Allez, Renard, encaisse. Oublie pas les règles du jeu, mon vieux : Pas de mort. Reçois les coups des matons sans rien dire, crache ton sang et ta bile entre deux volées, crache tes poumons quand ces enfoirés te coupent le souffle en te travaillant au corps. Mais, surtout, même si tu peux plus ouvrir complètement tes yeux pochés, cherche les leurs du regard, et trouve-les ! Ne les lâche pas, leur haine grandit quand tu les tiens, tout comme la puissance de leurs coups. Mais ils ne sont rien. Dans cette partie, les matons ne sont que les obstacles. Ton objectif est tout autour de toi, dans des tenues de bagnard, assistant à la scène dans un silence des plus glauques. Rien de tel que de s’ériger en martyr pour s’attirer leur sympathie. Alors, redresse-toi, encore ! Relèves-toi ! Essayes, malgré ta vue trouble, de trouver les silhouettes des gardiens, et fais-leur face !
- Ca suffit ! tonna soudain une voix puissante, celle du gardien-chef Loseman.
Quelques petits filets de lumière arrivent à pénétrer tes yeux. Grâce à eux, tu peux discerner une silhouette sombre juste en face de toi, un bras suspendu en l’air, s’apprêtant sans doute à te frapper. L’hésitation en est presque palpable. Lorsqu’enfin, la silhouette obéit et se détourne, c’est le sol tout entier qui te bondit au visage.
Au réveil, tu n’as même pas le temps d’ouvrir les yeux que déjà la douleur t’assaille de toutes parts. Tu ne te souviens pas vraiment de ce qui s’est passé, mais t’hésites. Peut-être que le Puffing Tom vient de te rouler dessus. Tu craches une dent en même temps qu’un gros glaviot de sang et tu te dis que jamais plus tu ne feras la bise à une locomotive. Puis, tu te souviens.
Tu te souviens du maton que tu avais regardé un peu trop d’travers. Tu te souviens qu’il avait voulu faire le beau devant ses collègues et qu’il avait fait finalement transformé ça en correction générale. Il est vrai, peut-être que t’aurais dû fermer ta grande gueule et pas trop en rajouter non plus. Mais bon, le résultat est là. Tous tes compagnons de cellule sont ici, autour de toi, en train de guetter ton réveil. Alors, pour répondre à leurs attentes, tu ouvres les yeux. Et tu constates que tu es seul. La douleur est trompeuse. Elle te donne l’impression que tu as mille lames plantées dans le corps. Du coup, tu penses qu’il y a aussi mille mains pour les tenir. Mais non. Tu es seul dans l’infirmerie. Une simple cellule isolée du reste des prisonniers, tout aussi humide, petite, sale et froide que les autres. Mais si tu es dans l’infirmerie, alors tu n’es pas seul. En effet, lorsque le son aigu perçant tes oreilles s’apaise enfin, tu peux sentir une présence dans la pièce. Celle du Doc, tu le sais bien. Il te surveille en silence, comme toujours. Les tombes ont un dicton à son propos : « Muet comme le Doc ».
Lorsqu’il te voit remuer, il s’approche et t’examine. Tu sens qu’il glisse délicatement une main sous ta tête et qu’il veut la soulever mais ce simple geste te donnes l’impression qu’il l’arrache sauvagement de tes épaules. Pourtant, quand il porte une bouteille à tes lèvres, tu oublies momentanément la douleur et tu bois par réflexe. Ce truc infect, des plus amèrement dégueulasse, est le meilleur breuvage que tu aies bu de ta vie ! T’essayes de le regarder mais tu ne peux pas le voir. Tes yeux sont trop gonflés. Les paroles se bousculent dans ta gorge. Elles essayent de se frayer un chemin hors de ta bouche mais tes mâchoires brisées ne veulent pas s’ouvrir. Alors les paroles montent d’un étage et tourbillonnent avec toutes les autres pensées qui y sont déjà. Tout tourne tellement dans ton crâne que tu pourrais donner des leçons à n’importe quel cyclone.
