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Voyage, voyage !

~ Quelques jours plus tard... ~

Ayé ! Depuis les dernières péripéties, Eugène et moi avons repris le large grâce à un tout nouveau bâteau, tout beau. Enfin... le notre désormais, en tout cas. Mais c'est sûr, côté réparation, il va sans doute falloir retaper plusieurs parties de l'engin dans pas longtemps. Celui-ci sent encore trop l'odeur de l'ancien équipage pirate, alors normal d'avoir envie d'imprimer sa propre signature, sa propre empreinte sur le pont, le mat, le gourvernail, et tous ces trucs... histoire de vraiment pouvoir exprimer haut et fort : "il est pour de bon à nous !".
Quoi qu'il en soit, tâche plutôt facile dans l'ensemble, puisque ma graisse aura tôt fait de caliner ce nouvel environnement.

Sur ce, pour l'heure, on a sorti la grande voile et on navigue droit devant. Pas de méchantes vagues en vue, ni de vent puissant à signaler dans les parages, le voyage parait alors tout ce qu'il y a de plus pépère. Et ma foi, tant mieux comme ça. Parce que piloter son premier transport sans permis et sans prise de leçons, imaginez le bordel ! Heureusement que mon compagnon semble avoir un don particulier, dès qu'il s'agit de carrer ses mains sur un manche... ahem ahem !
En somme, merci pour ses doux et langoureux va-et-vient. Avec lui aux commandes, j'imagine que les coups de volant trop violents n'existeront jamais. Prions juste quand même pour qu'il sache comment anticiper contre un obstacle de type iceberg insolite, par exemple.

Pour ma part, j'ai donc dû me résigner à lâcher le pagne et opter pour le string extra-large de cette chaudasse d'Alvida. Du moins, je suppose que c'était ce genre de biatch à son époque. Le fringue épouse parfaitement mes euh... formes généreuses, mais quelque chose me dérange toujours avec le temps. Je n'arrive pas à me décider de manière précise.
D'ailleurs pour la peine, je ne me suis jamais autant touché la grappe et autre interstice depuis que je porte cette saloperie de tissu. Vivement qu'on arrive prochainement sur la terre ferme ! Sans déc', je n'ai rien contre un masseur à mes côtés, hein... mais comment dire ? Le type est toujours en train de s'inquiéter de ma santé. Il a peur que si je me grattouille souvent, ça irrite ma peau et ça s'infecte dans le pire des cas.

_ Gura ! Teu teu teu ! Me sort-il sans cesse.

Ah bah voilà... encore une fois, ça me démange et je n'ai pas pu résister à y mettre les doigts, quand ce n'est pas les ongles. Et le pire, c'est que je ne m'en rends même plus compte. Pouah, quelle chiasserie !

_ Ouais ouais, Eugène... euh, désolé, j'recommencerai pu.

Ça le rassure... mais pour combien de temps ?

Quoi d'autre sinon ? On a pu récupérer quelques babioles de luxe dans la Bat Cave de l'autre grosse morue d'Alvida. Lot de consolation, quoi. Du coup, une fois qu'on aura tout revendu, la monnaie me permettra au moins de regarnir ma garde-robe. J'en rêve toutes les nuits depuis qu'on s'est tiré de cette satanée île de Goat. Une collection de slips, hmmm miam miam !

À noter qu'en parlant de morue, c'est aussi le nom de notre navire. Grossomodo, si les obèses sont capables d'ériger tout un tas de bourrelets sur leur corps, et que ces derniers gigotent ensuite pareil à des vagues, pourquoi ne pas justement baptiser notre big flotteur boisé "La Vague Morue" ? Eh ouais, c'est qu'il y en a là-dedans !
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Toujours plus loin en mer, on glande un max. Se tourner les pouces, ça va bien cinq minutes. Si ça ne tenait qu'à moi, je serais déjà reparti grignoter un petit morceau. Mâchouiller et avaler, ça fait au moins défiler les secondes. Mais c'est malheureusement aussi le bon deal pour vider le frigo en un temps record.
En fait, je me suis pourtant mis à la pêche lors de mes heures perdues. Sauf que je ne suis pas très doué. Eugène m'a évidemment sorti que le hic provenait de mes penchants de sauvageon, tout ça parce que lui savait quand jauger entre le moment où il faut être docile et ferme avec le poisson.

