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Mémoires d'un temps.

Inspire, expire.

« Goûte ça, mon vieux. Avec les compliments des trois Amiraux. »

Shalyne essuya le sang de sa lèvre inférieure. Elle sourit, rajusta sa casquette, et d’un même mouvement, dégaina son pistolet. Tchlick. Le bruit des organes internes qui éclatent, et la charge de l’homme s’arrête. Elle sourit d’un air amusé et enfonce son épée en lui. Il est mort avant même de toucher le sol. Mais c’était pas FINI.

« PAS ENCORE, NON. »


Hurle, sale porc. T’es le prochain. Inspire, exp.... Non. Je vais lui éclater sa tronche les mains nues.


Elle jeta ses armes à terre, et lui fit signe de s’avancer. L’air assuré, il obéit avec plaisir, gardant son épée sous la main... Plus pour longtemps. Son épée fendit l’air en direction du cou Shalyne. Un coup qui l’aurait décapité si elle ne s’était pas immédiatement baissée, et, profitant du déséquilibre créé par l’attaque violente, frappa du tranchant de sa main sur celle du pirate tenant l’épée. Cling. L’épée tomba dans un fracas assourdissant.  L’expression de confiance du pirate changea très vite. De prédateur, il devenait proie à une vitesse inquiétante. Il fallait réfléchir vite. Oui ! Dégainer son arme... Mais elle était plus dans l’étui... Oh merde.

Tchlock.
Le même bruit que tout à l’heure, mais dans le corps d’un homme corpulent. Les grands yeux terrorisé, il rendit son dernier soupir.

Clack.
Un très mauvais bruit. Un bruit d'une arme lourde que l'on arme. Le dernier bruit qu'on entend avant d'exploser.

Shalyne se retourna à la dernière seconde. Un homme, le genou à terre... Un bazooka sur l’épaule. Trop tard pour tenter quoique ce soit. Mais tentons quand même. Et elle tenta d’esquiver le tir. Poussant le gras homme pour avoir de l’élan, le missile passa en sifflant et en brulant la cuisse de la caporale d’élite. Le projectile explosif frappa une trentaine de mètres plus loin.

L’artilleur maintenant sans armes, détala sans demander son reste. Shalyne profita de cet instant de répit pour récupérer son épée, juste pour se retrouver devant un autre salaud, beaucoup plus baraqué, cette fois. Elle se mit en position, épée en avant. Il eut un grand sourire, et brusquement, attrapa l’épée avec ses deux mains. Et la tordit. La femme lâcha l’arme pour pas finir comme elle. L’homme jeta alors l’épée inutile, et frappa Shalyne de toutes ses forces. Le genre de coup de point qui envoie une onde de choc qui disloque les os et déflagre les chairs.

Mais Shalyne était parfaitement concentrée, et elle savait quoi faire avec ce genre de frappes..

On les renvoie. En plus fort.

«Undō no ribēto. »

L’homme stupéfait, fut renvoyé à la renverse par le coup de poing doté de la force de Shalyne ainsi qu’une partie de la sienne, renvoyée à lui même. Shalyne inspira, mais quelque chose se mit en travers. Elle toussa. Et cracha du sang. Elle regarda sa main.
Un doigt était luxé. Un vent de panique la traversa... Mais elle vit l’homme se relever, et elle remit le doigt en place. A chaud. Mais elle ne parvenait plus à serrer le poing gauche... Le salaud était trop fort. Mais c’était pas grave.

Il lui restait le poing droit.  Et un regard bref lui permit de remarquer le pistolet à un pas d’elle.

D’une main, elle sortit une cigarette de sa poche arrière, mise dans la bouche, et sortit le briquet de son soutien gorge. L’homme se relevait, doucement, s’époussetant. Shalyne tendit son briquet, souriant, cigarette à la bouche.

« Une dernière cigarette ? »


Il s’énerva et courut vers elle. Trois mètres.Deux mètres. Un mètre... Et il s’arrêta sec, un trou en plein coeur. Parce qu’il y avait pas d’autre moyen de l’arrêter. Un tir dans l’estomac ? Il crèverait dans d’atroces souffrances, son corps se digérant lui même, mais ça prendrait des heures. Dans la tête ? Il avait pas l’air d’utiliser énormément son cerveau. Mais le coeur, ça fait tout tourner. C’est comme un moteur. On peut avoir les roues à aubes les plus amples et les plus rapide de toute la flotte, si le moteur tombe en panne, ça devient aussi lent qu’un tonneau dans l’océan. L’océan...

Oh merde.

