Knockin' on heaven's door

- « … donc cette mission, c'est la chienlit. Ça a toutes les chances de nous péter au nez, mais on ne peut pas dire que, pour une fois, le Gouvernement ne fasse pas de son mieux. »
- « C'est ça.... Bien entendu, le Gouvernement va en rester là, après avoir sauvé Héailleutou. »
- « On est bien d'accord. C'est le début de la fin, si on ne fait rien. Quelque part, dans leurs malheurs, les anges ont de la chance d'être tombés sur moi. Enfin, nous. » Cela m'avait surpris, que le Gouvernement pût vouloir s'opposer à la volonté d'un Dragon Céleste, mais c'était avant de comprendre que les hauts gradés – peut-être même le Conseil des Cinq Étoiles – avaient déjà planifié le devenir de Skypiea. « Je vais avoir besoin toi, sur ce coup. » Avec un soupir las, je me laissai tomber sur le coin de ma couchette. Mes quartiers à bord du Ptérodactyle étaient minimalistes, mais ils avaient l'avantage de m'offrir un minimum d'intimité. Ce qui était bien, vu que je devais me débrouiller pour y planquer Solomon. 10 minutes, le délai imparti par ma très généreuse hiérarchie pour me présenter à bord, m'avaient à peine laissé temps de prendre une douche et de me rendre figure humaine. Il me fallait bien avouer que pour ladite hiérarchie, je ne revenais pas d'un trekking d'une semaine dans le désert, mais bien de sept jours passés à fouiner dans les ruelles de Nanohana et Rainbase, et afin de ne pas attirer l'attention, je devais me présenter aussi fraîche que le bouton de marguerite à l'aube du printemps. Ben, y'avait du boulot. Du coup, tout avait été fait un peu dans la précipitation.

- « Vite, là dedans ! » avais-je fini par ordonner en tendant la lampe à moitié rouillée que j'avais échangé contre Nova. Solomon me regarda d'un air clairement désabusé.
- « J'apprécie ton sens de l'humour. »
- « Écoute, on n'a pas le temps. Et j'ai bien fait le papillon pendant cinq jours, alors tu peux bien faire la fumée pendant une heure ou deux.... »

Et voilà comment j'avais introduit Solomon de façon illégale à bord d'un des vaisseaux de la Marine. Si ça n'avait pas été aussi ridicule, j'en aurais ri, tellement ça avait été facile.

Je me mordillai les lèvres,  cherchant à aborder un sujet brûlant entre nous deux. Maintenant que nous allions devoir partager cette chambre aux lits superposés, nous ne pouvions plus échapper aux secrets et aux non-dits.
- « Donc... voilà... Et euh... je--- . »
TOC TOC TOC
- « Madame ? » La voix qui m'interpella à travers la porte était sans nul doute celle de ce jeune lieutenant-colonel qui semblait si impatient de faire ses preuves. Avec l'énergie de la jeunesse, l'ambition du loup en devenir. Une combinaison que je savais dangereuse.
- « Oui, mais tant qu'à faire, je préfère « agent ». Agent Raven-Cooper. »
- « Euh... oui, si vous voulez, Agent... Tout va bien ? » Avec un autre soupir, mais cette fois excédé, je me levai pour aller entrouvrir le battant.
- « Oui, parfaitement. Vous savez, je n'ai pas besoin que la Marine joue au steward avec moi. Je suis agent de terrain, j'ai l'habitude de voyager sur un bâtiment. »
- « Oh, certainement... mais... mais j'ai entendu des voix ? »
- « Ah, ça ? C'est moi. Je me parle toute seule. »
- « C'était une voix d'homme. » Quand je disais qu'il fallait se méfier des gens qui savaient aligner deux neurones.
- « C'est toujours moi. Je m'entraîne à la déguiser. Au cas où. On ne sait jamais... » Il eut une moue dubitative... « A part m'offrir une serviette tiède, vous vouliez quelque chose ? » Mon ironie remit en branle le claque-talons qu'il était encore.
- « Ah oui. Le Capitaine vous demande sur le pont. Apparemment on va un monstre marin dans notre sillage. On pense que c'est un Roi des Mers qui nous suit depuis l'entrée de la Highest Way. »
- « Et c'est maintenant que vous me le dites !!! Bougez-vous, espèce de concombre paraplégique. »
En un instant, j'avais reculé d'un pas pour prendre mes affaires puis je m'élançai dans les couloirs du Ptérodactyle. Libre à Solomon de me suivre ou pas.
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Monstre marin. Voilà qui commençait bien. Au moins ça avait le mérite de détourner l’attention. Bon dieu, ce qu’on pouvait être à l’étroit là-dedans … un véritable mouchoir de poche. Mais c’était toujours mieux que de devoir discuter avec Shaïness de ce foutu malaise qui trônait entre eux. Lui dire quoi ? Ouais, apparemment je suis ton pote ressuscité des morts mais je m’en souviens pas. Et de toi non plus je m’en souviens pas. Génial, quoi de mieux pour briser la glace ? Et puis c’était visiblement pas un hasard, d’après ce que Hebieso lui avait dit. Ah ben voilà un point par lequel il pourrait commencer, tiens. Il devait aller dans les atolls au bout de grand line. Bon, il préférait pas le revendiquer vu qu’ils avaient l’air de prendre la bonne direction pour l’instant. L’assassin s’en retourna dans sa petite lampe et prêta oreille à ce que l’équipage se disait par-delà les murs en bois de la cabine. Shaïness s’éloignait. Il avait appris à reconnaître sa voix. Elle avait ce petit crépitement distinctif qui faisait qu’il pourrait la reconnaître en mille. Quant aux autres, de la pure fange gouvernementale. Enfin, des hommes qui faisaient leur métier. C’était du pareil au même.

Il perçut une voix diffuse dans les profondeurs. Ça ressemblait à un chant de baleine mais avec une note plutôt désagréable. Quelque chose de grondant et menaçant. Un frisson lui couru le long de l’échine. Certes, il n’était plus qu’un amas de fumée condensé mais c’était mental. Il sentait une menace grandir dans l’ombre et ce que ces hommes appelaient monstre marin, lui il appelait ça une menace de taille. Il avait lu quelque part à Alabasta qu’un monstre marin avait emporté un Contre-Amiral dans les flots et qu’on ne l’avait jamais revu. Attendez voir, le nom de ce gars, c’était quoi déjà … Ah oui, Alheïri Salem Fenyang.



FENYANG ?!

BAM !

« Et merde, va falloir que j’apprenne à contrôler ça … »

La chambre de Shaïness était sans dessus dessous. Une fumée opaque y régnait et au centre se tenaient la lampe renversée dans laquelle Rafaelo se trouvait quelques secondes plus tôt. Il était debout au milieu de la pièce et tous les objets avaient été repoussés contre les murs. Le monstre marin devint tout à coup moins préoccupant que la future réaction de Shaïness. Elle allait littéralement le saigner pour ça, à moins qu’il trouve une excuse de taille … Mais juste au souvenir de ce nom, il n’avait pas pu se contrôler. Une colère terrible l’avait chassé de son réceptacle, rendant impossible le contrôle de ses pouvoirs. Il rappela la fumée à lui d’un geste de la main pour contempler les paravents et autres décorations superflues en miettes. Des tenues de Shaï reposaient par terre et pas mal de bibelots avaient souffert de son traitement. La poisse …

Le bateau tangua dangereusement. Le révolutionnaire se rattrapa à une écoute. Quoi que cela puisse être, c’était gros. Gros et dangereux. Reprenant une forme éthérée, il se glissa à travers le hublot et, se raccrochant au bastingage, il comprit toute l’horreur de la situation. Une créature d’une vingtaine de mètres de long s’était dressée en face du navire. En sortant des flots, elle avait heurté la tête de proue et le mat de misaine pendait misérablement par-dessus le pont. Des hommes étaient coincés sous les débris du navire, pour ceux qui n’étaient pas mort. La chose rugit, à en faire frémir le plus téméraire d’entre eux. Il vit Shaïness sur le pont, seule. Son cœur ne fit qu’un bond. Les vents battaient l’océan et des vagues démesurées avaient suivi l’émergence du monstre. Une gueule garnie de crocs faisait face au brouillard qui entourait le navire. C’était une chance pour le révolutionnaire.

