-Et donc, vous voudriez que l’on fasse quoi ?
-Eh bien, il y a deux composantes à la formation de nos recrues. Vous comprenez, recruter de nouveaux membres de suffit pas. Il faut également leur proposer plusieurs services, de qualité honorable, permettant de justifier aux membres les cotisations qu’ils nous reversent annuellement. De l’équipement, de l’information, l’accès à certaines infrastructures dédiées à un tarif avantageux…
Jusque là, Sigurd n’avait quasiment pas parlé. Son travail était simple : un haut gradé du staff de la B.N.A., de très loin la principale association de chasseurs de primes, l’avait contacté près de quatre semaines auparavant. L’homme se prénommait Tagaki Suzukawa, et s’avérait être le responsable du recrutement de cette gigantesque corporation de tueurs sous licence. Tout ce qui avait trait à la communication, à la publicité et à l’image publique de la B.N.A. faisait également partie des choses sur lesquelles il avait un droit de regard. C’était globalement pour cette raison qu’il se trouvait sur North Blue depuis quelques mois.
Et cet homme avait adressé à Dogaku une demande bien spécifique qu’il ne parvenait pas à régler par ses seuls moyens.
Ce qu’il voulait, c’était entrer en relation avec trois hommes en particulier. Des chasseurs de primes, tout comme lui. Des indépendants qui ne relevaient pas de la B.N.A., et qui avaient su attirer son attention avec assez de splendeur pour la retenir. Des hommes qu’il souhaitait rencontrer, en partie pour essayer de les recruter, mais également pour parler affaires ; et ces hommes, Sigurd les connaissait au moins vaguement.
C’était bien simple. Tout partait de l’affaire de Panpeeter, qui avait fait au moins temporairement la réputation des chevaliers de Nowel sur North Blue. Même s’ils avaient été d’une importance primordiale, les civils n’avaient pas été les seuls à avoir contribué au sauvetage de l’île. Et parmi les héros improvisés qui s’étaient révélés sur cette affaire, on retrouvait trois chasseurs de primes bien particuliers. Ils se prénommaient Petrus, Eipode et Hanaebi.
Avant même que la petite troupe de Santa Klaus ne s’en mêle, c’étaient eux qui avaient posé les fondations du plan qui avait permis la reconquête de l’île. L’idée était la leur, et même s’ils n’auraient jamais pu la mettre en œuvre sans la troupe des Nowel, ils avaient su déployer des talents et de l’ingéniosité qui avait attiré l’attention du responsable de la B.N.A.
Suzukawa souhaitait désormais les rencontrer et s’entretenir avec eux. Des chasseurs de primes, à fortiori des indépendants, capables de mettre à contribution une multitude de factions extérieurs, tranchaient terriblement avec l’image du chasseur solitaire et autonome que l’on avait en tête. Et ce qui était rare était précieux, aux yeux du jeune responsable. S’ils étaient réellement à la hauteur, il pourrait en tirer quelque chose de très intéressant.
Avec ces informations en tête, Dogaku n’avait guère eu qu’à passer quelques coups de fils, poser les bonnes questions, attendre quelques à-coups, et organiser gentiment l’entrevue entre eux. Ce qui s’était naturellement fait à Luvneel, compte tenu de l’importance du Royaume et de sa position privilégiée dans North.
Les voilà qui étaient maintenant dans la prestigieuse auberge où le chasseur de prime avait élu résidence, attablés autour d’un large repas où l’on dépensait sans compter. Tout ça aux frais de la B.N.A., et pour cause : préférant favoriser le contact et les retours d’ascenseurs, Sigurd n’avait rien demandé en échange de ce petit service.
Malheureusement, s’il avait su ce qui arriverait aujourd’hui, il aurait très certainement facturé à coups de millions son petit coup de pouce. Ca, ou encore mieux, préféré rester chez lui et s’épargner toute cette peine.
Tout commença peu après qu’une serveuse leur ait apporté cinq généreuses portions de la spécialité de l’auberge, des lasagnes au calamar. Une viande caoutchouteuse, mais finement hachée, et au goût inégalable. S’il n’avait pas été aussi absorbé par son plat, Sigurd aurait peut être pu repérer l’assassin qui évoluait dans le dos de son voisin de table, le responsable de la B.N.A. Tout se déroula beaucoup trop vite pour qu’il puisse comprendre ce qu’il advint ; il resta passif, docile et inutile tout au long de la scène.
