Je vagabonde depuis longtemps, trop longtemps. Depuis ma destitution, je perds mon temps, des mois de perdus. Des mois où j'ai presque tout fait, j'ai même fait la manche. J'ai surtout fait la manche. Alors, il y a de ça quelques semaines, j'ai pris une décision, il est temps de repartir de zéro. Je ne sais faire que deux choses la popote et la bagarre. Pour ce qui est de la bagarre, je préfère éviter d'y recourir à nouveau. Il me reste donc que la cuisine. J'ai postulé dans plusieurs restaurants, mais ça n'a pas fonctionné, à chaque fois, il me regardait de bas en haut puis me sortait que je ne ferais pas l'affaire. J'ai eu la sérieuse envie de leur mettre ma métacarpe en travers de leur mandibule, mais cela n'aurait pas été correct. Alors j'ai décidé de me tourner vers ce que le « trois étoiles des rebuts » , aussi connu sous le nom de Baratié. Je vais vous éviter les détails de mon odyssée pour y parvenir, mais sachez que quand on est fauchés et pas très propres, il devient vite compliqué de se mouvoir par delà les océans.
Bref, toujours est-il qu'après quelques semaines de galère dans des galères, j'ai réussi à me retrouver, je ne sais comment, sur le parvis du Baratié. Enfin, bien évidemment que je sais comment, mais il n'est pas utile, ni même intéressant, de le développer. Donc me voilà devant la porte du restaurant,j'attrape la pognée, la tourne, elle m'a l'air bloqué, alors je force.
CRAC
J'ai peut être un peu trop forcé. Maintenant que j'ai légèrement abîmé la porte autant rentrer, ce serait bête d'avoir casser la serrure pour rien.Quand je rentre je vois une dizaine d'aimables personnes disposant de faciès type crimier orné de cicatrices pointant des couteaux. Il me semble inutile de préciser que les couteaux étaient pointé dans ma direction. Il faut que je fasse un bonne première impression, faut que je sorte ma voix de gentil.
-Euh... Désolé pour la porte. Bonjour, je viens postuler. Comment allez vous ? Bien j'espère.... Je vous ai déjà dit que j'étais désolé pour la porte ?
Leur visages restent stoïques. Alors je sors mon plus grand sourire, celui qui relie mes deux oreilles et laisse entrevoir mes dents. On est tous là comme des chiens de faïence à se regarder, les secondes paraissent de plus en plus longues. Puis il y a un homme, ou peut être que c'est une femme, j'ai un doute à cause de son visage fin, qui s'avance.
-Lud', va vous emmener à Chef Kintoki. Lud, emmène le. Bon maintenant on reprend le boulot, dans deux heures le service commence !
-Oui m'sieur René, j'y vais de ce pas.
Là, il y a un commis avec toute sa panoplie qui se pose devant moi. Quand je dis panoplie j'entends bien sûr le calot et le tablier plein de tache, les jeunes ne savent vraiment plus travailler proprement. Il me demande de le suivre, je le suis. On monte. On commence à entendre du saxophone. Plus on avance plus la musique devient forte. Là, le jeune commence à me parler :
-J'vous laisse ici, m'sieur, j'veux pas interrompre l'chef pendant son jour de r'pos, vous comprenez m'sieur.
-Mmmmh... D'accord. C'est la porte du fond, c'est ça ?
Il hoche la tête. J'y vais. Je toque doucement à la porte, il ne faudrait pas casser une seconde porte, ce serait pas bien malin. Pas de réponse. Je toque un peu plus fort. Toujours pas de réponse, mais le saxo continue et en plus il commence à chanter. Je toque encore une fois. Encore pas de réponse. Mon tic de la jambe commence. Je sers le poing et frappe à la porte.
Crac.
Les portes sont vraiment pas solides par ici. Je rentre. Devant moi, un grand fauteuil retourné avec un bout de saxophone qui dépasse. Apparemment, mon entrée ne l'a pas fait décrocher, il continue de chanter et de jouer.
-Oh yeah baby, j'suis qu'un artiste sur son bateau, hinhin, voguant sur l'eau, hinhin,....
