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Le Reste du Monde.

Lilou...

La voix grave de Harry sortit la jeune rouquine de sa torpeur. Ça faisait bien cinq minutes qu'elle tentait d'insérer une tige de fer dans son plâtre sans y parvenir. Peu importait le sens ou le côté, ou la manière de s'y prendre. Les joues rougies par la colère et l'agacement, les sourcils froncés, la jeune fille n'arrivait à rien. Et son hôte, lui, avait les yeux rieurs en la voyant faire. Rieurs, quoiqu'un peu fâché de la surprendre encore dans le garage alors qu'elle devrait faire tout autre chose...

Mais ça me démange ! Objecta-t-elle en bondissant de son tabouret, attrapant au passage une petite brosse qui servait d'avantage à nettoyer les pièces d'un moteur qu'à soulager le frottement du plâtre contre la peau.

Harry avala la distance jusqu'à elle et la débarrassa de ce qu'elle tenait entre les mains. Posant une paume compatissante sur son épaule, il lui ébouriffa les cheveux en lui faisant ensuite un sourire qui étendait aussi sa moustache broussailleuse.

Va aider Marta à l'auberge, plutôt...
Quoi ? Remettant du l'ordre dans sa tignasse emmêlé, elle reprit aussitôt : Mais t'as trop de boulot ici, je vais pas te laisser !
Et tu vas faire quoi avec ton bras dans le plâtre ? C'est un coup à te casser l'autre main comme la dernière fois.
Mais...
Pas de mais. File.

Intraitable. Intransigeant. Mais jamais méchant. Et toujours juste. C'était ainsi que fonctionnait Harry depuis qu'il était avec elle. Il tentait bon gré mal gré de lui enseigner des valeurs qui lui semblaient importante, de lui donner des bases solides, même si ça n'avait rien de facile. Lilou était trop souvent farouche et obstinée, loin d'abandonner une idée lorsqu'elle lui trottait dans la tête, toujours motivée par la curiosité et l'envie d'en savoir plus. Courir après elle s'avérait souvent plus fatiguant que pertinent, si bien qu'à force des années, Harry avait appris à reprendre son souffle, comme à être endurant. Désormais il ne souhaitait qu'une seule chose : que, lorsqu'elle s'en irait parce qu'elle s'en irait, c'était une évidence, elle le fasse clef en main et prête à gravir des montagnes. Elle en était capable, et il n'en doutait pas une seule seconde. Elle avait juste besoin d'une prise solide pour poursuivre son aventure. Il la regarda descendre la petite rue pavée, bougonne, la tête renfoncée dans les épaules en râlant trop fort. Ses cheveux tombaient en cascade dans son dos et étaient digne d'un énorme sac de nœuds. Et Harry eut un petit rire en retournant à ses affaires.

Lilou, quant à elle, enfonça l'une de ses mains dans la poche de sa salopette, gardant son bras plâtré le long de son corps. Elle s'était cassée le poignet, une semaine auparavant, après s'être envoyée maladroitement le marteau sur l'articulation. Et depuis qu'on lui avait permis de retourner chez elle en restant éloignée des outils pour plus de sécurité, elle ne pouvait s'empêcher de trouver des manières de contourner l'interdiction formelle de son médecin. Sauf qu'Harry veillait au grain, et lui trouvait des dizaines d'occupations la tenant à l'écart de l'atelier. Jerro' ne voulait pas non plus l'aider, ayant pris parti pour son grand-père...
Marta aussi était dans le coup. L'aubergiste, une grosse dame toujours souriante qui gérait son troquet d'une main de fer, l'embauchait régulièrement pour l'aider un peu partout. Faire les chambres, la cuisine, gérer les poules et les cochons, s'occuper du jardin,... Si Lilou n'était pas femme de ferme à la base, elle apprenait très vite à le devenir. Les bottes dans la boue à pousser ces cocottes qui lui courraient dans les pattes, à aller et venir dans les couloirs pour faire les lits. Accueillir les voyageurs et les touristes venus se mettre au vert avec un faux sourire en ravalant l'envie de leur envoyer leur assiette de tambouille dans la figure.

En passant la porte de l'auberge, Marta l'attendait déjà. Les mains sur les hanches, un tas de draps propre était posé sur le comptoir. Lilou avait espéré, au plus profond d'elle-même, qu'il n'y aurait rien à y faire. Ou en tout cas, pas de client à fréquenter, juste les poules éventuellement à s'occuper. Mais non. Car dès qu'elle arriva au niveau de la gérante, cette dernière lui colla le linge de maison entre les mains et lui annonça d'une voix forte :

Un navire arrive dans une heure ! Et on a des réservations !

De quoi dire "Adieu" à l'atelier pour quelques jours...


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Ven 30 Jan 2015 - 18:05, édité 1 fois
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T'es pas le mec le plus brillant du monde, hé bah ? Essaie quand même d'illuminer quelque chose.

Vingt-neuf ans de vie, et je n'y arrivais toujours pas. Derrière, je laissais époque sanglante et je restais sur le chemin tout en sachant qu'elle me rattraperait et gagnerait plus d’un tour de piste. Alors quoi ? Alors j'allais là où le soleil se cachait pendant que les bonnes gens de Drum crevaient de froid. Un endroit simple où je pourrais oublier les quelques soucis que j'ai eu avant ça, où je pourrais oublier ceux du monde aussi, et me concentrer sur le rien-à-foutre, l’égoïsme qui fait du bien, oh, qui vide l’esprit. Là-bas tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté.

Ce là-bas, c’était la fuite plutôt que l’évasion. Je n’avais pas à penser. Seulement sentir les courants, n’importe lesquels, parcourir ma peau. Et plus ce qu’il y avait à l’intérieur de la tête et du cœur. Ce là-bas me permettait même de l’oublier un peu… Hélas, jamais trop longtemps. Hélas, hn, il est des souvenirs que l’on veut graver.

Je disais, jamais trop longtemps, parce que je la croisais à chaque coin de rue. Et même au bout du monde. Tu ne voulais pas quitter mes pensées, toi ? J’avais des remords, car cette horrible impression qu’elle me méprisait de l’avoir remarqué trop tard. J’étais fou et amoureux. Ou simplement un seul des deux, à peu de chose près, c’est la même chose.

Je disais, jamais trop longtemps, parce qu’il me fallait simplement franchir une porte pour la voir se tenir derrière un comptoir, de dos, à râler contre le reste du monde. Ce n’était pas elle. Mais je souriais quand même.

Et qu’est-ce que vous prendrez ?

Hm ? Ah, rien. C’est qu’il fait chaud, au dehors. Je cherche un endroit comme celui là depuis longtemps.

Au plaisir du client. Lilou, t’as entendu, fais du vent !

Lilou, heh. Elle se retournait, la ride au front, pas exactement le visage qu’une serveuse digne de ce titre devrait avoir. Il ferait fuir un criminel !

Tu veux pas non plus que je fasse tomber de l’or !?