Divaguer, c’était mauvais signe. C’est le cerveau qui crache de l’endorphine pour calmer. Et quand le cerveau crache de l’endorphine, c’est parce que le corps a mal. Très mal. Shalyne toucha sa hanche. Il y avait du sang... L’océan.

Il sentait bon, l’océan, à Marijoie. Elle arrivait presque à le voir. Peut-être qu’en fermant les yeux...
    Le bord de mer se pare d'une étrange odeur. Elle vient se superposer aux embruns, sans les remplacer. On dirait du thon qui n'aurait pas vu l'océan depuis des semaines, complété d'une légère nuance sauvage. Ainsi que d'une nuance humaine, également.

    Balle. Thorax. J'comprends ouais. Bordel. En avant !

    On ne trouve pas masse de poissonneries du côté de Marijoie. Pourtant, cet étrange spectre odorant se glisse sournoisement entre les images. Un intrus. Une présence. Un fumet. C'est étrange. C'est amical. Démesurément attaché à toi. La silhouette de la créature qui s'incruste sur ta plage n'inspire tout juste que celle du monstre d'un mauvais conte de fée, et pourtant. Et pourtant. C'est dans un flegme respectueux qu'il prend la parole.

    Je suis rentré dans ton rêve pour y injecter de la vie. C'est un peu un rêve commun que l'on partage comme un café sur une terrasse, mais en bien plus volatil. Ça me met en peine de te l'avouer, mais tout pourrait disparaître d'un instant à l'autre. Comme tout rêve, il est fragile et craintif. Un rien pourrait le faire fuir.
    Oh, à propos, t'as pas le droit de mourir.

    Tiens bon. Shalyne, tiens bon. Me c-claques pas entre les doigts.

    J'te l'interdis, parce que tes pulsations anarchiques résonnent avec ce chaos qui s'empare de mon esprit. Je viens t'injecter un peu de ce chaos, malgré moi. Mais tu rendras vite compte que c'est par le chaos que l'on se sent vivant, que c'est dans le n'importe quoi qu'on distingue du sens. L'ordre est trop plat, trop vide. Trop mort. L'ordre expose l'artificiel. Le chaos est la vraie nature des choses.

    Mon nom a pas d'importance. Qui je suis, non plus. Tu t'es prise une balle, Shalyne, t'as merdé sur ce coup.

    Merde. L'aorte. Merde. Merde.

    L'aorte a été touchée. Ça va pas être une mince affaire de te la réparer. C'est une artère, une grosse canalisation. Quand elle se retrouve percée, ça fuit. C'est de la plomberie. Ça fuit, et ça fout la merde partout. Il faut recoudre, puis éponger, vidanger, aspirer. La merde.

    Chaque seconde compte comme un pas de plus vers ta destination finale. Sur cette plage, sur TA plage, les minutes deviennent à tes souhaits siècles voire éternités, mais là d'où je viens, je n'ai que... quoi ? Deux, trois minutes ? Dans deux, trois minutes, ton décor s'évaporera peut-être à jamais, Shalyne. Puis tu as vu mes mains ? Ce ne sont pas des mains, mais des palmes. Avec ces horreurs au bout des bras, un travail de précision devient toujours un peu aussi un travail de chance. J'ai les connaissances et l'âme d'un chirurgien, mais pas le corps le plus adapté, malheureusement. M'en veux pas.

    Alors. Ce soir est peut-être ton dernier soir, Shalyne. J'suis pas encore fixé. On verra, j'ferai ce que j'peux.

    On va profiter de ce soleil couchant, peint à la gouache sur la toile céleste. Dans deux, trois minutes, la nuit peut-être tombera, puis une à une ses étoiles s'éteigneront. On va profiter jusqu'au dernier instant de ces épais nuages de souvenirs que le crépuscule nous expose. Dans deux, trois minutes, ils fusionneront peut-être avec le néant.

    Te laisse pas partir ! Voilà. Regarde moi. Regarde moi. Ferme pas les yeux !

    Dis moi, Shalyne ? T'as peur de la nuit ?
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    La nuit. Des étoiles. Le bruit des vagues invisibles depuis la corniche de la magnifique ville.

    « C’est beau, la nuit. Surtout des belles nuits d’été comme celle-là. »

    Elle sourit, mais elle toussa, de plus en plus fort. Elle cracha du sang. Il faisait ça pour me rassurer. Je suis en train de crever.

    Crever ? En cette belle nuit, sur une corniche de Marijoie ? Quelle drôle d’impression.

