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La fabuleuse Légende de Kiril le Charpentier sur Armada

Une bouteille à la mer et une pensée à celui qui la trouvera. Il pourrait perdre son cerveau dans l'opération.

Alors, c'est ça, Armada ? C'est pas pire que les coins où j'ai vécu. Lynbrook, Dead End, le rafiot de Dédé. Ils sacralisent tous l'odeur de la gnôle et celle de endroits pas fréquentables. Mais ils ont le même regard insistant, qui se demande mais qui tu es toi et qu'est-ce tu viens foutre ici, tu veux que j't'en  colle une et puis c'est quoi cette coupe de cheveux ? Joseph et Mahach parties, ils me laissent avec des semi-daubes semi-larbins a bord d'un rafiot tape à l'oeil, ah ça, qu'il l'est ! Tellement qu'on reçoit des visites discrètes. Des mecs de Mecs qui veulent savoir ce qu'on fout là. Ce qu'on fout là, bonne question. Parce qu'une bonne question c'est une question à laquelle je ne peux pas répondre. Bonne question. Tout ce que je sais c'est que Jo s'est mis en tête que c'était lui, le vrai, le bon, le sanglant capitaine de la nouvelle ère, celle des Saigneurs, celle des gens qui vont nous croiser et pis qu'y z'iront ensuite rendre visite à leurs vieux. Affreuse punition.

Aujourd'hui, je reçois ma nouvelle gnôle. Psychédélique. Un nom pourri pour un type pourri. Moi, le roi des coupes anarchistes. Et des beignes dans la gueule, et des côtés du crâne rasés. Putain quel palmarès. N'empêche que l'ambiance du Kultuur-Ecume-Santa me manque. Ils sont cinglés, que je me dis. Sauf peut-être Micha. Micha qui sortait sa poêle à chaque fois qu'un type envisageait de lui dire non je ferai pas ça non j'ai envie de me reposer, non non non. Qui sortait sa poêle ou le jetait par dessus bord... Pas de doute, maintenant que j'y pense, ils sont tous cinglés. Même moi, surtout moi, que moi. Même.

Yarost déboule de la couverte à mon épaule, alors je suppose que mes colis sont arrivés. Avant de commencer le boulot, célébration intérieure, me voilà libre et je trouve pas ça super-super. Libre avec certainement des berries sur ma tête, libre avec toute une ordre de chasseur de prime marine et gens intéressés qui voient par mois la solution à tout leur souci : monter en grade, nourrir sa famille, devenir riche pour devenir riche. Combien est-ce qu'ils vont me foutre sur le dos ? Certainement moins que ce que je porte déjà alors ça ira. N'est-ce pas Yarost ? Ya, ya, il hoche la gueule. Bon lézard.

J'abats le pont pour trouver un groom pas très propre et pas très serein, tu m'étonnes tu es maintenant sur le rafiot de Joseph Patchett le maléfique, le gars qui vendrait ses parents pour la gloire... ou pour un en-cas. Tu as le droit d'avoir les gouttes aux tempes. Je le salue d'un geste de la main et regarde les cartons qu'il a à ses pieds. Nectar psychédélique, que c'est écrit en caractère sacré. C'est joli. Et pas utile. En même temps, je me souviens de ce mec qui disait que la pièce la plus importante d'une habitation était souvent la moins propre, la moins belle : les latrines. D'ailleurs avant d'ouvrir je vais pisser sur le bord, nulle chance que ça ne dérange les poissons, eux qui vivent déjà dans leur urine. Je rezip et je demande au groom de disposer. Mais non, il reste et me dit que j'ai reçu quelque chose de plus gros encore. Ah ! Le bois. Près de quarante millions pour ces machins marrons, ça a intérêt à envoyer.

En tout cas ça me ramène à cette réalité déjà oubliée, je dois travailler. Le bateau.

Appelle moi des gens qui s'y connaissent en charpenterie, et même des gens qui ne s'y connaissent pas. Toi tu t'y connais ?

Il dit que non, je lui dis de faire attention à ce que j'ai dit en dernier. Il hoche la tête et s'en va, répondant à mes ordres.

Je m'assois bruyamment en ouvrant ce que Dead End a maintenant de mieux, nectar puissant et délicat. Non je plaisante, pas délicat pour un sou. Les bouteilles sont elles aussi plutôt jolies, ornées de fil de plombs et avec une main de gorille, rouge sang, qui pointe vers le haut. Si ça, ça fait pas anarchiste, qu'on me rase la crête ! Je m'en délecte sans trop faire attention aux autres détails et même à moi, ça m'arrache la gorge. Bordel que c'est délicieux, ça le serait encore plus avec quelque chose pour casser la croûte. J'ordonne, ça vient. Sandwich des mers. Pas mieux que ce que fait notre cuisinière. Je plonge mes yeux vers le ciel et me dis qu'en fait, elle était pas si terrible. Surtout habillée d'un tablier. Mais on se contentera de ça.