L’or, il était là. C’étaient les éclats de celui qui veillait sur nous, là-haut. Ou peut-être que c’était nous qui veillions sur lui.

Bon, de l’eau glacé alors. Pas top de servir avec ça, qu’est-ce que tu t’es fait ?

Laissez tomber, c’est une casse-cou. Ça se voit à sa tronche ! Souris un peu, hm ?

Heh… Les blessures, ça vous freine une vie. Fais bien attention.

Et vous, d’ailleurs, qu’est-ce qui vous amène ici ?

Le vent ! Non, un congé… après une fâcheuse histoire. Marine d’élite. Hm ? Ouais. Synonyme de vie pas facile. Je m’y suis retrouvé, heh, circonstances, ouais, fâcheuse histoire, tout pareil. Les dommages collatéraux, ça peut vous freiner une vie comme l’accélérer. Dans mon cas… Disons que j’ai du mal à bien différencier les deux.

Très vite, je me retrouvais à raconter les cicatrices d’un presque-vieux marine qui avait presque vécu des choses. Presque autant que Quelqu’un.

[…]Le problème c’est que c’est avec ce désir de domination qu’ils arrivent à rivaliser contre la Marine. Ils ont toujours un coup d’avance. Techniquement et mentalement. C’est les scientifiques fous qui font le plus de découverte, je dis, c’est pareil pour l’ingénierie militaire. On privilégie trop la foi en la justice et au gouvernement qu’à l’avancée technologique… Ce que je pense, c’est qu’il faut associer les deux et peut être que là…, ouais.

La grosse femme me regardait avec les yeux béats d’une personne qui ne comprenait pas. Je riais poliment sans lui en vouloir, payais une couche pour ce soir en lui faisant la promesse de revenir après avoir visiter la nuit et ses lumières.
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Ça te regarde pas, gros naze...

Eut-elle envie de lui rétorquer en s'abstenant pourtant. Mais l'envie lui grignotait toujours les entrailles, même lorsqu'il commença à raconter à Marta le pourquoi du comment il se trouvait chez eux à abuser très clairement de leur hospitalité et de la patience légendaire de Lilou. Occupée derrière le comptoir à essuyer les verres et la vaisselle, elle n'écouta que d'une oreille qui sembla distraire les déboires de ce type qui ne s'était même pas présenté en arrivant. Sans esquisser un sourire, elle constata que des choses à dire, il en avait.

Trop.

Et même si elle portait sur son faciès la mine boudeuse que les adolescentes savaient trop bien faire lors de ces périodes de vie, elle entendait son discours et ses explications et s'intéressa à lui lorsque son histoire porta sur les découvertes scientifiques dont il pouvait user ou se confronter souvent.

Mais son intervention se stoppa net lorsqu'il termina de quitter sa couche avant de partir visiter le coin. Lilou se hâta de terminer ce qu'elle avait entrepris, prépara la chambre de l'inconnu, laissa la cuisine à Marta et fila comme le vent sur les traces de ce type.

Lui remettre la main dessus ne fut pas des plus compliqués pour Lilou. Elle connaissait l'île, SON île, comme le fond de sa propre poche. Les fermes, elle les avait toutes visitées au moins une fois depuis qu'elle était là. Elle avait dormi dans chacune des granges pour échapper à Marta, avait couru après chacune des poules ou des chèvres du coin. Elle connaissait les plages qui bordaient ce bout de terre mieux que personne, elle avait exploré la seule et unique grotte du coin. Elle savait le nom de chacun des habitants, et tous les habitants la saluaient lorsqu'ils la voyaient. Le cabinet de l'unique médecin de l'île n'avait aucun secret pour elle, encore moins la minuscule école ou le village en lui-même.
Du coup, elle aborda ce type en le hélant sans ménagement. Trottinant jusqu'à venir à sa hauteur, elle le jaugea et l'estima du regard. Le nez retroussé, les sourcils froncés, sans jamais lui esquisser un quelconque sourire. Elle détailla ses traits tirés, son teint halé, ou ses cheveux en bataille.

Ou encore les quelques cicatrices qu'il laissait bien voir pour témoigner de sa vie passée ou de ses aventures.

Et c'est avec l'air parfaitement effronté qu'elle lui rétorqua directement :

Qu'est-ce que vous connaissez à la technologie, vous, d'abord ? Ou même à la vie ?

Sa question pouvait sembler désarçonnante. Voire agressive. Laissant entrevoir un caractère buté derrière une frimousse trop jeune pour connaître vraiment la réponse à toutes ces interrogations. A dire vrai, son but n'était pas d'attaquer. Elle ne savait juste pas faire autrement pour s'adresser à quelqu'un, surtout à un inconnu. Elle était juste... Curieuse.

Puis, ça fait plus mal. J'ai l'habitude.

Elle leva son bras dans le plâtre pour le lui désigner, et termina de le fourrer dans sa poche.
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Toi qui te sens un peu fêlé, au moins, tu laisses passer la lumière.

Elle apparaissait dans mon dos, j’observais sa chevelure aidé par les étoiles qui perlaient la nuit. Aidé aussi par la couleur de celle-ci, jolie, flamboyante, agressive. Pour les yeux. Un si beau visage pour un caractère, hm… Pour un caractère point. Mais je souriais un temps, avant de fermer mon expression net : c’étaient les souvenirs du champ de bataille qui remontaient aussi vite que les vies de mes camarades, dans les images, elles, expiraient. Je pensais que des fois ce n’était pas le temps qui nous voulait du mal, des fois, c’étaient les hommes. Et peu importait leur camp, ou ce qu’ils pensaient défendre. Ou ce qu’ils pensaient conquérir !

Ce que j’y connais, moi ? Rien, probablement. Ce que je connais, moi, c’est le cliquetis de la gâchette. Et les vies perdues. Je connais… le visage des victimes. Ceux au front parfois n’en ont même plus. Alliés comme ennemis, peu importe. Moi je connais la guerre.

C’était l’année d’avant, 1615, le Galion d’Or. Kosma et moi mêmes étions partis  en quête de l’invisible et du faux, sous les ordres d’hommes qui eux s’y connaissaient. Cuirassés et croiseurs, tourelles mitrailleuses, canons, canons sciés. Ce n’était pas une histoire à raconter à une gamine. L’Elite me faisait perdre les liens.

Ce que j’y connais, moi, à la vie. Ah ça ! Personne n’y connait rien, ça ! On s’allume puis on s’éteint. Le tout c’est d’éclairer la pièce le plus longtemps possible. Si ?

Je touchais l’horreur de mon visage, mon tourment. Un creux long de quinze centimètres qui passait par mes yeux. 1615, galion d’or …Et je me rapprochais.

Mais ça, c’est le vécu. Toi aussi, tu en as.

Je désignais d’un mouvement de tête son bras en plâtre, puis je riais.

L’habitude, hein ? Et qu’est-ce que tu fais comme ça ?