    Elle sourit, et chassa les pensées absurdes de sa tête. Elle s’étira les articulations. Plus qu’entière, elle se sentait... Bien. Shalyne n’avait pas envie de frissonner. Et ne transpirait pas non plus. Juste une grande envie de se promener le long de la baie. Doucement, tranquillement, elle marchait sous la lumière des lampadaires et des lucioles marijoane. Sous ses pieds, les dalles blanches de marbre parfaitement propres rendaient un son clair, pur, réel. Vers l’autre côté de la baie, il y avait un feu, sur la plage.

    Elle s’assit sur la rambarde, et enleva ses chaussures. Autant faire le trajet sur le sable plutôt que sur la corniche. La sensation du sable froid et nocturne entre ses pieds lui manquait. Elle posa un premier pied... Mais elle changea brusquement d’avis, se rappuyant sur la rambarde. Quelque chose l’avait poussée à continuer sur la route pavée, mais elle ne parvenait pas à mettre le doigt dessus. Elle soupira. Soit. Marchons sur le marbre.

    Et tandis qu’elle marchait, elle pensait à sa vie passée. Elle regrettait son père, sa mère. Ils avaient rentrée le blé sans elle, cet automne. Tout comme les cinq autres automnes précédents. Peut-être devrait-elle revenir. Ou au moins prendre de leurs nouvelles. Ca ne se faisait pas, de couper les ponts avec ses parents aussi longtemps, mais c'était un cercle vicieux. Appeler ses parents après tant d'année et affronter leur réponse?

    Au moins, grand-père était là.

    Elle eut un rictus amer. Quelle naïveté. Danforth Nelson, le contre-amiral incroyablement cynique et pragmatique. Même Keegan Fenyang était plus proche de Shalyne que son propre grand-père. Au fond d’elle, elle le savait bien : Grand-père ne m’aime pas. Il ne m’a jamais aimé. Il a probablement dit à mes parents que j’étais morte. Autant partir et tout plaquer "

    Shalyne s’arrêta de marcher un instant. Avait-elle dit cela à voix haute ? Pourtant, elle avait cru entendre une réponse. Une injonction. Ne pas partir.
    Elle se retourna.

    Plus que son apparence laide d’homme poisson voûté, c’étaient les yeux bleus de la créature familière, juste devant elle qui la captivèrent.Néanmoins Shalyne n’était pas effrayée ; juste étonnée de trouver quelqu’un ici.

    « Bonsoir. Je dois rejoindre des amis. Ça vous dit, de vous joindre à moi un petit moment ? Je préfère ne pas marcher seule sur cette route. J’ai un peu peur, la nuit, vous savez. »



      Eh bien, je ne comptais pas te laisser seule. C'est pas de la galanterie d'escorter une femme à cette heure-ci, seulement du bon sens. J'te promets pas qu'on aura le temps de rejoindre ces amis, par contre. Le temps s'écoule, il gicle, il fuit. Comme ton sang, mais avec un débit moins dingue.

      Penses à ceux que tu aimes et ne me lâches surtout pas !

      Quel pari risqué que de m'amuser à relâcher les souvenirs des gens que tu aimes, agités et féroces comme une meute de loups affamés ! Tout a un prix en ce bas monde, tu le sais, Shalyne. L'amour n'échappe à cette rapace règle. Aussi gracieux et envoûtant que sa réputation ne le prétend, il transporte lui aussi son lot de douleurs. Et pas des moindres. Des plaies profondes qui ne cicatrisent, pour ainsi dire, jamais. L'amour te laisse parfois plus mort que vivant.

      Ce rêve n'est qu'une simple bouffée de fumée fallacieuse. Qu'en est-il de l'amour de parents pour leur enfant ? Devrait-il s'ériger comme un barrage solide et concret face aux torrents des drames de la vie ? Ou n'est-il que l'une des illusions qui nous font nous sentir moins seul dans un univers où nos esprits, ce que nous sommes, sont confinés dans de la chair ?

      Oh, pardon, je divague. Il est long, ce sentier, non ? Tu le connaissais ? Hum.

      Non, bien sûr. Cet amour était sincère. Je ne me permettrais pas de le remettre en cause. Ton grand-père t'aimait, Shalyne. Quelle étrange folie que de penser le contraire ! Zoner aux frontières de la mort a tendance à braquer les projecteurs sur des sentiments qui ne supportent pas la grande scène. Ils squattent l'ombre, attendent leur heure. Ricanent en silence tandis que honteuse, tu fais semblant d'ignorer leur présence. Je te parle des émotions refoulées, Shalyne.

      Je te parle de mensonges, Shalyne.

      J'y suis, j'y suis. Elle est à peu près stabilisée. Tu vas t'en sortir !

