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Ça ne peut qu'Empirer



[Précédemment : De pire Empire]

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Trois semaines en mer. Probablement les trois premières semaines de réel repos d’Alrahyr depuis les événements de Boréa, une demi-année auparavant. Cette fois, pas de lutte pour survivre, pas de fuite, pas de combat, pas d’unité militaire à gérer, pas d’entraînement quotidien, rien. Rien mis à part le repos. Et franchement, c’était agréable.

Deux navires ont quitté le Cimetière d’épave : l’expédition de la révolution, et le « Reconquista », le sloop restauré des pirates. Naviguant à vue, et se rapprochant parfois presque pont à pont pour échanger quelques mots, les équipages ne se sont jamais mélangés. Les hommes de Gérôme le révo d’un côté, ceux d’Alessandro De Gama le pirate de l’autre.

N’ayant que le rôle de second, avec une place de choix étant donné le respect naturel qu’il inspire à tout l’équipage de par sa réputation, Alrahyr a enfin pu dormir, presque tout du long, laissant ainsi le capitaine faire son boulot.

Si le Boréalin ne commande pas réellement le « Reconquista », il semble qu’il puisse souffler des ordres au capitaine sans risquer qu’ils ne soient refusés. Ainsi, après avoir été convaincu par Alex Garfield de passer par Luvneel avant de prendre la direction de Grand Line, il n’a suffi que de quelques phrases bien tournées pour faire accepter cette décision à Alessandro.

Position très agréable, en somme.

A propos du passage par Luvneel, il faut souligner le fait qu’Alex a fait un formidable boulot. D’autant plus remarquable qu’Alrahyr savait qu’il s’agissait d’une sorte de première mission en tant que révolutionnaire pour le coutelier : convaincre le rebelle de Boréa de rencontrer des têtes grises plus haut placées dans la hiérarchie.

Mais il semblerait qu’Alex ait compris l’intérêt du jeune Kaltershaft pour la révolution, déjà grâce à son passé, mais également sa volonté lorsqu’ils étaient encore au Cimetière d’épaves de parler au responsable de l’expédition. Il ira loin, lui, beau parleur et excellent observateur.

L’avantage quand on navigue à deux navires, sans couleurs – pas fou, quand on est pirate et qu’on veut aller à Luvneel on évite quand même de mettre un drapeau noir – c’est qu’on ne se fait embêter par personne. Les pirates ne tentent que rarement de s’en prendre à un duo, même si ce ne sont que des marchands, et la marine évite de se poser trop de questions. Parce que s’il s’agit réellement de civils, ils n’ont aucune raison de s’en occuper. Et si ce sont des pirates ou des révolutionnaires – ou mieux, un de chaque – la Marine ne se risque pas à les attaquer avec un seul navire. Donc, dans le doute, ils laissent filer.

Encore une fois, situation très agréable.

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Voilà le Royaume de Luvneel, visible à l’horizon. Les deux navires se font des signes, il est temps de se mettre pont à pont pour échanger quelques directives. Gérôme prend la parole en premier, s’adressant autant à Alessandro qu’à Alrahyr :

- On va accoster au port de Luvneelpraad. C’est une ville en ruine, abandonnée depuis le raz-de-marée il y a plus de vingt-cinq ans. De Gama, ton équipage et toi vous ne pourrez pas nous suivre, mais on vous apportera les vivres nécessaires. Alrahyr, tu pourras venir rencontrer le comité de Luvneel.

Il leur lance un drapeau gris avec un motif étrange dessus.

- Accrochez ça en haut de votre mât, on a le même. De cette manière, personne ne vous embêtera au port de Luvneelpraad.

Puis il murmure dans sa barbe :

- Enfin, s’il reste encore quelqu’un.

Il semble inquiet, mais ne s’exprime pas plus sur le sujet.

L’île est en vue, embaumée par la brume matinale, aux contours devenus flous par ce climat particulier, mêlant les froides températures de North Blue à la douceur de Luvneel, procurée par l’importante taille de l’île-royaume.

Et maintenant, Luvneelpraad. Une ville à l’apparence fantôme, dévastée et glissant petit à petit vers la mer, qui l’accueille à bras ouverts. Les vagues frappent inlassablement les ruines, léchant avec entrain la pierre taillée. Les marées s’en donnent à cœur joie pour attirer la cité dans les confins abyssaux des profondeurs de l’océan.

Le port et fait de bric et de broc, régulièrement restauré à cause de l’effondrement quotidien de portions entières de ponton. Y naviguer est périlleux, et le Reconquista suit au mètre près le chemin tracé par l’expédition de la révolution à travers les décombres engloutis.

Une fois à « quai », tous les gris débarquent, presque sans exception, tandis qu’Alrahyr les rejoint. Les pirates doivent attendre ici quelques temps le retour de leur second.

La ville semble déserte, totalement abandonnée de toute vie humaine. Alors que le groupe sillonne les ruelles, ils observent l’état de décrépitude du lieu : la mousse qui recouvre la plupart des bâtisses, les fissures qui se propagent, les araignées qui consolident inlassablement leur toile… Tout cela témoigne de l’aspect fantôme de Luvneelpraad.

- Alrahyr, va falloir te couvrir la tête. T’es pas membre de la révolution, et on n’a pas trop envie que tu connaisses le passage caché.

Soit. Pas le choix, de toute manière. Gérôme tente une petite boutade.

- Attention, il va faire tout noir !

Ta gueule.

Mais il fait noir, effectivement. Et le jeune homme déteste cela. Il tient l’épaule de quelqu’un, pour se guider en l’absence de repères. Tout droit, dix pas, vingt pas, cinquante pas. A droite, vingt pas. A gauche, trente pas. Droite. Droite. Gauche. Aaaah ! Et merde, perdu le compte. Tant pis, bien tenté.

Puis ils franchissent une porte, et une autre, et encore une autre. Des escaliers, des portes, des couloirs, et subitement, il ne fait plus tout noir.

- C’est bon, à partir d’ici tu peux voir, on est entré.

Effectivement. Bienvenue dans les souterrains de Luvneel ! Un long tunnel qui permet, semble-t-il selon Gérôme, d’accéder au repaire du Comité de la révolution en charge de North Blue. Théoriquement, de toutes les Blues, mais certains ne sont pas trop d’accord. Bref.

Couloir sobrement décoré, à la pierre brute éclairée par des flammes vacillantes réparties tout le long du trajet à intervalles égaux. Classique. Classique, mais efficace.

Au bout d’un certain temps de marche qui témoigne de l’enfoncement de la cache dans l’île – et pas forcément en termes de profondeur – le groupe pénètre dans une pièce au plafond plus haut, mais toujours agrémenté des mêmes torches qui dansent sur la même pierre grise. Une sorte d’antichambre au tunnel, donnant certainement sur le reste du repaire.

Ils sont accueillis par un homme, la quarantaine, le teint blafard et la mine renforgnée.

- Bienvenue, Gérôme. Bienvenue à vous tous, nouvelles recrues.

Il s’adresse aux nouveaux recrutés au Cimetière, leur faisant son speech habituel d’accueil et les invitant à poursuivre leur découverte, les laissant emprunter un couloir connexe. Alex en fait partie, et il jette un coup d’œil à Alrahyr avant de disparaître. Il semble s’être correctement reposé pendant son long voyage, ce qui ne semble pas être de trop pour le coutelier. Il avait l’air totalement exténué.

Il ne reste que les deux jeunes hommes dans la pièce.

- Et bienvenue à toi, Alrahyr Kaltershaft. On m’a prévenu de ton arrivée. Suis-moi, on m'a demandé de te mettre en relation avec quelqu’un.

Bien entendu. Alrahyr est venu ici pour en apprendre plus sur la révolution, alors il est enjoué de cette proposition et de cet accueil si agréable. Pendant qu’ils marchent tous deux à travers les coursives, le révolutionnaire continue de parler.

- Les patrons te connaissent bien. Ils m'ont dit de te dire qu'ils savent : Boréa, Bocande, la nuit rouge, le Teiko. Puis la Marine d’Elite ! Magnifique coup de maître de ta part. Durant cette période, on n’a plus eu de nouvelles de ton existence, on a tout compris après. Ils ont apprécié ta prestation, notamment à la prison de Lavallière, et contre Earl Grey.

Il marque une pause.

- Puis il est revenu pour te couler. Et tu as de nouveau disparu, décidément ! Et voilà que, par hasard, l'expédition tombe sur toi. Mais bon, trêves de bavardages.

Il pousse une porte d’une petite salle, correctement illuminée par une fenêtre donnant sur de magnifiques montagnes. Une table domine le centre de la pièce, avec un fauteuil à l’apparence confortable poussé tout contre. Et sur la table, un escargophone, décroché.

- J’ai quelqu’un en ligne pour toi. Levy Quinn, Cavalière de la révolution. Elle répondra certainement à nombreuses de tes interrogations avec plaisir. Vous avez, il me semble, les mêmes objectifs finaux…
- Cavalière ?
- C'est un moyen de représenter la hiérarchie dans la révolution. Tu vois, les jeux de cartes ? Eh bien c'est pareil. Mais on a encore le temps, on t'expliquera tout ça plus tard.

Sur ce, il l’invite à s’asseoir et quitte la pièce, fermant doucement la porte.

Levy Quinn. Qu’as-tu à lui raconter ?

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[Lien vers la conversation : Les mêmes objectifs, tu dis ?]


Dernière édition par Alrahyr Kaltershaft le Mar 20 Jan 2015 - 17:54, édité 1 fois
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Luvneelgraad, plus tard le même jour.

Un café, avec un peu de lait. Ah, et un croissant aussi. Merci.