Sans écouter sa raison, il se ramassa et bondit sur le côté de toutes ses forces. Ses jambes se muèrent en une fumée grisâtre et tandis qu’il tournoyait sur lui-même, il vint frapper le monstre marin de toutes ses forces, par le côté. Une détonation sourd en résultat, forçant le monstre à s’allonger dans les flots. Mais déjà Rafaelo avait disparu. Une silhouette incertaine se dessinait à la vigie, dont le responsable était tombé à la première secousse. Le brouillard, sous l’action de l’assassin, s’était intensifié et on ne vit plus qu’un étrange orbe doré à travers la brume. Le Soleil disparaissait pour les laisser à la merci du monstre qui était retourné sous les flots.

Il était impuissant sous les flots, il ne pouvait qu’attendre que le monstre ne surgisse. Il étendit ses sens, en vain …

~~~

Maudits humains …. Chair fraîche … Ils lui avaient fait mal, avaient abîmé ses écailles et il ne le pardonnerait jamais. Il était le serpent des mers, le monstre des bas-fonds de ce monde océan ! Jamais il ne permettrait que sa proie ne lui échappe, et encore moins le tourne en ridicule. Le monstre rugit dans les bas-fonds, audible à  des lieues à la ronde. La coque du navire en frémit. Son côté lui faisait mal et sa douleur lui pourfendre les côtes. Il y avait quelque chose dans le brouillard, il sentait son odeur ! Il voulait cette chose pour lui, oh oui … Et cette odeur de femelle. Fraîche et rosée … Un feulement guttural s’échappa des naseaux de la bête alors qu’elle affleurait la surface de l’eau. Puis elle replongea. Il entendait les singes pailler, grogner. Qu’ils aient peur, qu’ils le craignent, il était le roi des mers ! Cette odeur de sable marin ne le dissuadait pas de s’en prendre à ces petites choses ridicules. Il avait faim, si faim depuis qu’il s’était jeté sur ce navire à Alabasta …

~~~

Il jurait l’avoir senti, là, à fleur d’eau. En bas, les marins s’organisaient, s’armaient de harpons. Mais un instant, l’assassin était entré en contact avec la bête. Il lui avait asséné un coup que peu de monde aurait été à même d’encaisser. Hors la chose avait simplement été renvoyée à l’eau. Il grimpa un peu plus, se tenant au sommet du mat puis il se fondit à nouveau dans la brume. Ne faisant qu’un avec son élément, il frôla l’eau, sentant bien qu’il n’avait pas intérêt à y mettre la moindre parcelle de peau. Une lueur malicieuse luisit sous les flots, avant de disparaître dans la pénombre de l’océan. La bestiole l’avait pris en chasse …

« Hey, c’est quoi ça ?! » hurla un marin, harponnant dans sa direction.


L’arme passa à travers la forme vaguement humanoïde de l’assassin puis il se fondit de nouveau dans la brume avec la certitude que le monstre l’avait pris en chasse, lui. Un étrange pressentiment le fit s’envoler dans les cieux le plus rapidement possible. Il entendit alors distinctement le son d’immenses mâchoires claquant sous ses pieds. La bestiole avait bondit de plus de vingt pieds avant de retomber lourdement dans l’eau, générant une vague qui nettoya le pont, sur lequel on fut bientôt persuadé que des fantômes rôdaient dans la brume, en plus du monstre marin qui allait tous les dévorer. Mais ce qui préoccupait le plus Rafaelo c’était de savoir comment cette chose le repérait. Car la prochaine fois, il n’aurait peut-être pas un temps d’avance sur elle. Il lui sembla alors distinguer des myriades de petits yeux jaunes dans l’eau. Hallucination ou cette chose avait appelé d’autres prédateurs avec elle ? Un frisson parcouru son échine. Shaï … c’était le moment d’avoir une idée de génie …
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Depuis la passerelle de commandement, la vue était à couper le souffle. Je n'étais pas vraiment le genre de femme à regarder le paysage avec moult soupirs, tombant en pâmoison devant la beauté muette de la nature. Je manquais de sensibilité, diraient certains. Je pense au contraire que j'avais appris à me débarrasser des sentiments superflus, pour me concentrer sur l'essentiel : ma compassion, mon amour, ma fibre existentielle, je la dévouais aux êtres vivants. Si la Nature avait été réellement bien faite, alors nous, les humains, serions autrement moins assujettis à nos pulsions nous menant à notre déchéance. Je ne voyais donc pas pourquoi je passerais du temps à admirer un soleil couchant ou je ne savais quoi. J'avais déjà eu du mal à me connecter avec ce satané désert. Pourtant, là, sur la Highest Way vers Skypiea, il y avait quelque qui me figea sur place.
Ce n'était qu'un fin ruban d'eau, à se demander comment il pouvait rester assez profond pour que le  Ptérodactyle fût encore à flot. Il serpentait en montant vers les cieux, en totale défiance de toutes les lois scientifiques, en ce qui semblaient être de molles boucles. Cependant, une fois qu'on y était, sur cette molle boucle d'eau, on n'était épargné par aucune vibration, au risque de voir le navire se briser en mille morceaux. Les embruns noyaient régulièrement le pont, et c'était peut-être la seule indication de la vitesse à laquelle nous grimpions.
- « Il paraît qu'on a un monstre marin aux fesses, Capitaine ? » fis-je en direction du commandant de bord. Il me salua d'un hochement de tête, sans quitter des yeux la « route » devant lui.
-  « En effet. On espère pouvoir le semer avec cette vitesse et qu'il n'a aucune velléité envers nous spécifiquement... qu'il nous a suivi par curiosité. »
- « Je ne suis pas sûre que ces machins là soient dotés d'autre chose que de la férocité. »
-  « Je le crains aussi, mais qui sait. Nous allons bien au pays des anges, non ? On peut espérer un miracle. » Je l'aimais bien ce gars. Il était droit, physiquement comme moralement, mais pas dénué de nuances. Une bonne chose, car une grande partie de la réussite de ma mission à Skypiea dépendait de sa capacité à garantir ma sécurité durant le trajet... et après. Depuis cent ans, les îles célestes, Skypiea comme les autres, restaient encore des mondes inconnus, avec peu de contacts, commerciaux ou à but plus noble, comme l'échange de savoirs. Le rapport d'Amaury de Danemark n'avait été que bref, étant donné la nécessité de le soustraire aux yeux du Dragon Céleste Maselfush, que je tentais de prendre de vitesse sur sa conquête de Héailleutou et surtout, de sa population. « Le Ptérodactyle n'est pas un gros navire de guerre. Je ne suis pas sûr d'avoir les capacités, canons et hommes confondus, de l'abattre. » m'avoua-t-il après une manœuvre qui fit tanguer le bateau sans que j'en visse l'utilité. « Un miracle serait le bienvenue. »
- « Bon, je vais voir ce que je peux faire. A défaut de miracle, on va peut-être faire de notre mieux et le détourner, au lieu de le tuer. » Non que j'eusse des remords à faire du steak de monstre. Ces bestiaux là ne méritaient pas qu'on leur prêtât une conscience. Ils étaient juste terriblement dévastateurs, des machines à tuer, ayant pour proie de prédilection les humains. Faut dire, si on se mettait à leur place, que nous étions à leurs yeux les envahisseurs, des petites choses qui avions pourtant décimé leur race. M'enfin ce n'était pas une raison pour faire chier son monde comme ça.