-Bonjour Monsieur, veuillez bien m'excuser...
-... Jouant avec son saxo, hinhin, sur terre les gens m'prennaient pour un barjo, hinhin...
Bon, il est temps de sortir, ma voix de gros méchant.
-Bonjour Monsieur.
Là, il sursaute de son fauteuil et tombe. Il me regarde depuis le sol avec ses yeux grands ouverts. Il faut dire que le fait qu'il soit en contre-plongée ajouté au fait que je touche presque le plafond doivent un peu l'impressionner. Un peu. Je reprends ma voix de nounours.
-Veuillez bien m'excuser pour le dérangement, mais je souhaiterais travailler ici, si c'est possible.
-Tu veux bosser ? Bah, ouaip, pas de soucis mon grand, mais les finances sont un peu ric-rac en ce moment, alors tu seras pas payé, mais juste nourris logé. Et tu dormiras probablement sur le toit, on t'installera une tente, tu passeras probablement pas dans les dortoirs.
-D'accord Monsieur, merci, ça me va totalement.
-Sinon la porte, c'est toi ?
-Désolé. J'ai toqué un peu trop fort.
-Ahahahahahaha, excellente celle là, on me l'avait jamais faite, faudra que tu la répares. Descends et va voir Pat', aujourd'hui je suis de repos.
-Entendu Monsieur, je m'y rend de ce pas.
-Et oublie les « Monsieur » appelle moi chef ou Saxy. Pense à refermer la porte.
-D'accord chef Saxy. Mais pour la porte je fais comment ?
C'est trop tard, il recommence déjà à jouer. Je prends ce qui reste de la porte et j'essaie tant bien que mal de la réparer. Le résultat n'est pas bien glorieux. Puis je descends.
Une fois en bas, je vais dans la cuisine et je ressens toute l'intensité qui s'en dégage, le service ne commence dans une heure mais ils sont déjà à fond. Les chefs hurlent à leurs sous-chefs qui hurlent aux cuisiniers qui hurlent à leur tour sur les commis qui eux ne hurlent sur personne, ce qui est logique vu qu'ils sont en bas de la chaîne « alimentaire » de la cuisine, remarque il pourrait crier sur les carottes et pommes de terre mais je doute que cela soit utile. Du coup, pour repérer le chef, il suffit de repérer celui qui est le plus écouté et non celui qui hurle le plus fort, en pratique le plus simple est de partir du commis pour remonter en haut de la chaîne. Je passe donc du commis de tout à l'heure à un mec portant un masque et n'ayant pas l'air très consciencieux et qui se fait engueuler par un nain, un vrai nain avec une énorme moustache. Le nain semble écouter la personne androgyne de tout à l'heure. Alors je m'approche aussi discretement que je le peux et l'interpelle en posant ma paluche sur son épaule.
-Excusez moi, Pat', c'est bien ça ?
-Oui, c'est moi, Saxy t'a embauché ?
-Oui chef.
-Bon va voir Lud aide le à finir ses légumes.
-Lud ?
-Celui qui t'a emmené là haut, fais vite.
-Oui chef.
Je traverse la cuisine et rejoins ce fameux Lud. Le pauvre est devant deux ou trois sacs de pommes de terre, autant de carottes, de courgettes et un sac de petits pois. Le pauvre, c'est affreux d'éplucher les petits poids.
-Bonjour Lud, c'est ça ?
-Oui, enfin non m'sieur, mon nom c'est Lucius Ulrich David mais on m'appelle Lud, c'est plus simple. Et vous ?
-Moi, c'est Sylvanus Leparre, mais tu peux m'appeler Syl. Donc, on doit éplucher ça et après ?
-On tranche les carottes, on touche pas aux petits pois, on écrase les pommes de terre et on fait des cubes de courgettes.
-Et ensuite ?
-Bah, ça nous prendra bien deux heures.
-Deux heures ? Ahahahaha.
-Bah quoi ?
-Non rien. Dans si ça doit nous prendre deux heures autant commencer maintenant, tu préfères que je fasse quoi ?
-Les petits pois.
-Tu es un malin toi.
