Trois semaines en mer. Probablement les trois premières semaines de réel repos d’Alrahyr depuis les événements de Boréa, une demi-année auparavant. Cette fois, pas de lutte pour survivre, pas de fuite, pas de combat, pas d’unité militaire à gérer, pas d’entraînement quotidien, rien. Rien mis à part le repos. Et franchement, c’était agréable.
Deux navires ont quitté le Cimetière d’épave : l’expédition de la révolution, et le « Reconquista », le sloop restauré des pirates. Naviguant à vue, et se rapprochant parfois presque pont à pont pour échanger quelques mots, les équipages ne se sont jamais mélangés. Les hommes de Gérôme le révo d’un côté, ceux d’Alessandro De Gama le pirate de l’autre.
N’ayant que le rôle de second, avec une place de choix étant donné le respect naturel qu’il inspire à tout l’équipage de par sa réputation, Alrahyr a enfin pu dormir, presque tout du long, laissant ainsi le capitaine faire son boulot.
Si le Boréalin ne commande pas réellement le « Reconquista », il semble qu’il puisse souffler des ordres au capitaine sans risquer qu’ils ne soient refusés. Ainsi, après avoir été convaincu par Alex Garfield de passer par Luvneel avant de prendre la direction de Grand Line, il n’a suffi que de quelques phrases bien tournées pour faire accepter cette décision à Alessandro.
Position très agréable, en somme.
A propos du passage par Luvneel, il faut souligner le fait qu’Alex a fait un formidable boulot. D’autant plus remarquable qu’Alrahyr savait qu’il s’agissait d’une sorte de première mission en tant que révolutionnaire pour le coutelier : convaincre le rebelle de Boréa de rencontrer des têtes grises plus haut placées dans la hiérarchie.
Mais il semblerait qu’Alex ait compris l’intérêt du jeune Kaltershaft pour la révolution, déjà grâce à son passé, mais également sa volonté lorsqu’ils étaient encore au Cimetière d’épaves de parler au responsable de l’expédition. Il ira loin, lui, beau parleur et excellent observateur.
L’avantage quand on navigue à deux navires, sans couleurs – pas fou, quand on est pirate et qu’on veut aller à Luvneel on évite quand même de mettre un drapeau noir – c’est qu’on ne se fait embêter par personne. Les pirates ne tentent que rarement de s’en prendre à un duo, même si ce ne sont que des marchands, et la marine évite de se poser trop de questions. Parce que s’il s’agit réellement de civils, ils n’ont aucune raison de s’en occuper. Et si ce sont des pirates ou des révolutionnaires – ou mieux, un de chaque – la Marine ne se risque pas à les attaquer avec un seul navire. Donc, dans le doute, ils laissent filer.
Encore une fois, situation très agréable.
---
Voilà le Royaume de Luvneel, visible à l’horizon. Les deux navires se font des signes, il est temps de se mettre pont à pont pour échanger quelques directives. Gérôme prend la parole en premier, s’adressant autant à Alessandro qu’à Alrahyr :
- On va accoster au port de Luvneelpraad. C’est une ville en ruine, abandonnée depuis le raz-de-marée il y a plus de vingt-cinq ans. De Gama, ton équipage et toi vous ne pourrez pas nous suivre, mais on vous apportera les vivres nécessaires. Alrahyr, tu pourras venir rencontrer le comité de Luvneel.
Il leur lance un drapeau gris avec un motif étrange dessus.
- Accrochez ça en haut de votre mât, on a le même. De cette manière, personne ne vous embêtera au port de Luvneelpraad.
Puis il murmure dans sa barbe :
- Enfin, s’il reste encore quelqu’un.
Il semble inquiet, mais ne s’exprime pas plus sur le sujet.
L’île est en vue, embaumée par la brume matinale, aux contours devenus flous par ce climat particulier, mêlant les froides températures de North Blue à la douceur de Luvneel, procurée par l’importante taille de l’île-royaume.
Et maintenant, Luvneelpraad. Une ville à l’apparence fantôme, dévastée et glissant petit à petit vers la mer, qui l’accueille à bras ouverts. Les vagues frappent inlassablement les ruines, léchant avec entrain la pierre taillée. Les marées s’en donnent à cœur joie pour attirer la cité dans les confins abyssaux des profondeurs de l’océan.
Le port et fait de bric et de broc, régulièrement restauré à cause de l’effondrement quotidien de portions entières de ponton. Y naviguer est périlleux, et le Reconquista suit au mètre près le chemin tracé par l’expédition de la révolution à travers les décombres engloutis.
Une fois à « quai », tous les gris débarquent, presque sans exception, tandis qu’Alrahyr les rejoint. Les pirates doivent attendre ici quelques temps le retour de leur second.