Mouais bof. J'ai pesté dans mon coin, sans plus... pour faire style de lui donner raison, quoi. Mais dans le fond, tout le monde sait bien qu'une canne à pêche, ça ressemble pratiquement à un long curly. En ce qui me concerne, je peux à peine contempler sous mon nombril, donc bon ! Ça doit avoir un chouïa rapport, je parie. Voilà, exactement ! Si je ne manie pas assez bien l'un, l'autre encore moins, en l'occurrence.

Après cette petite anecdote, retour à la réalité. Le masseur vient de m'interpeller tellement fort, que j'ai bien cru que mes oreilles allaient saigner. Je sursaute, pivote vers lui et lui tire la grimace.

_ Quoi ? J'me suis pas touché pourtant ! Enfin je crois...

_ Non, c'est pas ça ! Regarde là-bas !

Il me désigne telle direction à l'avant de l'appareil. Je m'y rends donc pour jeter un premier regard rapide.

_ Euh... ouais ? Bah c'est un navire. Ça prouve que nous ne sommes pas seuls sur les flots.

Cependant, une fois la blagounette passée, je me rends enfin compte que ce n'est pas le genre d'embarcation qu'on aime croiser, notamment quand on se prétend pirates.

_ Ah merde, ouais !

_ Alors ? Qu'est-ce que t'as prévu, mon gros ?

Laule, tout de suite ! Voilà qu'il cherche à me faire les yeux doux avec son intimité à deux balles. J'étais pourtant persuadé de lui avoir ancré dans le crâne une bonne fois pour toutes que je ne serai jamais de ce bord-là.

Grrr ! Bon, mettons ça sur le coup de l'émotion, hein. Moi-même, j'en perds un peu mes moyens, pour ne rien vous cacher. Par le passé, j'ai toujours usé du bâteau des autres pour me déplacer d'un point à un autre. Alors que là, ça me ferait mal d'assister à la destruction pure et simple de ma récente petite caravelle chérie.
D'ailleurs à ce propos...

_ Tu sais s'il nous reste des boulets de canon ?

Oups. Eugène déglutit et hausse les sourcils. Après un silence gêné, je ne peux que l'imiter.
Moralité, déception quand tu nous tiens... on n'est pas dans la mouise !
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La panique s'installe très rapidement, tandis que le navire de la Marine, même s'il est encore à bonne distance pour l'instant, trace son petit bonhomme de chemin vers nous.
Pendant ce temps, j'ai beau courir et fouiller dans tous les sens et recoins, l'idée du siècle n'a apparemment pas l'intention de se pointer sur le bout de ma langue. À ce train-là, j'aurai brûlé toutes mes calories et neurones avant qu'on ait tous deux eu le temps de dire "ouf".

_ Je sais ! Commence par faire demi-tour déjà !

Bon d'accord. Même un asticot aurait pu la faire, celle-là.
À moins que...

_ En fait, non ! Fonce-leur dessus incognito. On change pas notre cap.
_ Hein ? Mais t'es malade ! Tu veux que je te masse pour te remettre les idées en place ?
_ C'est pas le moment, Eugène... fais-je en soupirant, entre deux essoufflements.
_ Bah si, un peu quand même. Tu veux qu'on se fasse tuer !

Là, je lui fonce dessus et le décroche de son poste de pilotage. Il jouit quasiment et s'apprête déjà à m'agripper de façon sensuelle.

_ Oh, Gura... me susurre-t-il, d'un air romantique. Mourir l'un dans l'autre, c'est beau. Mais on a encore toute la vie devant nous. T'es sûr que tu veux pas plutôt...
_ On va se cacher, tout simplement, le coupé-je.
_ Aaaah d'accord. Comme ça, avec du bol, ils vont croire que le raffiot est vide ou abandonné.
_ Voilà. En plus, puisque notre navire a déjà bien été usé avant qu'on ne se l'approprie, il y a une chance pour que ça marche.