Le groom revient avec une vingtaine de bougre. Tous incompétents, mais...

Je croque dans le sandwich, il reste la moitié que je donne à mon lézard. Qu'est-ce que vous bouffez vous les verts ? Il ne comprend pas et enfonce ses dents dans le pain. Je me lève. Derrière moi Armada, devant moi des gueules d'empeigne, elles ont décoloré à cause du vent marin. Souriez les gars. Montrez vos dents.

Réceptionnez le bois, je vais au port demander comment ils peuvent bien calfater ici... ça me semble être une opération laborieuse.

Et c'est ce que je fais.

A terre, il y a du monde qui me regarde descendre, du monde avec des visages souriants qui ne me plaisent pas du tout, c'te fois. Jaunes, même vertes. Leurs dents à eux. J'en prends un au hasard et lui dis de retirer toute envie de venir piller les machins du navire, que les seuls trucs de valeurs qu'il y avait là dedans, c'étaient à moi. Par contre, au dehors, et là tout de suite, ce qu'il y a sur mon poing, mon os du mouton, je serais ravi de lui donner. Et ça ne lui plairait pas. Ses potes se ramènent et m'encercle. Je me pare de noir et il recule en s'excusant. Le Scotch fait apparemment effet.

Comment qu'on calfate ici ?

Faut aller voir Babyboat ! Et si vous voulez acheter des services, c'est Mouche. Monsieur Mouche. Normalement, Babyboat est à la Remonte, juste là bas... Voir ce dont vous avez besoin, quoi.


Dernière édition par Kiril Jeliev le Mer 31 Déc 2014, 00:19, édité 3 fois

    Endroit impressionnant qu'est ce chantier, endroit impressionnant qu'est Armada. Je pourrais y monter une affaire, une fois l'argent du Nectar amassé. Des bateaux de partout, jamais fini. Ils démontent, ils remontent. Et moi j'allais voir ceux qui prenaient le plus de temps à travailler. Parce que démolir, bah, ça va vite. Je demande mon chemin, où que je peux trouver ce Babyboat, on me regarde les gros yeux, en me disant faites attention il est occupé ! Je réponds gentiment que personne n'est occupé ici, il y a le départ et l'arrivée, entre deux il y a un grand vide. Un grand vide où personne n'est occupé ! Babyboat, c'est un grand vieux gaillard, les sourcils plus fournis qu'un buisson mais pas un seul poil sur le menton.

    Je mets ma pogne sur son épaule...

    Excusez moi...?

    Rah ! Quoi encore ! Vous voyez pas qu'on a du boulot ! Des tonnes de bateaux pirates qui arrivent encore plus abîmés que les reins d'ma défunte maman ! D'ailleurs, paix à son âme.

    Condolé

    Qu'elle crève en enfer cette vieille bique ! Et puis vous êtes qui vous d'abord ?

    Kir

    Retournez au boulot ! Y a au moins cinq navires en attente de réparation ! Et vous v'nez me faire la causette ?

    Bon... Haki.

    Oh... Maintenant qu'j'y pense, j'ai vu vot' tête quelque part.

    Pas moyen...

    Si, si. Vous auriez pas joué dans un film ? Ah si ! Taxiboat Driver ?

    Non, ça me dit rien...

    Allez, faites pas le timide, on est entre nous. Tenez, un stylo, signez là... C'est pour ma fille.

    Je signe.

    Qu'est-ce que j'peux faire pour vous, mon bon ?

    C'est où pour calfater un bateau ? On a besoin de passer prioritairement...

    Mais bien sûr ! Des réparations peut-être ?

    C'est ça, c'est mon boulot, j'peux le faire tout seul mais y a que là où on est amarré, c'est pas vraiment top.

    Oh mais vous n'allez pas vous encombrer de travail ! Petsy, pssst ! Ramène moi Monsieur Mouche. Et que ça saute! Bon alors, ce film... Vous savez il m'a touché moi sur la fin, même un peu surpris, de par...

    ... Au moins, il se répond tout seul. J'ai juste à montrer les dents et hocher la tête. Jusqu'à qu'un petit vieux qui fume la pipe pointe le bout de son chapeau, les yeux bleus comme le ciel et les mains grasses de ceux qui touchent beaucoup d'argent. Tu m'étonnes, ici, c'est l'empire de Red. Pas d'Alrahyr.

    C'est pourquoi, Boat ?

    C'est pour des réparations. Que je peux faire tout seul, encore une fois, je voudrais savoir où je peux calfater...

