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L'art martial secret




J’sors de la salle des archives. La lumière de la fin de journée à Marie-Joie m’éblouit brièvement, me foutant les larmes aux mirettes. J’clignote vite fait avant de sortir mon paquet de clopes. Pas moyen d’en griller une en bas, dans la cave. Trop de vieux papiers. Trop vieux, trop secs. Trop inflammables, aussi.
J’suis sûr que cette affectation est une punition. Le type qui s’en occupe d’habitude, il est parti en vacances. En mission. En vacances. Ouais. Gary, qu’il s’appelle. Il doit avoir la quarantaine, et d’habitude, c’est lui qui s’occupe de ça.

J’étais curieux, vu que c’est un agent du Cipher Pol comme moi, de pourquoi il passait son temps enfermé là-dessous à faire de la merde. J’ai ramassé des rumeurs à droite, à gauche. C’est un genre de tabou, une épée de Damoclès qui flotte au-dessus de la tête de chaque agent. Si on merde en mission, on se retrouve assigné à un machin moisi comme ça, en tant que punition. Pour nous faire sentir le poids de notre erreur.
Lui, il y avait été assigné pour une durée indéterminée, ce qui était à l’échelle de sa cagade. J’sais pas ce que c’était, mais ç’avait dû être épicé, pour qu’il y soit encore, une vingtaine d’années plus tard. Et il n’a toujours pas quitté le service, espérant vaguement une rémission. Il ne doit pas avoir beaucoup de perspectives d’avenir, remarque.

D’habitude, c’est plutôt les couches de l’ex-amiral en chef Pludbus, la menace agitée devant les agents qui ne complètent pas leurs missions de manière satisfaisante. Ce coup-ci, c’est les archives. Et quand quelqu’un d’autre fait une connerie, Gary gagne le droit d’aller redorer son blason sur des missions à la con. Mais de vraies missions quand même.
J’retiens un éternuement. La poussière s’est insinuée dans mes fringues, mes narines. J’ai le bout des doigts complètement desséché. Le froid hivernal m’fait frissonner, alors j’tape mes semelles par terre pour réveiller mes pieds. Va être temps d’rentrer. Au moins, intellectuellement, le boulot est pas fatigant.

Le souci, c’est qu’aucun agent n’a rejoint le Cipher Pol pour ne pas se fatiguer, d’où la punition.

A force de glander toute la journée à trier des papiers que j’peux même pas lire, j’suis un poil sur les nerfs. J’ai besoin de bouger, de faire des trucs. J’en profite pour m’entrainer dans ma piaule. On aura vu mieux.
Tout d’un coup, j’sens une main se poser sur mon épaule. J’ai rien vu venir. J’dois être rouillé, que j’me dis confusément en me retournant. Dans le même mouvement je crache ma cigarette à la tête de mon assaillant et dégaine à moitié une dague. Le gars –c’est un homme- bloque mon poignet, m’empêchant de sortir mon surin et de l’autre main attrape la clope au vol avant qu’elle ne touche son visage.

« Du calme, Agent Rinwald. »
Oh, un autre agent du Gouvernement Mondial. J’rengaine ma lame et il me rend civilement ma tige.
« Vous êtes ?
- Je suis l’Agent de première catégorie Tèt. »
J’prends le temps de le zyeuter. Une tête de moins que moi, ce qui doit l’amener dans le mètre soixante-quinze, une chevelure brune ondulée lui arrivant aux épaules et une barbe épaisse. Ses yeux bleus enfoncés sont fixés sur moi, me jaugeant. Globalement, il se fond dans la masse des agents, avec son costard noir et sa chemise blanche. Son sourire façon colgate sur son teint bronzé manque de m’éblouir. Et pourtant mes pupilles se sont habituées à la luminosité.
« Suivez-moi, Agent Rinwald.
- On va où ?
- Dans une salle d’entrainement des souterrains.
- ‘Sûr, mais on est en dehors des heures de boulot.
- Pas grave.
- J’ai pas le droit d’y aller pendant ma mission aux archives.
- Pas grave.
- Euh, si, c’est grave.
- Non, vous êtes avec moi. Tout ira bien.
- Très bien, si vous prenez responsabilité.
- Mais oui, suivez-moi. »

