perçoive différemment, quoi de mieux que de se faire connaître à coup de captures toujours plus impressionnantes ? Un capitaine et sa centaine de membres d’équipage, ça fera briller pas mal d’yeux. Et surtout, les on-dit sur le fait que je sois vieux cesseront, au moins pour un temps.
---
La prison du G-3.
Grande, majestueuse, se dressant autant en hauteur qu’en profondeur. Capable d’accueillir l’incroyable quantité de primés rapportés chaque jour par les nombreux chasseurs de primes hébergés sur l’île.
Et moi, je vise d’en ramener une centaine supplémentaire. Ouais, toujours plus !
Avec mon passe-droit couplé à ma carte de premium de la B.N.A., on me fait aller tout droit directement vers la salle d’interrogatoire. Merde, et je vais lui raconter quoi à ce type ?
J’ai avec moi tout le bazar que j’ai acheté dans la journée, et une magnifique idée se dessine dans mon esprit. J’installe alors mes ustensiles de préparation de café sur la petite table au milieu de la pièce et demande à ce qu’on m’apporte de l’eau. Le garde me regarde bizarrement, mais accepte ma requête. Faut croire que les idées farfelues sont monnaie courante ici. Alors je prépare un café, un bien noir, bien corsé, bien puissant, comme je les aime. Enfin… Pas un café, mais plusieurs litres.
On m’apporte le prisonnier, qui s’assied devant moi, jetant un regard bizarre à mon matériel. Je fais signe au Marine :
- R’tirez lui donc les menottes, il va pas m’faire de mal, on va juste discuter.
Effectivement, le pauvre bougre est un chétif. Pirate, mais ridiculement ridicule. Oui oui, vraiment. Maigre comme un clou, un strabisme comme c’est pas permis et un nez plat, tout plat. Le soldat nous laisse enfin seul à seul.
- J’dirai rien.
- Eh bah, ça commence mal !
J’dis ça sur un ton amusant, comme si on était potes. Je continue ma petite préparation de café, sous ses yeux étonnés. Hehe, ça t’intrigue hein mon grand ? C’est l’but, t’en fais pas. Une fois la mixture prête, et sans avoir ajouté un mot supplémentaire, je m’en sers une grande tasse que je commence à savourer.
Mmmh, il a une odeur légère, et son goût est si doux ! Mais il cache bien son jeu, mon café, j’l’ai bien réussi. Au bout de quelques secondes, je sens au fond de moi son effet arriver. Bien fort ! Il va me remonter lui, j’ose à peine imaginer l’effet sur le pirate chétif qui va me servir d’indic’. J’lui fais signe, en lui montrant ma tasse.
- T’en veux ?
Il me répond pas, l’air renfrogné.
- C’toi qui voit, hein, mais on va passer la nuit ici, et si tu veux pas craquer à cause de la fatigue, va falloir prendre des forces.
Toujours le silence.
- Moi en tout cas, j’vais pas dormir.
Mais il ne cède pas. Bien sûr, il sait que c’est une technique. Mais bientôt, il n’aura plus le choix de refuser. Bon, passons à un autre divertissement. Attendons. Je continue à siroter mon café, sans le lâcher des yeux à un seul instant. Des gouttes de sueur perlent sur son front, et viennent s’échouer sur ses genoux. Pour feindre le désintérêt vis-à-vis de ma personne, il laisse son regard se balader dans la toute petite pièce.
Mais les murs sobres dépourvus de toute couleur, faiblement éclairés par la petite lampe de plafond, le lassent bien rapidement. Et le voilà revenu à moi. Il cligne des yeux frénétiquement, comme pour réprimer une envie de dormir. Tu commences à murir, toi !
De mes mains silencieuses, je décharge totalement l’un de mes revolvers et le range bien caché sous mon large manteau. Puis je continue à boire mon breuvage de vie.
Les minutes puis les heures passent. A un moment, il fait mine de s’endormir.
- ON SE REVEEEEEEILLE !!!
Je tape un grand coup sur la table, il sursaute jusqu’au plafond. Son palpitant bat la chamade, je souris, il grogne, je bois. Et nous continuons notre jeu de regards. Là, je vois que je commence à gagner, et je vois qu’il s’en rend compte.
A nouveau, il s’assoupit, et je l’extirpe de sa rêverie aussi sec.
- AAAaaaah non non non, pitié ! J’vais tout vous dire !
Mais il se reprend soudain, comme s’il avait dit cela par réflexe, comme depuis un cauchemar.
- Putain… Laissez tomber, j’dirai rien.
Mal parti mon gars.
- Sûr que tu veux pas du café ? La prochaine, tu me vendrais même ta famille pour que je te laisse dormir tranquille !
Il semble réfléchir quelques instants, puis :
- Envoyez une tasse.
Bingo ! Dans l’mille, tu vas douiller petit. Je lui sers une grande tasse du liquide aux vertus surpuissantes. Il y trempe ses lèvres, méfiant, tandis que j’en bois une gorgée supplémentaire. Puis il se lance. Sa bouche esquisse un sourire satisfait, tandis que l’arôme chatouille ses papilles.
- L’est bon, hein ?
- Ouaip’ !
Cette fois, il n’a pas tenté de me laisser à l’écart de ses sentiments. Il continue à boire, jusqu’à finir la tasse très rapidement. Faut dire qu’un café si bien préparé, ça se boit comme du p’tit lait !
Et là, sous mes yeux, la toute-puissance de ma mixture fait son effet. Son regard se fige, dans ma direction, les nerfs de ses yeux s’excitent, ses paupières sursautent, sa mouche dessine un rictus crispé, il est mal. Il peine à prononcer des mots, je l’aide :
- Ouais, je sais, il est corsé, hein ?