Je me retournais une seconde voir la lune. Ça me rappelait mon Ciel, celui d’Orange. Le croissant n’avait rien à envoyer à sa sœur. Je la trouvais même plus belle, entourée de ses milliers d’enfants.
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Elle l'écouta sans broncher, les sourcils froncés alors qu'il avait l'air rieur. Elle se demanda même pendant un bref moment, sans l'interrompre pour autant, si c'était ses questions, ou elle, qui le faisait autant rire. Elle se repassa ses propos pour vérifier ce qu'il y avait de si drôle, sans rien trouver de concret, et préféra l'interrompre lorsqu'il termina de causer de ce qu'il ne savait pas :

T'y connais rien ! Trancha-t-elle brutalement en le regardant droit dans les yeux, avec une moue boudeuse scotchée sur le visage et l'air insolent qui lui allait trop bien. Elle prit au passage le tutoiement, comme lui le faisait depuis le début sans lui avoir demander son avis au passage. Vrai, quoi ! Elle avait seize ans peut-être, et lui le double sans doute, mais devait-elle vraiment s'embarrasser de cette distance mal avisée ? La technologie, c'est pas fait pour tuer. Je le sais. Faut pas la mettre dans les mains d'esprit malins, c'est tout. C'est à toi de veiller à ça, c'est ton boulot...

Oui, hein. Son boulot. De quoi lui mettre le nez dans des responsabilités que Lilou n'entrevoyait même pas. Elle n'était pas la mieux placée pour parler, mais elle parlait. Après tout, depuis sa plus tendre enfance, elle baignait dans ce domaine. Construire des trucs, bâtir des machins... Même des armes qui tuaient et qui avaient bercé les dernières années de ce type. Et pour elle, il devait forcément y avoir un garde fou pour qu'on ne dépasse pas les limites. Yumen n'en était pas un. Il créait jusqu'à ne plus pouvoir. Harry, lui, était plus tempéré. Il remettait Lilou dans le bain, en lui réapprenant les bases de la vie, à différencier ce qui était bien de ce qui ne l'était pas.
Seule, la rouquine était bien incapable d'en voir les nuances. Pas faute d'essayer, de comprendre, de tempérer ces moments de folies créatrices qui la prenaient tard le soir ou tôt le matin. M'enfin. Elle haussa simplement les épaules lorsqu'il la questionna sur son bras, et elle répondit avec flegme et détachement :

Je me casse tout le temps. Comme du verre. Et depuis toujours.

Elle était née comme ça. Mal foutue. Mais elle vivait et survivait encore après toutes ces années, toutes ces claques comme tous ces coups qu'elle avait reçus. Années qui l'avaient blasés, pour sûr. Qui l'avaient retranché dans son trou pour se lécher les plaies. Pour se cacher des monstres de sous son lit qui la hantaient certaines nuits. Pas toutes. Depuis peu, pas toutes.

Tu causes bizarre, quand même.

Un peu perché, qu'elle se disait en le regardant de haut en bas, comme un médecin ausculte son patient. Il souriait, l'air tranquille mais pas tout à fait, il semblait être là sans vraiment l'être. Voir sans vraiment regarder. Vivre sans vraiment le faire.

Ta chambre est prête. Tu veux visiter ? Y'a pas grand chose à voir, ici. Ni grand chose à faire. T'es là en vacances quand même ou pour le travail ? Parce que si t'es là pour le travail, tu t'es fait avoir. Et pour combien de temps ? Pourquoi ici ? T'étais où, avant ?

Regardant à son tour la lune, elle revint vers lui rapidement pour terminer :

Et pourquoi tu te marres au fait ?
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Ni grand-chose à voir, ni grand-chose à faire, ça me va. Et toi, tu te trouves pas drôle à poser autant de questions à un étranger ?

Les mains dans les poches, je faisais demi-tour pour revenir à l’auberge. Je marchais lentement quand elle, semblait trottiner un peu.

Avant, j’étais partout. M’enfin, surtout en mer.

Je regardais les rues du coin de l’œil. Pas grand-chose à voir ni grand-chose à faire. Elle avait raison. Mais il fallait sa dose de vide à une vie pour bien la remplir. Je pensais.

Et toi, t’étais où avant ? Tu ne viens pas d’ici, ça se voit dans tes yeux. Tu vois, on a les mêmes. Dans les tiens, il y a une autre vie. Facile à deviner.

Dans les siens, il y avait une autre vie, quelque chose de sombre qui assombrissait son regard. Je le savais, je le côtoyais tous les jours. Il suffisait d’un miroir.

Touché, heh ? Haha, touché.
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Ça te regarde pas, gros na- nez...

Touchée ? Un peu. Elle se demanda comment il pouvait savoir ça, dans un premier temps avant de se raviser et d'être plutôt insolente et désobligeante. Après tout, elle était bien plus douée pour faire ça que pour être agréable. Elle se mit en route, avec lui à côté, pour lui faire faire le tour de l'île avant de rejoindre l'auberge où il passerait la nuit. Avec une remarque sèche sur le bout des lèvres :

Ce n'est pas moi le touriste, ici. C'est toi. Toi, t'étais où, avant ? T'as pas répondu à mes questions, non plus.

Il était fort, pour ça. Pour ne rien dire et pour tout dire à la fois. Elle se demanda même pendant un bref instant s'il n'avait pas trop bu avant de se prendre trop de soleil sur le crâne. Ç'aurait été logique, pour expliquer sa manière de répondre aux gens, de pas trop suivre sa pensée, ou simplement pour ne pas penser. Et s'il ne songeait pas parce qu'il était en congés ? Elle s'interrogea encore. C'était peut-être ça.

L'île est petite. Il n'y a rien à y faire. Je te l'ai déjà dit. Si tu restes trop longtemps, tu vas t'y ennuyer.  Je ne comprends pas les gens qui viennent ici pour s'y ennuyer. C'est à croire qu'ailleurs, y'a trop de choses à faire et à défaut de s'en charger, on préfère ne rien faire.

Elle haussa les épaules avec une certaine insolence, avant de reprendre :

Si tu vas par là, dit-elle en pointant l'Est, tu iras vers les côtes. Elles sont abruptes, escarpées et dangereuses, personne ne s'y aventure. Par là, ajouta-t-elle en pointant l'Ouest, c'est tout l'inverse. Du sable et la mer. C'est tout. Et le reste, tu trouveras des fermes et le village, en amont. Tout le monde est gentil, ici. Et tout le monde connaît tout le monde. Sauf toi. Mais ils seront gentils quand même.

Evidemment.


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Lun 15 Déc 2014 - 16:27, édité 1 fois
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C'en était assez pour moi. Être trop désagréable, ça n'a jamais été la meilleure façon de cacher son passé. Mais maintenant, à quoi bon ? S'y intéresser ou bien même essayer. Quoi ? Essayer. Il doit bien avoir des gens à qui tu tiens, rouquine. Est-ce que tu as été si méfiante avant qu'il ne rentre dans ton coeur... Possible. Après tout.