Il se cale paisiblement au fond de sa chaise, Ewin Morneplume, jetant un regard par la fenêtre à carreaux donnant sur une rue achalandée de Luvneelgraad. Attablé depuis quelques minutes déjà, il tire de sous sa veste une montre à chaînette qu'il consulte brièvement. Son contact est en retard. Quoi de mieux pour enclencher une nouvelle mission qu'un contact en retard… Edwin s'est lui-même fait rigueur pour quitter rapidement Boréa, lorsque, reconnu de par ses exploits sur l'île, on l'a convoqué ailleurs sur North Blue. Le Royaume de Luvneel, un endroit où il ne s'est pas aventuré depuis des décennies, lieu de sa naissance, mais aussi l'endroit où il s'est départi de la vie triste à laquelle on l'avait destiné.

À l'époque, il rêvait d'aventure et d'océan, aujourd'hui il rêve de justice et de pardon. Intéressante situation que de se retrouver tant d'années plus tard sur les lieux-mêmes du commencement de sa déchéance d'antan. Un signe, probablement. Un moyen symbolique de pouvoir se racheter que de venir piéger ici-même des membres de la Révolution. Suite à Boréa, hospitalisé d'urgence après s'être fait violemment abattre par un membre de l'organisation, on l'a rapidement envoyé ailleurs. Que ce soit pour son efficacité ou simplement pour lui faire quitter l'île qu'il a fait baigner dans le sang, on lui a confié une nouvelle opération.

North Blue, le nid de la Révolution, doit être complètement débarrassé de la souillure qui l'habite. Telle est la volonté de l'État Major, telle est la volonté de la Justice. Un coup d'escargophone et déjà Edwin voguait sur la mer du Nord, direction le port de Norland. Désormais en attente de son contact infiltré chez les Gris, il s'est arrêté au lieu de rendez-vous; un chaleureux café bordant une des grandes artères de la ville. De jolis mobiliers en bois, des peintures d'époque, d'épais rideaux encadrant les larges fenêtres, un air réchauffé par un âtre où s'agitent encore quelques braises, il y a de ça longtemps qu'Edwin ne s'est pas permis un instant de confort.

Instant facultatif et bien éphémère, mais tout de même agréable pour sa cuisse et ses côtes encore souffrantes.

Tintement, la porte s'ouvre, laissant s'engouffrer dans la pièce une vague de froid hivernale ainsi que le brouhaha de la rue. Un café et un croissant sont posés devant Edwin. Un homme tire une chaise face à Edwin, à l'opposée de la table. Fidèle au physique qu'on lui a décrit, mais en retard. Gorgée, chaleur.

Je vous commande quelque chose, Agent Rinwald?
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« Je vous commande quelque chose, Agent Rinwald? »
J’rentre dans le café sans jeter un dernier coup d’œil par-dessus mon épaule. Bon point, mon vis-à-vis n’est pas dans un uniforme. Sa raideur fait très militaire, par contre. Et autre chose, aussi, pas moyen, pas l’temps de mettre le doigt dessus. Ca devrait passer.
« Non, merci. Je ne veux pas de mauvais restes dans l’haleine.
- Très bien.
- Par contre, je crois que nous n’avons pas été présentés. »

Je le regarde avec un léger froncement de sourcils. ‘’Agent Rinwald’’ ? Il a déjà travaillé avec quelqu’un sous couverture ?
« Alex Garfield, coutelier, enchanté, que j’reprends. »
Il soutient mon regard sans donner signe de vie. C’est désagréable. Pas moyen d’y lire quoi que ce soit en l’état.
« Edwin Morneplume, ser… »
Le tintement de la porte fait contrepoint alors que je le coupe :
- On s’arrêtera là, monsieur Morneplume, pour les présentations, si ça ne vous ennuie pas. »
Il acquiesce en silence, yeux fixés sur moi. Il boit une gorgée de sa boisson alors que j’sors une clope.

J’suis parti me promener en ville vu que j’m’emmerdais. J’ai dit que j’avais des courses à faire. On était nombreux à vouloir se dégourdir les jambes. J’ai appris après coup qu’ils avaient fait des vérifications d’usage sur les identités des aspirants révolutionnaires.
Heureusement que j’avais pas inventé une identité de toute pièce. Depuis, j’adresse régulièrement des remerciements à Alex Garfield, mort récemment dans une histoire de petits trafics sans intérêt. Merci pour ta peau, merci pour ta vie, merci pour les miennes qui traineront dans l’coin encore un petit peu.

Comment ils avaient pu faire pour contrôler tout ça, aussi vite, c’était probablement par escargophone. En tout cas, c’était la seule hypothèse que j’avais. La machine révolutionnaire devait être mieux huilée que ce que j’pensais.
Une fois dehors, j’ai flâné, j’me suis baladé, un œil par-dessus mon épaule l’air de rien. Un bonhomme me suivait. Normal, j’aurais fait pareil à leur place. Mais mieux, évidemment. On apprend pas à un agent du Cipher Pol à déjouer une filature. Il sait déjà le faire. Il y a déjà été confronté. Une foule un peu plus dense que la normale, deux-trois gros gabarits qui bouchent la vue, un virage serré, l’essayage d’un manteau à un étal et on se sait seul.

A priori, en tout cas. La porte tintinnabule à nouveau.

« Qu’avez-vous à me dire ? Demande le grand échalas.
- Je dors actuellement chez des amis. Je viens d’arriver en ville, je n’ai pas l’adresse en tête, désolé. Peut-être pourrez-vous passer un de ces quatres, cela serait sympathique.
- Effectivement, cela me ferait fort plaisir. »
La chaleur ambiante commence à rentrer jusque dans mes os refroidis par la température extérieure. La somnolence s’installe presque. J’tire sur ma cigarette.

Tintement à l’entrée, un coup d’œil dans la glace du bar me permet de voir qui c’est.
« J’ai peur que venir ici ne soit pas dans mes moyens. La prochaine fois, nous pourrions nous croiser à la fontaine, éventuellement ? L’air est frais mais vivifiant.
- Bien sûr. Et sinon, puis-je vous être d’une quelconque aide ?
- J’ai un camarade qui me suit de près, et qui vient d’arriver. Je peux compter sur vous pour bien vous occuper de lui ?
- Tout de suite ?
- D’ici quelques heures.
- J’en serais ravi.
- Très bien, monsieur Morneplume. A une prochaine fois. »

J’écrase ma clope seulement à moitié fumée dans sa soucoupe à défaut de trouver autre chose et j’disparais derrière un vantail le temps que le gars qui s’échine à me filer passe, avant de ressortir me promener un peu.

Putain. Les yeux de Morneplume ont étincelé quand il s’est agi de ma filature. Un cadavre, le type, sauf à ce moment-là.

Etincelé d’une lueur mauvaise.


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Intéressant mais rapide rencontre. Un homme générique, l'air de rien, mais d'un professionnalisme tout à fait acceptable. De quoi réjouir Morneplume sur le déroulement de sa mission. Il déchire un morceau de son croissant et le trempe dans son café en analysant du coin de l'œil le révolutionnaire ayant fait son entrée. Il contourne les tables du café, l'air suspicieux, s'avançant tranquillement vers le comptoir de l'établissement, où le tenancier échange les derniers ragots du quartier en compagnie d'un vieux moustachu. Le Gris a un teint cireux, des yeux sombres bien encastrés sous de profondes cernes. Probablement un responsable des renseignements trop stressé par son travail. Ses cheveux semblent lustrés et plaqués contre son crâne, sous un borsalino beige, la même couleur que son épaisse redingote. Un long nez aquilin et accusateur guide le traqueur de l'agent Rinwald à travers le café.

J'peux vous aider, m'sieur?
Vous n'auriez pas vu un homme entrer ici il y a quelques minutes à peine?
Boh… vous savez, avec toutes ces allées et venues…

Le cafetier, un homme gras portant un bandeau et une barbe de quelques jours, se gratte la tête avec circonspection. Trop occupé à s'entretenir avec son compère, Alex Garfield n'est qu'une ombre ayant profité de l'hospitalité de son établissement quelques minutes à peine. Parlant d'ombre, celle d'Edwin, dominant d'une bonne tête le trio, s'étend sur le révolutionnaire. Ce dernier fait volte-face, fronçant son long nez devant le Sergent qui s'impose ainsi. Puis soudain, il se fige, foudroyé par deux billes polaires qui le clouent sur place. L'espace d'un instant, la main du Gris file vers l'intérieur de sa redingote, se cramponnant à un objet qu'Edwin devine bien. Une tension inopinée s'immisce dans la salle. Ils se taisent, soudainement intimidés, les trois hommes. Il les domine silencieusement, Morneplume. D'ici quelques heures, a dit Rinwald. D'ici quelques heures… quel laxisme effarant. Il faut s'assurer de se débarrasser des mauvaises herbes plutôt que de les laisser se répandre. Il pourrait saisir le révolutionnaire par le coup et le briser. Il pourrait laisser la Justice fracasser cet être faible qui, d'un coup, a peur.

Oh, pour ça, il a peur.

Voici quelques berrys pour l'excellent café et le croissant. Merci monsieur.

Les billets tombent sur le comptoir, sous les yeux incertains du tenancier qui questionne du regard son compatriote. L'homme filant Rinwald, lui, se complait dans sa paralysie. Il n'est qu'une pauvre bête foudroyée. Il ne réagit pas non plus lorsque Edwin lui intime à l'oreille:

Il a filé, mais il n'est peut-être pas trop tard. Suivez-moi donc.

Suivez-moi donc. Cela n'a rien d'une invitation. Ça, le Gris le comprend bien lorsque les cinq doigts d'Edwin se referment comme un piège sur son épaule. Il marche, pressé par la main impérieuse du Sergent impassible. Son corps bouge, mais son esprit, lui, est figé par la peur. Il pourrait sortir son arme. Il devrait sortir son arme. Mais son épaule broyée lui hurle de ne rien faire. Son visage exprime une mine atterrée, celle d'un cadavre. La porte s'ouvre, tintement de clochette.