C’était un individu cagoulé, vêtu d’un long poncho bien entretenu, à la hauteur du standing de l’établissement où Suzukawa résidait. L’homme dissimulait plusieurs armes sous sa ceinture, et comptait bel et bien s’en servir pour accomplir sa sinistre besogne.
Mais un bon chasseur de prime était toujours sur ses gardes, et en l’occurrence, il y en avait quatre à sa table. Les dénommés Eipode et Hanahebi remarquèrent bien rapidement à la posture, à l’attitude et en décryptant le langage corporel de l’assassin qu’il y avait anguille sous roche. Un instant plus tard, l’entraînement imposait ses droits et ils se levèrent tous deux vers l’étrange personnage, avant même d’apercevoir la dague qu’il tenait dissimulée dans le creux de sa poigne.
L’assassin ne paniqua pas : les deux obstacles qui se présentaient à lui étaient désarmés, contrairement à lui. Aussi frappa-t-il fort et vite, droit vers les points vitaux, afin de les terrasser sans perdre de temps.
Les deux autres chasseurs de primes se levèrent immédiatement, armes en main et déterminés à se défendre.
Au même instant, un grand cri de douleur retentit dans la taverne ; cri qui fut suivi de nombreuses autres exclamations. De la peur, de la panique, de la colère, de l’autorité en provenance de la sécurité. L’assassin déballa un grand nuage de fumigènes qui devait lui redonner l’avantage ; un bon quart de la pièce se retrouva englouti dans les ténèbres, et effectivement, lui seul savait comment se déplacer habilement dans une telle purée de poids.
Sigurd préféra ignorer l’assassin pour ramper jusqu’à Eipode, le chasseur de prime qui avait été frappé de plein fouet par l’inconnu. L’ancien officier de la milice pu constater avec satisfaction qu’une pièce d’armure, un triangle d’acier porté à hauteur de la poitrine, avait complètement encaissé l’attaque. Restait que le coup avait été porté avec une force terrifiante, au point d’avoir coupé le souffle à sa victime et de l’avoir renversée. Et un examen plus minutieux du blessé révélait une seconde blessure sur son torse, conséquence du premier choc qui avait ripé en diagonale.
Dogaku essaya alors de se repérer. A quatre pattes contre le sol, il se trouvait en dessous du grand nuage obscur. C’était la même chose que dans les incendies, où l’air frais restait accessible pour peu que l’on rampe en dessous des fumées toxiques.
Son regard se tourna naturellement en direction de tous les cris, chocs et grognements qui se faisaient entendre. Nonobstant le mobilier qui lui bouchait la vue, le jeune homme pu discerner une quantité impressionnante de bottes et de chausses s’agglutiner au même endroit. Jusqu’à ce qu’une paire de genoux s’affaisse, et que tout une silhouette drapée sous une cape ne se retrouve aplatie contre le sol. La cagoule de l’assassin avait disparu, déchirée dans la mêlée, mais une lourde botte vint se fracasser contre son visage avant que Sigurd ne puisse discerner quoi que ce soit d’autre qu’un teint hâlé et des cheveux bruns.
L’assassin avait été maîtrisé, même si on n’avait encore aucune idée des dégâts qu’il avait causés compte tenu du chaos causé par sa purée de poids.
Et c’était bien ce désordre temporaire qui lui permit de parvenir, malgré tout, à ses fins.
Dans un ultime sursaut de rebuffade, l’intrus parvint à expédier aux quatre coins de la pièce toute une série de petites sphères métalliques. Un genre de boules de pétanque, en plus petites et plus légères. Plus légères puisqu’elles étaient creuses, dans le même genre que les fumigènes précédemment employés.
A ceci près que cette fois, la fumée qu’elles dégagèrent n’était pas noire, mais rose.
Et que toutes les personnes en sa présence se prirent immédiatement à suffoquer, pris de convulsions et de soubresauts comme si leurs corps savaient pertinemment à quel point ce drôle de gaz était dangereux.
Sigurd n’y fit pas exception. Et le long quart d’heure qui suivi s’avéra aussi gastrique que douloureux.
