Capitaine a misé sur moi pour intercepter une petite barque, la fouiller, y dénicher éventuellement le fruit perdu de Flist. Officiellement. Cette p'tite excursion rafraîchissante va m'permettre de calmer le feu qui m'embrasait l'esprit, officieusement.
Être sauvé m'importait, au final. J'me croyais prêt à embrasser mon sort, à devenir clébard de Flist. Mais finalement, j'l'ai repoussé avec dégoût comme s'il était devenu un boudin, et me suis tourné vers un futur plus aguicheur. Entre mourir libre et vivre asservi, le choix était vite vu ! Mais v'là une autre voie qui se déblaye vers un horizon délavé, sous un soleil de plomb, tandis que je crawle quelques centimètres sous la surface en laissant mon aileron à l'air libre fendre les eaux, pour me donner la prétention d'un vrai requin, vrai de vrai. Ouais, finalement, j'vais pouvoir vivre : et en cadeau de consolation pour mon esprit sinistré par la bête et par les larbins de Flist, on m'offre sur un plateau une copieuse pitance pour ma très chère rancune. Le rêve.
J'suis décidé à leur renvoyer au centuple ce qu'ils m'ont fait. A leur infliger des douleurs qui révulseront même leurs perverses imaginations. Je me sens mort. Je ne revivrai que lorsque je serai vengé. Inverser les rôles, goûter à la légèreté d'être un bourreau libéré des scrupules. Ouais. C'est le cœur léger que j'vais pouvoir leur éclater la gueule. Pour une fois !
« Ils n'ont que ce qu'ils méritent », voilà la p'tite accolade à la culpabilité. Elle justifie tout, et j'me laisserai aller volontiers à la solution de facilité. Pas dit que j'me sentirais mieux après avoir violé mon gosse refoulé. Mais, qu'il se taise, ce sale chiard. L'adulte veut se venger.
J'ai besoin de lucidité pour m'acquitter ma tâche, non pas de rage. Son heure viendra, elle explosera, mais pas tout de suite. Seule compte la mission. Droit devant moi, la barque solitaire que j'dois perquisitionner. La ronde centaine de mètres qui nous sépare me permet pas de détailler la silhouette qui s'distingue dessus. Elle est maigrichonne. La pauvre.
On se met à peine à table, encore un peu de patience. J'ai faim de revanche comme jamais, à tel point que je sens mes tripes se froisser à la moindre pensée parasite pour l'une de ces enflures. Ce n'est pas seulement un besoin de rendre justice. Ça va cruellement plus loin. Lorsque mes palmes se serrent et que leurs ongles s'enfoncent jusqu'au os dans le creux de mes paumes, ce n'est pas moi. C'est un désir si puissant qu'il piétine tout ce qui a fait ma fierté ces dernières années : mon pacifisme tenace, ma volonté de ne pas devenir pantin de la douleur et des émotions fulgurantes. J'suis plus moi-même, j'le sais. Et je m'en fous, voilà où est le pire. Mais si je dois en venir à m'tirer une balle pour crever mes doutes une bonne fois pour toutes, ce ne sera pas pour tout de suite. J'ai une liste gigantesque de choses à faire avant de mourir.
Bon. On va tenter l'approche furtive sous-marine. J'plonge.
Et je fend les abysses lumineuses, rasant de près un plancher marin tropical tapissé par des algues scintillantes, squatté par des bancs de poiscailles excentriques et prétentieux sous leurs apparats multicolores. Ils s'écartent de ma trajectoire en me voyant débouler à toute berzingue, suivi par d'épais nuages de bulles et d'ondes. J'ai l'impression de profaner un sanctuaire paradisiaque sous-marin, un p'tit coin coloré et chaleureux qui n'a, au milieu de cette boucherie, jamais été souillé par la moindre goutte de sang humain. Mais tout compte fait, ça reste qu'un décor de carton-pâte pour le théâtre d'une bucolique et trop convenue tragédie. La nature et sa pseudo-beauté teintée de prédation et d'instincts sanglants, j'en ai soupé.
Te voilà, méprisante coquille de noix, au-dessus de moi. Me regarde pas de haut comme ça. J'peux pas t'pourfendre d'une torpille aquatique. J'peux pas non plus te grignoter la quille. On sait jamais, si ça se trouve, on m'a envoyé sur un canular, et c'est qu'un innocent sur une barque pourrie qui se précipite vers un refuge avant d'se manger un boulet de canon perdu...
J'ai pas autant d'options que j'pensais, en fait...
Je pointe le museau hors de l'eau et déclame au type "C'est pour un contrôle, descendez du véhicule s'il vous plaît" ?
Tss. J'porte l'étendard de la marine, des hypériens et des rhinos. Si j'passe pour un rustre, c'est toutes les mouettes qu'en pâtiront.
Alors on va fermer le clapet à la colère deux secondes, s'orner d'un sourire câlin et réveiller la politesse.
Et si ça craint, je souillerai le joli océan limpide d'un sang bien opaque et bien puant. La routine...
J'émerge.
Une humaine plus colorée qu'un arc-en-ciel, tout en étant suffisamment saupoudrée de paillettes brillantes pour simuler un Soleil. Elle me tourne le dos, la pince bien calée autour du gouvernail. Et elle se fait suffisamment chier pour perdre son regard et ses pensées dans l'ciel, et ne pas calculer mon apparition. Ouais, aucun doute, c'est un arc-en-ciel sur pattes. Ça m'intrigue autant qu'ça me rend méfiant, ce manque de goût.