      J'suis pas le mieux placé pour en parler, tu sais ? Être marine, médecin, et homme-poisson, ça donne trois belles raisons d'édulcorer perpétuellement sa parole. Mais il existe une hiérarchie chez les mensonges. Et plus c'est gros, plus ça passe. T'emmêler dans cette toile de mensonges que tu tisses fait de toi une proie de choix pour les remords.

      La plus grande victime de tes mensonges, c'est toi-même. Quand affronteras-tu la vérité, Shalyne ?

      Tu dois lutter !

      Seraient-ce ces ombres que tu fais semblant d'ignorer qui t'effraient, la nuit ?

      N'aies pas peur, j'suis là !

      L'amour et les mensonges. Quel cocktail explosif. Ajoutons y une louche de culpabilité.
      Le soleil prolonge son coucher. Les deux, trois minutes deviennent des siècles, voire des éternités.
      Tu sais, à la ferme, tu n'aurais pas seulement moissonné du blé. Tu aurais récolté de l'amour paternel, et de douces émotions au milieu d'un cadre bucolique.
      Mais tu as fais le choix de te précipiter là, devant moi, sous mon scalpel, mes tuyaux et mes yeux perçants. Ça te permet de regarder ailleurs ? Tu préfères mirer ta hanche sanguinolente et le visage animal de ton toubib plutôt que confronter les regards de tes parents ? Tu préfères glander sur un bord de mer onirique que réparer tes fautes passées ?

      Sois courageuse !

      Mais où était passé ton courage ce jour où tu as abandonné les gens qui t'aimaient le plus au monde ? Tes propres parents...
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      « Mon sang ? »

      Un flash rendit soudainement ses yeux vitreux. Pendant une fraction de seconde, elle n’était plus à Marijoie. Mais ailleurs. Immobile, paralysée, contemplant une ombre alien qui était penchée sur sa chair meurtrie. Une ombre...Aux yeux bleus, et aux dents pointues.

      Shalyne frissonna, recula doucement sur les pavés. Elle aurait pu jurer avoir vu les lumières grésiller et s’amenuiser une fraction de secondes, tandis que l’être aux yeux si particuliers la suivait. Elle continuait en faisant semblant de l’ignorer, mais Lui hurlait les doutes de son coeurs, lui rappelait les certitudes. Que son grand père l’aimait. Lui redonnait l’envie de revenir à la ferme.

      Et autour d’elle, la terre tremblait. Les lumières s’éteignaient, une à une, jusqu’à ce que l’univers entier ne soit plus composé que de la corniche. Mais même, peu à peu, la route qu’avait parcourue la jeune hallucinée disparaissait, ne laissant plus que la route devant. Et tandis que l’intégrité de son identité même s’effondrait, dans la pénombre, la créature, qui s’avançait progressivement, se révélait être un homme-requin voûté. Et alors, elle réalisait l’abjecte vérité qu’elle avait en face d’elle. Mais son déni était plus fort. Elle continuait de marcher sans s’arrêter, jusqu’à la fin de la corniche.

      « ARRÊTE ! C’est mon rêve. MON RÊVE, tu m’entends ? JE FAIS CE QUE JE VEUX !»

      Mais le requin ne voulait rien entendre. Peut être parce que la partie d’elle qu’il représentait ne voulait pas abandonner. Peut-être était-ce son serment de sauver des vies en tant que médecin militaire. Et s’il continuait comme ça, il pourrait bien finir par la sauver.

      Mais il était trop tard.


      Elle était arrivée au bout. Elle n’avait plus qu’à franchir le muret pour marcher sur le sable et rejoindre le feu de camps, ou une dizaine d’ombres familières étaient assises autour d’un feu, silencieuses. Dana, Ambardil, Flam. Je suis bientôt là.

      Elle enleva ses chaussures, marchant pieds nus, sur le sable.

      Et à des milliers de kilomètres de Marijoie, une femme tombait dans le coma.
        Qu'est-ce qui se passe. Qu'est-ce qui se passe ?!

        Hors de question. Tu es attendue ailleurs, Shalyne.

        C'est comme si quelque chose t'enserrait le bras et t'empêchait de Les rejoindre. Dans une jungle d'échos distordus, ma voix se superpose à toutes les autres. Elle les écrase, les tyrannise. C'est Moi que tu dois écouter.

        Elle avait ouvert les yeux. Mais j'la reperds !