Marche funèbre.

Ils progressent le long de l'avenue, contourne le pâté de maisons avant de s'engager dans une ruelle. Contre les côtes du révolutionnaire, c'est le canon d'une arme qui se presse. Dans les tréfonds des ombres, la Justice s'applique à travers ses poings. Le Juste a découvert le nouveau terreau fertile du Mal. Les ailes de Morneplume le préparent à nouveau pour l'envol. Mains de fer, doigts de fée. Il sanctionne avec la force du titan, mais avec la subtilité d'une ombre, le Juste. Il est le bras armé de l'agent Rinwald, les ténèbres qui recouvrent le fauve en pleine chasse.

À l'aide…!

Pulupulupulupulu…
Ça ne peut qu'Empirer Commandantmphistoffel
Ici le QG de North Blue. Commandant Mephis Toffel à l'écoute.
Commandant, ici Morneplume.
Ah, Morneplume. Bien arrivé sur Luvneel?
J'ai rencontré l'agent Rinwald, comme convenu. Sa couverture est assurée, mais j'ai déjà dû lui couvrir les arrière, Commandant.
Je vois…
Je requerrais un lieu de repos duquel je pourrais prendre action, Commandant.
J'ai déjà mis quelqu'un en charge pour vous fournir une suite à l'hôtel Sosnovitch, dans le centre-ville de Luvneelgraad. La réservation est au nom d'Édouard Braveplume.
Quelle originalité Commandant. Je vous donnerai suite plus tard.
Quel est le clapotis que j'entends au bout du fil, Morneplume?
Seulement le bruit d'un canal d'égout, Commandant…

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Pendant ce temps, quelque part sur l’île, QG des révolutionnaires de Luvneel.



Le jeune homme raccroche. Il est perturbé, bien évidemment, par cette discussion avec la Cavalière de la Révolution, Levy Quinn. Si étrange, si bizarre, si inattendue. A la fois hystérique et posée, précise et vague, envolée et calme. Alrahyr se répète pour lui-même les derniers conseils de la jeune femme :

- L’indécision peut mener à la perte.

Il aime bien cette phrase, mais il en a en même temps peur. Il est vrai que toutes ses expériences lui permettent de valider cela. Mais maintenant, que doit-il faire ? Se rendre sur Armada n’est plus une priorité : selon elle, c’est bien, mais y a le temps. Et la cellule révolutionnaire n’est pas encore installée.

Donc, que faire ? Il est clair qu’on lui propose de rejoindre les rangs. Cette mise en scène, ce coup de Den Den, cette discussion, tout y est. Il ne manque que le type qui surgit juste à la fin de la conversation.

- Ah, tu as fini, très bien.

Un homme en gris qu’il n’a encore jamais vu passe la tête par l’entrebâillement de la porte. Il ne serait pas étonnant que tout ce temps, il ait été en train d’écouter le dialogue entre Levy et Alrahyr. Timing parfait, comme on se doit d’en attendre d’une pareille situation.

- Tu peux me suivre ?
- Bien sûr.

Evidemment. La révolution est extrêmement attirante, maintenant que le jeune Kaltershaft s’en est un peu approché.

Les deux hommes déambulent quelques minutes dans les coursives sans mot dire, jusqu’à atteindre une salle de taille moyenne. Un âtre ardent inonde la pièce d’une lueur flamboyante, faisant courir sur les murs sobres les ombres dansantes du mobilier restreint.

Le guide l’invite à attendre sur le balcon attenant, puis le laisse seul.

L’air est frais mais pas froid. Le vent souffle mais ça n’est pas désagréable. Le paysage est magnifique.

A perte de vue s’étend un immense relief, dont certains sommets atteindraient presque les hauteurs des neiges éternelles. Des vallées verdoyantes bordent les montagnes, et des sentiers se dessinent à travers les forêts et les champs, zigzagant sans fin. Le soleil est encore assez haut dans le ciel, mais il ne va pas tarder à disparaître derrière le plus haut sommet. La vue est superbe, l’atmosphère est vraiment agréable. C’est apaisant.

S’accoudant à la rambarde, Alrahyr observe les alentours. Le bâtiment dans lequel il se trouve est construit à flanc de montagne et s’étend sur plusieurs étages, léchant aussi bien de haut en bas que d’est en ouest la masse de terre. La structure n’est pas située en altitude, mais plutôt à la limite de ce qu’on peut appeler la vallée, si bien que le soleil disparaît assez vite dans l’après-midi.

- On pourrait rester ici des heures entières sans rien faire, pas vrai ?

La voix vient d’une femme venue le rejoindre.

- Contempler un tel paysage, ça n’a pas de prix.

Elle marque une nouvelle pause, le temps de s’accouder à côté du jeune homme, tournée vers la vallée.

- Alrahyr Kaltershaft, vous intriguez la révolution.
- Vous n’êtes pas les seuls que j’intrigue, apparemment.
- Nous sommes les seuls à vous chercher pour que vos talents soient exploités à leur maximum. Laissez-moi vous expliquer la suite de cette conversation. Je vais vous faire un speech détaillé pour vous vanter le bien-fondé de notre mouvement, les avantages que vous pourrez en tirer, ce pourquoi vous nous intéressez, et les raisons qui devraient vous convaincre d’accepter. Après cela, vous aurez certainement des questions à me poser, et je suis là pour ça. Et enfin, vous prendrez votre décision.

Classique, il s’y attendait. Mais il ne s’attendait pas à ce qu’elle le détaille ainsi. Normalement, ces faits coulent de source.

- Vous ne dites rien, je prends cela comme une invitation à commencer.

Voyez-vous, ce qui me surprends chez vous est la chose suivante : normalement, la révolution attire pas mal de jeunes, révoltés contre le gouvernement en place. Ces jeunes n’ont, pour la plupart, ni les compétences ni la réelle motivation pour participer aux opérations de grande envergure. Quand on les place face à une réalité bien précise d’attaque sincère envers le gouvernement, ils se débinent, remettent leurs idéaux en jeu, et perdent ainsi toute crédibilité. Les plus fiers refusent de se défiler et meurent faute d’entraînement. Ceux un peu moins orgueilleux reculent devant l’opération et se voient alors confier des tâches plus simples, plus administratives, et parfois liées à la logistique. Et enfin, ceux qui acceptent leur défaite nous quittent.

Mais, quels qu’ils soient, au départ ils font absolument tout pour nous convaincre de les prendre et de les entraîner dans le mouvement.

Vous, c’est différent. Vous avez un passé lourd d’une expérience des plus fortes. Tenter un soulèvement à Boréa sans l’aide de notre mouvement, c’est fort. Surtout au vu de la situation de l’île à cette époque. La raison pour laquelle vous avez échoué, c’est que nos opérateurs sur placent ne voulaient pas risquer leur position pour vous. Si nous avions alors travaillé de concert, ç’aurait été un jeu d’enfant. Mais on apprend de nos erreurs, pas vrai ? Ensuite, vous connaissez le reste de votre histoire, je ne vais pas vous la rappeler. Les fleurs, vous trouverez une autre vie pour vous en faire lancer.

Non, ce qui m’intrigue, c’est le fait que quelqu’un d’aussi penché que vous dans des concepts et des idéaux aussi révolutionnaires soit si difficile à convaincre. Qu’est-ce qui fait que vous ne vous ralliez pas à nous ? Pourquoi hésiter ainsi, et rester tant en retrait ! En plus, vous pouvez être sûr que vous avez la carrure en termes d’entraînement pour participer aux plus intéressantes opérations, et celles où vous êtes assuré de changer certaines facettes du monde ! Alors, Alrahyr… Pourquoi ?


C’est une bonne question… Le jeune homme laisse son regard se perdre au loin, sentant les yeux de la femme se poser sur lui. Elle attend, mais il réfléchit. Il sélectionne ses mots, construit sa phrase. Il a le temps, car elle lui en laisse.

- Je ne trouve pas dans votre mouvement l’organisation et la mise en place que je suis en droit d’attendre d’une révolution qui fonctionne.
- Vous ne savez simplement pas comment nous sommes organisés…
- Alors expliquez-moi.
- Vous avez été dans la Marine, c’est ça ? Que pensez-vous de ce système de hiérarchie ?
- Il me plaît. Chacun a la possibilité de se référer à un unique supérieur, qui lui-même rend des comptes à un unique autre, etc. L’implication et les responsabilités vont de pair avec le grade. C’est clair, c’est précis, on nous indique dès le début comment se fera notre évolution. Une organisation verticale, simple.
- Et c’est cela même que nous cherchons à éviter. Le cantonnement de chacun de nos membres à son propre bataillon, dans lequel il évolue en faisant abstraction des autres. La Marine a son organisation, et elle fonctionne parfaitement pour le cadre militaire dans lequel elle évolue. Nous, nous n’évoluons pas comme une armée au même sens que la Marine. Ici, nous avons des missions à effectuer. Lors d’une mission, les responsables d’une zone déterminent le besoin en effectifs, et on fait appel aux membres disponibles. On regroupe ensuite ces membres, et c’est le plus haut hiérarchisé qui dirige, en quelques sortes. Il a les responsabilités, car il a déjà prouvé de nombreuses fois qu’il était digne de les porter.
- Et comment est organisée la hiérarchie ? On m’a brièvement parlé d’un jeu de cartes.
- Vous jouez au tarot ?
- J’en ai entendu parler…
- La révolution, c’est un pari, un risque, un challenge. On a une main fournie, on est seul. Face à nous, un adversaire avec la main la plus générale, la plus globale. Le Gouvernement Mondial. A sa gauche, il y a des points. La Marine. Et à sa droite, un jeu défensif, et comme on le sait, la meilleure défense, c’est l’attaque. Le Cipher Pol, les agents de terrain du Gouvernement. Nous, on a des cartes. Il y en a qui ont fait leurs preuves, d’autres non. Les Valets sont les premiers à porter une responsabilité, ils donnent des points et entrent facilement dans le cumul final. Les Cavaliers sont uniques au tarot, ils déstabilisent et sont souvent pris à la légère, à tort. Il n’y a ni Roi, ni Reine, car ce serait s’opposer à notre système interne que de nommer ainsi certaines personnes. A la place, on a instauré l’As, pourtant si faible dans le jeu de cartes auquel nous jouons. Mais chez nous, l’As est primordial. Il est bien souvent sous-estimé mais est présent partout et peut renverser le court des choses. Et enfin, les Atouts, véritable arsenal de notre main, les meilleurs des meilleurs, le top niveau. Ce que chacun rêve de devenir, si ce n’est être Guide.
- C’est un système qui a une signification bien plus importante que la simple hiérarchie de la Marine, à ce que je comprends…
- Tout à fait.
- Et vous êtes bien mieux organisés que ce que je le pensais.
- Alors, Alrahyr, pourquoi hésitez-vous encore ?