Six mois de douleur. Six mois de vie de taulard. Et combien de temps passé avec le Doc ? Tout irait bien, maintenant. Avec ton dernier coup d’éclat – et ton éclat tout court -, tu viens de finir la préparation du terrain. T’es resté passif avec tes colocataires, tu les as laissé venir. Maintenant tu les connais bien. Tu connais le bagne et ses habitudes. Tu connais ceux qui y règnent. Il est temps d’agir. Les règles de la partie sont fixées. Le jeu peut vraiment débuter.
Mais seulement après ton prochain évanouissement.
- Ca suffit ! tonna soudain une voix puissante, celle du gardien-chef Loseman.
Quelques petits filets de lumière arrivent à pénétrer tes yeux. Grâce à eux, tu peux discerner une silhouette sombre juste en face de toi, un bras suspendu en l’air, s’apprêtant sans doute à te frapper. L’hésitation en est presque palpable. Lorsqu’enfin, la silhouette obéit et se détourne, c’est le sol tout entier qui te bondit au visage.
Au réveil, tu n’as même pas le temps d’ouvrir les yeux que déjà la douleur t’assaille de toutes parts. Tu ne te souviens pas vraiment de ce qui s’est passé, mais t’hésites. Peut-être que le Puffing Tom vient de te rouler dessus. Tu craches une dent en même temps qu’un gros glaviot de sang et tu te dis que jamais plus tu ne feras la bise à une locomotive. Puis, tu te souviens.
Tu te souviens du maton que tu avais regardé un peu trop d’travers. Tu te souviens qu’il avait voulu faire le beau devant ses collègues et qu’il avait fait finalement transformé ça en correction générale. Il est vrai, peut-être que t’aurais dû fermer ta grande gueule et pas trop en rajouter non plus. Mais bon, le résultat est là. Tous tes compagnons de cellule sont ici, autour de toi, en train de guetter ton réveil. Alors, pour répondre à leurs attentes, tu ouvres les yeux. Et tu constates que tu es seul. La douleur est trompeuse. Elle te donne l’impression que tu as mille lames plantées dans le corps. Du coup, tu penses qu’il y a aussi mille mains pour les tenir. Mais non. Tu es seul dans l’infirmerie. Une simple cellule isolée du reste des prisonniers, tout aussi humide, petite, sale et froide que les autres. Mais si tu es dans l’infirmerie, alors tu n’es pas seul. En effet, lorsque le son aigu perçant tes oreilles s’apaise enfin, tu peux sentir une présence dans la pièce. Celle du Doc, tu le sais bien. Il te surveille en silence, comme toujours. Les tombes ont un dicton à son propos : « Muet comme le Doc ».
Lorsqu’il te voit remuer, il s’approche et t’examine. Tu sens qu’il glisse délicatement une main sous ta tête et qu’il veut la soulever mais ce simple geste te donnes l’impression qu’il l’arrache sauvagement de tes épaules. Pourtant, quand il porte une bouteille à tes lèvres, tu oublies momentanément la douleur et tu bois par réflexe. Ce truc infect, des plus amèrement dégueulasse, est le meilleur breuvage que tu aies bu de ta vie ! T’essayes de le regarder mais tu ne peux pas le voir. Tes yeux sont trop gonflés. Les paroles se bousculent dans ta gorge. Elles essayent de se frayer un chemin hors de ta bouche mais tes mâchoires brisées ne veulent pas s’ouvrir. Alors les paroles montent d’un étage et tourbillonnent avec toutes les autres pensées qui y sont déjà. Tout tourne tellement dans ton crâne que tu pourrais donner des leçons à n’importe quel cyclone.
Six mois de douleur. Six mois de vie de taulard. Et combien de temps passé avec le Doc ? Tout irait bien, maintenant. Avec ton dernier coup d’éclat – et ton éclat tout court -, tu viens de finir la préparation du terrain. T’es resté passif avec tes colocataires, tu les as laissé venir. Maintenant tu les connais bien. Tu connais le bagne et ses habitudes. Tu connais ceux qui y règnent. Il est temps d’agir. Les règles de la partie sont fixées. Le jeu peut vraiment débuter.
Mais seulement après ton prochain évanouissement.