    Tout seul ? Comment ça tout seul ! Vous êtes sur le chantier d'Armada, pour calfater, il faut payer ! Vous avez quoi comme bateau, un voilier ridicule, je présume!

    Babyboat lui murmure quelques mots à l'oreille. Je n'entends rien. Mais le visage du petit Monsieur Mouche se raidit soudainement pour ensuite afficher un sourire qu'il ne portait pas jusque là.

    Excusez moi, Taxiboat Driver ! Je ne vous avais pas reconnu... Il doit y avoir un emplacement de libre, par là... Si vous voulez bien me suivre.

    Et il se met à dandiner, presque en sautillant, Babyboat me suit de près, me détaille comme si j'étais une bête de foire. C'est un peu ça, enlevez foire.

    Z'avez d'jà ce qu'il vous faut, m'sieur Driver ?

    Ouais, y a toute la borde à changer, les membrures et le baccalat, ça prendra pas plus d'une journée, j'ai déjà le bois qui me faut. Fin, on arrive à tourner le bateau assez rapidement.

    Tourner le bateau ? Mais c'est presque préhistorique, ça ! On ne tourne pas ici, on l'élève ! Quatre gros fils fixés aux deux barots et plusieurs, moins gros à la tapière, et le tour est joué. Eh, vous êtes à Armada. La cité pirate. Ici, on regarde vers l'avant !

    Du coup, j'suppose que vous devez avoir de gros hangars... C'est un cuirassé.

    Un cuirassé !?
    Un cuirassé !?

    C'est vous qui avez fait du grabuge au port... C'est vous qui avez trahi Wrath ? Les Saigneurs des Mers !?

    C'est une longue histoire. Mais bon, vous verrez ça dans les journaux. C'est ici, le hangar ?

    Les Saigneurs des Mers...

    Hm... Tout juste. Il est à vous, on va... y placer votre bateau. Mais ne prenez pas trop de temps, on a une fil d'attente longue comme ça. Alors.




    Dernière édition par Kiril Jeliev le Ven 02 Jan 2015, 17:42, édité 1 fois

      Pendant que les types du chantier aident à l'élévation du cuirassé (notons qu'il a fallu plus qu'une dizaine de corde), posé dans un coin, je raconte comment j'ai construit le Kultuur devant les yeux ébahis de trois quatre charpentiers qui avalent mes paroles comme la soupe de Mamie.

      On avait eu plein d'emmerdes, n'empêche. Surtout quand le chef du chantier, feu lui, nous a annoncé qu'il avait pas la thune pour payer les armes des Faypher. On s'est défendu contre Memson, on l'a repoussé. Puis deux semaines après, les armes avaient disparu. Pouf. C'était en fait Jamie qui les avait dans ce qui lui sert de...grenier, j'suppose. Pis Jack a dit "On prend tout." L'argent a été versé aux Faypher, puis on est finalement devenu copain avec. Seulement j'crois pas qu'il me porte dans son coeur, le Memson.

      Mon navire, le Kultuur. Loin, maintenant. Impossible de dire où qu'il est. Micha et Jack ont sûrement déjà levé le camp à l'heure qu'il est. Mais ça va aller, tant que Jack est corsaire, le Kultuur risque rien... J'espère bien.

      Putain si vous l'aviez vu les mioches, bois brun. Du tamboti. J'dis que le bois d'Adam est sacré, ouep, mais après lui y a ce bois magnifique qu'est le tamboti. Il est tellement foncé qu'on dirait qu'on a sué dessus sans cesse sans jamais s'arrêter. C'est en fait la composition d'l'arbre qu'est particulière. Il a une écorce plus fine que les autres, et l'aubier est tout petit. Du coup tu te retrouves directement avec le bois de coeur, au bout d'même pas trois centimètres. C'est impressionnant à toucher, à sentir...

      Chef ! Il vous manque ce bateau ?

      Atrocement. J'ai qu'un seul enfant...

      Puis les gars du calfatage nous interrompt, dire que c'est prêt. J'me lève, craque mes phalanges et mon cou, comme si j'allais me battre. Non, en vérité ça fait longtemps que j'ai pas touché à un bateau. J'suis pressé. J'appelle les nouveaux grooms, et repartis les taches. Avant on nous apporte la commande de chez les Ramba. Vrai qu'j'ai demandé leur meilleur bois... Mais j'sais pas ce que c'est.

      Allez-y, ouvrez.

      Et je souris. Ramba, hein... Si ça c'est pas une coïncidence. Du padouk de première qualité. Rouge comme le feu. On va faire saigner bien des océans avec ça.

      Ok, commencez déjà à vous débarrasser du vieux bois et vous autres, taillez celui-ci !