Je m'arrêtais une minute, la fixant une ride au front. Agacé. Bout de femme, tu parles, c'était une plaie. J'ai essayé.

Tu te donnes l'air d'avoir réponse à tout.

On pouvait lire un sentiment nouveau de t'es-qu'une nouille-t'façon-laisse-moi-tranquille dans son regard. Sauf que.

Tu le fais mal.

Redescends.

J'étais partout, j'ai dit. Et partout, c'est grand, énorme. Mais partout il n'y a qu'une toi. C'est vrai tu as raison. Ailleurs, il y a beaucoup à faire, quelle ignominie de s'arrêter en chemin pour ménager son dos, mais repartir de plus belle. Moi, je ferai ça, écoute bien, je planterai des graines de paix, le plus possible, et ce sera à toi de les arroser. Je rendrai le sourire à des mômes comme toi, je ferai ça. Et toi tu feras quoi, tu continueras à bouder le reste du monde ? Quelle excuse tu as ? Le passé ? ... Oui ? Alors tu es bien faible.

Je fouillais dans ma pochette intérieure, en sortait des tonnes de galon que je plongeais dans sa main. Plus de soldats que de gradés, pas de distinction. Ils étaient tous morts pour que je puisse moi me tenir debout et écouter cette gamine insupportable. Je ne pensais pas que c'était une perte de temps, moi, ça ne semblait pas être le cas de la frimousse à côté. Elle soupirait comme si c'était le monde entier qui l'avait déçu. Peut-être.

Des graines, on en a déjà planté. Des milliers. Pas forcément moi, eux, ces gens biens qui ne pensaient qu'au bonheur de personnes comme toi. Et quoi, tu me demandes ce qu'on fait ?

Mots dits, j'ouvrais la porte de l'auberge.

Viens me voir demain si tu veux apprendre des choses, reste à faire la moue si tu veux continuer à être bête. Et égoïste

Puis en claquais la porte.
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Excuse ?

Depuis quand il y avait besoin d'une excuse pour être méprisant ou désagréable ?

Sauf que ça, Lilou n'eut pas du tout l'occasion de lui rétorquer. Elle ne réussit pas à en placer une alors qu'il était en train de lui passer un savon en lui expliquant le fondement de l'existence et en lui renvoyant dans les dents le fait qu'elle était bien trop effrontée pour son âge. Et qu'à l'évidence, l'excuse du passé n'en était pas une pour l'être. Elle ne pipa mot, le regarda faire en le talonnant souvent, avant qu'il ne lui claque sa porte au nez en lui donnant un choix qui résonna aux oreilles de Lilou plutôt comme un défi.

Elle passa le reste de sa soirée, furieuse, en rentrant chez elle. Mangea avec Harry, avant de filer dans sa chambre avec Bee pour bouder comme elle savait si bien le faire. La nuit fut longue, puisqu'elle rumina les paroles du touriste avant de trouver un sommeil plutôt agité. Elle tourna, tourna encore et encore dans son lit, s'enroula dans sa couverture une bonne dizaine de fois sans pouvoir s'y extirper. Bougea le coussin pour le mettre sous, dessus et à côté de sa tête sans parvenir à trouver une position qu'elle considérait comme acceptable... Et quand elle réussit à fermer les yeux, ce fut pour voir ce type lui dire d'arrêter de faire la tronche.

Mauvaise nuit. Frustrée, elle l'était, la rouquine.

Alors, le lendemain, elle revint au-même endroit, à une heure presque acceptable. Peu matinale d'ordinaire, il ne pouvait en être autrement aujourd'hui puisqu'elle avait trop ruminé pour pouvoir se lever tard. Elle frappa à sa porte, l'extirpa de son lit, et lorsqu'il lui ouvrit la porte à sept heure trente tapante, les cheveux en bataille et la mine fatiguée, elle lui renvoya un énorme sourire en plein visage laissant penser qu'elle avait passé la meilleure nuit de sa vie :

T'as dit que t'avais des trucs à m'apprendre !

C'était pas tombé dans l'oreille d'une sourde, ça, non. A croire même qu'elle n'avait retenu que ça de tout son discours.

Et puis, en le levant si tôt, elle lui donnait l'occasion de profiter pleinement de tout son séjour. Ça serait tellement dommage d'en louper une miette.

Bouge-toi !
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J'étais venu pour des vacances, hein... On s'en passera. La gamine était chiante, désagréable et mal élevée. Tant mieux, ça ferait quelque distraction. J'essayais de négocier une douche, mais tout ce que j'avais réussi à avoir c'est des t'avais-qu'à-la-prendre-plus-tôt-t'es-un-marine-non et blablabla. J'enfilais alors un t-shirt avant de la suivre au dehors. J'avais un sac aussi, un gros sac. Elle le regardait, s'interrogeant. Mais avant qu'elle ne puisse parler...

Je te préviens, pas un mot. Contente toi d'nous conduire à l'autre bout d'l'île.

"Teh" qu'elle disait du regard. Mais elle s’exécutait en boudant tout le trajet.

Arrivés, je posais le gros sac sur l'herbe avant de me coucher à côté, exténué. Mais le démon rouge le voyait pas comme ça. Je lâchais un sourire avant de me redresser.

Alors comme ça, tu bidouilles ? En partant hier, j'avais aucune idée de ce que je pourrais bien t'apprendre mais j'étais sûr que tu viendrais. Heureusement que Marta m'a filé l'info...

J'ouvrais le sac et sortais différents outils. Des outils qu'elle devait connaître plus qu'elle ne se connaissait elle même. Je regardais aux alentours, cherchant un support, je remarquais des rochers. Et des grosses branches. J'allais pour les tailler rapidement, et les enfoncer dans le sol. Du sac, je prenais des bouteilles en verre et allais les poser dessus, une vingtaine de mètres plus loin.

Fais pas les gros yeux, tu vas bientôt comprendre.

Trop tard, ils étaient déjà plus gros que le monde. Sûrement à cause du fusil à silex que j'avais pris. T'avais encore rien vu, petite...

Le truc cool quand t'es marine, c'est que tu voyages. Et quand tu voyages beaucoup, en général, tu ramènes des souvenirs. Celui là, c'est un fusil simple, t'en trouves à peu près partout. Mais les autres machins que j'ai ramené... Ouais, bon. Je vais tirer sur les bouteilles là bas. Marta a dit que tu bidouillais, mais que t'étais plus forte. T'as l'oeil alors ? D'après moi, le fusil à silex est à améliorer en tout point. Cadence, portée, précision. Mais c'est toi l'experte...

Je me mettais à bonne distance et tirais quatre coups. Entre chaque tir, un temps fou. Lourde et épaisse, il fallait une bonne poignée pour ne pas se la péter quand on pressait l'index sur la gâchette. Une arme conçu par des abrutis. Ou des vraiment pas mâlins. Tch, seulement deux... En plus. Je me tournais vers la gamine qu'avait tout bien suivi vu sa tête. Et je lui tendais le rifle.