Il se rappelle une nouvelle fois les mots de Levy : « L’indécision peut mener à la perte ».

- Nous avons besoin de vous.

La révolution, c’est un immense outil capable de nombreuses choses.

- Vous avez besoin de nous.

Un outil bien mieux huilé que ce qu’il avait imaginé.

- Vous avez des rêves à réaliser.

Se révolter, il l’a déjà fait, il sait ce que c’est, il sait que c’est ce qu’il veut.

- Réalisez-les avec nous.

La révolution, c’est sa vie.

- J’en suis.

La révolution, c’est lui.


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Une fois dehors, après avoir esquivé le bonhomme qui me suivait avec plus ou moins de succès, j’suis reparti précautionneusement. Des fois qu’une nouvelle filature soit en place. Des fois que quelqu’un m’ait vu causer à Morneplume. J’voudrais pas avoir à effacer des traces moi-même. Ca me rendrait trop suspect.
J’erre, un badaud parmi d’autres, parmi l’agitation de la ville. J’enchaine les virages sans queue ni tête, l’image-même du désoeuvrement, les mains dans les poches et le nez au vent. Le coin n’est pas spécialement joyeux ou trépidant, mais bien suffisamment pour me changer des longs voyages en mer, ou du Cimetière d’Epaves. J’repense brièvement au moment où on a été enterrés quelques jours, avant de tuer toutes réminiscences dans l’œuf.

Le hasard pas tout à fait chaotique de mes pérégrinations m’a ramené au point à partir duquel j’serai guidé jusque dans la planque. J’attends tranquillement les autres gars ayant bénéficié d’une brève permission histoire qu’on nous ramène tous en même temps à Luvneelprad.
Comme un putain d’troupeau, que j’pense tandis qu’on m’fout un bandeau sur les yeux. On pourrait m’amener à l’abattoir que j’en saurais que dalle. Les sens aux aguets, l’ouïe, l’odorat. J’essaie même de percevoir les intentions des guides. Jamais trop cru à ça, sans surprise, ça marche pas, et j’suis pris dans le tourbillon insondable des craintes injustifiées.

Tout se passe bien pour le moment. J’contrôle ma respiration et les battements de mon cœur et j’allège mon pas, j’prépare mes appuis. Des fois que.

Mais, comme mon cerveau ne cessait de l’assener à mes soupçons, tout se passe pour le mieux, excepté le moment où j’ai manqué me casser la gueule dans l’escalier et qu’une charmante guide m’a rattrapé pour empêcher que j’me viande. J’lui aurais bien adressé un clin d’œil, mais avec le bandeau sur la face, ç’aurait pas été très constructif. J’l’ai remerciée à la fin. Serait bien qu’elle arrête la révolution, la brune, avant qu’elle tourne clamsée. Le droit chemin, tout ça.

C’était l’heure de la popotte, on a mangé et papotté. Echangé sur ce qu’on était avant. M’suis retrouvé à côté d’Alrahyr. Il avait l’air à la fois pensif et déterminé. Le genre de trucs que j’veux pas trop voir sur la gueule d’un pirate en goguette chez des révolutionnaires. J’me demande si j’ai pas été trop gourmand en voulant garder les mirettes sur lui…
« Hoy, Alrahyr. Quoi d’neuf ?
- Ca va, ça va. Et toi, ta balade ?
- Oh, c’était sympa. J’ai pu acheter cette écharpe pour une bouchée de pain !
- Ca a l’air pas mal. Drôlement chaud.
- Ouais, j’voudrais pas attraper froid. »

La conversation s’interrompt le temps de liquider le ragoût dans nos gamelles. L’ambiance est chiche. Une salle en pierre en sous-sol, des torches sur les murs, des bancs et des tables en bois grossier. J’ai satisfait mon estomac mais pas ma curiosité.
« Et il te voulait quoi, le patron du coin ?
- Je ne suis pas sûr que ça soit le patron, en fait.
- Ah ? » Le genre d’informations qui ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd.
« Il voulait me permettre de discuter avec des révolutionnaires mieux placés que lui dans la hiérarchie.
- Ah, ils ont mis les petits plats dans les grands !
- On peut dire ça comme ça, oui. Puis j’ai eu droit à un long échange avec quelqu’un d’ici.
- Hm ?
- Je ne sais pas qui c’était, elle ne s’est pas présentée. »

Il s’arrête là. J’le relance pas tout de suite. Le silence marche mieux sur lui, j’ai l’impression. Il aime pas trop qu’on le pousse, quelle que soit la direction. Serait foutu d’aller dans l’autre sens juste pour montrer qu’il peut, j’suis sûr.
« Et sinon, toi, pourquoi tu veux rejoindre la révolution ? Être désœuvré, ça fait léger pour rejoindre une cause pareille.
- Oh, être au chômage forcé, ça joue. Même si j’pourrais p’tet m’établir dans le coin et personne y trouverait à redire. Mais Sami m’a sauvé la vie sur le Cimetière d’Epaves, il m’a secouru, nourri, s’est occupé de moi. Une part de moi se sent redevable.
- Je vois.
- Et depuis que j’suis avec vous, j’me suis mis à réfléchir plus au monde qui m’entoure et dont j’fais partie. Avant, pour moi, les nobles, les bourgeois, les riches faisaient partie du paysage, avec tout ce que ça comportait de bons et surtout mauvais côtés. Mais me dire qu’ils pourraient ne pas être là, qu’on pourrait être plus égaux, vivre dans un monde plus juste… »

J’ai déjà lu des rapports d’interrogatoires de révolutionnaires. Ca raconte plus ou moins tous les mêmes conneries. Donc j’ressors ça à ma sauce, j’suis sûr ça passe crème. J’suis pote avec Alrahyr depuis suffisamment longtemps pour qu’il se méfie plus trop de moi. J’vais juste me faire taper sur les doigts si j’l’ai poussé dans les bras de la révo, quoi…
« Oui ! S’exclame-t-il. C’est ce contre quoi j’ai tenté de me soulever à Boréa ! Mais leurs connexions étaient trop profondes, leur pouvoir trop grand. J’étais mal préparé. J’ai grandi, j’ai appris, j’ai souffert.
- Boréa ? Ah, ton île natale, tu m’as raconté.
- Oui, voilà ! Et il semblerait qu’il existe également une caste tout au sommet du Gouvernement Mondial, les Dragons Célestes, qui ont droit de vie ou de mort sur le reste du monde !
- T’es sûr ? Ca a l’air bizarre, comme histoire. Et que personne soit au courant ?
- Ils mettent énormément de moyens pour cacher ça au reste du monde. J’ai eu l’information d’une révolutionnaire haut placée.
- Et… T’es certain que c’est vrai ? Ca serait bizarre mais… pas totalement impossible, j’suppose… »

La conversation a continué comme ça quelques temps, d’autres révolutionnaires s’y adjoignant. J’ai joué le rôle du sceptique qui se fait peu à peu convaincre de la vilenie des Dragons Célestes. Evidemment, j’les connaissais déjà. Pas personnellement, mais en tant que groupe. Et les rumeurs semblent être bien en deça de la réalité. Ca fait froid dans le dos. Mais j’vais pas détruire le monde pour une poignée de types qui voyagent pas et dont on arrive globalement à gérer les excès.

Détruire le monde est rarement une bonne idée.

Finalement vient l’heure de pioncer. On s’est tous levé ensemble, prêts à aller au dortoir, vu que c’était de ça qu’il s’agissait, apparemment. Mais cinq gardes révolutionnaires armés sont entrés en faisant claquer les portes, l’air mécontents. Hargneux. Du rififi en perspective.
Ils se sont arrêtés devant, à côté, derrière, autour de moi. J’ai pas bougé. J’ai doucement sorti les mains de mes poches, pour montrer que j’avais rien. De toute façon, rien ne servait de se défendre ici. Ils m’avaient cramé ? Ma couverture avait sauté ? Ma discussion avec Edwin avait été rapportée par suiveur ?

« Alex Garfield ?
- Ouais. S’passe quoi ? Un problème ?
- Pendant ta virée en ville, Alex. Quelque chose qui t’a sauté aux yeux ?
- Nan, rien d’particulier.
- Tu vois, on avait chargé quelqu’un de te suivre. Des fois que tu prépares un coup fourré, tu saisis ? Sécurité basique.
- Si vous l’dites. J’ai rien volé, rien touché, et j’me suis limite fait entuber pour l’écharpe. Et ben quoi ?
- L’homme chargé de la filature, on est sans nouvelles de lui, alors qu'on aurait dû recevoir son rapport il y a quelques heures. Tu saisis dans quelle situation tu es ? »

Putain ! Ce connard d’Edwin aurait pas attendu les quelques heures pour laisser au révolutionnaire le temps de faire son rapport et dire que j’étais clean ? Il aurait pas pu faire ce que j’lui avais dit de faire ? Voilà pourquoi j’aurais préféré un contact du Cipher Pol plutôt qu’un Marine bas du front !

