Banaro, autour de 19 heures...
On y était, sur Grand Line, sur la route de tous les périls. Et la première escale de notre bande de bras cassés : Banaro. Un caillou mort sans le moindre intérêt, sur lequel planait une atmosphère sinistre et déprimante. Au loin là-bas, on voyait un petit village, une poignée de bâtiments en bois qui tenaient à peine debout, entourés d'immenses rochers qui semblaient étrangers à ce paysage, comme s'ils avaient été planté là par je ne sais quelle force surnaturelle. Et à part ça, pas une âme en vue, pire encore les gens semblaient éviter l'endroit comme la peste. Pas loin, une sorte de panneau fait à l'arrache indiquait la direction de l'entrée des tunnels souterrains, là où se trouvait apparemment une ville. Au port, les gens arrivaient avec des têtes de déterrés, et d'autres partaient avec une expression de profond soulagement, comme cette île n'était autre que l'enfer même sur terre.
Je n'avais pas de mal à les comprendre, affichant une expression bien similaire au reste des nouveaux arrivants. Que des gens aillent volontairement vivre sous terre alors qu'un village aurait pu les accueillir à la surface... Qu'est-ce qui avait pu passer par la tête de ces gens, pour qu'ils aillent s'enterrer volontairement, se privant au passage d'air frais et de la lumière du soleil ?
On dit que la connerie humaine n'a pas de limite, je commençais vraiment à piger pourquoi...
"Tu vas rester là longtemps, à admirer le paysage ? Tu bloques le passage, l'ami."
Sanzo était derrière moi, me regardant avec un petit sourire amusé à la vue de mon désespoir. Il était un pirate indépendant, mais faisait auparavant partiee des Fushi Akuma, équipage dont je cherchais le capitaine et tous les survivants depuis cinq ans, sans réussite... du moins jusqu'à il y a quelques mois où j'ai retrouvé le gaillard aux cheveux verts. Ça avait été une grosse dose d'espoir pour moi qui commençait alors à en manquer cruellement. Depuis nos retrouvailles, la possibilité de retrouver mon idole et le reste de son équipage me paraissait de nouveau réaliste, et encore plus depuis qu'on avait eu vent de rumeurs sur Howard Prince, un autre membre de cette équipage qui a mes yeux était le plus mythique et le plus puissant de tous les temps... jusqu'à ce qu'ils se fassent balayer par une immense vague un jour de tempête et en plein milieu d'un combat mortel contre la marine. Au moins on peut dire qu'ils avaient été difficiles à crever.
"Mais... tu veux vraiment qu'on aille sous terre ? C'est pas naturel pour un humain d'aller sous la terre, je te le dis ça doit être pas bon pour la santé ou un truc comme ça. Je veux dire, on est pas des taupes, ou des rats, ou des... je-sais-pas-quoi ! Regarde tous les gens qui quittent l'île, ça se voit sur leur visage que c'est une mauvaise idée... On peut pas juste se barrer d'ici et enquêter sur la prochaine île ?"
"Si seulement... Malheureusement on doit attendre que ce foutu Log Pose se recharge. Avec un peu de chance ça sera rapide... sinon, ben..."
"Parle pas de malheur..."
Derrière Sanzo se tenait Neil, avec une expression bien similaire à la mienne. Un ex-capitaine pirate qui avait perdu tout son équipage et qu'on avait rencontré sur Luvneel juste avant de partir pour Reverse Mountain. Certes la rencontre avait été assez inhabituelle, vu qu'on l'avait d'abord attaqué puis menacé de mort s'il ne nous laissait pas naviguer sur son bateau, mais une rencontre est une rencontre... Enfin, il n'était pas très utile en baston comparé à nous deux, risquait à tout moment de se retourner contre nous à la moindre occasion, mais il savait naviguer un navire, ce que ni Sanzo ni moi savions faire.
Après un profond soupire, et une clope au bec plus tard, je posais enfin mon premier pas sur l'île, sans grand enthousiasme. Comme convenu, on se mit en route pour la ville troglodyte sans attendre, là où notre enquête commencerait, mais sans bien plus de motivation de mon côté. Enfin, quand il faut y aller, il faut y aller, et si je devais faire un séjour en enfer pour retrouver Prince, alors ainsi soit-il...