      Un bel arbre avec un gros tronc, idéal pour les bordes complètement moisies du Cuirassé. Au boulot.
      J'me mets avec l'équipe qui découpe, des fois qu'il le fasse mal. J'leur dit de le faire de profil et bien, on enlève l'écorce, on polie, on enlève l'aubier, on polie. Pis on coupe et on taille le bois. Quand c'est fait, rapide vérification voir si les Ramba se sont pas foutus de moi, j'regarde si y a des trous de vers, ou des morceaux pourris. Quarante millions quand même... Que nenni, non, même pas un. J'reprends chaque arbre et le caresse comme les courbes d'une femme. Aussi doux au niveau du coeur, j'repasse la scie comme si c'était ma main et enlève toutes les imperfections. Chirurgicalement. Et sans erreur. Le ragrément fait, on passe à celui de l'autre, on dégauche, on rabote.

      J'l'ai déjà dit quelque part mais, c'est l'exercice le plus long, certes, mais c'est le plus facile.

      Combien de planches mortes ?

      Celle de la borde m'sieur, près d'la quille !

      Normal, on a manœuvré comme des tarés... Et avec tout ce qu'il a subit sur l'île maléfique... Au moins y a pas de trou, même p'tit ? Au niveau de la quille, je parle.

      Il dit qu'il vérifiera quand tout sera nettoyé. Bon gamin. N'empêche que je pensais que les marines cajolaient leur navire, surtout les grands comme c'lui là. Vu les tonnes d'algues qu'y a sur la quille, j'suppose que ça fait longtemps qu'il a pas vu un chantier naval.

      Besoin d'aide ?

      La carlingue m'sieur ! Y a une partie de brisée...

      Comment c'est possible, ça?

      Il hausse les épaules. La carlingue, c'est la quille intérieure, à part rentrer à l'intérieur tout en bas pour la briser, on peut pas sauf si la quille est atteint, or là...

      Bon, le mieux c'est de tout remplacer. Coupez bien. On est juste, niveau bois.

      J'aime construire la quille. C'est la base de tout bateau, c'est le commencement. Par contre, modifier la charpente axiale, c'est pas du gâteau, et on peut dire merci aux types qu'on levé le bateau.

      On coupe pas ! On tend. Tout s'emboite dans un navire. Et si tu veux le démolir, pas besoin de couper.

      Tout juste !

       

        Un grand gros type vieux type, c'est fait exprès t'inquiète pas, apparait dans mon dos. Il a pas un très beau visage, le pauvre, joufflu et ridé, pas bon ménage, comme ils disent. Triple menton et un nez qui ressemble à mon poing. Néanmoins, il est beaucoup plus grand que moi, me dépasse au moins de deux têtes et demi.

        Pwaha, quand j'ai entendu on enlève la quille, mes oreilles ont sifflé. J'suis Teddy la démonte, chef des hangars où...on démonte. De l'aide ?

        Non merci on s'en occupe.

        Pwaha ! Qui "on" ? Toi ouais ! Mais les gringalets qui t'servent de mains, heh, y en a qu'on jamais vu de quille de leur vie ! Alors qu'est-ce tu dis ? Mes hommes ils l'font tous les jours ça, tu gagneras du temps.... Taxiboat Driver des Saigneurs des Mers.

        Le punk et le crêtu, en y repensant vite fait, m'allaient très bien, tiens. Plus que cette merde de surnom.

        Et je suppose que tu le ferais pas par gentillesse ?

        Videmment, tudieu ! Pwahaha, à Armada, tout se paie. Et j'dois faire manger mes gamins ! Alors, qu'est-ce tu dis ? T'veux rendre c't'engin féroce ? Tu vois, il existe un bateau... Un bateau construit par un charpentier que je respecte énormément ! T'as sûrement déjà navigué dessus, c'est le seul bateau que j'ai pas envie de couler parce que je peux pas. C'est le Kultuur ! Le mec qui l'a construit est aussi mystérieux qu'les agents du CP. Mais heh ! C'mec là, t'vois, il pourrait tout faire.

        Ah oui ?

        Si le Kultuur avait été en bois d'Adam... ç'aurait été le meilleur bateau qu'ce monde ait connu ! J'te le dis, Taxiboat. Alors, quand j'pense que vous avez trahi ce Jack, pwahaha, z'avez bien fait. Mais l'a du garder son charpentier, heh. Pas moyen de le rencontrer.

        Si tu me le décris, peut-être que tu trouveras.

        Bah ça alors ! On dit qu'c'est un dur à cuire, qui s'bat avec des poings d'acier, qu'il hait Joseph Patchett viscéralement ! On dit qu'l'est pas si grand que ça, t'sais le mètre soixante dix, mais surtout on dit que... qu'il...

        Oui, qu'il ?

        Bordel ! Les cheveux ! Bordel !! Alors... Merde ! J'm'attendais à une gueule plus violente que ça !