J’lui emboîte le pas benoîtement. Pas comme si j’avais quelque chose d’urgent sur le feu. Pas comme si j’faisais la popotte : le soir, j’vais juste bouffer au restau. On s’retrouve rapidement dans les souterrains, où on récupère un p’tit coin à nous. J’aime pas trop les regards qu’on nous lance : méfiants pour Tèt, pleins de commisération pour moi. Du coup, j’suis sur mes gardes.
La porte se referme sur la salle d’entrainement, un large espace plus ou moins rond aux parois de pierre d’une trentaine de mètres de diamètre. On pose nos affaires à l’entrée, manteaux, sacoches éventuelles, et on va au centre de la pièce.

« Bien, Alric… Je peux te tutoyer et t’appeler Alric ?
- Euh…
- Super. Tu peux m’appeler Tèt, Sensei, et me vouvoyer.
- Euh… Sensei ?
- J’ai pu assister à ton combat contre l’homme-requin de la Marine au tournoi de boxe.
- Oh. Sale histoire, merde.
- Tout n’était pas à jeter. J’ai bien senti que tu n’étais pas à l’aise. Cependant, je retire quelque chose de très positif de cette expérience.
- Ah ? J’ai gagné le droit de me tourner les pouces aux archives ?
- Tu as d’abord résisté convenablement à ton adversaire, malgré le fait que ces tricheurs de la Marine aient fait entrer un homme-poisson et un géant dans le tournoi. Je te félicite.
- Super, vous m’félicitez et tout. Ca m’fait une belle jambe.
- Un beau téton
- Quoi ? j’ai pas entendu.
- Non, rien.
- Bon… Du coup, s’passe quoi ? »

J’le détaille. J’sens à son sourire qu’il hésite à s’lancer mais qu’en même temps ça le fait bicher, qu’il a hâte. Putain j’le sens pas.
« En fait, Alric, je suis le Maître de la Boxe du Téton Divin, aussi connu sous le nom de Mamelon Meurtrier. »
J’manque de m’étouffer avec la fumée que j’viens d’inhaler.
« Oui, tu as sûrement entendu parler de moi. Je suis plutôt connu.
- Non, absolument pas, en fait.
- Ah bon ?
- Non.
- Vraiment pas ?
- Vraiment pas.
- Aw… Pourtant, Raoul a fui un combat contre moi. Il a eu peur, de toute évidence. »
J’sens une ouverture, malgré la surprise de cette déclaration. Ca n’a pas l’air d’être un mensonge, en plus.
« Bon, bah du coup, j’vais y aller, hein.
- Non ! Pendant ton combat, tu as instinctivement utilisé la technique du Téton Hypnotiseur, je l’ai vu !
- J’avais juste pris un mauvais coup sur la tête.
- De toute évidence, tu as un talent fou pour le Mamelon Meurtrier. Deviens mon disciple.
- Non, merci, je ne suis pas intéressé.
- Ne comprends-tu donc pas la puissance de mon art martial ?
- J’souhaite pas l’apprendre.
- Tu verras quand tu auras progressé à quel point…
- Vraiment pas.
- Cela te rendra heureux et fort.
- Nope. »

Tèt soupire. Puis lève théâtralement les mains au ciel.
« Je te laisse jusqu’à demain pour prendre ta décision. Je reviendrai te voir.
- Ma décision est prise !
- A demain, disciple. »
J’laisse tomber. J’aurai qu’à lui échapper. J’sors d’un pas rapide en jetant de nombreux coups d’œil derrière moi. J’me renseignerai.


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Le lendemain, à l’heure de sortir des archives, je flippe. Je sens que Tèt sera encore là. J’ai pu profiter de ma soirée et de ma journée, de la pause café et du déjeuner pour amasser des informations. Il est bien un agent de catégorie un. Il utilise bien un style de combat basé sur ses tétons. Il est d’ailleurs tristement célèbre à ce propos.