La ville semble déserte, totalement abandonnée de toute vie humaine. Alors que le groupe sillonne les ruelles, ils observent l’état de décrépitude du lieu : la mousse qui recouvre la plupart des bâtisses, les fissures qui se propagent, les araignées qui consolident inlassablement leur toile… Tout cela témoigne de l’aspect fantôme de Luvneelpraad.
- Alrahyr, va falloir te couvrir la tête. T’es pas membre de la révolution, et on n’a pas trop envie que tu connaisses le passage caché.
Soit. Pas le choix, de toute manière. Gérôme tente une petite boutade.
- Attention, il va faire tout noir !
Ta gueule.
Mais il fait noir, effectivement. Et le jeune homme déteste cela. Il tient l’épaule de quelqu’un, pour se guider en l’absence de repères. Tout droit, dix pas, vingt pas, cinquante pas. A droite, vingt pas. A gauche, trente pas. Droite. Droite. Gauche. Aaaah ! Et merde, perdu le compte. Tant pis, bien tenté.
Puis ils franchissent une porte, et une autre, et encore une autre. Des escaliers, des portes, des couloirs, et subitement, il ne fait plus tout noir.
- C’est bon, à partir d’ici tu peux voir, on est entré.
Effectivement. Bienvenue dans les souterrains de Luvneel ! Un long tunnel qui permet, semble-t-il selon Gérôme, d’accéder au repaire du Comité de la révolution en charge de North Blue. Théoriquement, de toutes les Blues, mais certains ne sont pas trop d’accord. Bref.
Couloir sobrement décoré, à la pierre brute éclairée par des flammes vacillantes réparties tout le long du trajet à intervalles égaux. Classique. Classique, mais efficace.
Au bout d’un certain temps de marche qui témoigne de l’enfoncement de la cache dans l’île – et pas forcément en termes de profondeur – le groupe pénètre dans une pièce au plafond plus haut, mais toujours agrémenté des mêmes torches qui dansent sur la même pierre grise. Une sorte d’antichambre au tunnel, donnant certainement sur le reste du repaire.
Ils sont accueillis par un homme, la quarantaine, le teint blafard et la mine renforgnée.
- Bienvenue, Gérôme. Bienvenue à vous tous, nouvelles recrues.
Il s’adresse aux nouveaux recrutés au Cimetière, leur faisant son speech habituel d’accueil et les invitant à poursuivre leur découverte, les laissant emprunter un couloir connexe. Alex en fait partie, et il jette un coup d’œil à Alrahyr avant de disparaître. Il semble s’être correctement reposé pendant son long voyage, ce qui ne semble pas être de trop pour le coutelier. Il avait l’air totalement exténué.
Il ne reste que les deux jeunes hommes dans la pièce.
- Et bienvenue à toi, Alrahyr Kaltershaft. On m’a prévenu de ton arrivée. Suis-moi, on m'a demandé de te mettre en relation avec quelqu’un.
Bien entendu. Alrahyr est venu ici pour en apprendre plus sur la révolution, alors il est enjoué de cette proposition et de cet accueil si agréable. Pendant qu’ils marchent tous deux à travers les coursives, le révolutionnaire continue de parler.
- Les patrons te connaissent bien. Ils m'ont dit de te dire qu'ils savent : Boréa, Bocande, la nuit rouge, le Teiko. Puis la Marine d’Elite ! Magnifique coup de maître de ta part. Durant cette période, on n’a plus eu de nouvelles de ton existence, on a tout compris après. Ils ont apprécié ta prestation, notamment à la prison de Lavallière, et contre Earl Grey.
Il marque une pause.
- Puis il est revenu pour te couler. Et tu as de nouveau disparu, décidément ! Et voilà que, par hasard, l'expédition tombe sur toi. Mais bon, trêves de bavardages.
Il pousse une porte d’une petite salle, correctement illuminée par une fenêtre donnant sur de magnifiques montagnes. Une table domine le centre de la pièce, avec un fauteuil à l’apparence confortable poussé tout contre. Et sur la table, un escargophone, décroché.
- J’ai quelqu’un en ligne pour toi. Levy Quinn, Cavalière de la révolution. Elle répondra certainement à nombreuses de tes interrogations avec plaisir. Vous avez, il me semble, les mêmes objectifs finaux…
- Cavalière ?
- C'est un moyen de représenter la hiérarchie dans la révolution. Tu vois, les jeux de cartes ? Eh bien c'est pareil. Mais on a encore le temps, on t'expliquera tout ça plus tard.
Sur ce, il l’invite à s’asseoir et quitte la pièce, fermant doucement la porte.
Levy Quinn. Qu’as-tu à lui raconter ?
Dernière édition par Alrahyr Kaltershaft le Mar 20 Jan 2015 - 17:54, édité 1 fois