J'avais voulu faire ma fière-à-bras, mais je sus au moment où je posais le pied – le talon ! - sur le pont que j'avais fait une belle erreur. Les éclaboussures d'eau n'étaient pas pour me plaire, et je ne parlais pas de ma tenue rapidement détrempée, ni même de mes cheveux. Quelle chance, l'influence de la mer blanche se faisait déjà sentir, et la salinité aqueuse n'était pas aussi concentrée. Aussi, ce n'était que des vagues en rafales, pas une immersion. Mais entre la fatigue – je n'avais pas dormi de la nuit ! - et l'eau de mer, je n'étais pas au top de ma forme.

La silhouette du monstre était comme un conte devenu réalité. C'était une chose de voir des images ou une projection par den-den, une autre de l'avoir en face de soi. Ceci dit ma première pensée fut « ça en fait, des paires de chaussures, tout ça... » ; preuve que je n'avais pas perdu le nord. Les Marines avaient déjà chargé les canons et les gueules noires pointaient vers l'avant.
- « Essayez de l'intimider, au départ ! » conseillai-je à l'officier en charge. « Le viser, lui, ça ne servira à rien, à part peut-être l'énerver. Par contre, viser entre lui et nous, pour le dissuader de nous rattraper ? » Il acquiesça. C'était une bonne idée, une semblable à celle qu'il avait eu de son côté. Des boulets fusèrent, des grandes éclaboussures masquèrent la vue derrière nous et pendant une seconde ou deux, nous crûmes que le rugissement qui était repris par un drôle d'écho était le cri d'une frustration intense. Que nenni. Il était têtu en plus d'être moche. Le monstre traversa la gerbe d'eau et fonça vers nous. Puis il plongea et disparut.
- « Vigie ?!!! » hurla l'officier.
- « Je ne le vois pas ! » Plusieurs hommes confirmèrent que de leurs côtés, rien ne bougeait. « Attendez... il nous a dépassé, il est devant !!! »
Le Ptérodactyle fit un écart brusque, preuve des réflexes impressionnants du capitaine, pour éviter la bestiole qui faisait son Aphrodite. Pendant une seconde, j'ai cru que nous allions chavirer. Pire, verser de l'autre côté du ruban d'eau qui nous entraînait vers Skypiea.
Puis la brume vint et je sus que tout n'était pas perdu. S'il y avait bien quelqu'un qui pouvait tataner du montre, c'était bien Rafael. Enfin, Solomon. Raah, je ne savais pas. Tiens, il m'énervait ! Mon sang se figea quand il se fit repérer. L'idée qu'il fut blessé était secondaire à la peur de voir la situation partir hors de mon contrôle. Et je faisais quoi, moi, si Rafaelo Di Auditore refaisait son come-back d'entre les morts ici et maintenant ? Comment justifier sa présence ? Et surtout... pour taire ce secret, détruire le Ptérodactyle ? Et le capitaine dans tout ça, avec son équipage ? Et les anges ? Et puis... moi ? Ma forme papillon me permettrait-elle se survivre à une redescente ou à une montée solo de cette Highest Way ?

Ceci dit, tous avaient mieux à faire que d'aller sonder la fumée, à la recherche d'un « truc », alors qu'on avait un monstre sous le nez. Cependant, que faire ? Et là, je me frappai le front d'une main excédée ! Pourquoi partir en conjonction idiote alors que j'avais la vue de TOUS les futurs possibles. Pas besoin de chercher les solutions, elles étaient déjà là, à portée de main. Ou œil.
Je me concentrai, plissant les paupières – j'allais devoir m'améliorer à ça, parce que j'allais le cas contraire me chopper de sales rides ! - me mordillant les lèvres et le Kaléidoscope fit jouer de ses couleurs. Dans la plupart des cas, la mort nous attendait, à plus ou moins court terme. Le monstre broyait le navire, faisait virer le navire, et plein d'autres déclinaisons, mais une survie, sans même parler d'un succès ? Que dalle.
Alors je déployai mes fils, les dix à mes bras et les dix autres à mes chevilles, les utilisant comme fouet ou comme filin de sécurité, pour venir frapper et lacérer le monstre, ou récupérer au dernier moment un soldat sur le point d'être happé par l'eau ou la gueule de l'ennemi. A chaque futur le plus probable, sa parade. Petit à petit, tournoyant dans les airs pour bénéficier d'un large espace de manœuvre, j'éliminais les devenirs. Personne ne mourra tant je veillerai au grain. Puis, il n'y eut plus que l'impossible devant nous. Ma tête était une caisse de percussion sur laquelle s'excitaient des milliers de petits gobelins vicieux et je ne savais même pas que du sang coulait de mes yeux et de mon nez. Pour la première fois depuis que j'avais découvert que j'avais une affinité avec le Haki, je me sentis capable d'en faire quelque chose, et non pas simplement subir. Certes, je donnais de ma personne, et si je devais me chopper une hémorragie à chaque utilisation, ça n'allait pas m'avancer de plus. Mais ce sentiment grisant de réussite m'encouragea à persévérer.
La lutte était intense. Je sentais Solomon à mes côtés, je le voyais, petit spectre de fumée grisâtre. Je n'avais pas les moyens de le prévenir, de coordonner nos attaques – si nous avions pu, ce monstre aurait rejoint ses ancêtre depuis longtemps. A plusieurs reprises, j'avais été bousculée, par une charge, ou un coup de queue, et c'était à ce moment que Solomon me relayait auprès de ce colosse, qui réussit à broyer d'un coup de mâchoire un mat. Finalement, je fus capable de discerner un stratagème. Là, au creux des eaux rendues tumultueuses, une sorte de vortex existait, sûrement au point de rencontre de plusieurs courants conflictuels. La bataille avait accentué le remous et je le voyais prêt à exploser. Alors je lançai tous mes fils pour les entortiller autour de la gueule du monstre et entrepris de le tirer.
- « IL FAUT LE POUSSER VERS L'AVANT !!! » m'égosillai-je. Pour tous, je me parlais à moi-même car les soldats sur le pont ne pouvaient rien faire, à part peut-être faire pivoter leurs canons et les pointer vers le bas du ventre, pour espérer que l'impact fît effectivement avancer la créature plus vite. Bien entendu, je m'adressais à Solomon et haletant sous l'effort, les muscles tendus à s'en rompre les articulations, nous fûmes capables de le pousser exactement là où je le voulais.
Il y eut un grondement, d'abord une sorte de gémissement plaintif, aigu, avant que le tourbillon ne s'emparât de l'espèce de dinosaure aquatique. Il se débattit, de toutes ses forces, pendant que le Capitaine ordonnait un  « machine arrière toute ! Pleine puissance ! », et pendant un moment, j'eus pitié de lui. Après tout, il n'avait fait que répondre à ses instincts. Je n'avais pas voulu le tuer... et pourtant, je venais de le condamner. Parce que je n'imaginais pas d'autre fin pour lui, alors que le courant d'eau se vidait comme un siphon, entraînant des trombes d'eau et le monstre en chute libre. Sous nous... quoi, l'océan ? Jaya, peut-être ? Il devait y avoir bientôt un sacré orage, voir même un typhon. Et en plus, une chute de monstre. Bah, si ça pouvait aller éclater la base de Navarone, tiens. Je ne souhaitais aucun mal à la garnison locale – enfin, pas trop - mais elle était Marine, et malheureusement, c'était mon ennemie. On ne faisait pas d'omelettes sans œuf, non ? J'imaginais les gros titres de la Gazette dans deux jours « It is raining monster ! »