Hmmf. Excusez moi ?
Être sauvé m'importait, au final. J'me croyais prêt à embrasser mon sort, à devenir clébard de Flist. Mais finalement, j'l'ai repoussé avec dégoût comme s'il était devenu un boudin, et me suis tourné vers un futur plus aguicheur. Entre mourir libre et vivre asservi, le choix était vite vu ! Mais v'là une autre voie qui se déblaye vers un horizon délavé, sous un soleil de plomb, tandis que je crawle quelques centimètres sous la surface en laissant mon aileron à l'air libre fendre les eaux, pour me donner la prétention d'un vrai requin, vrai de vrai. Ouais, finalement, j'vais pouvoir vivre : et en cadeau de consolation pour mon esprit sinistré par la bête et par les larbins de Flist, on m'offre sur un plateau une copieuse pitance pour ma très chère rancune. Le rêve.
J'suis décidé à leur renvoyer au centuple ce qu'ils m'ont fait. A leur infliger des douleurs qui révulseront même leurs perverses imaginations. Je me sens mort. Je ne revivrai que lorsque je serai vengé. Inverser les rôles, goûter à la légèreté d'être un bourreau libéré des scrupules. Ouais. C'est le cœur léger que j'vais pouvoir leur éclater la gueule. Pour une fois !
« Ils n'ont que ce qu'ils méritent », voilà la p'tite accolade à la culpabilité. Elle justifie tout, et j'me laisserai aller volontiers à la solution de facilité. Pas dit que j'me sentirais mieux après avoir violé mon gosse refoulé. Mais, qu'il se taise, ce sale chiard. L'adulte veut se venger.
J'ai besoin de lucidité pour m'acquitter ma tâche, non pas de rage. Son heure viendra, elle explosera, mais pas tout de suite. Seule compte la mission. Droit devant moi, la barque solitaire que j'dois perquisitionner. La ronde centaine de mètres qui nous sépare me permet pas de détailler la silhouette qui s'distingue dessus. Elle est maigrichonne. La pauvre.
Ta mission n'est qu'un maigre hors d'oeuvre. Tu sais que je ne m'en contenterai pas. Je veux quelque chose de... plus copieux.
On se met à peine à table, encore un peu de patience. J'ai faim de revanche comme jamais, à tel point que je sens mes tripes se froisser à la moindre pensée parasite pour l'une de ces enflures. Ce n'est pas seulement un besoin de rendre justice. Ça va cruellement plus loin. Lorsque mes palmes se serrent et que leurs ongles s'enfoncent jusqu'au os dans le creux de mes paumes, ce n'est pas moi. C'est un désir si puissant qu'il piétine tout ce qui a fait ma fierté ces dernières années : mon pacifisme tenace, ma volonté de ne pas devenir pantin de la douleur et des émotions fulgurantes. J'suis plus moi-même, j'le sais. Et je m'en fous, voilà où est le pire. Mais si je dois en venir à m'tirer une balle pour crever mes doutes une bonne fois pour toutes, ce ne sera pas pour tout de suite. J'ai une liste gigantesque de choses à faire avant de mourir.
Bon. On va tenter l'approche furtive sous-marine. J'plonge.
Et je fend les abysses lumineuses, rasant de près un plancher marin tropical tapissé par des algues scintillantes, squatté par des bancs de poiscailles excentriques et prétentieux sous leurs apparats multicolores. Ils s'écartent de ma trajectoire en me voyant débouler à toute berzingue, suivi par d'épais nuages de bulles et d'ondes. J'ai l'impression de profaner un sanctuaire paradisiaque sous-marin, un p'tit coin coloré et chaleureux qui n'a, au milieu de cette boucherie, jamais été souillé par la moindre goutte de sang humain. Mais tout compte fait, ça reste qu'un décor de carton-pâte pour le théâtre d'une bucolique et trop convenue tragédie. La nature et sa pseudo-beauté teintée de prédation et d'instincts sanglants, j'en ai soupé.
Te voilà, méprisante coquille de noix, au-dessus de moi. Me regarde pas de haut comme ça. J'peux pas t'pourfendre d'une torpille aquatique. J'peux pas non plus te grignoter la quille. On sait jamais, si ça se trouve, on m'a envoyé sur un canular, et c'est qu'un innocent sur une barque pourrie qui se précipite vers un refuge avant d'se manger un boulet de canon perdu...
J'ai pas autant d'options que j'pensais, en fait...
Je pointe le museau hors de l'eau et déclame au type "C'est pour un contrôle, descendez du véhicule s'il vous plaît" ?
Tss. J'porte l'étendard de la marine, des hypériens et des rhinos. Si j'passe pour un rustre, c'est toutes les mouettes qu'en pâtiront.
Alors on va fermer le clapet à la colère deux secondes, s'orner d'un sourire câlin et réveiller la politesse.
Et si ça craint, je souillerai le joli océan limpide d'un sang bien opaque et bien puant. La routine...
J'émerge.
Une humaine plus colorée qu'un arc-en-ciel, tout en étant suffisamment saupoudrée de paillettes brillantes pour simuler un Soleil. Elle me tourne le dos, la pince bien calée autour du gouvernail. Et elle se fait suffisamment chier pour perdre son regard et ses pensées dans l'ciel, et ne pas calculer mon apparition. Ouais, aucun doute, c'est un arc-en-ciel sur pattes. Ça m'intrigue autant qu'ça me rend méfiant, ce manque de goût.
Hmmf. Excusez moi ?