Chiasserie de sale histoire, j’leur raconte quoi, moi…

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Situation étrange. Alex, récemment recruté mais pas encore membre à part entière de la révolution, est déjà soupçonné de ne pas être réglo. Dommage, il est fort sympathique pourtant. Et les derniers propos qu’il a tenus pousse Alrahyr à lui accorder une certaine confiance. Une confiance toute relative, certes, mais une confiance tout de même. Alors il intervient, comme s’il en avait le droit, se levant aux côté de son ancien compagnon des souterrains, face aux gardes.

- Vous l’accusez de quoi ?
- On t’a pas sonné, toi !

Hargneux, le type. Il s’est certainement levé du pied gauche. Mais bon, il a une excuse : la situation a de quoi le faire stresser. Si on en croit les quelques insinuations faites par les gardes, le coutelier se serait débarrassé de son suiveur dans le but de pouvoir comploter tranquillement. Comploter avec qui, et contre qui ? Et avec quels moyens ?

De ce que le jeune Kaltershaft sait, Alex a été retrouvé naufragé, seul et sans rien, et à moitié mort. Faudrait être sacrément cinglé pour mettre en place une méthode aussi poussée et risquée pour simplement infiltrer le plus bas échelon de la révolution. Et complètement idiot. Alors, soit le gouvernement est complètement idiot, soit Alex est un simple naufragé qui se retrouve au milieu d’un mauvais concours de circonstances.

Et la seconde proposition est plus plausible que la première, cela va de soi.

Ou alors, hypothèse numéro trois, il y a une autre organisation, totalement idiote et inexpérimentée, qui tente d’infiltrer les gris…

- Alors, Alex, t’as quoi à dire par rapport à ça ?
- J’sais pas, moi, j’suis pas responsable d’un type qui me suit, ça serait plutôt l’inverse.

Il a la franchise d’un innocent. Si c’est un agent, il est sacrément bien entraîné, donc l’hypothèse trois tombe à l’eau. Et comme le gouvernement n’est normalement pas assez dingue pour organiser une mission suicide comme celle-là, le coutelier est tombé au mauvais endroit au mauvais moment.

- Si t’as que ça à dire Alex, on t’embarque. Allez, viens !

L’un des gardes chope le jeune homme à l’épaule pour le forcer à avancer.

- Hep, une minute.

Alrahyr saisit fermement la main du révolutionnaire pour l’ôter de sa prise, le fixant droit dans les yeux depuis le dessous de son sugegasa. Les gardes sortent leurs armes, l’interpelant lui aussi.

- J’t’ai déjà dit qu’on t’avait pas sonné ! Reste à ta place !

Mais le jeune homme maintient sa prise, bras tendu, arborant son allure menaçante des mauvais jours. Et, toujours en proie à sa hargne de mauvais réveil couplée à une situation dangereuse, le chef des gardes attaque ce bras tendu avec sa lame, en un coup vertical venant du haut. L’œil d’Alrahyr fixe le sabre et son bord tranchant, maintenant à quelques centimètres seulement de son membre.

- Tsuka !

La lame pénètre péniblement la chair, ralentie comme si elle traversait du caoutchouc. La peau semble se reformer après le passage du métal, et demeure intact lorsque le sabre quitte le bras. Il est simplement passé au travers, sans le blesser, sans l’endommager. Mais maintenant, un étrange lien brillant de l’éclat de l’acier orne l’arme, l’alourdissant fortement et forçant le garde à la lâcher.

Tous s’arrêtent, regardant la scène, médusés. Coup porté, cible atteinte, cible indemne, sabre au sol.

- Putain mais t’es quoi toi ? T’as mangé un des fruits du démon ?
- On s’calme maintenant, et on arrête le délire. Alex c’est pas une taupe ou quoi que ce soit du genre. C’t’un naufragé que vous avez recruté au Cimetière, et je vois vraiment pas pourquoi il serait responsable des accusations que vous lui prêtez. Je suis même prêt à me porter garant, je le connais assez, pour l’avoir côtoyé là-bas.
- Et pourquoi on te ferait confiance, t’es peut-être son complice, hein ? Après tout, toi aussi t’as cherché à rejoindre notre mouvement, depuis le Cimetière !

Alrahyr s’empare du col de son interlocuteur et s’approche dangereusement de lui, le fixant droit dans les yeux.

- Erreur. J’ai pas cherché à vous rejoindre, vous avez cherché à me recruter. Je viens de passer deux heures à voir plusieurs de vos supérieurs, plus hauts placés, plus responsables, et mieux informés que vous, ils ont organisé tout ça pour me convaincre. Alors arrêtez vos imbécilités. Je sais que le contexte de la situation rend les choses tendues, un de vos hommes n’a pas pu faire son rapport, mais ça ne veut pas dire que c’est de la faute du type qu’il suivait. Alors avant d’accuser les gens, informez-vous sur qui ils sont !

Silence. Bégaiement du garde.

- Et… euh… Vous… Vous êtes qui, vous ? S’il vous plaît ?
- Alrahyr Kaltershaft, ça vous dit quelque chose ?

Un type entre dans la salle, poussant les deux battants de la grande porte en même temps. Entrée bruyante, interrompant la scène.

- C’est quoi ce bordel !

Un petit homme en tenue beige et marron, typé camouflage, un béret posé de travers sur le haut du crâne.

- Vous, le grand au chapeau, relâchez ce pauvre garde, il vous a rien fait !

Alrahyr s'exécute, calmement. L'homme arrive à sa hauteur et le regarde, d’en bas.

- Qu’est-ce qu’y s’passe ?
- Vous êtes ?
- Jim Lowell, Cavalier de la révolution. Et vous ?
- Alrahyr Kaltershaft.
- Ah, c’est vous ! Heureux de vous rencontrer, bienvenue. Bon, que vous arrive-t-il ?

Le garde prend la parole.

- Alex Garfield, ici présent, est suspecté. Son suiveur n’est pas venu faire son rapport et il est porté disparu.
- Et vous, Alrahyr, pourquoi réagissez-vous si violemment ?
- Je souhaite me porter garant de la bonne foi d’Alex, avec qui j’ai déjà passé pas mal de temps. Il est impossible qu’il soit coupable de ce qui est avancé ici.
- Fort bien, c’est tout à votre honneur. Une seule contrainte, vous devrez le surveiller, car s’il s’avère être en réalité un infiltré, les supérieurs n’apprécieront pas.
- Ok, ça me va.
- Rien à redire ?

Le garde n’ose plus ouvrir la bouche.

- Autre chose ?

Silence.

- Je peux ?

Il commence à partir, puis s’arrête soudain, se retournant vers Alrahyr.

- Ah, venez, j’ai quelque chose à vous proposer. Une première mission, à laquelle vous pourriez certainement participer. Vous allez voir, ça risque de vous plaire.

Il jette un coup d’œil au coutelier.

- Et, du coup, vous aussi, venez.

Tous trois, ils sortent de la salle et marchent à travers les couloirs.

Au bout d'une courte minute, ils entrent tous dans une plus grande pièce, avec une grande table en son centre, des cartes, des pions. La fameuse mission.

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Grande salle, murs en pierre. Grande table, plateau en bois. Grande carte, dessinée sur du parchemin. Et des pions. De nombreux pions, disséminés sur les Blues. J’m’affole pas, j’sais pas ce qu’un pion représente. Y’a d’autres figures, aussi. J’distingue pêle-mêle des cavaliers, des bérêts, et d’autres signes qui me restent inintelligibles.
Celui qui s’est présenté comme étant Jim Lowell, Cavalier de la Révolution, nous invite à observer la carte. Moi, j’l’ai déjà bien maté, lui. Visage, morphologie, démarche. J’ai cherché d’éventuels tics, rien trouvé. Sobre, le gars, aussi bien dans sa manière de s’exprimer que dans sa gestuelle.

Son signalement doit être au moins aussi lambda que le mien, par contre, et ça c’est vraiment pas pratique : cheveux bruns, yeux marrons, teint de peau banal, et des traits ni grossiers ni fins. Indéfinissable, quasiment. Y’a que sa taille, pas bien imposante, qui le différencie un poil du commun des mortels.
J’suis nul en dessin, on va douiller pour le portrait-robot.
« Alrahyr, Alex, c’est bien ça ? »
On acquiesce silencieusement. J’me sens sur la sellette, j’voudrais bien arrêter de me faire remarquer. Alrahyr m’a bien sauvé les miches, en tout cas, après qu’Edwin m’ait foutu dedans. J’rage toujours de c’type. Mais j’écoute. J’m’allume une clope, aussi, pasque y’a pas de raison.
Jim se baisse sous la table, cherche un truc. Quand il se relève, il me jette souplement un objet gris foncé que j’attrape par réflexe. Ca a failli écraser la cigarette que j’tiens dans mes mains. Un coup d’œil et j’découvre un cendrier. Le message est passé.