        Du coup, pas besoin de l'aide de tes hommes pour la quille... On va se débrouiller.

        Eh merde! Bon dieu !

        Ouais c'est ça, bon dieu. J'fais signe aux autres d'abouter le padouk avant d'entamer une manoeuvre qui va s'avérer ardue pour enlever la quille sans que les membrures se délient. Abouter parce que c'est un cuirassé qu'on a là, jamais un arbre ne sera assez grand pour faire une quille entière pour c't'engin. Je délègue, m'en occupe presque moi-même en fait parce que si la quille est ratée, c'est le bateau entier qui coule. Et pas besoin d'attendre des semaines. La charpenterie, c'est des connaissances, le bois, son essence, la maîtrise des outils mais aussi des math et de la géo. Faut prendre des mesures, découper parfaitement. Et la quille c'est pas seulement une grosse planche rectiligne, c'est quelque chose qui doit être parfaitement courbé. Sinon je vous jure que le rafiot avance pas et pouf.

        Bordel... Vous voir à l'oeuvre... Vous vous appelez vraiment Taxiboat ?

        Non, c'était juste pour le film.

        Ben, écoutez... Babyboat m'a fait les yeux doux à cause de ça, alors, bon.

        Sinon moi c'est Kiril.

        Et c'est vrai ce qu'on dit sur votre mutinerie ?

        Allez voir ce qu'il se passe à la quille à ma place, j'suis occupé ici. Mais j'vous raconte.

        Subjugué, il s'exécute. Je lâche un sourire satisfait.

        On a foutu pas mal de bordel sur l'île maléfique ouais, c'était marrant. Jack s'y attendait pas, pis il a vu les sauvages armés. Rah, l'a pété un câble. On devait s'enfuir, sauf qu'la marine est apparu et là, c'est le drame. Joe a eu la brillante idée d'leur chipé un rafiot haha, et quel rafiot. Un truc avec des tourelles, alors 'videmment, il s'en est donné à coeur joie. Tatatatata, sur l'île. J'ai eu moi même du mal à monter à bord.

        Et vot... et Jack dans tout ça ?

        Jack, hein... Il devait déjà s'occuper de Walters qui s'était cassé aussi. J'sais pas c'qu'il s'est passé d'leur côté, j'l'ai pas vu depuis une plombe, le gorille. C'que j'sais c'est que maintenant, c'est plus nous. C'est lui, d'son côté et nous, du nôtre.

        En faisant gaffe à ce qu'il fait, Teddy appelle ses hommes s'occuper de la besogne. C'que j'voulais. Puis il s'approche de moi. Vrai que c'est l'histoire du siècle.

        Il a pris le Kultuur, c'est ça ?

        Ouep. J'sais ce que vous pensez. J'pense à la même chose. C'est mon bateau alors ça ne changera pas. Mais mon but à moi, en construisant le Kultuur, il allait au delà de ça. J'veux vraiment faire un bateau en bois d'adam. Une fois dans ma vie. Dans 10, 20, 50 ans, ce sera toujours un d'mes objectifs.

        Héhéhé, c'est l'objectif de tout charpentier qui s'respecte.

        Pas dit que je me respecte. C'est juste qu'on me respecte.

        Pour la quille, ça va durer combien de temps ? Parce que de notre côté, dans un p'tit quart d'heure c'est fini.

        Boarf, opération difficile que de l'enlever. Mais j'pense que dans une heure, une heure et demi, on y arrivera.

        J'cherche dans ma poche, ma topette. Plus aucune goutte d'autre eau-de-vie dedans. Juste le Nektar de chez moi. J'l'ouvre et lui tends. En guide de remerciement.

        Ma propre distillerie, ma propre gnôle. Goutez.

        Il a la tête du mec qui redoute pas l'alcool fort, même celui qu'on utilise pour les plaies et pourtant quand il avale, j'vois son cou se rougir et ses yeux se gonfler. Il tousse violemment, postillonnant sur mon veston, sa main sur mon épaule et son visage qui regarde le par terre.

        Mes aïeux, ça c'est d'la gnôle ! Oh bon sang ! Qu'est-ce vous avez mis dedans ?

        Héhé, secret de fabrication.



        Dernière édition par Kiril Jeliev le Ven 02 Jan 2015, 17:45, édité 1 fois

          Ils se sont équipés de lames plates pour trouver là où les membrures s'emboitent et l'étendre après. Il fallait y aller partie par partie. J'adore toujours l'attention qu'un charpentier doit donner à son travail. Toujours réfléchir au moindre mouvement. Y a pas à dire, ça m'a manqué. Et je remercie Teddy, en lui remplissant un verre du Nektar, qu'il semble avoir apprécié. Comment lui dire que c'est pas le plus fort... J'veux pas perdre une miette de ce qu'ils font avec leur plate, alors j'ordonne aux autres de s'occuper des planches de la borde pis de remplacer le barot et le baccalat. Sans le problème de la quille, on aurait déjà fini...