La spirale se referma et le ruban d'eau reprit son « calme » normal. Je venais de m'écrouler sur le pont, crachant du sang et prise de frissons incontrôlables. Bien entendu, le médecin de bord voulut m'examiner mais je ne pouvais pas le laisser découvrir mes petits secrets.
- « Non, laissez-moi.... j'ai l'habitude. » crachotai-je misérablement.
- « Madame, ce n'est vraiment pas raisonnable ! » me gronda-t-il en essayant de prendre ma tension et de m’ausculter. J'attrapai son poignet. Ma force me faisait défaut, mais pas l'agressivité qui brillait dans mes yeux.
- « Vraiment, je vous suis reconnaissante. Mais je ne peux vous laissez me soigner. Pas maintenant. » Il tiqua mais sembla comprendre que le CP avait ses petites énigmes et que je semblais en être une. Je pris note mentalement d'aller mettre mon nez dans son carnet de bord, qu'il n'allât pas mettre noir sur blanc que j'avais des pouvoirs secrets... dont le CP ignorait tout. J'acceptai tout de même de l'aide pour rejoindre ma cabine. Le désordre ambiant me tira à peine une grimace. Du coup, je me blottis dans un coin de ma couchette en espérant être capable de survivre à cette crise de post-haki, sans trop de dégâts. « Sol', tu es un sacré enfoiré, mine de rien.... » grommelai-je en attendant son retour.
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Il fallait croire que les embruns avaient la fâcheuse tendance à se retrouver sur le chemin du révolutionnaire. L’air chargé en gouttelettes d’eau salée avait tôt fait de diminuer la force de chacune de ses frappes. C’était comme dans un rêve lorsque toute force semblait nous quitter puis que l’on assénait un coup mou et inefficace. Malheureusement, s’il voulait ne pas être démasqué, il était obligé d’évoluer dans ce miasme qui lui sapait toute force. Il comprenait à présent pourquoi on parlait de malédiction du démon. L’océan était une composante intrinsèque de leur monde et s’il devait perdre ses forces à chaque contact avec la solution aqueuse, il n’était pas sorti de l’auberge. S’accompagnaient à cela la myriade de poiscaille carnivore qui faisait office de garde-chiourme au monstre des mers. Inutile de se faire un dessin quant au destin qui attendait les hommes qui passeraient par-dessus bord … Il n’avait pas de réelle pitié pour ces gars mais il ne s’était pas senti le cœur de les laisser se faire dévorer vivant. Ainsi, quelques bourrasques bien maquillées vinrent les prémunir de leur fin.

De l’autre côté, Shaïness menait d’une main experte ses troupes, cherchant à son tour une solution pour éviter que cette chose ne les emportât tous. L’assassin faisait de son mieux pour détourner l’attention de la bête, frappant et agaçant le Roi des mers. Cela ne suffisait pas toujours, mais personne ne remarqua pourquoi la créature perdait son temps à frapper dans l’eau. Ils ne voyaient pas les sillons ensanglantés que creusait Rafael en frappant le prédateur. Puis vint l’instant propice. Comme une dissonance dans l’instant présent. C’était chose complexe à expliquer mais en un instant, il sut ce que Shaïness allait lui demander avant même que ses mots ne franchissent ses lèvres. Ce fut avec un sourire qu’il se prépara à l’action. Il vit le navire se préparer à harponner la bête. Ils agiraient de concert. Le révolutionnaire prit du recul puis, frôlant les eaux, il se glissa sous les écoutilles du Pterodactyle et, s’aidant de la prescience du mantra, il évita les flots avant de sa glisser sous la proue du navire. Le bateau frappa la bête, la faisant bouger de quelques mètres seulement. Un instant, le capitaine du navire vit sa fin arriver, pensant que leur effort n’avait pas été suffisant. Il n’en fallait pas beaucoup plus pourtant. Puis, contre toute attente, le monstre céda et glissa dans les flots sur encore quelques mètres. La créature sombra dans le piège dressé par Shainess révélant aux marins une blessure béante sur son flanc, certainement causée par leur impact. Plus bas, l’assassin était accroché à la proue, son bras gauche maculé du sang de la bête.

« Putain de monstre … » grogna-t-il, plus abîmé parce combat qu’il ne l’aurait cru.

Un simple monstre marin avait presque réussi à les dérouter. Il sentait une langueur sans nom le gagner tandis qu’il haletait de douleur. Quelque chose avait dû se briser à l’impact dans sa main. Il avait frappé de toutes ses forces mais il avait autant pris que le monstre. De quoi étaient faites ses écailles, bon sang ? Il regarda sa main, pendant que son sang se transformait en fumée. Les blessures cicatrisaient peu à peu, pour ne plus laisser qu’une vague sensation de douleur. Le révolutionnaire fronça les sourcils. Nul doute, il possédait un pouvoir intéressant. Puissant, même. Quelque chose qui avait dû, dans son temps, faire pencher la balance en la faveur de la révolution. Il lui fallait en apprendre plus sur ce Rafaelo qu’il était censé être. Ses motivations, si ce qu’il avait fait été louable ? À en croire Shaïness, c’était le cas. Mais il y avait toujours ce sale doute. Il avait hésité à sauver les quelques soldats de la Marine qui avaient manqué de tomber à l’eau. Et, il ne fallait pas se mentir, il les avait surtout sauvés par utilité. Leur mort aurait rendu toute manœuvre difficile. Il s’en voulait d’être aussi détaché. Mais un mois auparavant, il les aurait laissé se débrouiller par eux-mêmes. Cela aussi entrait en compte.

Il sentit soudain un tremblement le parcourir. Il raffermit sa prise et constata qu’il était trempé. De sueur, mais aussi d’eau. Il était dans un état important de faiblesse. Serrant les dents, il se hissa au dessus du bastingage, s’aidant de ses sens pour inaperçu. Repérer les  champs de vision de ses adversaires et s’esquiver à leur regard lui était comme une seconde nature. Un parfait assassin, évidemment …

« Sol', tu es un sacré enfoiré, mine de rien.... »

« Il paraît … » fit-il, tout en reprenant substance après avoir traversé la porte sous forme de fumée.

Il laissa échapper une moue écoeurée en mettant les pieds dans l’eau glacée, puis s’appuya contre le mur pour se retenir de glisser. La bonne nouvelle c’était que cette saleté ne faisait que l’affaiblir, elle ne lui coupait pas ses pouvoirs comme le sable gris de Syrdaha avait pu le faire…

« Et si tu m’expliquais ce qui me vaut cet honneur ? Hors de question que je retourne dans ta lampe magique pour l’instant. » poursuivit-il en se laissant tomber sur une chaise afin d’ôter sa tunique maculée du sang du Roi des mers.

A vrai dire, il n'avait aucune envie d'y retourner tout court. Mais autant éviter de se perdre dans ces inepties qui ne ferait que les ramener au besoin de sa couverture. Il révéla son torse nu, parsemé de ce qu’il restait des bandes de Solomon. Il était bardé de cicatrices, toutes plus graves les unes que les autres. Une dernière demeurait cependant, nouvelle. Fine et verticale au milieu de son abdomen. La trace de la lame de Fenyang, celle qui était supposée lui avoir ôté la vie. Une migraine atroce lui battait les tempes, juste assez pour ne pas remarquer que Shaï avait fermé les yeux. Le révolutionnaire se massa le crâne.