« Est-ce que vous avez suivi l’actualité ? Un des deux ?
- Je n’en ai pas vraiment eu le temps. La dernière fois que j’ai vu un journal, c’était pour découvrir que j’étais primé à plus de cinquante millions. Et je n’ai pas pu lire le reste.
- Pareil, depuis mon arrivée sur le Cimetière d’Epaves, pas pu lire les news.
- Bon, on va faire court, alors. Une opération d’envergure était prévue pour libérer les esclaves de l’Île aux Esclaves. Nous avons été trahis par un Cavalier de la Révolution, Ivan de Cimitiero. Toute la flotte rassemblée pour l’occasion a été envoyée par le fond par le Vice-Amiral Fenyang. »
Avec Alrahyr, on s’regarde. J’suis surpris. Grosse opération. Gros échec, aussi. Ha, les enflures, après avoir été les vers dans la pomme mondiale, voilà qu’ils se font eux aussi bouffer de l’intérieur. Bien fait.

« Cette opération devait être menée par Costa Bravo. Il a été capturé. Le GM ne s’est pas privé d’annoncer qu’il allait l’exécuter à la vue de tous, sur l’échaffaud de Logue Town. Histoire de bien faire rentrer dans les esprits ce qu’il en coûte de s’opposer à ce qu’ils appellent la toute-puissance mondiale. »
Ouais, ça serait bien le genre des grands pontes de faire ça. Un p’tit spectacle, un buffet derrière pour célébrer, des zicos et de la picole à gogo, que ce jour reste dans les mémoires !
« Grâce à des informateurs dont nous disposons, nous savons qu’il va être muté prochainement jusqu’à Logue Town. Nous avons donc commencé à monter une flotte en faisant appel à tous les membres de la Cause dans les environs. Nous allons attaquer le convoi et libérer Costa. »

J’écrase ma fin de cigarette en jetant un coup d’œil à mon voisin. Il est concentré, regarde les routes maritimes, réfléchit à l’opposition. Il tripote ses sabres, aussi. Il a l’air impatient d’en découdre, de faire ses preuves, de montrer ses prouesses guerrières. J’crois que j’ai salement merdé en l’amenant ici.
« Voilà donc votre première mission. Nous allons sous peu faire l’annonce à tout les gens concernés. Vous allez tous les deux y participer. Alrahyr, je crois savoir que vous êtes venus avec un équipage de pirates ?
- Tout à fait. Ils sont restés à bord de leur navire.
- Ils sont les bienvenus s’ils veulent se joindre à nous.
- Je leur en parlerai, mais ça m’étonnerait. Ils souhaitaient aller sur Grand Line. Leur rêve était de rejoindre Armada, la libre ville des pirates.
- Peut-être pourrez-vous les convaincre. »

Un silence pensif s’installe. Alrahyr et moi, on regarde la carte, les pions. Jim nous regarde, nous. Ca me met un peu mal à l’aise, et je le montre à dessein en m’appuyant alternativement sur un pied ou l’autre, tout en regardant de temps à autres vers lui. Les minutes passent, il me fait le coup du silence, j’le vois d’ici.
Mon esprit se calme, tendu vers la situation présente, lucide. J’retiens le coin de mes lèvres qui veut se soulever en un sourire ironique.
« Vous devez vous demander pourquoi vous êtes ici, Alex Garfield.
- Un p’tit peu, oui.
- Vous n’avez pas l’air très intimidé.
- J’ai frayé avec la mafia, m’sieur Lowell.
- Jim, ça ira très bien. Hum, peut-être bien, oui.
- Et il faut être flegmatique pour gérer un magasin de couteaux et des rapports avec des individus du mauvais côté de la loi. Pour survivre.
- Ca ne vous a pas toujours réussi, visiblement.
- Visiblement pas, que j’achève avec raideur.
- Bon, enfin. Vous êtes toujours suspecté, sachez-le. Nombreux sont les révolutionnaires à vouloir vous jeter dans le port, des menottes aux mains et des pierres aux pieds, histoire d’être sûrs. Je m’y suis opposé, comme quelques autres. Nous valons mieux que les décisions expéditives du Gouvernement.
- Merci.
- Ne me remerciez pas. S’il s’avérait que vous êtes un traitre, peu importe pour qui vous travaillez ou pourquoi, vous regretterez de ne pas avoir fait un plongeon silencieux, je vous l’assure. Je m’occuperai personnellement de vous. »
Ca se passe de commentaire. J’soutiens son commentaire quelques secondes avant de le détourner, gêné. J’tiens bien mon rôle, j’pense, j’trouve, j’suppose.

On ressort, on va enfin se coucher. Quelques temps avant l’attaque. Faut que j’trouve un moyen de prévenir Edwin, aussi con soit-il. Et faut que je le fasse à l’insu de Jim, des révolutionnaires, des gens qui me suivent, et d’Alrahyr qui me quitte pas tout en continuant de toucher ses armes à intervalles réguliers.
Putain, déjà s’ils me laissent aller faire un tour en ville, ça sera un putain de miracle. A leur place, j’me maintiendrais ici pour les jours à venir, jusqu’au moment du départ.

En plus, mon paquet de clopes est vide. Putain, s’ils en ont pas… P’tet un coup à jouer… Ils pourraient en profiter pour tester la loyauté de leur nouveau pote de Boréa, comme ça. On nous colle une grosse filature et on regarde si j’déconne ou pas.

Dans mon plumard, j’réfléchis à un scénar’ qui collerait, et à mille autres, des fois que. Dur de pioncer, putain !


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Hôtel Le Sosnovitch, Luvneelgraad.


Une neige timide tombe sur les rues, dans la nuit de Luvneel. Les lampadaires crachent une lumière orangée qui fait reluire les dalles du macadam. De sa fenêtre au troisième étage, une cigarette au bec, Edwin fixe pensivement la neige qui tombe. Il a déplacé un fauteuil en cuir rouge face à la fenêtre et s'y est prostré depuis une bonne heure déjà. Il fixe la nuit, il fixe la neige. Derrière lui, passé le large lit et la commode, où il n'a entassé que son arme et un costume de rechange, un feu brûle timidement dans un poêle. Edwin tire sur sa cigarette une nouvelle fois, puis jette un œil à sa montre. Déjà minuit.

Trois jours.

Trois jours déjà qu'il n'a plus de nouvelle de l'agent Rinwald. Trois jours qui auraient pu mettre à mal l'anxiété de n'importe quel contact du CP, mais pas Edwin, bien évidemment, qui ne se contente que d'être pensif. Par trois fois il s'est aventuré à la fontaine où l'agent lui a donné rendez-vous. Par trois fois il s'est résolu à attendre plusieurs heures sans qu'aucun signe ne soit visible. Lire d'insipides papiers locaux débordant de nouvelles sensationnalistes putrides, nourrir des pigeons d'un morceau de pain acheté pour dîner, fumer cigarette sur cigarette en toisant les passants. Les activités, quoique rigoureusement accomplies, se sont toutes avérées particulièrement ennuyantes et infructueuses.

Alric Rinwald ne viendrait pas. Du moins, pas ces jours là.

Toutefois, Edwin a plus d'un tour dans son sac. Plus d'un tour, mais aussi un soutient particulièrement consistant de son supérieur le Commandant Toffel. Dommages collatéraux ou non, l'affaire sur Boréa a été rondement menée, de quoi garder Morneplume en estime du responsable de l'Élite sur North Blue, mais aussi de quoi lui permettre d'avoir accès à une panoplie d'instruments digne d'un véritable membre du Cipher Pol. Les yeux froids d'Edwin quittent la fenêtre et se posent sur une boîte de carton entrouverte, juste à ses pieds.

Il est temps.

Il les a reçu le matin même, ils sont arrivés dans une boîte qu'il est passé chercher à la poste du coin. Le facteur, un freluquet d'à peine trente ans, a déglutit en lui remettant le paquet, malgré l'amabilité forcée dont a fait preuve Morneplume. De retour au Sosnovitch, il l'a ouverte. Du papier froissé en quantité industrielle, d'abord pour protéger les objets d'une grande valeur, mais aussi pour éviter d'abîmer les nouvelles médailles qu'il vient tout juste de recevoir. On l'appellerait Lieutenant d'Élite Morneplume, désormais devenu une pointure sur North Blue suite à son succès sur Boréa. Le cadeau du Commandant? Deux escargophones que le QG lui offre pour la mission. Un blanc et un à la taille infime.

Que demander de mieux quand on cherche à obtenir des informations sans que l'on soupçonne sa présence? Ou que demander de mieux quand on cherche à transmettre de l'information sans qu'elle soit interceptée? Un contre-argument à de telles questions ne vient pas à Edwin qui, depuis quelques heures déjà, attend que la populace quitte les rues pour s'y engager. La fontaine, il doit se rendre à la fontaine.

Chapeau haut-de-forme bien vissé sur le crâne, large trench-coat sombre enfilé, il quitte sa chambre sans un bruit et s'engage dans les rues de Luvneelgraad. Ombre à la taille impressionnante, silhouette déjantée sous les feux des lampadaires, il passe de rue en rue, de ruelle en ruelle, afin de se rendre sur la place principale de la ville, sorte de grand square de macadam où s'entassent le jour de nombreux étalages bruyants vendant de tout et de n'importe quoi. Un peu partout sont saupoudrés de nombreux bancs de parc où sont amoncelés le jour des dizaines de personnes âgées, toutes occupées à patiemment s'éteindre sous les regards des marchands et des passants. Impératrice de la grande place, la fontaine domine au centre du square. Étrange arrangement de dauphins sculptés supportant une statue de Norland, une longue-vue bien enfoncée dans l'œil, même l'eau a cessé de s'écouler de la bouche des animaux marins, en cette nuit déjà bien avancée.

Edwin fouille dans sa poche, tout en s'approchant de la fontaine, puis en tire une craie, jetant de brefs coups d'œil par-dessus son épaule, de temps à autre, pour s'assurer de sa subtilité.

Elle sait faire preuve de doigté aussi, la Justice. Si Edwin peut faire sombrer une île, il peut aussi y donner un sacré coup de scalpel.