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J'avais espéré que notre enquête s'achèverait rapidement, mais le principe de l'emmerdement maximum en avait voulu autrement... D'abord, le coin était bien pire que je n'aurais imaginé. Un trou à rat, c'était la seule façon de décrire cette ville. Pire que des taudis, la misère se trouvait à tous les coins de rues, que dis-je : à tous les pas de portes. Certains gars au regard pas très rassurant ne nous quittaient pas des yeux, comme des prédateurs espionnant leur proie en attendant qu'on ne s'engouffre dans un coin pas trop peuplé pour nous sauter dessus et nous débarrasser de toutes nos possessions... et aussi parfois de nos vies.
Erreur d'appréciation majeure de leur part. S'ils étaient des prédateurs, bah... on était au sommet de la chaîne alimentaire et eux... n'étaient plus grand chose si ce n'est morts.
Enfin, si ce n'était que ça, ça aurait été. Maaaaaiiiis... ça aurait été trop simple ! La moindre personne à qui on adressait la parole pour informations ou pour notre pseudo-enquête réagissait de trois manières différentes : on nous ignorait royalement, on nous demandait de l'argent en échange d'informations qu'ils n'avaient de toutes façons pas, et... c'était à peu près tout en fait...
"Sanzo, je vais pas tenir. Je te jure que le prochain qui balance pas l'info directement, je lui tire une balle dans le cra- non en fait je lui vide mes chargeurs dans le corps."
"Ouais, même moi ça commence à me gonfler. Mes grappins commencent à me démanger, huhuhu..."
"Peut-être qu'on aura plus de chances si on se renseigne à la taverne là. Vous savez, celle qu'on a passé tout à l'heure."
"Ça vaut le coup d'essayer. De toutes façons il commence à se faire tard. Au pire on reprendra demain..."
Et c'est ce que l'on fit. Meilleure idée que l'on ait eu de toute la journée, d'ailleurs. Parce que si les rues étaient un repaire de crasseux malhonnêtes et vicieux, l'intérieur de la taverne était tout de suite bien plus familier : un repère de pirates et autres voyages de Grand Line venu se réfugier de la misère ambiante en attendant que leur Log Pose ne se recharge. Bon il étaient tout aussi malhonnêtes et vicieux en plus d'être vulgaires, mais on s'est senti tout de suite chez nous !
Contre toutes attentes, l'atmosphère était assez détendue. Pas de regard intimidant... Ou presque. En tout cas la plupart discutaient tranquillement entre potes sans réellement prêter attention au reste. Certainement qu'il existait une sorte de consensus implicite pour éviter de saccager le seul "havre de paix" restant sur cette foutue île. Un havre de paix rempli de pirates, de mercenaires, de chasseurs très certainement, et de je ne sais quels rebuts de la société encore... on aura tout entendu.
Mais je n'allais pas m'en plaindre, oh que non...
Le propriétaire du bâtiment était un mec bien baraqué, un requis certainement pour tenir un business dans ce trou à rat sans se faire dépouiller de façon régulière. Il avait quand même une gueule bien sympathique, ou peut-être était-ce parce qu'on était des clients avec de l'argent à dépenser ? Mes avis qu'il y avait un peu de ça.
Comme d'habitude, on se posa au bar pour commander à boire. "Comme d'habitude"... J'avais comme l'impression que je me retrouvais souvent dans une taverne à commander à boire. Pas que je sois alcoolo hein, nan ! Pas mon genre ! Sûrement que c'est le meilleur moyen de trouver des infos... ouais ce doit être ça !
"Hey patron ! Vous auriez pas entendu parler d'un certain Howard Prince récemment ?"
Je sentais le manque de conviction dans la voix de mon compagnon, ce qui était assez étrange compte tenu du fait qu'il avait toujours un sourire en coin et dégageait une certaine confiance en soit. Mais même lui commençait à être affecté par l'ambiance de l'île.
De mon côté, je priais pour qu'au moins le proprio ne nous demande pas de l'argent en échange de l'info...
"Howard Prince... Ouais ça me dit quelque chose..."
Ô joie ! Ô bonheur ! Ô espoir !