« Tu pourrais répondre … » murmura-t-il, laissé meurtri par cette échauffourée au milieu des embruns.

Une nouvelle fois le silence s’installa. L’assassin s’étira longuement, essayant de reléguer cette douleur au second plan. La donzelle devait vraiment lui en vouloir pour rester sourde à ses remarques. Il soupira de dépit, consterné par cette réaction dont il n’avait vraiment pas besoin pour le moment. Il ouvrit les yeux, prêt à hausser le ton sur la jeune femme qui, allongée, lui tournait le dos.

« Shaï ? Shaï !! » cria-t-il, se rendant soudain compte du teint blafard de son amie.

Serrant les dents, Rafaelo se jeta à genoux dans l’eau. Il sentit une vague infâme de fatigue le saisir mais il tint bon. Cela lui donnait une impression de déjà vu. Il plaça sa main sur la carotide de la jeune femme. Un faible pouls. Il resta là à regarder, ne sachant que faire. Elle respirait faiblement. Il percevait la percussion régulière de son cœur grâce à la conscience étendue de son mantra. C’était comme si il pouvait voir chacune des artères de la jeune femme au simple son du sang qui se glissait dans ses veines. Un flot implacable, laminaire. Il se glissait hors de son coeur et apaisé par l'épaisseur et l'élasticité de ses artères il se coulait en continue dans ses membres, ses muscles ... Il secoua la tête, chassant cette vision. Elle n’était pas une cible qu’il devait saigner. Jamais. Il la remit sur le dos et attrapa son poignet pour estimer sa tension artérielle.

« Je t’interdis de me lâcher, t’entends ? Je te conseille de pas mourir, sinon … sinon … » grogna-t-il, tout en prenant des mesures sur le torse de la jeune femme pour procéder à une assistance respiratoire de fortune.

Et ce fut bien entendu à l’instant où le révolutionnaire joignait ses mains entre les deux seins de Shaïness que celle-ci choisit de rouvrir les yeux.
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Haki contre Haki. Je ne sais pas si la chose avait été faite auparavant. Je ne sais pas si elle a été refaite depuis. C'est peut-être ça, l'essence même de la vie : la succession d'instants uniques façonnés par les circonstances extérieures. L'un dans l'autre, cette considération était totalement futile à ce point de l'histoire. Tout ce qui importait, dans ce moment, était que nos haki entrèrent en résonance. Je ne vois pas d'autre mot pour décrire ce qui se passa. Il y eu une lutte, pour sûr, et l'électricité ambiante générée suffit à faire friser mes cheveux. Vu comment Solomon et moi étions encore humides des embruns, nous manquâmes de peu une électrocution bien étrange. Le fluide de Solomon était bien plus ancien et maîtrisé, aussi vola-t-il dans les plumes de mon Haki, le forçant sur le dos, à offrir sa gorge en signe de soumission. Lentement, ma Vision reflua, alors que mon cœur recommençait à pomper le sang dans mon cœur selon un rythme plus régulier. Mes blessures semblèrent se refermer, au moins pour celles causées par le Haki. Les yeux dans les yeux, nous restâmes là à respirer du même souffle, à partager une communion de l'âme. Littéralement, il avait ma vie entre ses mains. S'il voulait me tuer, il pouvait. Il en avait toujours eu les moyens, et encore plus aujourd'hui, alors que je gisais presque sur mon linceul. Mais là, alors qu'il me guérissait sans savoir trop comment, nous savions tous les deux qu'il ne suffisait qu'un geste de sa part pour que définitivement, Shaïness Raven-Cooper ne fut plus. Pourtant, je n'avais pas peur. Je savais, aussi intimement que je m'appelais Shaïness, que jamais Solomon, ou Rafaelo ou quelque fut le nom qu'il se donnât, ne me ferait du mal volontairement.
- « Tu sais que cette scène pourrait être mal interprétée... » Ma voix sortit comme une sorte de coassement cependant que je cherchais un souffle. « Je... je ne sais pas ce que tu as fait... mais je vais mieux. » Grimaçant sous la douleur, je m'assis sur mon lit, autant que pouvait me permettre la couchette. « Je te rappelle que tu es marié, ou tout comme. » fis-je d'un ton distrait avant de justement ME rappeler qu'IL ne se rappelait pas. Ce n'était pas forcément le genre de détails par lequel commencer. « Rooh, tu es un colocataire exécrable. Regarde-moi ce bazar ! » me lamentai-je en reprenant en compte l'état de ma cabine. « Je maintiens ce que j'ai dit : enfoiré ! Et passe donc une chemise, tu vas attraper froid ! »

Les minutes qui suivirent furent donc consacrées à remettre de l'ordre dans notre chambrée, redressant le paravent pour que nous puissions nous changer. Avec aussi peu de place, le peu d'intimité que nous pouvions avoir était un luxe. D'un autre côté, je ne me souciais absolument pas que Rafaelo pût me voir dénudée. Ce n'était pas comme si nous pouvions encore nous désirer avec ce que nous avions partagés. Un frère pouvait-il convoiter sa jeune sœur ? Peut-être que sur certains royaumes perdus en mer du Nouveau Monde, un monde de feu et de glace peut-être, cela pouvait arriver. Mais pas ici.

- « Finalement, tu préfères que je t'appelle Solomon ou Rafaelo ? » finis-je par demander, alors que j'étais en train de me brosser les cheveux. Cela ne servait à rien de tourner autour du pot, et pire que tout, cela allait nous être préjudiciable. Or, nous allions faire face à des menaces comme nulle autre auparavant. « Tu sais, je suis au moins aussi... perdue, gênée... que toi. Je ne sais pas quoi te dire, ou comment te le dire. Donc... autant se dire la vérité. Et je suppose que la vérité commence avec celui que tu veux être. » Autant dire que ça me faisait mal, de dire de telles choses. Je l'autorisais à ne pas être Rafaelo. A ne pas être mon mentor, mon ami, mon compagnon de lutte. A faire mourir une seconde fois tout ce qu'il était pour moi. Mais si je lui offrais cette possibilité, c'était parce que je l'aimais. Ou l'avais aimé. Suffisamment pour ne pas vouloir lui imposer ses propres souvenirs s'il ne le désirait pas. Ou m'imposer. Après tout, c'était Rafaelo et Solomon avec qui Shaïness avait tissé des liens. Qui savait ce que l'homme devant moi pouvait bien vouloir de moi ?
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[hrp : ce post a été écrit à 4 mains de façon à faciliter l'échange]

Le révolutionnaire se posa lentement dans son siège, soupirant de soulagement d’avoir pu sauver Shaïness sans trop savoir ce qu’il avait fait au juste. Il n’avait pas eu le temps de pratiquer les premiers secours mais elle allait mieux. Il ôta ses mains avec gène et essaya de chercher une chemise à sa taille dans la cabine, sans succès. Mais il ne dit plus un mot. Plus un mot jusqu’à ce que le silence ne s’installe entre eux. Lourd pesant. On y était. La discussion fatidique. Il l’avait voulue cette discussion, mais maintenant qu’elle était là, elle lui pesait sur l’esprit. Comme un enfant qui va se faire gronder. Pourtant c’était à lui d’ouvrir les hostilités. Et ce qu’il voulait savoir pour commencer, ce n’était pas très compliqué. Il regardait dans le vide, perdu. Ses pieds trempaient dans l’eau, sans pour autant que cela lui valut une quelconque réaction. Son esprit était bien plus heurté que son corps.

« J’ai une femme ? »

- "Alors, je ne sais pas si vous êtes mariés et tout et tout, mais c'était du sérieux entre vous." Shaïness n'osa pas évoquer l'enfant. Déjà que lui fourguer une madame dans les pattes, ce n'était pas sympa, mais un gosse? Pas né? Et bon, peut-être que Céline n'avait pas envie de récupérer Rafaelo... qu'en savait-elle?