Et c'est ce qu'il s'apprête à faire, Rinwald étant l'outil de sa réussite.

Dans la nuit, la vitre d'une échoppe est fracassée, une silhouette s'y est faufilée. Comme un mirage, Morneplume disparaît dans les rues. Un escargophone et une médaille en moins...
 
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Putain !

Après quelques jours passés dans les souterrains de la Révolution, j’déprime sec. Faut dire que la nouvelle que j’étais potentiellement un espion infiltré actuellement sous surveillance s’était mystérieusement répandue à l’ensemble de la cellule. Sûrement un coup de Jim, qui voulait me mettre sous pression.
Du coup, où que j’aille, accompagné de mon fidèle surveillant Alrahyr Kaltershaft, j’suis le destinataire de moult regards méfiants, conversations chuchotées s’arrêtant brusquement sur mon passage pour reprendre dès que je suis hors de portée de voix, moues dégoûtées et dos tournés. Ouais, tous des potes à moi.

J’crois qu’on me fait le coup de la loi du silence. Si c’était que ça, ça serait supportable. Mais le pirate sur le point de passer révo –putain comment j’vais expliquer ça dans mon rapport ? prend son nouveau rôle très au sérieux. Il a beau dire, il doit quand même éprouver une certaine méfiance à mon égard. C’est limite s’il me suit pas aux chiottes. Enfin, il le fait, mais juste pas jusque dans la cabine j’veux dire.
M’enfin pas parler aux autres, en dehors du fait que niveau informations à rapporter ensuite, c’est pas fôlichon, ça va. C’est ce léger goût de crachat dans ma nourriture, l’impression que ma piaule a été fouillée à chaque fois que j’y reviens, le bruit des voisins la nuit pour m’empêcher de dormir et le son des couteaux qu’on aiguise en ma présence, ça me met les nerfs en pelote.
Du coup, forcément, j’voudrais aiguiser mes propres armes pour me détendre, être prêt à tout. On me les a prises. Logique. Donc Alrahyr me sert à la fois de surveillant et de garde du corps. J’ai pas trop à m’en faire, partant de là.

Par conséquent, quand on m’annonce que j’ai le droit d’aller faire un tour en ville pour aller acheter des trucs et m’détendre, j’accueille la nouvelle avec joie. Ca doit être parce qu’ils en ont marre que j’taxe des cigarettes à tout le monde. C’est comme un jeu du chat et de la souris. Un genre de puzzle. J’étais en stase, sans rien pouvoir faire qu’attendre dans une situation de merde. Va à nouveau être temps de marcher sur le fil du rasoir.
C’est que j’vais avoir un programme chargé. Entrer en contact avec ce gros bourrin stupide d’Edwin Morneplume à l’insu d’Alrahyr et des autres révolutionnaires qui vont me filer, et acheter des clopes. Putain j’ai hâte. Ma joie doit se lire sur mon visage, vu que le boréalin esquise un mince sourire. Lui aussi, ça devait lui peser, cette affaire.

On me fait à nouveau traverser de longs couloirs, des escaliers, le tout les yeux bandés. Mais là où précédemment j’avais la main aidante d’un sympathique révolutionnaire, j’ai plus droit qu’à des bourrades et des coups de coude pour me remettre dans le droit chemin. Hé, présomption d’innocence, les gars, non ?
Quand j’émerge enfin, j’me dis que le jeu en valait carrément la chandelle. Il fait froid en ce milieu de matinée, mon souffle se condense en buée. Il a neigé pendant la nuit, aussi, de la poudre recouvre le sol et forme des congères plus importantes par endroits. Mais maintenant il fait beau. J’souris au beau blond qui, même s’il me réchauffe pas vraiment, me change les idées.

On est acheminé à Luvneel, puis on nous donne une heure à laquelle rentrer. Un couvre-feu. Mission transmission d’informations lancée. J’ai plus ou moins toute la journée. C’est l’moment de faire appel à toute ma fourberie d’agent du Cipher Pol.

En ville, je flâne, j’taille le bout de gras avec Alrahyr. Il est content de voir de la neige, ça lui rappelle son île natale. Moi, ça me fait penser à des vacances, un petit peu. Puis c’est marrant, quand ça flotte dans l’air. Euphorisant, j’dirais même, comme les clopes que j’ai achetées sitôt arrivé sur place. Pour le coup, j’souffle plus de la buée.
L’air de rien, j’vérifie les poches de mon manteau. Enfin, celui que la cellule révolutionnaire m’a prêté pour l’occasion. C’est pas en arrivant à moitié à poil du Cimetière d’Epaves que j’aurais pu survivre au froid hivernal des environs. Rien dans les poches, j’regarderai les coûtures plus tard. Facile d’y cacher des bricoles, comme des tout petits denden. Je l’sais bien, on en a aussi, chez nous. Chez ceux qu’ont raison.

Le hasard pas si aléatoire que ça nous amène à la grande fontaine, celle avec des dauphins, où y’a des enfants qui jouent autour à se lancer des boules de neige. C’est de celle-là que j’parlais. Au rythme où on va, à regarder le paysage, les gens, les bâtiments, j’ai bien le temps de voir qu’Edwin n’est pas là. J’ai du retard mais qu’est-ce qu’il fout, putain ? Déjà il me chie dans les bottes, et là il traine ailleurs…
L’impression d’inflexibilité que j’avais de lui s’estompe. Ca se trouve, c’est qu’une apparence trompeuse et en fait c’est un genre de type inutile, un escroc, un passager clandestin. Chiasserie. J’repasserai par ici plus tard, des fois qu’il soit, cette fois, présent.

Mais plus tard, toujours personne. Rationnalise. Intellectualise, que j’m’admoneste. On achète un truc à manger viteuf’ et on se pose au bord de la fontaine. Il caille un peu, j’ai les doigts qui picotent, mais le sandwich dans mes mains me réchauffe et me distrait tandis que j’laisse mon regard errer sur le tour de la place. J’suis pas très bavard, Alrahyr non plus.
A un moment, mes clignotants tombent sur un dessin moche fait à la craie par des enfants. On dirait un genre de rat qui fait un signe du pouce. J’imagine avec un petit sourire une bande de gamins qui jouent avec une craie. Ca attire un coup d’œil désintéressé du Kaltershaft.

Trêve de plaisanterie. J’imagine que j’suis Morneplume. Enfin, j’essaie, une rencontre de deux minutes rend difficile de s’immerger dans la psychée de quelqu’un. J’suis Morneplume, un grand morceau de glace guindé qui tue du révo à la seconde pour ne pas les laisser vivre quelques heures de plus. J’suis Morneplume, le contact d’un agent infiltré du Cipher Pol. J’suis Morneplume, j’ai pas de nouvelles de mon contact depuis des jours.
J’suis Rinwald, j’laisse un message, de quelque façon que ce soit ! Comme ce qui ressemble à un rat mais est en fait, d’après le monticule mochement dessiné devant, une taupe ! J’ai un p’tit sourire en coin. La suite du puzzle est proche. Le fil du rasoir, l’adrénaline. Mon surveillant ne semble pas avoir remarqué quoi que ce soit d’étrange.

J’ai fini mon sandwich, j’allume une cigarette tout en bloquant une boule de neige lancée facétieusement par un gamin. La clope au bec, je lui en lance une que j’assemble hâtivement et sans talent. J’manque d’entrainement pour ça, faut croire, vu qu’elle se délite en plein vol, sans toucher personne. Et sous les moqueries des gamin. Même mon maton esquisse un sourire moqueur. Hé, ça va, j’suis pas d’la neige, moi.
« Hé, te moque pas, t’as qu’à m’montrer ! »
Et il part dans des explications auxquelles j’capte un steak sur quelle neige prendre et tout. J’laisse pisser en hochant la tête d’un air intelligent pour faire illusion. J’utilise le battement pour tirer sur le fil de la coutûre et accéder à la doublure. La fortune favorise les gens prévoyants, c’est bien connu.

Inutile de préciser qu’on va dans la direction pointée par le rongeur. J’espère vraiment qu’il a été posé par Edwin, sinon j’vais avoir l’air fin. On arrive devant une façade de magasins. Rien de particulier à signaler, le genre un peu miteux. Y’en a un qu’a une vitre cassée et recouverte hâtivement d’une planche en bois.
J’veux aller dans celui-là, mais j’me retiens. Y’en a d’autres plus proches. Moins suspects, ouais. Alrahyr sourit mais ça va pas trop jusqu’à ses yeux. Il prend ses responsabilités au sérieux, il veut pas faire foirer son entrée dans la révolution à cause d’un petit merdeux, eût-il vécu pleins de trucs avec lui. J’vais ptet même faire exprès de rendre Alra suspect, tiens. Un coup à jouer, j’garde ça dans un coin de ma tête.

Le premier magasin vend des fringues.
« Pourquoi on va là-dedans, Alex ?
- Pour passer le temps, pas retourner à la maison.
- Hm.
- L’ambiance est pas terrible en ce moment.
- Ouais, pas faux. »

Après avoir regardé, trifouillé, tripoter des vêtements pendant une dizaine de minutes, j’propose de sortir. Magasin suivant, c'est celui qui m’intéresse. A l’intérieur, ça schlingue, c’est mal rangé et la marchandise n’est qu’un amas de babioles dans un état de délabrement plus ou moins avancé. C’est un mont-de-piété.
Le vendeur, un grand type avec de la bedaine, nous adresse un grognement en guise de salut. Assis à son comptoir, il nous regarde de ses p’tits yeux enfoncés pour s’assurer qu’on fasse pas les guignols à lui voler des trucs.