Moi j’en ai bien l’habitude. Mais lui, il doit pas apprécier la sensation. Ce café-là, il est tellement fort qu’il vous réveillerait un mort. Alors là, le pauvre bougre, il va douiller sévère.
Tandis qu’il est choqué par l’effet de surexcitation poussé à l’extrême, je sors le grand numéro.
- Allez mon gars, on va jouer à un jeu ! Tu vois ce flingue ?
Il me regarde, les yeux sautillants, sans parvenir à répondre. Je sors mon révolver, celui qu’est encore chargé.
- J’suis sympa, on va la jouer light, je retire cinq des six cartouches. Regarde… Une, deux, trois, quatre, et cinq. Et j’suis réglo, je sais que dans ton état t’arrives même pas à les compter ! Allez, regarde, il en reste qu’une. C’est bon ? Ok !
Clac, je remets en place le barillet, et je me lève, pour me placer derrière lui, caressant au passage la table métallique du bout du canon de l’arme. En passant dans son angle mort, j’intervertis silencieusement le révolver à une balle et le vide.
- J’connais un jeu pas mal, ça s’appelle la Bounty-Roulette !
Nom improvisé sur le tas, pas trouvé mieux.
- Je vais poser une question, si tu réponds pas, je presse la détente ! Avec un peu de chance, ça tombe pas sur la balle ! Et allez, je suis bon joueur, je vais viser ta tempe, comme ça tu souffriras pas quand tu mourras !
Il tremble et transpire comme jamais, toujours sous l’effet de mon café, couplé à la paralysie de la peur.
- Alors, dis-moi… Il prévoit d’attaquer quoi cette fois, le petit Barry la Chope ?
Pas de réponse, juste un « mmmmmmmm » qui montre qu’il fait tout pour se retenir de parler.
CLAC
- Oh, t’es un chanceux toi ! Bon, on recommence ? Allez !
Je fais tourner le barillet à toute vitesse.
- Il prévoit d’attaquer où, le petit Barry la Chope ?
Il a les sens exacerbés, il sait que je peux le tuer à tout instant. Pour renforcer l’effet, je vais me placer directement devant lui, pointant mon canon sur son front. Il bégaie.
- J-j-j-j-j-je v-v-v-v-vais vous l’d-d-d-d-d…
CLAC
- Chanceeeeux ! Faut pas traîner si tu veux parler mon grand, sinon tu s’ras mort !
Il plane totalement. Le café a eu beaucoup plus d’effet que prévu. Et ça, rajouté à la peur de la mort, ça lui délie instantanément la langue, au point qu’il pourrait me faire toute son autobiographie.
- Barry il en parle pas beaucoup, il parlait juste d’un lieu pour se placer et attendre les nouvelles recrues, c’est une île déserte, pleine de forêt, j’en sais plus rien pitiééééééé me tueezzz paaaaaas !
- Un Archipel ? L'Archipel Vert ?
- Ouiiiii c’est çaaaaa !
- Il veut l’attaquer ? Mais y a rien dessus !
- Naaaaooooonnn, juste s’y poser quelques jours avant de repartiiiiiir ! Pitiiéééééé !
Bon, j’en tirerai plus rien. Alors, avec toujours mon arme pointée vers lui, je décompte.
- Je tire dans 3…
- Noooon non non non non non non non !!!
- 2…
- Pitiéééééé j’vous ai tout diiiiiit !
- 1…
- AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAhhhhhhh !
- 0 !
CLAC !
Un « clac » toujours vide, barillet vide oblige. Mais ça fait son effet, le pirate s’effondre sur le coup, inconscient.
Un soldat vient ouvrir brusquement la porte, me demandant ce qu’il se passe.
- Oh, rien, il a juste besoin de dormir, j’ai terminé avec lui ! Merci !
Le Marine me fait une grimace, mais il sait qu’il a pas le choix. J’ai rien fait d’illégal. Si ? Oh, non ? Alleeeez ! Juste un petit interrogatoire avec torture psychologique. J’aime bien ça.
Je remballe mon matériel et me dirige vers la ville portuaire. Bon, l'Archipel Vert, hein ? S’ils recrutent, j’vais en profiter pour les rejoindre. De l’intérieur, j’vais pouvoir trouver un moyen de m’occuper d’eux.
Le port est toujours, à mon grand étonnement, bouillonnant de monde malgré la nuit profonde. Les ventes à la criée continuent, alors j’en profite pour acheter du grain en plus, pour le café. Et deux trois ingrédients pour relever les arômes. Et un petit truc spécial en plus, une idée qui m’est venue comme ça, pour un plan sympathique avec Barry. Mais chuuuut !
Bon… C’pas compliqué, si je veux faire semblant de me faire recruter par les Chopés, faut que je les rejoigne. Et pas à bord d’un navire marchand, comme à mon habitude. Non, une embarcation en solo c’est mieux. Et ça tombe bien, parce qu’à cette période de l’année la navigation solo c’est pas trop risqué. Et avec mes connaissances de la mer ne me seront pas de trop. J’vous l’avais dit les jeunots, être vieux, ça a des avantages multiples !
Alors je négocie l’achat d’une barque, une petite coque de noix. Un navire de type filadière, de 8 mètres de long. De quoi placer mes affaires à l’abri des embruns et voguer au gré des courants. Bon, ça vide encore ma bourse, de quatre millions supplémentaires. Mais si ça me permet de toucher la prime de Barry, j’accepte le sacrifice.
Avant de prendre la mer, je vérifie tout. Munitions, ok. Réserve de café, ok. Eau claire pour en préparer de nouveau, ok. Matériel, ok. Voiles, ok. Et de quoi manger ? Ok.
Alors c’est parti, l'Archipel Vert, Barry, me voilà !