Il fronça les sourcils. Il ne s’en rappelait pas. Celui lui fit froid dans le dos. Etait-ce parce qu’il ne l’aimait pas vraiment ? Parce que cela n’avait pas réussi à perdurer dans son esprit ? Il laissa sa tête retomber sur le sommet du siège, levant les yeux vers le plafond.

« Je vois. » répondit-il simplement.

Si une chose n’avait pas changé, c’était bien sa capacité à rester étanche à toute logique émotionnelle. Il ne comprenait pas, mais préférait ne pas comprendre. C’était tout. Il n’avait pas envie dans se lancer dans cette spirale de doutes inutiles.

« J’en sais rien, Shaï. J’en sais rien du tout. Tout ce que je sais, c’est que je me souviens de Goa. De Fenyang et de sa lame. C’était douloureux. Plus loin ? Trou noir. Pourtant … pourtant je sais qu’il y a quelque chose, putain ! Hebieso m’a dit que c’était le plan de Rafaelo. Enfin … mon plan. » grommela-t-il, cherchant visiblement un sens à tout cela.

- "Je ne sais pas non plus. Je veux dire... je ne suis pas au courant de ce que Rafaelo voulait, de ses plans. Tout ce que je sais... c'est que je refuse de t'imposer Rafaelo, car que je le veuille ou non, tu n'es pas Rafaelo. Après, si tu veux savoir... et si une fois que tu en sais plus, tu veux redevenir Rafaelo... Mais si tu ne veux pas..." Shaïness haussa les épaules. "Tu ne me dois rien. Non, ni Solomon, ni Rafaelo me doivent quelque chose. Je dois beaucoup à Rafaelo, par contre. Y compris le droit de recommencer sa vie. Si tu veux rester Solomon, ou Jean-Bob... je t'aiderai." Ce que ça pouvait faire mal. Mais qu'est-ce qu'elle y pouvait? "Par contre, tu te rends compte que qui que tu sois, tu es irrémédiablement - et encore une fois - révolutionnaire... Et l'ombre de Rafaelo te suivra..."

« Je ne te dois rien ? Ah ah ah ! Elle est bonne celle-là … » fit-il d’un rire à peine feint.

Il sera le poing et une fumée grise s’en échappa. Au cas où ils auraient eu des doutes. C’était là, tapi au fond de lui. Il pouvait le renier.

« Tout a été orchestré en comptant sur ta bonne volonté, Shaï. Cet enfoiré de vaudou l’a à peine démenti. Pourquoi je me suis échoué à côté d’Alabasta ? Pourquoi je l’ai vu à chaque fois que je m’éloignais de ta piste ? Je crois, au contraire, que tu occupais une grande place dans les plans de Rafaelo. Qu’il … te faisait confiance. Qu’il a misé sur toi. Ou un truc du genre, j’en sais rien moi … » grogna le révolutionnaire.

Il se prit la tête entre les mains, repoussant en arrière ses cheveux mi- longs. Son œil gris laissait échapper une légère fumée, pleurait-il ? Il jura dans sa barbe, puis inspira un grand coup. Il y avait comme un nœud qui se défaisait au fond de sa poitrine, quelque chose de dur et d’impossible à oublier. Il avait une femme. Il avait une femme.

« Je … je peux pas me détourner de ça. J’ai vu les nomades, j’ai vu ces putains de bandits. J’ai vu … Goa. J’ai vu les conséquences. C’est vraiment moi qui ai fait ça ? Qui ai mené tous ces gens à la mort … ? Les journaux … disent que la Marine a arrangé les choses. Mais … des milliers de gens. Des milliers de gens morts … et je m’en souviens pas. Quel monstre était ce gars que tu révères tant pour être capable de ça, hein ? Je peux pas m’en détourner … mais je dois payer. Oui, c’est ça. Si c’était moi, alors je dois payer. » poursuivit-il, les yeux dans le vide.

- "Ben, si tu veux mon avis, c''était un gros coup de chance, qu'on se retrouve." Pour une fois, Shaïness allait enterrer l'art de la diplomatie. "Tu sais bien que je suis CP. Je vais là où mes missions m'amènent. La dernière fois que j'ai vu Raf, je ne savais pas que j'allais être envoyée à Alabasta. Je pense que personne ne le savait. Alors soit Rafaelo a des contacts bien plus hauts placés... et très secrets, soit c'est un gros coup de bol. Ou le destin. Tu appelles ça comme tu veux."

- "Quant à ma bonne volonté... Je n'ai rien de bon en moi. Je suis une garce. Une belle garce, ceci dit. Mais si je me suis occupée de toi, ce n'était pas parce que je sentais au fond de moi que tu étais Raf. Il n'y a rien au fond de moi. Juste des ténèbres et un égo surdimensionné. Je me suis intéressée à ton cas. Parce que tu pouvais potentiellement m'être utile..."


Elle posa sa brosse pour prendre ses deux mains entre les siennes, l'obligeant à ouvrir les poings, pour lui masser les doigts et les paumes.

- "Tu n'as obligé personne. Tous t'ont suivi. Certains s'étaient laissé convaincre par une vision d'une vie meilleure facile, la plupart avait compris que le combat ne serait pas facile. Tu n'as obligé personne. Pour autant que je sache, le feu couvait déjà. Tu n'as pas été l'étincelle, mais l'éventail. Pour la plupart des Goatiens, c'était déjà marche ou crève. Alors ils ont décidé que quitte à crever, autant tenter de crever pour quelque chose. Tu n'es pas un monstre. Tu es révolutionnaire."

Il se laissa faire, laissa Shaïness s’emparer de ses mains. Quelque chose d’électrique dans ce contact. Il n’aimait pas le contact. Cela faisait trop longtemps … Les doigts de la jeune femme s’enfoncèrent dans sa main de fumée comme si elle était réelle, comme si elle avait pris consistance. Une réplique parfaite qu’il sentait jusqu’aux tréfonds de son âme … mais grise. Grise comme elle. Il inspira profondément, encore. Et encore.

« Je … je sais pas. Je comprends pas. J’ai tellement de questions que je ne sais même plus y mettre un ordre. Mais si j’ai une femme, si j’ai … des torts. Alors je dois réparer tout ça. J’avais peur d’être un type ignoble, au fond. Mais peut-être que ça aurait mieux, plus simple. Il faut que je comprenne, c’est ça que je ressens. Mais j’ai peur d’être ce Rafaelo. Enfin … ce que je veux dire … c’est que personne le connaît, non ? C’est ce que tu me disais. Il faut que je retrouve cette … ma femme. Oui. Non ! Non. Il faut que je sache pourquoi je l’ai oubliée ... » poursuivit, enlevant sans crier gare ses mains de celles de Shaïness.

Il se leva, se détourna d’elle et, les pieds dans l’eau, s’appuya contre le mur pour regarder par le hublot. Une fumée sombre s’élevait de ses épaules. Il respirait à grandes goulées, enfonçant ce nœud glacé qui lui serrait la gorge au plus profond de sa poitrine. Il frappa contre le mur, impuissant.

« Et merde, putain. Cette histoire ça change absolument rien. T’as raison. Faut que j’avance. Faut que je trouve ce que je veux avant tout. Je suis pas Auditore, je suis pas Solomon … Je suis … je suis » continua-t-il, pendant que sa voix se mourrai petit à petit.

Shaï, être sensible et plein de compassion, capable de trier ses priorités, dédia un regard à la mesure de la situation à l'homme devant elle:
- "Déjà, tu vas te calmer. Si tu retournes encore une fois la chambre, je te punis dans ta lampe pour le reste du voyage."
ça, c'était fait...