Oui, car éplucher les petits poids doit faire partie de mon top trois des corvées les plus affreuses en cuisine. Pourquoi ? Vous avez vu mes mains ? Si oui, vous devez comprendre qu'elles sont plus faites pour casser des noix de coco qu’éplucher des billes minuscules. En plus ça prend super longtemps. Alors que les carottes c'est plutôt rapide, tu prends ta carotte dans une main, ton couteau dans l'autre et puis tu épluches, tu tournes. Ça prend cinq coups de couteau. Tout en travaillant on discute, c'est un bon jeune ce petit.
Bref, toujours est-il qu'après quelques semaines de galère dans des galères, j'ai réussi à me retrouver, je ne sais comment, sur le parvis du Baratié. Enfin, bien évidemment que je sais comment, mais il n'est pas utile, ni même intéressant, de le développer. Donc me voilà devant la porte du restaurant,j'attrape la pognée, la tourne, elle m'a l'air bloqué, alors je force.
CRAC
J'ai peut être un peu trop forcé. Maintenant que j'ai légèrement abîmé la porte autant rentrer, ce serait bête d'avoir casser la serrure pour rien.Quand je rentre je vois une dizaine d'aimables personnes disposant de faciès type crimier orné de cicatrices pointant des couteaux. Il me semble inutile de préciser que les couteaux étaient pointé dans ma direction. Il faut que je fasse un bonne première impression, faut que je sorte ma voix de gentil.
-Euh... Désolé pour la porte. Bonjour, je viens postuler. Comment allez vous ? Bien j'espère.... Je vous ai déjà dit que j'étais désolé pour la porte ?
Leur visages restent stoïques. Alors je sors mon plus grand sourire, celui qui relie mes deux oreilles et laisse entrevoir mes dents. On est tous là comme des chiens de faïence à se regarder, les secondes paraissent de plus en plus longues. Puis il y a un homme, ou peut être que c'est une femme, j'ai un doute à cause de son visage fin, qui s'avance.
-Lud', va vous emmener à Chef Kintoki. Lud, emmène le. Bon maintenant on reprend le boulot, dans deux heures le service commence !
-Oui m'sieur René, j'y vais de ce pas.
Là, il y a un commis avec toute sa panoplie qui se pose devant moi. Quand je dis panoplie j'entends bien sûr le calot et le tablier plein de tache, les jeunes ne savent vraiment plus travailler proprement. Il me demande de le suivre, je le suis. On monte. On commence à entendre du saxophone. Plus on avance plus la musique devient forte. Là, le jeune commence à me parler :
-J'vous laisse ici, m'sieur, j'veux pas interrompre l'chef pendant son jour de r'pos, vous comprenez m'sieur.
-Mmmmh... D'accord. C'est la porte du fond, c'est ça ?
Il hoche la tête. J'y vais. Je toque doucement à la porte, il ne faudrait pas casser une seconde porte, ce serait pas bien malin. Pas de réponse. Je toque un peu plus fort. Toujours pas de réponse, mais le saxo continue et en plus il commence à chanter. Je toque encore une fois. Encore pas de réponse. Mon tic de la jambe commence. Je sers le poing et frappe à la porte.
Crac.
Les portes sont vraiment pas solides par ici. Je rentre. Devant moi, un grand fauteuil retourné avec un bout de saxophone qui dépasse. Apparemment, mon entrée ne l'a pas fait décrocher, il continue de chanter et de jouer.
-Oh yeah baby, j'suis qu'un artiste sur son bateau, hinhin, voguant sur l'eau, hinhin,....
-Bonjour Monsieur, veuillez bien m'excuser...
-... Jouant avec son saxo, hinhin, sur terre les gens m'prennaient pour un barjo, hinhin...
Bon, il est temps de sortir, ma voix de gros méchant.
-Bonjour Monsieur.
Là, il sursaute de son fauteuil et tombe. Il me regarde depuis le sol avec ses yeux grands ouverts. Il faut dire que le fait qu'il soit en contre-plongée ajouté au fait que je touche presque le plafond doivent un peu l'impressionner. Un peu. Je reprends ma voix de nounours.