Je sais pas à quel point t'es futée, mais mon p'tit doigt me dit que sûr, j'arrive à toutes les avoir après que t'aies vérifié deux ou trois choses.
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Mhmh... La rouquine se gratta l'arrière du crâne en regardant le barbue avec l'air mal à l'aise. Elle entendait déjà la voix de son tuteur la sermonnait pour avoir braver LA règle pour les beaux yeux du Soldat Hadzi. Et difficile de savoir si ça en valait tant que ça le coup. Harry m'a interdit de toucher à une arme, tu sais ? Il dit que je suis dangereuse quand je m'y mets.

Assise en tailleur devant les armes qu'il lui dévoilait progressivement, elle fut réellement gênée de ne pas pouvoir faire grand chose. Ce n'était pas l'envie qui lui manquait pourtant, puisqu'elle hésita plusieurs fois à attraper l'un des objets présentés pour le regarder sous toutes les coutures. Elle en oublia même son platre et les démangeaisons sur sa peau, ses yeux allant d'une arme à une autre avec une petite moue boudeuse... Et tout ça pourquoi ?

Tout ça parce que j'ai amélioré sa cafetière et qu'elle a manqué de faire exploser le garage, mais bon... C'était pas si grave, en fin de compte !

Elle se chercha bien des justifications, dans sa petite tête, pour s'autoriser à travailler ou au contraire se l'interdire. Le plus important pour la rouquine, c'était la confiance que Harry mettait en elle. Sauf qu'à côté de ça, sa passion la tannait sauvagement et elle avait très envie d'apprendre encore. Sûr, le vieux était bon professeur et très pédagogue, il revoyait les bases de l'ingénierie avec elle en la mettant loin des canons et des bombes. Son garage, petit, était surtout consacré aux bricolages destinés au village... Tout le monde avait besoin d'un réparateur de sa trempe. Mais Lilou ne se voyait pas poursuivre cette œuvre là dans les années à venir. Elle ne savait pas vraiment quelle œuvre poursuivre, de toute façon. Son avenir était flou, sinueux, ombrageux et elle ne s'y plongeait que peu pour s'éviter des migraines. Du coup, sans trop savoir quelle mouche l'avait piqué, elle envoya la main sur le fusil après la démonstration de Jäak

File voir ça...

Elle le démonta avec précaution, et s'aida des moyens du bord pour lui refaire une jeunesse. Un bout de bois taillé, un couteau emprunté à son vis-à-vis, la force de ses petits bras pour le reste, elle termina de s'allonger par terre, et deux coups tirés plus tard, deux autres bouteilles éclatèrent sous son petit air satisfait.

C'est comment, en dehors d'ici ? Demanda-t-elle en rendant son arme à son légitime propriétaire. Elle lui expliqua entre deux questions comment réajuster la visée. Une petite tâche régulière quand les armes de ce genre commençaient à dater et à s'user à l'emploi. J'ai jamais voyagé. Je viens d'un autre endroit, mais je préfère pas m'en souvenir... Et je n'ai jamais rien vu d'autre, à part Logue Town une fois. Mais j'étais enfermée dans une chambre d'hotel durant tout le séjour, parce qu'on devait pas rester longtemps...
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Pour sûr, la môme manipulait l'arme mieux que moi, avec plus d'aisance, plus de facilité. Et elle arrivait à rendre l'acte horrible d'appuyer sur la gâchette jolie et gracieux. Tout comme la mer au loin qui dansait toute élégance au soleil qui la regardait admirateur, comme moi je l'étais. Je prenais l'arme et la tendait vers l'horizon, un œil fermé, et lui ma cible. Je visais et tirais dans le vent. J'étais sûr, quelque part, de l'avoir touché.

Une idée, en fouillant dans le sac, je sortais quatre calibre important et les posais juste à côté du zip. Ce serait bête qu'ils prennent la terre.

Une question débile. Est-ce que tu pourrais, en te servant de tout ce qu'il y a là, bidouiller deux pistolets qui, en appuyant sur le fer, allumeraient un cigare ? Et si tu as peur de ne pas respecter la promesse que tu as faite, tu n'as qu'à te dire qu'un flingue sans balles, ce n'est pas une arme.

Elle tirait un peu la tronche de l'incompréhension avant que l'ampoule transparente qui était sur sa tête s'allume subitement. Ça se traduisait par un bel éclat des yeux, et un sourire en coin. Je soufflais un peu, les mains dans les poches de ma veste avant de me rendre qu'ici ce n'était North Blue. Le temps jouait à s'échauffer, l'air était son expiration, chaude et étouffante. Je la retirais, montrant un corps souillé par la guerre. Mais surtout par la vie.

North Blue, c'est là que se trouve mon QG. Sur cette mer, j'ai tout vu. Absolument tout. Manshon, la plèbe est méfiante et malheureuse. Pour le reste, ce sont tous de riches criminels, des mafieux. Pas de grand problème là-bas, s'il y en a, soit on a la chance de se faire arrêter, soit on meurt de la main des Tempiesta. Près de là, il y a Inu Town, Chom est coin génial avec une population souriante. Un peu comme à Fushia, East Blue. C'est étrange de savoir que se trouve à côté le tristement célèbre Grey Terminal. Rien à dire sur ça, c'est horrible ce qu'il se passe sur l'île de Dawn.

Je lui racontais la mer glaciale du nord, Boréa où il neige toujoursk composée de Bocande, le village guirlande, Bourgeoys, la ville presque funèbre avec des gens tout aussi morts de l'esprit, des types qui confirment l'adage qui dit qu'il ne suffit pas d'être riche pour être heureux, je lui racontais que j'avais vu la chute boréale aux milles couleurs. Elle m'apprenait qu'elle aimait le violet. ... Le port splendide de Lavallière, des lumières partout et des bateaux qui amarrent tous les jours, à n'importe quelle heure. Lui racontais le Lac Thérèse et la source chaude mystérieuse. Je poursuivais avec Inari, le Boru Bodur et ses adeptes tous bizarres, elle riait pour la première fois quand je lui ai conté cette fois là où...

Et parler de North Blue sans parler du Royaume de Luvneel ne rimerait à rien. Pourtant, moi je préfère Boréa. Luvneel est gigantesque, peut être un peu trop. Il y a des attractions sympas, des salles de concerts, des décors magnifiques et puis surtout la révolution. C'est contre les révolutionnaires que la marine se bat le plus souvent, contrairement à ce qu'on pourrait croire. Alors que nos idées convergent. Même après treize ans, il y a toujours des affaires qu'on ne comprend pas. Mais on doit, alors on fait.

Je lui disais que moi je venais du petit village d'Orange, sur East Blue. Que c'était un peu comme ici, que les gens naissaient et mourraient sans rêve, une ligne de vie constante. Rester chez soi, faire ce qu'ils avaient à faire, rentrer dormir. Je n'en voulais pas, et puis j'avais eu la chance de naître dans une famille où les hommes se devaient de s'engager. La chance pour moi, peut être, au moins du pays, j'avais pu en voir grâce à ça.