- "Quant au reste. Personne ne connaît l'autre. A moins d'être télépathe. Et encore. Et jamais on ne se connaît soi-même. Alors, arrête de te prendre le chou. Quant à ta femme... ben quoi? Elle te croit mort. Qu'elle continue. Jusqu'à ce que tu sois sur de toi, mieux vaut qu'elle reste comme elle est. Pour ce que j'en sais, ce n'est pas une faiblarde. Elle va remonter la pente.Et si elle tourne la page, et que c'est trop tard pour toi. Ben, c'est la vie, c'est comme ça." Elle soupira en examinant sa manucure. Tch, elle n'osait même pas appeler ça des ongles. "Ne compte pas sur moi pour te prêter une épaule pour pleurer. A la rigueur, je te donne un mouchoir. Mais aussi horrible que soit ton histoire, elle n'est pas la plus horrible des histoires. Et même si elle l'était... Avance, respire. Ne laisse pas la vie te conduire à la mort."
ça n'avait pas beaucoup de sens, mais Shaïness trouvait que quelque part, oui. Après, elle était papillon, donc très mal placée pour ce genre de discours.

- "Si tu n'es ni Rafaelo, ni Solomon, soit... je ne sais pas. J'ai toujours aimé le prénom de Gabriel, personnellement. Mais tu peux aussi prendre le surnom de Fénix. Comme l'oiseau de feu qui renaît toujours de ses cendres.
L'un dans l'autre... avant de te préoccuper des autres, occupe-toi de toi. Là, maintenant, tu ne sers à rien, même pas à toi-même."


« Non. Non. Mon visage, mes pouvoirs … Je suis Rafaelo. Je peux au moins faire ça. » répliqua-t-il, les paroles de Shaïness touchant à leur but.

Il ferma les poings, les yeux. Hésita. Révolution, hein ? De loin ce n’était qu’un ramassis d’idéalistes. Mais de près, c’était … un foyer. Un endroit en lequel il pensait pouvoir croire de nouveau. Les discours de Shaïness, leurs aventures dans le désert. Voilà à quoi il devait se raccrocher ! Quelque chose de réel, tangible dont il se souviendrait. Il soupira, laissa ses mains retomber.

« Je sais. Je sais ce que je vais faire. Aller voir la seule personne dont l’avis sera objectif. Oui … Je sais ce que je veux. Peu importe ces histoires … si quelqu’un doit me dire ce qu’il pense de mes actes, c’est lui. » continua-t-il, toujours le regard dans le vague.

Sa femme … il ne pouvait pas retourner la voir sans savoir ce qu’il était vraiment. Il ne pouvait pas se permettre de revenir en prenant les choses à la légère. C’était hors de question. Non, il lui fallait se recentrer, comprendre et apprendre. Devenir un vrai révolutionnaire, savoir ce qu’il lui manquait. Connaître ce qu’il avait accompli. Il ne redeviendrait Rafaelo, il le sublimerait !

« Shaïness. Je veux aller voir Freeman. » lâcha-t-il, en se retournant vers elle.

... Il y avait longtemps, Shaïness avait cru en beaucoup de choses. Le Père Noël, l'existence des licornes, le Prince Charmant. Puis elle avait grandi et beaucoup d'illusions étaient devenues des mémoires douces-amères. Il paraîtrait que le Père Nowel existait vraiment, elle avait rencontré un porteur du Zoan de la licorne et avait connu des princes et des hommes charmants. Alors, aller voir Freeman?

- "Pourquoi pas..." Encore une fois, elle haussa les épaules. Freeman, c'était le cousin germain du Père Noël, avec Casper le Fantôme quelque part dans son ascendance. "Je ne vois pas trop ce qu'il pourra te faire ou pas, mais si c'est ce que tu veux. Je t'aiderai. Peut-être même que je vais venir, si tu désires de la compagnie. Enfin, MA compagnie."

« Je veux le voir de mes yeux. Je veux savoir ce qu’est cet homme dont le nom incarne la révolution. Je veux savoir ce qu’il se cache derrière pour savoir en quel honneur les gens de Goa sont morts, ainsi que tous les cadavres qui trônent dans mon placard. Je veux le voir, le juger et si le résultat me plaît, qu’il me juge. » répondit le Révolutionnaire, reprenant du poil de la bête.

« Ta compagnie est tout ce qu’il me reste, c’est la seule chose qui me soit d’intérêt en cet instant. » grogna-t-il, sans se rendre compte de la potentielle portée de ses mots.

Shaïness n'avait jamais vraiment pensé à Freeman en ce sens. Et au fur et à mesure que Rafaelo parlait, elle se sentait à son tour prise de cette curiosité teintée de colère.

- "Mouais... dans mon cas, ça sera plutôt moi qui vais le juger." marmonna-t-elle en prenant la décision d'accompagner l'amnésique jusqu'au bout de la route. "Mais bon, je crois que nous avons un plan. Un futur à moyen terme, une fois qu'on en aura fini avec ces Anges et ces Sélénites. C'est déjà ça, non..."
La portée des mots passa assez inaperçue pour Shaï qui considérait bien naturel que d'être utilisée par ses amis. Enfin, SON ami. Pas certaine qu'elle eusse besoin d'une seconde main pour compter ceux et celles à qui elle attribuait ce qualificatif.

- "On a un deal, Rafaelo." Elle tendit la main. "Tu m'aides à sauver Skyepia, et je viens avec toi jusque chez Freeman. Entre temps, à toi de me dire si tu veux que je te parle du Rafaelo que moi, j'ai connu."

« On a un deal. »

Du reste, il ne fit nulle mention.
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Depuis quelques temps déjà, la masse imposante de la Mer Blanche nous bouchait l'horizon. Le trajet n'avait été ni long, ni court, mais une véritable torture. Que je regardasse l'avenir, résumé à cette mission qui était la définition parfaite d'un casse-pipe politique et donc une belle mise en bouteille niveau carrière, ou le présent, avec la situation Rafaelesque, rien n'était vraiment là pour mettre du baume au cœur. Même le passé n'était que doux-amer, avec son cortège de regrets et de « si j'avais su. »
Alors que j'aurais dû me préparer pour rencontre les trois Messies de Héailleutou, plancher pour trouver une explication plausible à l'absence de leur diplomate à mes côtés, sans cesse mon esprit revenait à Rafaelo.
Très étrangement, j'avais beaucoup de mal à l'appeler ainsi. Son visage avait peut-être repris ses traits d'antan, mais moi, je l'avais connu comme Solomon-la-momie-lépreuse. Je lui avais dit des choses que je n'aurais sûrement pas dit à Rafaelo. Notamment des choses sur ledit Rafa--- sur lui-même. Le rouge de la honte me montait aux joues à chaque fois que j'y repensais. La Shaïness qu'Auditore connaissait n'était pas du tout celle que Solomon avait fréquenté, et bien qu'aucune des deux n'était un mensonge, aucune des deux n'était pour autant la vérité ! En moins égoïstement, j'étais aussi très inquiète pour Raf. Jamais auparavant quelqu'un n'avait autant compté sur moi pour l'aider. En général, c'était plutôt moins qu'on sortait du pétrin. Ou alors, je vivais en solitaire. Mais là, c'était à moi de jouer les paladins en armure et de protéger Rafaelo tant qu'il n'avait retrouvé un début de stabilité. Plus encore, je devais l'assister. Pas seulement venir avec lui rencontrer Freeman. Mais dans le quotidien. L'accepter pour ce qu'il avait été, et était devenu. L'empêcher de douter ou de se ronger les sangs. Et pas uniquement parce que j'avais besoin de lui zen et reposé. Parce que je ne voulais pas qu'il souffrît encore.
Mais c'était tout de même le comble, de me demander à moi, de faire preuve de compassion, d'empathie et de patience. Je n'avais jamais été ces choses là, et je n'avais pas la moindre idée de ce qu'il pouvait bien vivre, ce qu'il pouvait se passer dans sa tête.
Perdre sa mémoire, c'était déjà horrible en soi. Perdre sa mémoire et se réveiller dans une galère esclavagiste et ne connaître du monde dès ses premiers instants sur terre que le plus terrible des sentiments de trahison, d'humiliation et d'anéantissement... aurais-je été capable d'y survivre ? Rafaelo, oui. Pire encore, il s'était de nouveau engagé dans la cause révolutionnaire, mettant de côté ses propres douleurs. Si je doutais de ma capacité à survivre, je savais, sans l'ombre d'un doute, que si j'y arrivais, je tournerais alors pirate, cherchant uniquement mon plaisir et peut-être ma vengeance. En tous les cas, une vie bien égoïste. Lui ? Non, rien de cela. Mais perdre sa mémoire, se réveiller esclave, embrasser une cause plus ou moins idyllique, puis se souvenir que partiellement du pire moment de sa vie ? Une belle définition de l'enfer sur terre.