Et Raoul aurait effectivement refusé un duel contre lui. Pas par peur, mais par pitié, par dégoût. Et à cause de la différence de niveau, probablement. Personne n’aurait depuis réussi à faire perdre à Tèt ses illusions. Il fait partie de ces gens qu’on préfère ne pas côtoyer, et c’était tombé sur moi. J’avais l’épaule gauche tordue du fait de toutes les tapes d’encouragement que j’avais reçu dessus.

J’jette un coup d’œil par la porte. Pas de signe de vie. Il se cache p’tet en hauteur, derrière un élément du décor ou quoi. Prudence donc. J’me rapproche de la sortie en catimini, prêt à balancer un Soru fulgurant pour me sortir de là, tant que j’suis pas à la vue du contribuable.
Tous les sens aux aguets, je sors. Pas de signe de Tèt. J’longe le mur vers la droite, restant à l’ombre produite par le bâtiment. Mes mirettes scannent frénétiquement la foule. Là ! Non, c’est pas lui. Mon palpitant a loupé un battement, sur le coup. J’traverse d’un pas rapide la rue pour m’engouffrer dans une allée vide. J’ai préparé un chemin spécial pour rentrer chez moi. Il doit aussi me permettre de vérifier si je suis suivi. J’ai blindé toutes les options.

J’passe une demie-heure de plus que nécessaire sur le trajet, à force de faire des tours et des détours. Ruelles désertes, parcs vides, places abandonnées étaient le crédo que je me suis fixé. Et pas de signe de lui. J’arrive devant chez moi, soulagé. Il a dû avoir un truc à faire, une mission, quelque chose qui l’a fait partir très loin.
J’monte l’escalier, puis j’ouvre la porte de mon appart’. Une fois la lumière allumée, j’passe par le salon pour arriver dans la cuisine, où j’me sers un verre d’eau glacée. Tout ça m’a donné une de ces soifs ! J’retourne avec mon verre dans la grande pièce, prêt à m’affaler sur le canapé.

Putain !

J’laisse tomber mon verre par terre quand j’découvre Tèt assis dans mon divan, les bras écartés, comme chez lui, à la fraîche. Il m’adresse un grand sourire. J’refais mon entrée dans l’appartement. Est-ce qu’il était déjà là ? Merde, pas moyen de m’en rappeler.
« Bonjour, Disciple. Comment vas-tu aujourd’hui ?
- Mal.
- Ah ? Tu devais culpabiliser de tes réticences de hier.
- Pas du tout.
- Bien, allons dans la salle d’entrainement.
- Non, merci. J’ai bien réfléchi et…
- Tant mieux !
- J’veux pas venir !
- Je comprends que cela puisse paraître intimidant, comme ça, d’apprendre un art martial aussi puissant…
- Ridicule.
- Mais je me suis rendu compte hier que j’avais oublié de te faire une démonstration !
- C’est pas dommage.
- Je vais donc le faire ce soir !
- Non merci.
- Nous allons à la salle d’entrainement.
- Vraiment pas.
- C’est un ordre de ton supérieur hiérarchiche.
- Et merde… »

Ainsi fut fait. Quelques temps plus tard, on est à nouveau dans la même salle d’entrainement, au même endroit, c’est-à-dire au centre.
« Bien, je vais maintenant te faire une démonstration de la Boxe du Téton Divin, des techniques surpuissantes du Mamelon Meurtrier ! »
Après ces mots, il écarte les pans de sa veste sur une vision d’horreur. Deux trous sont percés dans sa chemise blanche au niveau des tétons, leur permettant de voir l’air libre. Quelques poils bouclés sont autoour. J’ai l’impression de les voir frétiller, ces putains de mamelons. Ils ont l’air de bicher autant que leur possesseur. Tout d’un coup, ils se figent.
« Sais-tu, Disciple, quelle est la partie la plus pointue du corps humain ?
- Les cheveux ?
- Mais encore ?
- Le coude ?
- Non ! Il s’agit du Téton ! En conjugant donc les techniques du Rokushiki, il est possible de faire du mamelon un outil de meurtre d’une puissance inimaginable ! Vois plutôt ! »
Ses tétons s’agitent, envoyant des Rankyakus et ce qui semble être des Shigans. Je distingue bien les mouvements d’air provoqués par ses frétillements.