Sirup, des bourgeois sans histoire. Mais c'est joli. Il y a des prairies immenses, plus grandes qu'ici. Et puis c'est tout vert, avec quelques maisons de toutes les couleurs qui viennent diversifier l'île.

Shimotsuki et ses sabreurs un peu zinzins qui respectaient en code de la voie du sabre, je ne savais pas bien. Cocoyashi, l'île verger, plus orange que mon village, des mandarines à perte de vue. Je lui souhaitais d'en manger un jour et je plaisantais sur le nom.

Tout te raconter me prendrait des jours. Et je n'ai pas encore tout vu. Mais j'ai bien l'intention de voyager le plus possible, d'observer comment est le ciel de chez le reste du monde. Tu le feras aussi, il faut. On a la chance d'avoir une multitude de contrés à visiter. Et si elles ne sont pas pour nous, alors pour qui ? Le monde est à toi autant qu'il est à moi. Et puis toi tu as quelque chose en plus à lui offrir. Tes capacités de bidouilleuse professionnelle. Tu verras, moi je suis sûr que dans dix ans, tu seras à la tête de la brigade scientifique de la marine ! Et là, je t'enverrai une bouteille en te disant que je te l'avais dit.

Elle disait mouais de la tête.

J'en suis sûr ! On peut parier !
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Oui, mais ça me prendra du temps... Ses lèvres se pincèrent et elle demanda sérieusement : Mais c'est pour quoi ? Pour le panache ? Drôle de bonhomme.

Elle attrapa les affaires de Jäak et essaya d'imaginer le montage de son idée. Des plans se dessinèrent dans sa petite tête, qu'elle gribouilla par moment avec un crayon fait de pensées. Elle haussa plusieurs fois les épaules tandis que tout le mélimélo de son vis-à-vis passé entre ses doigts fins. Jusqu'à ce qu'elle prête l'oreille à ses mots, en oubliant momentanément ce qu'elle faisait. Son sourire jusqu'ici forcé voire inexistant, s'étendit sincèrement pour creuser ses deux joues. Là, il piquait son intérêt. Là, il avait toute son attention. Parce qu'il commença à faire le tour des îles avec les mots d'un aventurier qui en avait vu plein avec ses grands yeux bruns.

Il fait chaud à South Blue. Est-ce que ça implique qu'il fait froid à North Blue ? Qu'elle demanda avec une pointe de naïveté dans la voix. Elle se souvenait des températures appréciables, tièdes de Logue Town. Du reste, elle n'y connaissait rien et puisque Jäak parlait de cette mer en semblant la connaître sur le bout des doigts, la rouquine voulait des détails qui lui permettrait d'en ressentir l'atmosphère. Mais si dans les faits, le froid, elle ne connaissait pas vraiment. Et est-ce que tu vas pas faire un malaise avec cette grosse veste constamment sur toi ?

N'était-il pas en vacances ? Et les vacances ne devaient-elles pas servir à mettre de la distance avec le quotidien ? Cette veste, c'était du quotidien. Des journées de combats et de marches, de sueurs et de sangs. Pas que sa sueur, et pas que son sang. Elle fit une petite moue alors qu'il l'invita à partir à l'aventure aussi, alors qu'elle haussa les épaules pour lui répondre :

Tu veux parier ? Regard triomphant et fier, elle rétorqua avec assurance : Je serais Végapunk, sûr !

comme ces gosses qui jouent à « on dit que », mais sans les « on dit que ». Elle fit craquer ses doigts pour reprendre son travail, juste après lui avoir sorti avec un petit sourire :

Et toi, faudra que tu sois Amiral, Amiral.

Amiral. Ça lui allait bien, comme surnom. Avec la barbe et le manteau, c'était parfait comme idée. Et puis, dix ans pour y arriver, sans doute que c'était bien assez. En tout cas, pour Lilou, ça devait suffire. Parce qu'elle n'y connaissait pas grand chose, mais pas que pour ça. Elle replongea son nez dans ses plans farfelus, lâchant avec une petite voix distraite :

Mais t'auras oublié d'ici là, alors t'inquiète pas.

Elle, non. Elle avait la mémoire longue, comme les éléphants. Elle se souvenait parfaitement de ces dernières années, et de tout le mal qu'on lui avait fait par la même occasion. Elle se souvenait également des moments de répits, comme elle se souviendrait parfaitement des mots de l'Amiral de demain.

Ça veut dire que je suis folle ? Elle s'interrompit brièvement pour le regarder dans les yeux. Ses ambres le sondèrent, l'air dubitatif qui allait bien au tableau, avant de se justifier : C'est toi qui a dit que les scientifiques fous font plus de découvertes que les autres. J'ai pas envie d'être folle, mais j'ai envie de découvrir des choses, Amiral... Puis, ceux de la brigade, ils le sont ?
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Ah ça, c'est qu'en général, les armes me sont insupportables alors il a fallu que je trouve un autre moyen de me battre. J'utilise des cigares. Mais c'est un peu long, alors je me disais qu'un intermédiaire pourrait être pas mal. Pour le panache, on peut dire ça, même. Je peux en faire, avec certains. Tu veux voir ?

La mer du Nord est bien différente de celle là, oui. Il y a des coins qui sont complètement gelés, de grands icebergs, des animaux un peu inquiétants et des pingouins. Il fait froid mais c'est joli à voir, différentes teintes de blanc, différentes teintes de bleues. Et tout ça couvert par le ciel, nuageux. Ici, on le voit bien. Il n'y a pas de nuage.

Bien essayé, je pense pas que je serai Amiral. Je suis marine d'élite, tu sais. L'équivalent, c'est Major. Quoi, toi aussi tu trouves ça moche ? Héhé. Mais je n'oublierai pas. Si, je te féliciterai. Et puis j'espère que tu verras encore plus de paysages que moi.

Tu seras Végapunk, oui. Mais avant de l'être, tu seras toi. Et toi tu n'es pas folle, si ? C'est facile de faire le mal, et quand on le fait, on devient facilement fou. Le mal, s'ils le font, c'est qu'ils pensent que ça leur apporte plus de choses plus rapidement. Argent, pouvoir, et à peu près tout ce qu'ils souhaitent avoir. Au mal, ils y croient. Et quand on croit fort en quelque chose on est toujours plus productif. C'est comme aimer les maths alors faire ses devoirs naturellement à l'inverse de ne pas aimer ça et devoir les faire, ça prend plus de temps.