Sourires esquissés, on lève chacun le pouce, bien synchro. Puis je repousse la tafiole qui en avait profité pour se mettre à l'aise. Résultat, le con est trempé par ma sueur. Bien fait pour lui ! Quoique... il aime ça, le bougre.

Bien sûr, il faut espérer aussi que les gars de la Marine n'ont pas déjà donné un coup de jumelles au moment où on pavanait encore à l'air libre, il y a une seconde.
Mais au fait, si personne ne conduit notre bâteau alors qu'il fonce pourtant vers celui de la Justice, est-ce que les types à casquette vont simplement passer à côté, l'air de rien ? Le dégommer parce que ça les gêne, ou toute autre raison du genre ? Ou trouver une solution pour l'aborder sans provoquer la collision ?
Bah oui ! Un bâteau vide qui stagne, c'est sympathique... mais dans pareille situation, il dit quoi leur règlement ?

Bref. Eugène et moi avons choisi une cachette différente et à l'opposé. Non pas qu'il me collait d'un peu trop près (même si...), mais parce que si par malchance, l'un se fait capturer, l'autre pourra peut-être venir à son secours par la suite. Mais chut, hein !
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Scratch, scratch, scratch !

Ça, c'est la preuve que des soldats ont plutôt préféré monter à bord pour faire un constat des lieux, au lieu de s'aventurer dans de l'atomisation radicale. J'ai presque envie d'aller les remercier. À ma sauce, évidemment. Quoique... c'est déjà le cas, en fait.

_ Mouhahaha ! Pouffé-je de rire d'ailleurs en sourdine, bouche cadenassée à double tour.

Les loustics doivent certainement être en train de patauger dans mon trop-plein de sueur répandu au sol, depuis maintenant des jours. Par conséquent, ça colle sévère à leurs pompes à présent. Génial pour le bruit engendré, car il va pouvoir nous permettre de mieux les détecter.
Par contre, un léger doute m'étreint le temps d'un battement de cil. Rien d'insurmontable, hein. Est-ce que les types ne vont pas s'imaginer qu'il y a forcément de la vie à bord ? Ou au contraire, le bâteau est trop pourri et une substance de pacotille a malencontreusement dû être déversée pendant une quelconque et précédente bataille ?

Au final, leurs investigations perdurent plus que prévu. Peut-être ne sont-ils pas assez convaincus. C'est vrai que si des gens vivaient en ce moment dans ce trou perdu qui flotte, ils laisseraient logiquement telles ou telles affaires trainer en évidence, n'est-ce pas ? De la vaisselle, de la bouffe, des vêtements, de l'outillage, et compagnie...
C'est ça qui doit les faire ruminer, à coup sûr.

_ Chiottes, chuchoté-je tôt ou tard.

Mais soudain, un escargophone de l'un d'eux sonne, et une communication s'enchaîne. Je suppose donc déjà que l'enfoiré déambulant non loin d'ici, qui a décroché, doit posséder un ou deux galons.

Je n'arrive pas à décrypter au poil leur dialogue, en revanche, au vu de l'épaisseur des parois de mon cagibi dans les cales. Si ce n'est que certains mots-clés ont de quoi me mettre la puce à l'oreille. Ça parle, dirait-on, de... pirates ? Sans blague, hein !
Par chance, le tout mis bout à bout, et réinterprété par mon super cerveau, me laisse penser que la Marine aurait déjà arrêté les membres de ce fameux navire, plusieurs jours auparavant. Et puisque leur bâteau n'a jamais été récupéré ensuite, le vol ou l'abandon de celui-ci parait donc encore plausible.

Voilà. Sur ce, une sacrée intrigue plane dans la caboche du plus intello et gradé des soldats. Mais d'un autre côté, comme rien de plus suspect et surtout de bien vivant n'a été découvert, la thèse de l'embarcation, qui aurait soi-disant erré à l'aveugle sur East Blue, est finalement votée à l'unanimité. Quitte à ce que des chicons aient également pu l'emprunter pour une balade gratuite ou deux, le temps d'une escale. Mouarf !
Ça fait plaisir d'avoir affaire à des nouilles, il faut avouer !