-Veuillez bien m'excuser pour le dérangement, mais je souhaiterais travailler ici, si c'est possible.
-Tu veux bosser ? Bah, ouaip, pas de soucis mon grand, mais les finances sont un peu ric-rac en ce moment, alors tu seras pas payé, mais juste nourris logé. Et tu dormiras probablement sur le toit, on t'installera une tente, tu passeras probablement pas dans les dortoirs.
-D'accord Monsieur, merci, ça me va totalement.
-Sinon la porte, c'est toi ?
-Désolé. J'ai toqué un peu trop fort.
-Ahahahahahaha, excellente celle là, on me l'avait jamais faite, faudra que tu la répares. Descends et va voir Pat', aujourd'hui je suis de repos.
-Entendu Monsieur, je m'y rend de ce pas.
-Et oublie les « Monsieur » appelle moi chef ou Saxy. Pense à refermer la porte.
-D'accord chef Saxy. Mais pour la porte je fais comment ?
C'est trop tard, il recommence déjà à jouer. Je prends ce qui reste de la porte et j'essaie tant bien que mal de la réparer. Le résultat n'est pas bien glorieux. Puis je descends.
Une fois en bas, je vais dans la cuisine et je ressens toute l'intensité qui s'en dégage, le service ne commence dans une heure mais ils sont déjà à fond. Les chefs hurlent à leurs sous-chefs qui hurlent aux cuisiniers qui hurlent à leur tour sur les commis qui eux ne hurlent sur personne, ce qui est logique vu qu'ils sont en bas de la chaîne « alimentaire » de la cuisine, remarque il pourrait crier sur les carottes et pommes de terre mais je doute que cela soit utile. Du coup, pour repérer le chef, il suffit de repérer celui qui est le plus écouté et non celui qui hurle le plus fort, en pratique le plus simple est de partir du commis pour remonter en haut de la chaîne. Je passe donc du commis de tout à l'heure à un mec portant un masque et n'ayant pas l'air très consciencieux et qui se fait engueuler par un nain, un vrai nain avec une énorme moustache. Le nain semble écouter la personne androgyne de tout à l'heure. Alors je m'approche aussi discretement que je le peux et l'interpelle en posant ma paluche sur son épaule.
-Excusez moi, Pat', c'est bien ça ?
-Oui, c'est moi, Saxy t'a embauché ?
-Oui chef.
-Bon va voir Lud aide le à finir ses légumes.
-Lud ?
-Celui qui t'a emmené là haut, fais vite.
-Oui chef.
Je traverse la cuisine et rejoins ce fameux Lud. Le pauvre est devant deux ou trois sacs de pommes de terre, autant de carottes, de courgettes et un sac de petits pois. Le pauvre, c'est affreux d'éplucher les petits poids.
-Bonjour Lud, c'est ça ?
-Oui, enfin non m'sieur, mon nom c'est Lucius Ulrich David mais on m'appelle Lud, c'est plus simple. Et vous ?
-Moi, c'est Sylvanus Leparre, mais tu peux m'appeler Syl. Donc, on doit éplucher ça et après ?
-On tranche les carottes, on touche pas aux petits pois, on écrase les pommes de terre et on fait des cubes de courgettes.
-Et ensuite ?
-Bah, ça nous prendra bien deux heures.
-Deux heures ? Ahahahaha.
-Bah quoi ?
-Non rien. Dans si ça doit nous prendre deux heures autant commencer maintenant, tu préfères que je fasse quoi ?
-Les petits pois.
-Tu es un malin toi.
Oui, car éplucher les petits poids doit faire partie de mon top trois des corvées les plus affreuses en cuisine. Pourquoi ? Vous avez vu mes mains ? Si oui, vous devez comprendre qu'elles sont plus faites pour casser des noix de coco qu’éplucher des billes minuscules. En plus ça prend super longtemps. Alors que les carottes c'est plutôt rapide, tu prends ta carotte dans une main, ton couteau dans l'autre et puis tu épluches, tu tournes. Ça prend cinq coups de couteau. Tout en travaillant on discute, c'est un bon jeune ce petit.