J’navigue entre les rayonnages, prenant mon temps pour regarder tout autour de moi. Mon surveillant a manifestement l’air de s’emmerder. Il comprend pas ce que je fais. Moi non plus, j’suis pas sûr. Si mon raisonnement est bon, devrait y avoir quelque chose pour moi, ici. Malheureusement, j’ai pas pu trouver de papier et de stylo pour écrire un message, ou de craie pour le faire de telle sorte qu’mon garde découvre que dalle.
Enfin, enfoui à l’arrière du magasin, j’tombe sur une perle. J’suis quasiment sûr que c’est lui. J’vois pas ce que cette putain de médaille de la Pacification pourrait bien foutre là. Elle est accrochée à un petit colis, du genre vraiment minuscule. Aucune idée de ce qu’il y a dedans. J’ai pas une thune sur moi, en plus, donc ça va être compliqué de l’acheter.

Reste la bonne vieille technique du vol. En me tournant vers une autre étagère, mon manteau vole, j’me fais un croche-pied, j’renverse tout le contenu. Le patron se lève en sursaut, Alrahyr arrive en un éclair, j’ai le colis dans la doublure de ma poche. J’me précipite pour m’excuser, pour remettre en état, on collabore tous. Une fois que c’est fait, le taulier mate tous ses rayonnages pour vérifier que y’a rien qui manque.
Evidemment, c’est le cas, j’ai juste ramassé un truc qu’était même pas à lui.

Putain, j’suis bon, quand même.

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Quel maladroit ce coutelier… Comment peut-il faire du bon boulot avec des lames, en étant foutu de renverser la moitié d’un magasin, en trébuchant bêtement sur ses propres pieds ? Quoi qu’il en soit, Alrahyr vient de se souvenir de quelque chose de pas si anodin que ça…

- Merde, j’les avais complètement oubliés !
- De qui ?
- Les pirates avec qui j’suis venu…

Effectivement… Tout ce remue-ménage au QG des révolutionnaires, le recrutement, la mission, et la surveillance d’Alex, tout ça l’a fait oublier l’équipage qu’il vient de rejoindre.

- Suis-moi…

Direction le port. La neige continue de tomber, lentement, recouvrant calmement les traces de pas des passants. Ils sont font rares, au fur et à mesure que le duo s’approche de la côte, si bien que le Boréalin se prend au jeu de les observer, un à un. Un couple qui marche doucement, un jeunot type coursier qui se précipite vers le centre-ville, un grand type en costard, une vieille dame qui rentre chez elle, le regard attendri par les enfants qui jouent dans la neige.

Et, au loin, dans le brouillard engendré par la proximité de la mer, s’élève une ombre, grande et élancée, chapeau haut-de-forme, dépassant largement le jeune Kaltershaft. Il ne la distingue pas bien, cette silhouette. Le duo continue d’avancer, toujours vers le port. Alex aussi semble intrigué par l’ombre, qu’il fixe d’un regard inquiet. L’homme au chapeau est totalement immobile, mais le duo ne décèle pour le moment rien de plus qu’un teint grisâtre uniforme, dû au brouillard.

Là, un enfant, gris lui aussi vu d’ici, se précipite vers le grand homme. Il escalade l’un de ses camarades, pour pouvoir atteindre, bras tendu, la tête de l’ombre. Et, finalement, le gamin y plante quelque chose, au milieu de la figure, puis s’écrie :

- Et voilà, terminé ! J’t’avais dit, que ça s’rait mieux avec une carotte !

Alrahyr, s’approchant, découvre le chef d’œuvre des petits, superbement sculpté, un magnifique chapeau noir posé au sommet. Un splendide bonhomme de neige comme il n’en a jamais vu auparavant. Il ne peut s’empêcher d’émettre un petit ricanement de contentement.

Le port. Et, amarré sur un quai pas très loin, la Reconquista. Trois hommes le surveillent, et indiquent au duo qu’ils trouveront le capitaine dans un bar, juste là, pas loin. Le Connemara, qu’il s’appelle.

Le bar est bondé, animé par un groupe local de musique… de musique. Le style n’est pas tellement définissable, mais ça sonne bien. Enfin, bien… Disons que ça sonne, et ça donne une ambiance au bar. Les gens, pour la plupart saouls, dansent en de multiples rondes, se resserrant, s’écartant, chantant à tue-tête un air tantôt calme, tantôt accéléré. Tradition locale très festive, et de bon goût, semble-t-il.

- Ah, Al’ ! Te vlà enfin ! Ou qu’t’étais passé ?
- Salut Cap’, des affaires perso à régler. On prend un verre ?
- Haha, ça roule ! Hep barman, servez mon ami, c’moi qui régale !

Alex glisse à l’oreille du révolutionnaire en devenir quelques mots :

- Euh j’dois aller pisser, ça presse pas mal…
- C’est bon, vas-y, mais sois pas long !
- Promis !

Et voilà la bière qui arrive. Et une bonne, en plus !

- Cap’, j’ai rejoint la révolution, ça modifie pas mal mes projets.
- Oula ouais carrément ! J’t’écoute.
- Ils sont en train de monter une mission, on va pas tarder à partir en mer. En fait, ça risque d’être pas mal mouvementé, si tu vois c’que j’veux dire. Je ne veux vous forcer à rien, alors si vous voulez lever l’ancre de suite direction Grand Line, faites. De toute manière, je suis pas près de m’y rendre, allez-y sans moi.
- Hey, t’es sérieux là ? Tu nous lâches ?
- Ouais Cap’, désolé si t’as eu des faux espoirs, mais la révo, c’est beaucoup plus mon truc que la piraterie…
- Putain… Bon, j’vais pas tenter de te prendre par la force, j’vais m’faire rétamer… Et j’t’avoue que j’suis pas trop chaud pour vous suivre dans vot’ truc là…
- Rien ne vous retient alors !
- Héhé, nan, rien ! Ah ! Si ! La bière ! Hahahaha !

Et les deux hommes partent dans un fou rire et une bonne rigolade sur les vertus de cette boisson divine. Rapidement, le coutelier revient des chiottes et partage la ferveur générale. Ils sont bien, là, en cette fin d’après-midi, dans un bar plein toute la journée. Il n’y a pas d’heure pour la fête et la bière, leur dit-on, alors qu’ils s’étonnent de la présence d’autant de monde.

- Alra, ça va être l’heure là, faut s’bouger.
- Bien vu ! Cap’, on y va, on se revoit sur Grand Line !
- Hehe, ça marche Al’, bonne chance !

Direction le point de rendez-vous. Sur le chemin, l’ombre du bonhomme de neige au chapeau haut-de-forme se dresse à nouveau. Mais, cette fois-ci, la silhouette transperce le duo d’un regard pénétrant, qui fait froid dans le dos, même à cette distance. Elle les fixe un instant, puis se déporte doucement sur le côté, disparaissant dans les ombres des maisons et autres ruelles.

- C’est…

Alrahyr aurait juré le voir. Lui. Ici ? Alors il se précipite vers l’endroit où l’ombre s’est évanouie, mais ne trouve pas de trace. Pas de pas, pas de marque, rien. La neige, qui tombe plus fort maintenant, les aurait déjà recouvertes ?

Alex est inquiet. Lui aussi, il l’a vu, ou en tout cas, a cru le voir. Mais le Boréalin ne prête aucune attention à l’inquiétude du coutelier, trop préoccupé par la situation.

- Y t’arrive quoi ?
- J’ai cru voir quelqu’un…

Alex arrive parfaitement à feindre l’incompréhension. Il faut dire qu’il y a une part de vrai : comment Alrahyr connaitrait-il cet homme ?

- Bah ouais, y avait quelqu’un là, nan ?
- Ouais, mais il aurait pas dû être ici.
- C’était qui ?
- Tu connais pas.
- Ouais j’me doute, mais tu le connaitrais d’où ?
- Boréa. Un Sergent d’Elite, de l’époque où j’étais infiltré dans la Marine.

« Infiltré ». Désormais, pour simplifier l’histoire à raconter à tous ceux qu’il croise, l’ex-Sergent d’Elite utilise ce mot.

- Edwin Morneplume, qu’il s’appelait.

Alex frissonne de peur. Ou de froid ? Mais, encore une fois, son compagnon ne le voit pas, trop perturbé.

- Et là, j’aurais juré l’avoir vu.
- Si un Marine est ici, c’est pas bon, hein ?
- Nan. Mais bon, j’ai peut-être rêvé…
- J’espère…

Alors tous deux continuent, sans dire un mot.

Point de rencontre, cheminement masqué, arrivée au QG. Repas, peu de mots, peu de phrases. La classique. Les autres sont toujours méfiants à l’égard d’Alex, mais peu importe.

La Nuit.

Et le matin.

- Allez on se réveille, debout tout le monde, je veux vous voir dans la salle principale dans quinze minutes ! Avec vos armes et tout votre paquetage !

Réveil express, réunion. Le départ de la mission a été avancé, et c’est maintenant. Alors tous les révolutionnaires, anciens et nouveaux, se dirigent vers le port au pas de course, embarquant dans les nombreux navires affrétés en vitesse par les équipes dédiées. Les tourelles à canon ont été vérifiées, les voiles préparées, tout le matériel mis à disposition. Organisation parfaite.

Alors, toute la flotte lève l’ancre, direction Logue Town. Alrahyr et Alex, inséparables par circonstance, sont dans le même vaisseau. Bouclier en main, sabres à la taille, sugegasa bien placé, pour l’un, couteaux aiguisés pour l’autre. Le Boréalin a dû insister, mais ça s’est fait sans trop de problèmes.

Non, le vrai problème, c’est ce qu’il s’est passé la veille. Edwin était-il là ? Etait-ce une hallucination ? Alex a vu quelqu’un, mais il n’aurait pas pu le reconnaître.

Edwin, à Luvneel…

A ce rythme-là, ça ne peut qu’Empirer.

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