_ Bah ça alors ! Conclus-je, toujours par la pensée, un brin ébahi. C'est le logo de ce vaisseau foireux qui va nous sauver la mise...

Cette moule ! Qui l'eut cru ? On a bien fait de ne pas l'avoir changé avant notre départ. Façon de parler... on a surtout juste oublié.
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Et enfin, le moment crucial tant attendu s'annonce. Le temps qu'ils règlent les derniers détails, suite à leur reniflage râté, le bruit de leurs pas gluants finit par s'éloigner. Puis, comme aucun autre grabuge ne survient dans la foulée, j'en déduis que Eugène a dû bien gérer aussi de son côté. Félicitations à lui ! J'ai pourtant bien flippé à un moment donné, en me disant qu'il aurait pu être capable d'accueillir apwal la Marine, étendu sur le lit. Ça, ou alors dans la salle de bain... en train de savonner je-ne-sais-quoi.

J'attends quand même encore cinq minutes avant de m'extirper de mon abri improvisé. Sait-on jamais. Vu mon gabarit, je n'ai vraiment pas envie de jouer au Gras Double trop précipité. Ce serait un coup à faire chavirer le navire ou alerter les visiteurs de tout à l'heure. Donc une fois le calme bien établi, je suppose que tous ces ploucs ont repris le large comme si de rien n'était.
Néanmoins, une interrogation me turlupine bientôt.
Je veux bien piger que la Marine ne coule pas un bâteau fantôme pour des raisons écologiques, entre autre chose. Mais alors quoi ? Vont-ils pour autant laisser l'engin en solitaire, à perpet' des lopins de terre ? Sur le moment, je n'entrevois pas la réponse qui devrait en découler.

Il faudra alors attendre que je sorte ma grosse carcasse de la cave, et que je remonte à la surface. Enfin seulement la tête, dans un premier temps. Je ne suis pas fou au point d'exploser de joie trop vite, les bras levés et sautillant à pieds joints, juste parce que la lumière du soleil me chauffe le caillou.

_ Meeerdeuuuh... crié-je heureusement aphone, bouche bée.

Mais pas plus tard qu'incessamment sous peu, le popotin de quelqu'un surgit de nulle part et me fait de l'ombre. C'est quoi ce binz ?

En y zieutant de plus près, premier détail qui a son importance... ce n'est pas le derche de l'autre efféminé. C'est dur à admettre, mais le sien est reconnaissable entre mille. Trop doux, trop neuf, trop lavé avec Mirlaine. Enfin, quelque chose comme ça, quoi.
Après meilleur recadrage, je devine qu'il appartient à un vulgaire soldat de bas étage. Ou bas d'échelle, on va dire plutôt. Sinon, il exhibe une anatomie lambda de mâle encore puceau, uniforme classique et fusil dans le dos. Pas de quoi se pisser dessus, en somme. La ficelle de mon string serait même capable de lui trancher la gorge, sans avoir besoin de forcer. Bref, le genre de mouflet qui doit encore croire au Père Noël.

En fin de compte, je cogite et je frissonne tout de même, mais pas pour la mauvaise tournure en l'état. Et puis s'il n'y a que des simples troufions en faction dans le coin, je ne me fais pas non plus de soucis pour Eugène. Il saura toujours les amadouer, ce coquinou !
Mais fouyaya ! Comment on va se dépatouiller d'un tel merdier, si notre petit navire est remorqué à leur über-monster-yacht ? Et puis ils nous emmènent où ? À leur base pour de la fouille plus efficace ? ou l'île la plus proche afin d'y être démonté pièce par pièce ?
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Après quoi, je suis redescendu discrètement dans ma cave. Pour tenter de concevoir un plan. La première idée qui illumine mon cuir chevelu rasé au nanomètre près, c'est celle où il faudrait se déguiser en soldat après l'avoir neutralisé. Sauf que pour moi, c'est râpé. Si j'enfile quoi que ce soit, ça craquera illico. Donc, même pas en rêve !
Puis j'ai tripatouillé mes pectoraux pendouillants. Mais rien à faire ! La seule réponse qui me vient cash serait de fouetter tous ces envahisseurs jusqu'au dernier. Un plan comme un autre, certes, mais c'est la porte ouverte à beaucoup plus d'emmerdes ensuite.