-Eh bien, il y a deux composantes à la formation de nos recrues. Vous comprenez, recruter de nouveaux membres de suffit pas. Il faut également leur proposer plusieurs services, de qualité honorable, permettant de justifier aux membres les cotisations qu’ils nous reversent annuellement. De l’équipement, de l’information, l’accès à certaines infrastructures dédiées à un tarif avantageux…
Jusque là, Sigurd n’avait quasiment pas parlé. Son travail était simple : un haut gradé du staff de la B.N.A., de très loin la principale association de chasseurs de primes, l’avait contacté près de quatre semaines auparavant. L’homme se prénommait Tagaki Suzukawa, et s’avérait être le responsable du recrutement de cette gigantesque corporation de tueurs sous licence. Tout ce qui avait trait à la communication, à la publicité et à l’image publique de la B.N.A. faisait également partie des choses sur lesquelles il avait un droit de regard. C’était globalement pour cette raison qu’il se trouvait sur North Blue depuis quelques mois.
Et cet homme avait adressé à Dogaku une demande bien spécifique qu’il ne parvenait pas à régler par ses seuls moyens.
Ce qu’il voulait, c’était entrer en relation avec trois hommes en particulier. Des chasseurs de primes, tout comme lui. Des indépendants qui ne relevaient pas de la B.N.A., et qui avaient su attirer son attention avec assez de splendeur pour la retenir. Des hommes qu’il souhaitait rencontrer, en partie pour essayer de les recruter, mais également pour parler affaires ; et ces hommes, Sigurd les connaissait au moins vaguement.
C’était bien simple. Tout partait de l’affaire de Panpeeter, qui avait fait au moins temporairement la réputation des chevaliers de Nowel sur North Blue. Même s’ils avaient été d’une importance primordiale, les civils n’avaient pas été les seuls à avoir contribué au sauvetage de l’île. Et parmi les héros improvisés qui s’étaient révélés sur cette affaire, on retrouvait trois chasseurs de primes bien particuliers. Ils se prénommaient Petrus, Eipode et Hanaebi.
Avant même que la petite troupe de Santa Klaus ne s’en mêle, c’étaient eux qui avaient posé les fondations du plan qui avait permis la reconquête de l’île. L’idée était la leur, et même s’ils n’auraient jamais pu la mettre en œuvre sans la troupe des Nowel, ils avaient su déployer des talents et de l’ingéniosité qui avait attiré l’attention du responsable de la B.N.A.
Suzukawa souhaitait désormais les rencontrer et s’entretenir avec eux. Des chasseurs de primes, à fortiori des indépendants, capables de mettre à contribution une multitude de factions extérieurs, tranchaient terriblement avec l’image du chasseur solitaire et autonome que l’on avait en tête. Et ce qui était rare était précieux, aux yeux du jeune responsable. S’ils étaient réellement à la hauteur, il pourrait en tirer quelque chose de très intéressant.
Avec ces informations en tête, Dogaku n’avait guère eu qu’à passer quelques coups de fils, poser les bonnes questions, attendre quelques à-coups, et organiser gentiment l’entrevue entre eux. Ce qui s’était naturellement fait à Luvneel, compte tenu de l’importance du Royaume et de sa position privilégiée dans North.
Les voilà qui étaient maintenant dans la prestigieuse auberge où le chasseur de prime avait élu résidence, attablés autour d’un large repas où l’on dépensait sans compter. Tout ça aux frais de la B.N.A., et pour cause : préférant favoriser le contact et les retours d’ascenseurs, Sigurd n’avait rien demandé en échange de ce petit service.
Malheureusement, s’il avait su ce qui arriverait aujourd’hui, il aurait très certainement facturé à coups de millions son petit coup de pouce. Ca, ou encore mieux, préféré rester chez lui et s’épargner toute cette peine.
Tout commença peu après qu’une serveuse leur ait apporté cinq généreuses portions de la spécialité de l’auberge, des lasagnes au calamar. Une viande caoutchouteuse, mais finement hachée, et au goût inégalable. S’il n’avait pas été aussi absorbé par son plat, Sigurd aurait peut être pu repérer l’assassin qui évoluait dans le dos de son voisin de table, le responsable de la B.N.A. Tout se déroula beaucoup trop vite pour qu’il puisse comprendre ce qu’il advint ; il resta passif, docile et inutile tout au long de la scène.
