Ce jour là, le temps était clair. Le soleil triomphait haut dans le ciel. Mais ici sur terre, au Grey T, pour la chaleur, l'atterrissage était rude dans les relants d'ordure. Moi, je m'en foutais. J'y étais habitué. C'était mon quotidien, mon terrain de jeux. Coups tordus, coups de poings, coups de pied dans le dos. Coups de sang.
Si t'as pas mieux que les autres, arrache leur des mains. Ou ferme ta gueule et crève dans ton coin.
Assis sur une butte, je taillais une branche pour tailler l'ennui. Avant d'en avoir. J'en avais tôt ou tard. Ce que je savais pas, c'est justement que quelque chose allait m'ennuyer.
- Hoy Mah' !
Je me retournai, c'était Spica, chargée d'un sac bien rempli, elle essayait de sourire. J'aurais du le savoir que ça puait ce sourire.
- Qu'est ce que tu fais ? T'es triste à rester tout seul dans ton coin. Qu'est ce qu'il t'a fait ce bâton pour que tu te venges dessus ?
- Yo Spica ... Je m'emmerde ...
Elle était venue s'asseoir à côté de moi. Je l'aimais bien cette fille. Je crois même que si j'avais une crête, c'est parce qu'elle était stylée avec la sienne. Ouais bon, elle était rose mais c'est normal, c'est une fille. Je sais toujours pas comment elle faisait. Elle gardait toujours le sourire, elle était toujours habillée avec des belles couleurs bien vives. Moi ce tas de merde m'inspirait pas mal avec sa grisaille. Bah elle, ça lui donnait des forces pour s'élever.
- Bon, mon vieux Mahach, je vais pas tortiller du cul pour tourner autour du pot : faut qu'on cause.
Je m'en foutais, je taillais mon bout de bois.
- Mais on cause pas déjà là ?
- Haha, putain t'es con, arrêtes !
Elle m'avait décoché une droite sur l'épaule. Si je n'y avais pas été habitué, j'aurais certainement eu mal.
- Nan, faut que je te parle sérieusement.
Putain. On avait déjà pas mal parlé sérieusement, et c'était jamais bon. Comme des grands, on avait parlé philosophie. On avait des vies de merde, mais la métaphysique nous prenait quand même au coeur parfois. On rêve tous d'idéal quand on est tout petit. Les pieds dans la merde, on rêve tous de s'envoler dans ce ciel bleu, loin de la puanteur habituelle de poubelle en été. Sauf que. Comme on peut pas vraiment se dépêtrer de là, bah ça fait encore plus mal.
On voulait tous se tirer d'ici. Moi pour faire gouter un peu de ma vie aux culs bénis, elle pour bénir les culs de ceux qui sont comme nous. Je trouvais ça totalement con, la vie nous a craché dessus, et faudrait dire amen ? Nan, je comptais bien lui en faire baver à la vie. Peut être que comme moi elle se foutait de pas mal de choses, dont je faisais peut être -surement- parti, mais moi aussi je m'en foutais qu'elle s'en foute. A force, elle pourrait plus m'ignorer.
Bref, ça finissais jamais bien quand on parlait de ça.
- Ouais, tu sais, on en a beaucoup parlé ...
Putain, c'était vraiment ça.
- Si j'étais pas là les derniers temps, y'a une raison ...
Elle avait baissé la tête, triste, et je craignais le pire. Je voulais pas y croire, je le savais d'avance, mais tant qu'elle ne l'avait pas dit, ça ne pouvait pas être vrai. Pourtant mon poing commençait déjà à se fermer sur une poignée de terre.
- J'ai enfin pu réunir un peu d'argent. Quelques vols, c'était risqué, mais je pouvais pas ne pas le faire. C'est mon but tu comprends ?
Putain que ça faisait mal. Elle s'était tournée vers moi pour me regarder dans les yeux, mais c'était à mon tour de baisser la tête. Je regardais la terre, les sourcils froncés. Plein de colère, de tristesse et d'incompréhension. Mon poing serrait fort la poignée de terre avant qu'il vienne frapper le tronc d'arbre juste à côté.
- T-Tu ... Tu vas partir, c'est ça ? Hein ?
Les larmes me montaient aux yeux, mais je ne pleurais que de la rage.
- S'il te plait Mahach ...
- Réponds moi. REPONDS MOI !
Je ne voulais pas, je ne pouvais pas réaliser ... Elle, celle qui m'a toujours soutenu, plus que ma soeur !
- Oui.
Ce mot a résonné comme une balle dans ma tête. Elle a posé sa main sur mon épaule, délicatement, pleine de tact. C'était comme si elle m'écorchait vif. Et elle l'avait bien compris. Alors encore une fois, elle s'était montrée maladroite en essayant de m'engueuler pour arrêter de me faire souffrir, pour partir sur une engueulade et ne pas souffrir pendant plusieurs jours.
- T'es un punk mec, t'es un gros dur, je t'ai vu tabassé des mecs jusqu'au sang et même à mort sans broncher, tu vas pas me dire que tu vas chialer parce que je pars !
Je répondais pas. Une des rares fois où la provocation prenait pas avec moi. Je savais que c'était bidon.
Elle se releva, me regarda quelques instants et commença à partir. Le temps pour moi de réagir. De trouver un moyen de la retenir.
- Tu partiras pas sans me passer sur le corps !
Elle non plus n'y croyait pas, alors je me suis levé et j'allais pour la retenir par l'épaule quand elle évita ma main. Je ne pouvais plus la retenir que par son collier. Dernière chance pour moi que je saisissais déjà à pleine main.
Dernière édition par Mahach le Lun 1 Déc 2014 - 21:38, édité 2 fois