_ Eugène ! Cité-je alors, tout en expirant comme si son nom jaillissait du plus profond de mes entrailles.

Pas vraiment le choix, sinon. Je suis quasiment obligé de me rabattre sur sa personne et ses talents, à la rigueur. En tout cas, il a plus de chances de passer inaperçu, s'il manie bien l'infiltration.
Remarque, il a déjà la sale manie d'aimer glisser ses mains partout, partout, partout... alors pourquoi pas lui tout entier, exceptionnellement ?

_ Mais il faut d'abord que je le rejoigne, continué-je à voix basse. Et puis au fait, il fait quoi, lui, depuis tout ce temps ?

Figurez-vous que le saligaud n'a pas su se tenir à carreau bien longtemps ! Son excuse ? Il estimait encore et toujours devoir une dette éternelle envers celui qui lui avait servi de papa : le collectionneur. Du coup, il ne laisserait jamais tout ce qu'on avait accumulé à des étrangers. Dans l'espoir un jour, bien entendu, de mettre la main sur Mario, cet arnaqueur d'achéologue, et de lui faire payer.

Donc j'ignore tout de ces agissements à cet instant. Mais alors que je fais les cent pas afin de trouver comment agir le plus judicieusement possible, lui est en train de peloter un par un tous les matelots trop crédules à l'étage. Par chance, il a ses propres petits tours de passe-passe, ouf !
Ça consiste à les prendre en ôtage. Ou du moins, le premier pour initier sa grosse entourloupe de taré. Et sur ce, toutes ces techniques bizarroïdes de massage sont réalisées à la chaîne. Il en caresse donc un... et le fait hululer. Le suivant étant attiré bêtement, il va voir ce qui se trame et pouf ! À son tour, il tombe dans le panneau et se met à jubiler des petits cris... et ainsi suite, pour appeler un autre larron.

À la fin, il n'en reste qu'un : Eugène. L'équipe de bras cassés est, quant à elle, paralysée sur place, debout comme des statues, à divers endroit sur le pont. Impressionnant quand même, y'a pas photo !
Résultat, même sans bouger, on pourrait jurer que les hommes en poste font leur piètre boulot de vigile. D'ailleurs, depuis le début, s'il y a toujours ce mec en train de m'exposer sa croupe là-haut, c'est justement parce qu'il ne saura plus gambader pour un moment.

_ Gura, tu dors ou quoi ? Résonne soudain une voix de travelo. T'es au courant que la Marine squatte toujours dans les environs ?

Il a dit ça tout à coup, sans prévenir, pendant une de mes rondes, arf ! J'ai euh... vibré.

Mais maintenant, je vais me taper la honte si je ne trouve pas une réplique valable pour cause de cloîtrement durable au sous-sol.
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_ Eh bah euh... je... suis fier de toi !
_ T'étais pas en train de te gratter quand même ?
_ Hein ? Meuh non, j'avais autre chose à penser, voyons...

Mais quel chiant ! Bon d'accord, c'est gentil de sa part. Mais toutes les occasions sont bonnes pour prendre des nouvelles de mon attirail sous la ceinture. Tôt ou tard, je vais devoir le biffler carrément si ça empire !

Quoi qu'il en soit, dehors c'est donc devenu relativement tranquille. Tant que personne ne nous épie depuis leur balcon, en tout cas. Même si depuis leur dernier compte-rendu, je ne pense pas qu'ils deviendront parano pour savoir s'il y a finalement quelqu'un ou non à bord. À la rigueur, une ou deux oeillades suffisent déjà pour au moins s'assurer que le gros véhicule est toujours bien attaché, telle une remorque.