Putain, c’est dégueulasse.

« Alors, Disciple, suite à cette démontration, je suppose que tu as changé d’avis ?
- Pas du tout, j’vais y aller. Bonne soirée.
- Oh-ho non !
- Comment ça, non ?
- Tu seras mon disciple, de gré ou de force.
- Hm, j’vois.
- C’est vrai ? »
Avant même qu’il ait fini sa phrase, un Soru me propulse déjà à mi-chemin de la porte. Mais il réapparaît en même temps que moi, juste à côté. C’est vrai qu’il s’agit d’un agent de catégorie un, pas de n’importe qui, ce que ses techniques ont tendance à faire oublier.
Sans hésiter, j’balance un coup d’savate dans son tibia, faut de pouvoir mieux viser. Il ne l’a visiblement pas anticipé, à la façon dont il sautille alors sur place. Un second Soru m’amène à la porte, que j’parviens pas à ouvrir. Il l’a verrouillée, le salaud !

Après un bref coup d’œil derrière moi, j’vois rien mais j’sens une présence oppressante. J’tambourine frénétiquement sur le battant en gueulant à l’aide. Quelque chose d’indéfinissable, que j’souhaite pas définir, s’enroule autour de ma cheville. Ca m’déséquilibre. J’essaie de le déloger, l’esprit saturé par la nécessité de fuir.
Ca m’tire en arrière, mes doigts griffent le sol. Mes lames ! D’un mouvement des poignets, j’en dégaine deux et m’prépare à couper… ça quand un coup sec sur la tête me distrait le temps que j’sois désarmés. L’instant suivant, j’suis à nouveau au centre de la pièce, un bleu sur le crâne.

« Bien, Disciple, nous allons pouvoir commencer. Assieds-toi en tailleur. »
J’m’exécute, contraint et forcé. Tèt se place alors derrière moi et pose les doigts sur mes tétons. J’retiens un hoquet et un haut-le-cœur. J’inspire profondément pendant qu’il palpe. Un coup de Tekkai plus tard, il peut plus trop tripoter. Putain, sortez-moi de là… Finalement, ça s’arrête enfin.
« Bon, quelles techniques du Rokushiki maîtrises-tu, en plus du Tekkai et du Soru ?
- Uniquement le Kami-E.
- Mince ! Il te faut donc apprendre le Rankyaku et le Shigan au plus vite pour pouvoir donner la pleine mesure de ton talent pour la Boxe du Téton Divin !
- Oui, mais il se fait tard.
- C’est vrai. Nous commencerons ton entrainement à ces techniques demain, puis nous évoluerons naturellement vers les Techniques du Mamelon Meurtrier.
- Putain…
- Je suis moi aussi déçu de ce léger contre-temps, mais tout se passera bien, tu verras. Bien, à demain.
- Ouais, c’est ça… »

La nuit, pas moyen de dormir. Trop peur de faire des cauchemards. J’me suis toujours vu comme quelqu’un de pragmatique. Avoir une arme de plus dans mon arsenal, a fortiori quelque chose de totalement imprévisible, ne peut que me servir. Le problème, c’est que c’est d’un ridicule… Tous ceux qui voient cette technique doivent mourir. Et puis, ça explose les chemises.

Et merde, quoi, c’est viscéral. J’en veux pas.

Le lendemain, j’arrive aux archives la mort dans l’âme. J’suis foutu. Une lettre m’attend sur mon bureau, j’la saisis machinalement et j’l’ouvre tout en descendant les escaliers vers la cave où tous les documents papiers sont stockés.
Mon premier regard glisse sur l’en-tête, puis s’y raccroche. ‘’Ordre de Mission’’, que ça dit. J’regarde le lieu, c’est à perpette. Putain, j’suis sauvé. J’dévore la missive, une fois, puis deux. J’vais pouvoir partir loin de Tèt.

A la fin, j’note la signature. Scorpio lui-même. C’est pas ça, le plus surprenant. Le pire, c’est le petit smiley dessiné à côté, qui me fait un clin d’œil.

Putain, de charybde en scylla…


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