C’était un individu cagoulé, vêtu d’un long poncho bien entretenu, à la hauteur du standing de l’établissement où Suzukawa résidait. L’homme dissimulait plusieurs armes sous sa ceinture, et comptait bel et bien s’en servir pour accomplir sa sinistre besogne.
Mais un bon chasseur de prime était toujours sur ses gardes, et en l’occurrence, il y en avait quatre à sa table. Les dénommés Eipode et Hanahebi remarquèrent bien rapidement à la posture, à l’attitude et en décryptant le langage corporel de l’assassin qu’il y avait anguille sous roche. Un instant plus tard, l’entraînement imposait ses droits et ils se levèrent tous deux vers l’étrange personnage, avant même d’apercevoir la dague qu’il tenait dissimulée dans le creux de sa poigne.
L’assassin ne paniqua pas : les deux obstacles qui se présentaient à lui étaient désarmés, contrairement à lui. Aussi frappa-t-il fort et vite, droit vers les points vitaux, afin de les terrasser sans perdre de temps.
Les deux autres chasseurs de primes se levèrent immédiatement, armes en main et déterminés à se défendre.
Au même instant, un grand cri de douleur retentit dans la taverne ; cri qui fut suivi de nombreuses autres exclamations. De la peur, de la panique, de la colère, de l’autorité en provenance de la sécurité. L’assassin déballa un grand nuage de fumigènes qui devait lui redonner l’avantage ; un bon quart de la pièce se retrouva englouti dans les ténèbres, et effectivement, lui seul savait comment se déplacer habilement dans une telle purée de poids.
Sigurd préféra ignorer l’assassin pour ramper jusqu’à Eipode, le chasseur de prime qui avait été frappé de plein fouet par l’inconnu. L’ancien officier de la milice pu constater avec satisfaction qu’une pièce d’armure, un triangle d’acier porté à hauteur de la poitrine, avait complètement encaissé l’attaque. Restait que le coup avait été porté avec une force terrifiante, au point d’avoir coupé le souffle à sa victime et de l’avoir renversée. Et un examen plus minutieux du blessé révélait une seconde blessure sur son torse, conséquence du premier choc qui avait ripé en diagonale.
Dogaku essaya alors de se repérer. A quatre pattes contre le sol, il se trouvait en dessous du grand nuage obscur. C’était la même chose que dans les incendies, où l’air frais restait accessible pour peu que l’on rampe en dessous des fumées toxiques.
Son regard se tourna naturellement en direction de tous les cris, chocs et grognements qui se faisaient entendre. Nonobstant le mobilier qui lui bouchait la vue, le jeune homme pu discerner une quantité impressionnante de bottes et de chausses s’agglutiner au même endroit. Jusqu’à ce qu’une paire de genoux s’affaisse, et que tout une silhouette drapée sous une cape ne se retrouve aplatie contre le sol. La cagoule de l’assassin avait disparu, déchirée dans la mêlée, mais une lourde botte vint se fracasser contre son visage avant que Sigurd ne puisse discerner quoi que ce soit d’autre qu’un teint hâlé et des cheveux bruns.
L’assassin avait été maîtrisé, même si on n’avait encore aucune idée des dégâts qu’il avait causés compte tenu du chaos causé par sa purée de poids.
Et c’était bien ce désordre temporaire qui lui permit de parvenir, malgré tout, à ses fins.
Dans un ultime sursaut de rebuffade, l’intrus parvint à expédier aux quatre coins de la pièce toute une série de petites sphères métalliques. Un genre de boules de pétanque, en plus petites et plus légères. Plus légères puisqu’elles étaient creuses, dans le même genre que les fumigènes précédemment employés.
A ceci près que cette fois, la fumée qu’elles dégagèrent n’était pas noire, mais rose.
Et que toutes les personnes en sa présence se prirent immédiatement à suffoquer, pris de convulsions et de soubresauts comme si leurs corps savaient pertinemment à quel point ce drôle de gaz était dangereux.
Sigurd n’y fit pas exception. Et le long quart d’heure qui suivi s’avéra aussi gastrique que douloureux.