Par contre, chose étonnante qui me frappe enfin l'esprit... tous ces types figés ne chialent pas bruyamment. Eugène finit alors par m'expliquer qu'il a également réglé ce détail en leur roulant des pelles. Résultat, ses partenaires sont en train de fantasmer dans les bras de Morphée, tout bonnement.
Ça me fait une raison de plus de refuser chaque fois ses avances, du coup. Je n'ose pas imaginer ce qui pourrait m'arriver ensuite, une fois endormi, ce qu'il aurait l'intention de me faire. Beurk !

_ Certains ont des sabres, sinon. On peut essayer de couper les liens qui retiennent notre navire au leur ?

Comme je suis resté campé et dégoûté sur ma vision de cauchemar précédente, sa réplique agit au début comme un coup de cymbale dans ma tête. Mais ouf, elle me réveille dans la foulée.

_ Ouaip, pas con, rétorqué-je à l'aveugle.

Sauf que si on y regarde bien le schmilblik mis en place par la Marine, ce n'est pas du simple cordage où il y a juste à scier. Les enfoirés ont carrément installé une grosse chaîne en métal, style menottes pour géant... voire collier pour monstre marin. Alors à moins d'avoir un bretteur surdoué sous la main, retour à la case départ, quoi !

_ Phoque ! Me plains-je alors. Moi le seul truc que je sais utiliser, c'est mes boobs, ma graisse et ma transpiration. Pas sûr que ça soit efficace contre l'acier. Et toi, tes mimines sont assez douces pour le faire plier, haha ?

Eugène baisse la tête et grogne brièvement. La petite plaisanterie l'a apparemment blessé. Pov' petite chose, va !

Je me rapproche de lui, mais il croit déjà que je vais m'aventurer à lui donner un bisou pour me faire pardonner. Je me retiens donc de vomir, puis ça se règle finalement avec une bonne tape virile sur l'épaule. En guise de réconfort.
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À vrai dire, j'ai une confession à lui faire. Et comme le masseur est sans doute inscrit dans une association anti-brutalité, pas sûr que ça lui plaise tant que ça. Déjà moi-même, ça ne me réjouit pas des masses.

_ Eugène ? Il reste peut-être une toute dernière solution pour s'en sortir. Et je ne comptais pas en arriver là pourtant, au départ.
_ Tu veux que je serve d'appât ?
_ Mais non !
_ Que j'me sacrifie carrément ?
_ Rha prout ! J'ai besoin de toi pour m'aider à défigurer notre beau bâteau.

Il fronce les sourcils et se mordille la lèvre inférieure. Je dois avouer que j'ai également un pincement au coeur, car c'est dur d'avoir à abîmer si tôt son propre bien récemment acquis.

_ Puisqu'on ne peut pas se défaire de cette emprise de la Marine, j'ai décidé qu'il valait peut-être mieux se séparer d'un morceau du bâteau.
_ Keuuaaah !?
_ Je vais tout déchiqueter l'avant de La Vague Morue avec ma Toupie Booblade, et on verra ce qui reste de la carrosserie plus tard. T'es d'accord avec ça ?
_ Bah... non, pas trop. Mais je suppose que perdre un dixième de sa structure, c'est pas non plus la mort. Il nous en restera toujours une bonne partie.
_ Voilà. C'est ce que j'ai pensé aussi.
_ Mouaip, on va dire que c'est OK alors. De toute façon, on n'a pas non plus midi à quatorze heures pour réfléchir à autre chose. Mes prisonniers vont bientôt retrouver leurs mouvements, qui plus est.
_ Alors oui, faut qu'on se grouille fissa. Tiens d'ailleurs... on va tous les mettre à l'avant aussi. Comme ça, je les balaierai avec.

Ça par contre, c'est de la perte de temps, certes. Mais un petit cadeau de la maison, ça ne se refuse jamais.

Après quoi, Eugène m'aide donc à placer les soldats toujours immobiles devant la chaîne, en proue de notre embarcation. Puis je lui demande de se rendre dans le cockpit, car dès que le vacarme ultime retentira, tout va se jouer sur du drift à cent quatre-vingt degrés !
Ouais je sais, je me suis légèrement trompé... mon nakama peut aussi donner des violents coups de volant, en fin de compte, en cas d'extrême urgence.

_ Toupie Booblade ! Lancé-je tout à coup, pareil à un signal de chronomètre tiré aux Jeux Olympiques.