          Friand de toucher le bois, j'propose mon aide. Et on me donne une sorte de scie circulaire, très fine. En dessous du bateau, l'odeur est magnifique. C'est aussi ça, mon boulot. Les fonds marin. C'est comme si je pouvais encore nager. Je m'en imbibe, gonfle mes poumons de la senteur. Le bois est encore plus foncé, je remarque. Et il est plus que celui qu'est toujours sec, moins dur à force de côtoyer les eaux, je le touche. Y a parfois quelques fossés. La quille est abîmée au niveau des bouts. On va lui en remettre une toute neuve.

          Au fait, l'a un nom ce navire ?

          Non, pas encore. C'est un Sans Nom.

          Faites attention, v'savez c'qu'on dit...

          Oui, "Naviguer sur un navire sans nom, ça porte malheur." On dit que c'est comme offrir un enfant à la mort. Et les enfants...

          ..reviennent toujours à leur mère. Z'avez intérêt à le nommer.

          Sûr, que j'réponds d'la tête pis j'reprends mon taf. Quelques centaines de scie plates entrées entre la quille et le début de la couverte, reste plus qu'à tendre, comme ils disent... On a pris les mesures des membrures, pour que ça rentre. Faut que le squelette soit parfait pour que ça s'emboite. Va falloir être rapide et placer l'autre presque instantanément.

          Bon, on est bon... Z'êtes prêt les gars ?

          ...

          ...

          Tendez !!!

          ...

          Placez !!!

          ...

          Emboitez !

          J'ai la goutte aux tempes... On a eu de la chance. Un grand silence qui suit, t'as tout le monde, même Babyboat qu'est arrivé, vec Teddy qui regarde le boulot accompli... Pas un bruit. Jusqu'à ce qu'on entend un chuchotement qui dit "Oui!".

          Bon les gars... Tournée générale !

          HOURRA !

          Je souris. Il faudrait que je pense à dire merci aux Ramba. Une couverte rouge sang, c'est vraiment parfait. Le Crack sera content. Sauf que, pas de tournée pour moi, faut que j'aille voir Monsieur Mouche. Si c'est avec lui qu'on parle affaire...  

            Je rentre dans ce qui sert de bureau à Monsieur Mouche, bicoque à côté de la Remonte, des tonnes de papiers qui cachent son bureau et lui qui picole derrière la pile. Il est avachi sur sa chaise, gras, et les pieds à l'air. Dégueu. Un type toque à sa porte toutes les six secondes pour lui dire "Livraison !" ou "Commande !" ou "Reçu !". A soixante balais, être encore occupé de la sorte, moi ça me fait peur. Mais je passe avant les autres.

            Ah ! Taxiboat, c'est ça ?

            Hmm... Ouais.

            Vous avez libéré la place ?

            Sous peu. Faut juste qu'

            qu'on discute oui ! Parlons frais !

            Quoi !?

            D'après mes oreillettes, v'z'avez utilisé les hommes de Teddy pour je ne sais quoi alors au lieu de faire leur travail, ils ont fait le votre... Hm, disons 1M de berries pour ça...

            Heh !?

            Ensuite vous avez loué votre emplacement ici. Une heure 200 000 berries comme c'est écrit sur la pancarte à l'entrée... ça fait déjà 5h ? Ah oui ! bon et ben ça fait 1M de berries encore...

            Vous m'aviez pas dit que c'était payant. Et Teddy a appelé ses hommes tout seul comme un grand, je paierai rien du tout de tout ça. Faites moi confiance.

            Et faites moi confiance, vous le ferez ! C'est pas moi qui gère les tarifs, c'est Red. Et ici, on obéit à Red. Alors vous aussi.

            Admettons...

            Ah mais c'est pire qu'admis.

            Red, j'ai eu vent qu'il était parti pour Shabondy quelque temps, ça veut dire que vous et moi nous sommes tout seul ici et que moi je suis tout seul avec vous, là, vous, vieux rabougri sans aucun moyen de se défendre. Peut-être un rifle ? Peut être... Et alors ?

            Que je dis en même temps que mon corps devient hybride. Mi homme, mi dragon de komodo. KdK. Le type ravale sa salive. Et il n'a rien vu. J'active mon Loch Dhu, je suis un gros lézard, dans les deux sens du terme, mais un gros lézard tout noir. Et c'est pas beau à voir.

            Alors je vous conseille moi d'oublier les deux petits millions de berries, et de parler vraiment affaire avec moi. C'est pour ça que je suis venu !