Le problème c'est que les marines de la scientifique qui croient au bien se font rares. C'est partout pareil, marine régulière, sous marine, marine d'élite. Quand on voit le nombre de missions inexpliquées et inexpliquables qu'on nous fait faire, je peux te dire que c'est un brin difficile. Si je ne me battais pas pour moi et mes idées, le gouvernement m'aurait eu et aurait fait de moi un officier martyr qui ferment les yeux quand il appuie sur la gâchette, le cœur déchirée mais la mémoire intacte. Ça m'est déjà arrivé mais aujourd'hui c'est fini, je suis mon propre maître. Et pour croire au bien, je pense qu'il faut être un solitaire. Au moins dans l'âme.

Sinon, des ingénieurs biens, il y en a. Ils ne croient pas nécessairement au bien, pas nécessairement au mal. Mais ils croient en leurs inventions, c'est ce qu'ils aiment faire et ça définit leur personnalité. Tu inventeras de grandes choses, tu feras, même. Parce que tu aimes ça, c'est aussi simple que ça et c'est comme ça que ça doit être. Oui ?


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Très bien, Amiral, dit-elle en se mettant au travail, après avoir vaguement compris qu'il se battait avec des cigares et que c'était juste bizarre.

Mais que pouvait-elle y faire ? Est-ce que ça la regardait ? Non. Elle faisait son premier vrai travail d'ingénieur, engagé pour l'occasion par un type qui avait son propre style et qui était presque sympathique. Et du coup, ça lui faisait juste plaisir. Elle démonta l'arme et le briquet, en écoutant toujours d'une oreille attentive. Lilou était capable de faire deux choses en même temps, sans trop se laisser absorber par l'une ou par l'autre des activités. Même si du coup, les deux étaient simplement ralenties, le temps qu'elle prenne tout en compte.

Non, je ne suis pas folle. En tout cas, je ne le pense pas. Sauf qu'entre ce que je pense et ce que je suis, il y a un monde... Tous les gens qui font du mal ne pensent pas forcément en faire, c'est ce qu'on apprend dans les bouquins d'Histoire. On m'a appris aussi qu'entre la folie et le génie, il n'y avait qu'un pas. Une ligne, qu'on peut franchir très facilement. La rouquine haussa les épaules, elle avait l'impression de réciter ses cours, des idées qu'on lui avait dites, sans savoir quoi en penser. Je pense que je peux faire des choses biens. Mais ça voudra peut-être dire que ce que je ferais pourra faire du mal. Elle attacha ses longs cheveux en un chignon haut pour ne plus que ça la gêne, et ajouta : C'est mon père qui me l'a dit.

Même si en fait, un père, elle n'en avait pas. Elle n'en avait jamais vraiment eu, et elle s'en fichait. Harry était là pour elle, pour l'aider, pour lui apprendre tout ce qu'un père devait apprendre à son enfant. Yumen l'avait un peu fait, mais ça se limitait toujours à certaines choses, du reste, il en était incapable et ne cherchait pas à faire mieux. Après tout, elle n'était pas sa chaire, ni son sang, seulement un cerveau bien fait dans un corps mal foutu ; c'était dur à admettre.

Mais tes idées, elles ne gênent pas ? Mon père m'a dit que y'a des idées qui dérangent. Que penser ou faire certaines choses peuvent te faire tuer. Ici, il n'arrive jamais rien de grave. Mais là où j'étais avant, on tuer pour des mots ou de l'argent. C'est pareil partout ?
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Je lui tendais quelques allumes-cigares pensant que ça lui serait utile, et prenais plaisir à la voir faire toutes ces choses que je ne comprenais pas. Démontage, remontage. Boarf, trop vieux pour ça. Petit, on nous apprenait à construire des machins en bois. Mais ça se limitait à ça.

Majoritairement, oui. Des îles comme celle-ci, il y en a plein d'éparpillées dans le globe. Mais à côté, c'est comme on t'a dit. Et à côté ressemble au partout que tu penses. A côté, c'est le monde. Le rôle d'un marine, ce n'est pas d'essayer que ça change, je l'ai cru quand je me suis engagé. Non, notre rôle c'est de garder ce chaos vivable, autant pour ceux qui n'ont rien fait que pour ceux qui l'animent.

Pour illustrer ces mots, des souvenirs. Ceux de nombreuses opérations auxquelles j'avais participé, mené à bien ou pas. Celles-là apparaissaient comme plus nettes comparé aux autres. Elle me serrait le cœur comme on serre la main d'un gamin avant de traverser. Le Galion d'Or, Azhar et le procès. Après tant d'années tout ce que je retenais de la marine, c'étaient des coups de surin et des bavures même chez les plus haut gradés. Tout ce que je retenais, c'était qu'on ne nous expliquait pas tout. Pourquoi nous devions arrêter des hommes qui pour la plupart faisaient ce qu'on ne pouvait pas faire, à savoir, aider la veuve, et secourir l'orphelin.

Quant à mes idées, elles sont et seront. On peut tout enlever à quelqu'un mais pas ça. Seulement, pour cacher ce que tu penses il ne suffit pas de ne ne pas parler trop fort. C'est inscrit sur ta tête. Le Gouvernement, c'est presque Big Brother. Un jour, quand je prendrais du galon, je pourrais me permettre de refuser, créer un équipage marine de types comme moi qui n'acceptent pas. Se battre pour ce qu'on veut, pour ce qu'il y avait marqué sur le papier quand on a signé. Un jour, je le ferai, pour sûr.
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Elle écouta toujours avec la même patience, en trifouillant à droite à gauche sans jamais réussir à monter ce qu'elle voulait. Il lui manquait des choses. Des petites pièces sans importances indépendamment, mais qui en avaient tellement pour elle sur le moment. Elle s'agaça de ne pas réussir avec ce qu'elle avait, avant de reposer le tout par terre en regardant honteusement le sol. Ne pas réussir quelque chose la tracassait souvent. Et elle se rendit compte qu'à son niveau, c'était déjà beaucoup. Mais lorsqu'on était dans les chaussures de son vis-à-vis, à essayer de faire le bien là où le chaos existait, ça devait être encore plus. Elle ne pouvait imaginer la frustration qu'il ressentait souvent, et sa voix la trahissait par moment. N'être qu'un tampon pour rendre le monde vivable. Une limite qui ne pouvait pas être partout.

Elle regretta, lorsque sa gorge se serra, de lui en vouloir. Pourquoi n'avait-il jamais posé les pieds là où elle était, avant ? Le chaos, là-bas, il y en avait partout. Les récifs étaient faits de cette déchéance, et l'on y rencontrait les pires crasses de l'humanité. Elle avait grandit à côté de cette crasse, en s'en retrouvant éclaboussé souvent. Au début, ça l'avait dégoûté et puis au fur et à mesure, elle s'y était simplement habituée. Cette vie dangereuse était devenue son lot quotidien, avant qu'elle ne construise son sauveur pour se tirer de là... Elle regrettait surtout d'avoir eu besoin de faire ça pour s'en sortir. Mais elle se rendit compte que finalement, elle ne devait sa survie qu'à elle-même.

On devrait rentrer.

