Un gros cigare Num.5 (Barbe noire) bien calé dans la commissure des lèvres, je regarde d'un air songeur les rives de la première île de Grand Line que mes Sea Wolfs et moi nous apprêtons à fouler. Jusqu'ici cette délicieuse mer a été à la hauteur de sa réputation, nous infligeant un lot quotidien de plaies et de défis, soudant l'équipage comme seul sait le faire l'adversité. L'excitation et l'appel de la gloire y a aussi joué un sacré rôle bien sûr huhuhu. Toujours est-il que j'attends beaucoup de cette première escale... Dangers... Berries... honneurs... le minimum quoi.
C'est donc un peu dubitatif que j'ai observé les côtes depuis le pont supérieur de mon navire, regardant avec méfiance les paisibles petits ports de plaisance et de loisir dispersés tout au long des rives... Entre ce soleil étincelant et ce petit air de station balnéaire, j'ai un peu du mal à imaginer le lieu envahi par le crime et la vilénie. Le pire est encore ces lueurs multicolores qui accompagne une abominable musique de fête foraine au centre de l'île... Avant même d'y être j'en ai déjà la nausée. Innocent Island... Une île de bonheur et de joie, exempte de tout vice...
Exempte de tout vice ?! Mon cul ! Nul n'est innocent, je suis bien placé pour le savoir. Surtout que je sais de source sûre qu'un ver est dans la pomme, un chouette ver à 48 millions de Berries du nom de Rowbert. Rien qu'cette idée me remonte le moral et me donne des fourmis dans les jambes. L'excitation de la chasse est là, je sens la bête en moi qui ne demande qu'à être lâchée sur les traces du pirate. Patience, patience... Savourons chaque instant de la traque, le plaisir de la battue n'en sera que meilleur.
Malgré toute ma bonne volonté, j'ai tout de même du mal à ne pas me précipiter lorsque je saute d'un bond sur le quai où nous avons accosté, n'attendant même pas que mes hommes abattent la passerelle de débarquement. Je leur fais confiance pour la suite des opérations, les hommes de quart sauront très bien gérer le Fenrir durant toute la durée que nous devrons passer ici à regarder notre Log Pose se charger. Ceci devrait nous donner largement assez de temps pour mettre sous les verrous Rowbert et ses « Drinkers pirates ». C'est donc sans un regard en regard en arrière vers mon navire qui finit d'accoster que je m'élance déjà à grand pas sur les quais du port, bombant le torse avec fierté tandis que le parfum de l'aventure me caresse le cœur. Je sais que les plus impatients d'entre-eux me suivront sans hésitation, après avoir réglé les menus détails administratifs avec le chef d'embarcadère. Une tâche ingrate de moins sur mes épaules huhuhu.
Rhalalala... Rien qu'en laissant vagabonder mes yeux durant le court trajet jusqu'au centre de la ville, j'ai pu discerner sans aucun mal une foule d'individus à l'âme noircie par la culpabilité ou le vice... Huhuhu ce charmant petit port regorge en réalité d'une masse non négligeable de petits truands, d'anarchistes et de pirates de passage. Mon flair ne m'a jamais trahi dans ce domaine et je peux vous certifier que le laxisme de ce « Mon Père » fait visiblement bien des heureux. Drôle de façon d'administrer son île, vraiment. Mais bon, tant qu'ils ne se risquent pas à m'aborder je ne devrais avoir aucun mal à me retenir de courir après ces hors-la-loi de seconde zone, qui ne cherchent apparemment qu'à entrer discrètement sur Grand Line. J'ai un objectif bien plus alléchant en vue : la « Brasserie de l'écume maltée ».
Selon les bavardages forcés de notre prisonnier de Reverse Mountain, il s'agirait là du lieu de rassemblement habituel de l'équipage de Rowbert, qui en aurait fait son QG. Décidément cet équipage ne semble pas pouvoir se passer de boisson plus de cinq minutes, ils méritent leur nom de « Drinkers Pirates » . Mais j'dois dire que l'édifice en jette un max, et que j'aurais surement fait le même choix à leur place. Devant la gigantesque bâtisse je marque donc un temps, profitant de l'occasion pour tirer bouffée sur bouffée de mon puissant cigare. L'aventure est là, tapis derrières ces deux colossales portes, ne demandant qu'à être dévoilée. Mes loups doivent le sentir eux aussi, tout comme moi ils ont ça dans le sang. Une sensation familière me revient alors, celle de tensions qui s'accumulent comme avant l'orage, attendant le premier petit déclic.
Une fois que je suis assuré que l'adrénaline a eu le temps de monter dans le cœur de tous mes hommes, je me dirige avec un sourire vers l'entrée du bâtiment, posant mes immenses mains palmées sur les deux battants que je m'apprête à ouvrir en grand. Derrière-moi tous les Sea Wolfs présents sont prêts, ils savent ce que j'espère d'eux.
"Vous êtes prêts les enfants ?"