            Et je reprends ma forme normale.

            Ahem, ahem. Bon, un bateau, c'est chouette. Un bateau avec des armes, c'est mieux. C'est ça qui fait la particularité du Kultuur, tiens. Alors pour celui là je vais vous prendre quelques machins... Mais des machins un peu personnalisés. Vous connaissez les industries Faypher, vous, n'est-ce pas ?

            Euh..euh, oui, oui. déjà travaillé avec eux...je suppose.

            Bien. Memson sait exactement ce que je veux... Notez.

            Liste de cracheurs de morts a écrit:Figure de proue : Grand gant de boxe à long ressort
            Arbalète à tour géante pour la vigie
            Fronde géante pour l'abordage
            Catapulte géante d'assaut
            Un mégaphone géant
            Feu grégeois & fumigène

            Hm, z'avez un truc avec les machins géants hein ? Bah, j'imagine. Vu la taille du navire.

            C'est ça... Dites à Memson que son prix est le mien. Mais qu'il reste raisonnable...

              Posté comme un chien dans sa cage à la Remonte et à côté du bateau qui n'a toujours pas été nommé, j'attends une réponse des Faypher en me délectant de la cabocharde et en décrivant ses effets en chanson. Peut-être que ça trouvera sa place dans notre catalogue, qui sait... Le lézard arrive par derrière, Dieu sait où il est passé, et il grimpe directement sur mon épaule.

              Alors p'tit gars, t'as trouvé Joe ?

              Il fait non de la gueule. Je hausse les épaules manquant de le faire tomber. Et bien tant pis pour le capitaine, comme il s'est joliment surnommé, il faudra qu'il ait entière confiance en moi et en ce que je vais raconter à son équipage de sous hommes sous mauviettes.

              Je me lève, sur mes deux pattes, pis j'siffle assez fort pour avoir l'attention de tous. Pendant que Joe reproduit le passé, j'vais recruter à ma façon, admirez... J'trouve un tonneau assez large qui me servira d'estrade... Et j'vomis.

              J'vous connais les mecs... Pour la plupart, z'êtes des fortes caboches de Dead End. Des types à qui on commande pas. Normalement. Des types qu'ont fait pleurer leur mère à la naissance, des mauvaises gueules à mauvaises intentions. Mais comme ils disent : hier chevalier, aujourd'hui vacher. Aujourd'hui vacher parce que maintenant vous êtes sur le rafiot des Saigneurs des Mers. Peu importe que ce soit Jack, peu importe que ce soit Tahgel et je vous assure les mecs, peu importe que ce soit Joe. Les trois sont siphonnés. Et vous devez les craindre, vous savez pourquoi ? Parce que vous êtes moins siphonnés qu'eux. Pour les autres, vous avez été amené à nous suivre, pas de la façon la plus démocrate qui soit mais ici vous êtes à Armada. Si vous partez, vous partez pour toujours. Pour un voyage dont tout le monde connait le terminus. Si vous partez et que vous brandissez notre étendard, là on vous fera pas chier.
              Regardez derrière vous, regardez c'navire ! Vous n'avez rien vu. Bientôt une machine de guerre ! Un cracheur de mort qui foutrait les chaleurs à un iceberg de Drum ! On vous propose de poser vos sales ripatons sur la couverte et de dire au revoir à vos vies de décheux à pétase ! Doutez, vous avez le droit. Il va falloir se battre jusqu'à embrasser la camarde et quand vous entrerez dans son couloir il va encore falloir la daubler pour qu'elle vous laisse repartir ! C'est ça être un putain de soldat. Se battre au bord du gouffre, ne pas tomber sinon c'est la fin et au revoir la liberté. Nous, pirates, brigands des mers, flibustiers, qu'ils nous appellent comme ils veulent ! Nous, on est enfants du Ciel, de l'Océan, du Vent ! En plus de les piller jusqu'à laisser le squelette, en plus de les terroriser jusqu'à hanter leurs pensées, on a tout ce qu'ils ne peuvent pas avoir ! Sortez ! Venez avec moi !


              Et je saute du tonneau, me dirigeant vers le dehors, en plein milieu du chantier. Il y a un soleil éclatant, et on voit la danse des vagues rien qu'en tournant la tête. Un vent un peu plus fort, je suppose que c'est parce qu'on avance et le ciel toujours si impressionnant. Nos trésors de hors-la-loi s'étendent à l'infini. Du coin de l'oeil, je regarde les différents visages, expressions, ils s'en rendent bien compte.