Elle se releva doucement en essuyant la terre de sur ses genoux. Son plâtre recommença étrangement à la gratter. Elle avait passé tout ce temps à l'oublier, oublier sa présence. Elle le voyait de temps à autre sans pour autant s'en préoccuper. Ça prouvait une chose : qu'elle avait passé un agréable moment. Mais dans tout ça, elle avait l'impression de sentir la poudre du fusil, et l'interdit bravé. Sans aucun doute, Harry lui passerait un savon monumental à son retour. Rien qui ne l'empêchera de recommencer un beau jour.

Je finirais ça durant la nuit, si ça te va, Amiral.

Elle désigna les objets qu'elle reprit aussitôt entre ses bras. Pour pouvoir les ramener jusqu'à chez elle et terminer le travail qu'il lui avait demandé. Du temps, c'était tout ce don elle avait besoin. Pour reconstruire son machin, et pour se faire à l'idée que rien ne l'attendait ici, et qu'il faudrait un jour qu'elle quitte ce havre de paix qui lui avait sauvé la vie.
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Elle avait raison. Mine de rien, on y était resté longtemps, sur ce bout de terre. Et finalement, elle était pas si mauvaise élève qu'elle voulait le faire croire. Comme je lui avais dit. Elle jouait mal.

Les rayons du soleil avaient déjà fuit pour laisser place à la lune du sud. Enorme et qui renvoyait de la lumière froide.

Lilou me raccompagnait à l'auberge de Marta. Elle n'habitait pas loin, mais pas là. Et en la regardant, je me demandais ce que Mary était devenue, si elle grandissait bien et si elle s'amusait. Je lui avais évité ce que la rouquine semblait avoir vécu. Presque.

Avant de passer la porte et qu'elle parte, je cherchais un machin-truc dans mes poches que je glissais discrètement dans les siennes, en feignant de la retenir par le plâtre.

Heh, tu me parleras d'avant un jour ? Mais plus important, ne gratte pas. Et pour les allumes-cigares, fais pas ton empotée, hein. Même Vegapunk dort. Quoique... Héhé. Bonne nuit, héroïne.

Je ne savais pas si je lui avais appris des choses. Mais elle, si. Maintenant, je savais mieux viser, j'avais même appris que je pouvais faire sourire. Et ça changeait de la guerre où je m'étouffais  volontairement pour ne pas sentir l'odeur de la fin, ici, au milieu de nulle part, je pouvais enfin respirer.
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Si tu tiens ta promesse, Amiral, qu'elle lui lança après l'avoir laissé à l'auberge, en tenant toujours dans ses bras les objets qu'il lui laissait. Je te dirais tout sur avant.

C'était comme une manière de se dérober à lui, pour ne pas avoir lui dire aujourd'hui. Pas qu'elle ne le voulait pas. Seulement qu'elle ne le pouvait pas encore, malgré tous ses efforts. Il lui était encore laborieux d'admettre le passé, surtout quand celui-ci était gravé dans l'os. Elle ne lui esquissa pas un sourire, et tourna les talons en le saluant juste de la tête. Elle le reverrait sans doute le lendemain, de toute façon, et cette raison lui suffit pour ne pas avoir à lui dire à dieu.

Elle rentra, se fit sermonner par Harry, et fila simplement dans le garage pour y passer sa soirée et une partie de sa nuit. La rouquine eut du mal à obtenir ce qu'elle voulait, et il lui fallut attendre les trois heures du matin pour tomber finalement de fatigue sur la table où elle travaillait. Lorsque la position devint trop inconfortable pour ses petits muscles, elle se réveilla et se remit au boulot. Les pièces s'agençaient les unes dans les autres parfaitement à la fin de ses manipulations, mais elle eut besoin d'un coup d'oeil de Harry pour terminer de monter l'objet.

Elle repartit, vers les huit heures, pour retourner à l'auberge de Marta. Cette fois-ci, Bee l'accompagna, marchant juste derrière elle en regardant droit devant lui. Elle lui parla, de tout et de rien, sur le chemin, avant d'arriver à l'endroit prévu et de s'arrêter devant le bar. Marta, toujours ronde et pleine de vie, lui fit un grand sourire. Et avant même qu'elle n'ouvre la bouche pour lui demander des nouvelles de l'Amiral, la femme lui répond :

Il n'est pas encore sorti de sa chambre !
Tu pourras lui donner ça ?

Elle déposa sur le comptoir le briquet stylisé qu'elle lui avait construit, emballé dans un linge propre. Puis, elle fit un sourire, avant de tourner les talons pour rejoindre son canard.

Tu ne viens pas travailler aujourd'hui ?

Lilou secoua la tête, puis, montra le plâtre à son bras :

Mhmh. On doit me l'enlever.

Avant que la clochette à la porte ne teinte à nouveau pour annoncer sa sortie.
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J'avais du partir, réveillé par un coup de fil du Commandant d'élite de North Blue, Toffel. Pas de repos pour les braves, mais j'étais déçu de ne pas avoir croisé Lilou avant la venue du bateau. Mais j'avais eu mon paquet. Je voulais lui faire confiance, l'ouvrir une fois arrivé et m'en servir quand j'en aurais besoin. Sûrement dans pas longtemps, quand je repensais à ce que m'avait dit Toffel.

Mes poumons commençaient déjà à se comprimer, comme si on les avait menottés au chatterton. Je respirais une dernière fois la liberté de la mer et du sud et de ces gens sans histoire et sympathiques. Et quelque fois à celle de ses filles qui réaliseront leur rêve un jour. Dans mon cas c'était un peu différent, j'avais fait une promesse et je comptais bien la tenir en utilisant ce qu'elle avait bricolé pour moi. Et alors, quand elle verra Amiral s'élever dans la bleusaille d'élite, elle saura en âge de comprendre l'importance du papier que je lui avais glissé dans la poche.

J'allais pour me mettre à la poupe du navire et faire mes adieux à une île que je ne reverrai sans doute jamais. Elle paraissait être à des années lumières de celles que je connaissais. Là-bas, comme elle disait, on tuait pour des mots ou de l'argent. Ce que je ne lui avais pas dit, c'était que les marines aux idées humaines mourraient plus de la main de leurs amis que de ceux qu'ils sont censés combattre. Ceux que je ne lui avais pas dit, c'était que les ennemis avaient toujours des têtes de types sympathiques, de types que l'on connait, que l'on côtoie tous les jours.

Mais je ne doutais pas que si elle choisissait ce chemin là, elle serait forte, la plus forte. Même après avoir atteint son but.

Parce qu'après tout, elle était rousse.

Et c'était elle, moi, contre le reste du monde. Pour tenir nos promesses, pour vivre et pour réaliser nos rêves. Peut-être, qui sait un jour, elle découvrira les secrets du monde, ou, qu'avec ses inventions, elle mettra à mal une armée entière, qu'elle nous fera voler, qu'elle créera un fruit du démon ? Et pourquoi pas, rien était impossible. En tout cas pour elle.

Parce qu'après tout, elle était rousse.
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