Lolilol ! C'est à ce moment-là, comme par hasard, que les moussaillons ont commencé à retrouver la réalité. Même leurs petits doigts ont eu l'air d'osciller.

Mais carotte ! Je n'ai certainement pas envie de faire marche arrière. Et puis mon tourbillon de tétons furieux est déjà sacrément engagé. Encore une ou deux vrilles folles d'échauffement dans le vide, et tada ! J'ai atteint la vitesse maximale. Je n'ai alors plus qu'à patiner dans leur direction... et dans une poignée de secondes à peine, sbaff ! Trois, deux, un... la torture et la destruction les foudroient, eux, la rembarde, ainsi que la grosse chaîne.
Tout et tout le monde explosent dans les airs ! C'est comme si le Dieu Ener avait décidé de désintégrer tout un patelin, rien qu'en lâchant une méchante caisse électrique... mais surtout parce qu'il serait malade, hein... on est bien d'accord.
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Je me remets de mon tournis le plus vite possible, et j'ordonne à Eugène la seconde phase du plan. Bien sûr, à cause de tout ce remue-ménage créé, il n'a pas non plus attendu des plombes pour s'appliquer à son rôle. Donc on va plutôt dire que c'est par réflexe, ou une confirmation... et non pas "Jacques a dit : tu te magnes la rondelle, et tu discutes pas les ordres de ton gros Capitaine !".

_ Et c'est parti ! Répond-t-il en chantant, comme le speaker d'un stade de foot.

Dans mon dos, c'est toujours la pagaille. On peut entendre les soldats souffrir le martyr, et d'autres venus à leur secours, puis sonner l'alerte.

Enfin qu'importe ! Comme convenu, le temps qu'un mastodonte de cette envergure entame son demi-tour, on devrait largement réussir à fuir très loin. Un changement de cap aussi instantané, ça prend aussi un certain temps à se décider en haut lieu... ou quelque chose comme ça, quoi.
Sur ce, comme nos geôliers avaient rembobiné la grande voile, on a forcément pensé à la redéployer de nouveau depuis (faut pas déconner, hein !). De ce fait, La Vague Morue peut s'échapper dans une nouvelle direction. À l'opposé, en l'occurrence.

_ Wouhou ! Fais-je les bras levés, une fois bien éloigné de la menace.
_ On a eu chaud, sa mère !
_ C'est clair. Plus jamais ça.
_ Ces crétins n'ont même pas pris la peine d'essayer de nous allumer mouhahaha !
_ On est trop fort !

Bon en fait, on doit surtout être trop naze. Malin... mais naze quand même.

Franchement, on a bousillé notre propre transport pour en arriver là. Ils doivent se dire qu'il nous manque une case. Ou alors qu'on est trop faible pour ne pas leur avoir tenu tête plus que nécessaire ? Et en même temps, ce n'est pas faux. Moi, Eugène... et c'est tout ce qui réside sur ce navire. Un bon duo, certes, mais qui a ses limites.
Enfin, là, on s'en cale ! Pour l'heure, on est fier de notre performance. Quand bien même on ne souhaite pas y avoir droit tous les jours. Alors après tous ces efforts et ce suspense, on a bien mérité de se remplir la panse et porter un toast à notre réussite.

Pour ce qui est du dégât, on attendra la prochaine île pour retaper tout ça. On a de quoi payer les meilleurs mécanos, après tout. Donc de ce côté-là, ça devrait tourner comme sur des roulettes. Et s'ils osent nous dire que ça reste insuffisant, on les baffera avant de passer au garage suivant.

Quoi qu'il en soit, on n'a même pas encore entr'aperçu le célèbre Reverse Mountain que c'est déjà la misère de naviguer pour y accéder. Je ne sais pas ce que nous réservera l'avenir, mais il faut à tout prix s'y préparer si on ne veut pas finir par y renoncer carrément.
Et l'astuce, ce serait quoi ? S'entraîner pendant deux ans, dans un premier temps ? Ou se trouver de nouveaux compères aussi balaises et expéditifs que mes mamelles graisseuses ?
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