              On pourra voler tout ce qu'on veut, rien ne sera jamais plus beau que ça. Et ce navire là derrière, c'est la clef du trésor. On a accès à l'infini, il suffit juste de poser la botte sur le plancher. Et de vouloir ouvrir ce putain de coffre... J'vais vous dire, j'vous connais. Parce qu'on est les mêmes. On vient de coin pourrave dont personne n'a rien à foutre. Joe c'est le Grey T, moi Lynbrook, et pour la majorité d'entre vous Dead End. On était destiné à être des fouteurs de merde parce qu'on nous a craché dessus dès qu'on a vu la lumière. J'vais vous dire, j'vous connais : les galères, la gueule de bois éternelle, la gueule de chien qui nous sied à merveille, l'alcool, les femmes qu'on aura jamais, juste une vieille radasse obèse qui dandine de partout en attendant qu'un tocard la saute. Et on se balade tous les jours dans ce putain de rade, on le connait par coeur, c'est ici que la mort nous grignote le plus. La mort c'est le goulot, c'est les bords du verre. La mort j'l'ai juste à côté du coeur, c'est ma topette.

              Et j'la sors de la poche intérieure de ma redingue.

              Mais j'vais vous dire, le meilleur moyen de la combattre, c'est de l'accepter.

              Que j'dis en buvant d'une traite.

              Et cette fumelle...dégage...aussitôt.

              Un grand sourire, pis les bras écartés.

              J'ai atterri à Dead End, les portes de l'enfer. Les portes de l'enfer sont une impasse. Et croyez moi bien que chaque matin, à chaque fois que j'ouvrais les clignots, fallait que je lutte vraiment pour pas chialer. Là bas, c'est le bagne ! Qui est-ce qui te fouette ? Bordel, ta vie. C'est ta vie qui te fouette en t'ordonnant de continuer à être une sous merde et rester sur cette île. J'en suis sorti et j'ai fait mon chemin. J'suis plus un merdeux de l'impasse, j'suis un merdeux des mers mais de l'espace j'en ai plein. Alors dites moi ce que vous voulez faire vous ? Rester accroupi dans le carrefour pour au final ne pas bouger ou faire votre chemin ? C'est des choix, tu peux choisir d'aller à gauche, d'aller tout droit ou tu peux choisir, merde, de t'en balancer et de prendre cette putain de forêt. Rase l'herbe, fais ton chemin ! Fais en ce que tu veux qu'il soit, prends une pelle, fais un truc. Au final, les mecs, on se connait tous. Toi là bas, le mec à côté de toi tu le connais plus que sa mère. Pareil pour vous deux ici, et vous autres par là ! Vous montez pas dans ce rafiot tout seul. On se connait, on est des frères. Et on va le saigner, l'océan. Ceux qui y croient, qu'ils montent à bord. Ceux qui y croient, qu'ils continuent à le retaper. Ceux qui y croient, qu'ils viennent boire un coup avec moi. Les autres, j'ai été enchanté.
                Enchanté, finalement, je l'ai pas été. Ils font comme j'ai dit, sont sur le rafiot, boivent un coup, retouchent la quille. J'baille et m'pose sur le par terre, topette à la main sauf que pas le temps d'me rincer la dalle qu'arrive le Mouche. Un courrier à la main, il tire une sacré tronche. J'lui dis, qu'est-ce qui y a ? Il m'fait que les Faypher prennent au moins deux semaines à lui répondre. J'lui dis, moi j'suis Taxiboat Driver ! Il acquiesce et m'donne la feuille.

                Memson lui-même a écrit:Reçu, onze millions et sept cent milles berrys pour le tout, ARGENT avant ENVOI.

                Revoyure...

                N'effet, c'est Memson lui-même, il a sa façon à lui d'aller à l'essentiel, et j'trouve ça quand même assez fascinant. Puis Joe me revaudra ça, j'sors des liasses d'ma redingue et que j'les donne à Monsieur Mouche. J'lui chuchote de marquer en gros paquet des saigneurs parce que s'il arrive un truc il est mort. Il glousse et dit oui. Bien.

                J'lève la tête, y a du beau monde et de nouvelles têtes. Mon corps suit, pis j'me dépoussière le pantalon, et la crête. Les discours c'est bien beau, mais nous nourrir nous, c'est déjà assez difficile, alors on va pas s'encombrer de mecs qui savent pas apprécier une bonne baston. Si ?

                Bon les mecs...

                J'craque du cou, et des mains et j'm'en vais m'placer au milieu de la foule.

                J'espère que vous arrivez à bien prendre vos marques.

                On murmure des ouais, des bien sûr, des coool.

                J'espère pas en fait, pas besoin... J'suis plutôt fort dans ce domaine là.

                HAKI DANS TA TIRE-LIRE, TU T'M-HAKI-LLES MAINTENANT POUR SORTIR

                Après la gnôle, le recrutement et les bonnes nouvelles, chez les Saigneurs en tout cas, c'est place à la baston. Et pas des trucs d'enphoqués...