        Tu m'écoutes et tu m'obéis. Déjà ton rêve ne supporte plus ta rébellion. Le sable noircit, les nuages se dissolvent dans un ciel d'un bleu de plus en plus agressif, tu ne peux qu'observer ton monde tomber en déliquescence. Je veux l'empêcher de t'emporter, Shalyne ! Ce lieu n'est qu'un théâtre de papier mâché qui devient un peu plus malsain à chaque seconde qui nous échappe. Tu en perds le contrôle. Il se décolore, il vibre. Les dimensions ne s'entendent plus entre elles.

        Ne les rejoins pas.
        Ne les rejoins pas !

        Restes avec nous !
        Oui ! Elle ouvre les yeux ! Elle est là ! ...
        Putain, elle rechute ! Encore ?!


        Ne les rejoins pas car ils ne sont plus des tiens. Durant une fraction de seconde, tu as aperçu d'où je venais. J'suis penché au-dessus de toi, les mirettes collantes et écarquillées. La volonté de t'extirper de ce macabre voyage que l'on t'a forcé à entreprendre. Tu t'es faite tirée dessus, Shaylne. T'as merdé sur ce coup. Mais tout n'est pas trop tard.

        Je t'attends là-haut, à la surface. Lentement, tu décolles de tes abysses. Et ce décor que tu y avais dressé semble maintenant à des lieux sous tes pieds. Que dirais-tu de visiter la Vraie Marijoie, un jour ?

        Ce ne sera jamais trop tard tant que tu te décideras à lutter. Même en chute libre dans l'abîme, tu dois faire face à tes doutes, à ton passé, ces spectres amusés qui lorgneront toujours sur toi depuis les ombres, attendant la moindre de tes défaillances pour s'engouffrer en toi. Et te torturer. Mais tu as encore toute la vie devant toi. Les remords ne te quitteront jamais mais tu iras de l'avant. Ils feront partie de toi, et la douleur te rendra plus solide. La vie est douleur. La mort... elle n'est rien qu'un immense néant dans lequel résonne sans cesse l'aria des défunts...

        Tout n'est pas trop tard. J'entends ton coeur faiblement recogner, au fin fond de tes entrailles. Ton corps se bat contre ce sort indigne qu'il n'accepte pas. Ton âme se doit de le rejoindre au front !

        Tout n'est pas trop tard. Ton esprit en compote malaxe sa purée de souvenirs. Que te diraient tes parents s'ils te voyaient dans cet état ? Tu ne te sentirais tout de même pas prête à les abandonner une seconde fois ?

        Vas, Shalyne ! Redresses-toi. Repartons d'ici dignement.
        Tu me vois ? Je t'attends là-haut, à la surface. Tu es toute proche.
        Attrapes ma palme. Et revenons là où ton avenir t'attends.
        C'est pas ton heure, Shalyne. C'est pas ton heure.

        C'est pas ton heure !
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        Bien joué, docteur Kamina.
        C'était pas un jeu.
        Je veux dire, c'était du joli travail.
        Mh.

        J'enlève mon masque tandis qu'les assistants traînent Shalyne en réa. Elle a immergée d'son coltar, est désormais plus vive que morte, et si elle doit avoir l'impression de s'être mangé des rafales de parpaings en pleine poire, valait mieux ça qu'la voir décoller dans le monde du silence éternel, légère.

        Vous passerez voir la patiente ?
        Peut-être. Je sais pas.
        Faudra vous décider. On peut envoyer un infirmier...

        J'ai l'impression de revenir de loin. D'avoir entraperçu l'obscurité qu'elle a exploré malgré elle. Si je la revois trop tôt, je risque de le ressentir de nouveau. Ce sombre. Ce froid. Ces images. Ces tentations. Ces tentations de lâcher prise et de tomber dans un infini ravin paisible.

        Mieux vaut que j'attende. Dans notre intérêt à tous les deux.
        A votre guise...

        Dans un hôpital, on voyage. On erre dans les entrailles humaines, on se perd parfois en terres abstraites. On escorte nos patients hors des sentiers brumeux qui s'étendent à perte de vue derrière leur existence.

        Dans un hôpital, qu'on fasse du bon boulot ou pas, que les vies sous nos scalpels aient de la chance ou non, on a toujours la faucheuse qui contemple notre boulot par-dessus notre épaule.

        J'vais passer à la cafetière. Besoin de décompresser un peu...
        Idem, ça nous fera pas de m...

        BLAM

        Les portes battantes flippent. Courant d'air qui soulève des tornades de cris. Un chariot, un tas de chair souffreteux semant de l'hémoglobine partout où il se traîne, un ambulancier paniqué.

        Trois balles dans le corps et une blessure tranchante à l'abdomen !
        Bon sang...
        J'adore ce métier.
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