Alors que je bataillais avec ma conscience, s'imposa donc l'idée que Rafaelo avait été un être assez singulier dans son genre, exceptionnel même, puisque même la mort n'avait pas réussi à lui arracher cette volonté de vivre et cette soif d'égalité. Je finis par le lui dire, cependant qu'il était de nouveau plongé dans un moment de déprime :
- « Je ne sais pas quoi te dire. La seule chose dont je suis certaine, c'est que tu n'étais pas une mauvaise personne. Bien au contraire. Tu n'as jamais recherché l'enrichissement personnel, même si tu ne devais pas cracher dans la soupe si le bol t'était tendu ou oublié près de toi. Comme tout le monde, tu as des défauts, et tu as fais des erreurs. Des choses pour lesquelles tu te blâmais. Mais tu n'es pas une mauvaise personne.
De plus, ta femme... ta femme t'aimait, exactement pour ce que tu étais. Et ce que tu étais, c'était un type prêt à mourir pour ses convictions, mais assez tortueux pour tout faire pour ne pas mourir, y compris passer par des chemins qui feraient reculer beaucoup. Je suis sûre que si elle savait, elle t'encouragerait. Mais je me demande si elle n'était pas au courant de ton plan. Si tu veux, je peux la faire prévenir que tu es en vie. Ça va peut-être la mettre en danger. Et ton plan, justement ! Depuis le début, tu avais prévu un moyen de retrouver la mémoire. Tu voulais redevenir toi-même, alors que tu avais l'occasion rêvée pour raccrocher le sabre. Comme tu l'as dit, tu as une seconde chance. Celle de faire tout ce que tu n'avais pas pu faire. Celle de te débarrasser de liens, d'en créer d'autres.
Alors, arrête de ronchonner et aide-moi un peu à nous préparer !  »


De l'aide, j'allais en avoir besoin. En effet, Amaury de Danemark n'avait pas forcément livré toutes ses informations, avant d'avoir été envoyé... pfff, allez savoir, avec le Gouvernement. Du coup, et en prenant en compte la censure à laquelle la hiérarchie avait forcément du procéder pour ne me confier que les renseignements correspondant à « mon niveau d'accréditation » (comprendre, mon niveau de corruption), je n'avais qu'une vague idée sur ce qui nous attendait.
Notre premier contact avec la population locale fut avec les gardiens de la Porte de la Highest Way. Nous aurions normalement dû payer un droit passage – personnellement, j'aurais mis le péage plus bas si ce n'était à l'entrée du courant maritime montant, puisqu'il n'était pas certain que tous les bateaux arrivassent à destination -il suffisait de voir comment le Ptérodactyle avait fini. Mais bon, moi, j'étais cynique – mais lorsque nous nous présentâmes en tant qu'envoyés du Gouvernement Mondial, nous fûmes exemptés de taxe.
Des anges, j'en avais connu deux : James Fermal et Jeskla Kamahlsson. A part des ailes, ils n'avaient rien en commun. Difficile donc de savoir vraiment comment les habitants de Skypiea étaient réellement... et encore plus dans leur milieu naturel, même si je me souvenais vaguement qu'il y avait plusieurs îles angesques. Ce manque d'information s'expliquait par le peu de contact que la race avait avec le monde des Blues et de Grand Line. Peut-être pullulaient-ils comme des pigeons du côté du Nouveau Monde ? Mais c'était bien leur rareté qui avait attisé la convoitise du Dragon Céleste Son Illuminance Maselfush.
Alors que Angel Island 2, AI2, Héailleutou dans leur jargon local, se dessinait au loin, je pris conscience que je jouais non seulement contre la montre – faire en sorte que les anges puissent se défendre contre ce noble lorsqu'il arrivera pour tous les capturer – mais aussi avec le feu – si ledit noble devait apprendre que le Gouvernement avait tenté de lui couper l'herbe sur le pied, des têtes tomberaient. La mienne, mais pas que. Et là, j'eus un élan d'espoir assez surprenant pour une grande paranoïaque comme moi. Alors qu'il aurait été si facile pour le Gouvernement de ne rien faire, de laisser faire, ordre avait été donné de m'envoyer. Certes, je n'étais niaise au point de penser que c'était juste par bonté d'âme. Le GM désirait seulement que Maselfush ne bousillât pas complètement une île plus qu'intéressante pour son développement. J'avais même une petit voix qui me susurrait avec cette perversité acide que si j'avais été choisie, moi, parmi tous, c'était pour mieux me faire couler et se débarrasser de moi en toute discrétion... et légitimité. C'était peut-être un piège. Mais surtout, c'était la preuve que tout le Gouvernement n'était pas corrompu.

Nous étions désormais à quai de l'île des Anges. Héailleutou était bâti sur une couche de nuages plus durs que la moyenne et en dépit de les voir tous se promener dessus, je ne cache pas que j'eus la peur de ma vie en faisant mon premier pas. Mon esprit logique me hurlait que j'allais m'enfoncer et finir comme ce pauvre Roi des Mers. Mais bon, la logique et moi.
Rafaelo en poche dans ma besace en mode génie de la lampe, mes armes bien préparées, je fus escortée jusqu'au « Temple », où siégeaient les Messies, les trois dirigeants de l'île des Anges. Ceux qui avaient envoyés Amaury de Danemark. Quel accueil pouvaient-ils bien me réserver ? Répondrai-je à leur attente, quelles qu'elles fussent ?
- « Bonjour. » Je les saluai en m'inclinant, à la manière des anges qui avaient constitué mon comité d'accueil et mon escorte. Bien que mon guide, un ange aussi baraqué que beau s'étant présenté comme Chef Silverstone, avait été très poli, je n'avais pas eu droit à une visite guidée des lieux ou à un pot de bienvenue. Un voyage d'affaire, c'était un voyage d'affaire me diriez-vous. Mais là, c'était un peu sec. « Je m'appelle Shaïness Raven-Cooper, chef d'équipe au Cinquième Bureau Cipher Pol du Gouvernement Mondial. Mon gouvernement a bien reçu votre message et nous sommes tout disposés à vous prêter secours, comme cela est normal entre voisins. J'étais été envoyée pour comprendre la situation en cours et vous assister dans les mesures les plus urgentes. » Je fus conduite à une table, assise sur une chaise à haut dossier, me fit servir un jus de quelque chose approchant de la citrouille. Puis il y eut le commencement.
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