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Cautériser et amputer

Dans ses yeux figés, il y a comme une lumière qui continue de faire signe. Yeux morts ; les tiens, soldat, toi qu'est mort sous mes mains y'a pas cinq minutes. Toi qu'a ramassé trois balles à-travers le corps pendant la Débâcle, qui s'est fait piétiner dans la boue et qu'on a ramené dans un foutu état critique ; qu'a donné l'impression que t'allais survivre, jusqu'à ce qu'il y ait cette sale fièvre de Jaya qui commence à te bouffer les neurones. Qu'on soit obligé de t'attacher pour pas que tu bouges. C'est ce qu'ils ont écrit sur ton rapport. Moi, je me souviens de toi. T'étais ce gars croisé une fois sur Hinu Town, au centre de formation. On avait bu un demi ensemble, avec tes potes. Pardon d'avoir mangé ton nom, il m'est même pas revenu comme une évidence au moment où je l'ai lu sur ta poitrine, gravé sur ton pendentif que t'as pas voulu quitter, comme beaucoup d'autres. T'inquiète, mec. T'es victorieux aujourd'hui. De ce que je sais de toi, t'étais un juste et un vertueux. Y'aura des gens pour te faire vivre dans leur souvenir. J'suis désolée de pas avoir pu faire mieux.

-Dites, lieutenante, c'est pas qu'on vous attend pour la stérilisation du petit matériel et pour douze cautérisations et vingt-trois anesthésies par le froid, mais en fait, si, carrément.
-J'arrive.
-Vous le connaissiez ?
-Un peu.
-Il est peut-être mieux là où il est. Fermez-lui les yeux. Il y en a d'autres qui attendent.

J'obéis. J'sais que mon expression est neutre, mais ma main est douce quand elle vient fermer tes paupières. Salut, mec. Passe le bonjour au frangin si jamais. Check tous les collègues qu'ont fait du bon boulot ; qu'ont pas eu peur d'aller jusqu'au bout. J'me sens pas mal de faire ce dernier geste. J'suis recueillie, au contraire, comme au sortir d'une bonne prière ou d'un yoga bien mené. Le calme rivé au cœur, les pensées claires, je me surprends même à penser aux profondeurs infinies de l'univers, et à relativiser tranquillement. Les collègues officiers, pour les avoir croisés pas mal dans le coin, j'sais qu'ils sont tous partis de Jaya la mort dans l'âme ; qu'ils y ont tous laissé quelque chose d'eux-même.

C'est mon cas aussi. Mais ce que j'y ai laissé, c'est ni mon innocence (hein, Wallace ?), ni la moitié de mon corps (Yanagiba...), ni mon intégrité déjà pas bien solide (va te faire foutre, Jeska), ni mon élément naturel (condoléances, Craig), ni rien qui faisait partie de moi de manière indélébile et indéracinable. J'ai juste paumé une vieille mue que je me coltinais depuis gamine. Une petite voie enchanteresse qui me dictait les lois primaires de ma propre survie au mépris du monde, au mépris des autres. Hein, Punk ? T'inquiète, on n'en a pas encore fini, toi et moi. Mais Jaya, en me rapprochant de toi, elle m'a permis de te caler la blessure la plus profonde que je t'ai jamais porté.

Putain, dis, tu te rends compte ? Je suis toujours dans l'armée. Sauf que j'aide à sauver des vies. Je suis passée à deux doigts de la conversion à l'envers, l'impossibilité chimique, du bleu au rouge. Mais maintenant, même si ça t'emmerde, c'est mort. C'est moi qui te tirerai jusqu'à moi. C'est comme ça qu'on s'unifiera pour de bon. Qu'on retrouvera l'équilibre.

-Vous rêvez, lieutenante ?
-Non, non. Pardon.
-Ce n'est rien. Nous vous demandons beaucoup, et vous aussi, vous avez été sur le front. Si vous préférez vous reposer...
-Eh bien...
-Après les cautérisations... au moins ça. Et si nous pouvions économiser l'opium... Raaah, et les stocks de désinfectants sont...
-C'est bon, doc. Ça ira très bien, je vais le faire.
-Alors venez vite !

Ma blouse blanche, passée sur l'uniforme pour l'occasion, claque sur les brancards resserrés qu'on a calé entre les lits, faute de place. Vrai que le Lev' dispose de moyens considérables, mais quand bien même, Jaya s'est globalement trop mal passé pour que les docs puissent respirer plus de trois coups entre deux opérations. J'ai eu de la chance dans mon malheur. Ceux qui sont restés sur le front jusqu'au bout sont pour beaucoup alités avec une guibolle tronquée ou un œil dévasté. Les prisonniers qu'ont pas eu droit au traitement de faveur du poulpe ont eu à souffrir autrement plus physiquement parlant. Y'a aussi eu le granit qui m'a empêchée de me battre face à plus fort que moi. Pour Craig, c'est un peu la même. On a bien récupéré grâce aux pilules à la fraise de Wallace, et après trois jours, ils nous reste globalement que des cicatrices et quelques os encore douloureux. Mes plus grosses blessures, elles dates de plusieurs mois.

Plusieurs mois qu'Andy est à fond de cale avec Owen. Putain. Je le repousse jour après jour, mais quand ça se sera tassé, faudra vraiment que j'essaye de voir avec Ketsuno. Sans Jenkins pour m'aider... ni Lilou, m'étonnerai qu'elle cautionne, et plus encore qu'elle soit d'humeur à gérer mes problèmes alors que son équipe gère les prothèses mécaniques d'un paquet de soldats. J'parle pas de Mavim. Reste que Wallace, le moins con du lot. Lui, il pigera.

Enfin, il pigera... si j'arrive à lui causer un jour. Il est plus lui-même depuis qu'on est parti. Faut croire que c'est trop frais. Je l'ai entendu beugler un ordre de mise à mort, l'autre jour. J'sais ce que c'est, pour le coup, d'aller contre ce qui fait qu'on se tient debout et qu'on a pas honte de dire son nom. J'respecte.

-Je vous la laisse, docteur Kamina ! Bonne chance pour les amputations... il y en a de très sales dans le lot. Perdez pas courage !

Foutu Wells. Y'en a qu'ont l'art des bons mots.
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Que fait-on de toute cette viande usée ? Quand j'ampute une patte, part-elle au paradis des pattes ? Combien de corps complets pourrait-on assembler à partir des morceaux qu'j'ai envoyé dans la fosse commune ? Les graines de la démence ont été semées en moi, Tark. Et observer ces questions morbides pousser en moi comme un tapis de mauvaises herbes tandis que j'rafistole des destins saccagés, ça m'donne l'horripilante impression d'être devenu catin de la guerre. Soumis, violé, jusqu'à la moelle souillé par ses désirs. Eh, moi, je hurlerais à la mort si mon toubib était un homme-requin aux cernes dégoulinantes jusqu'aux joues, à la blouse maculée de souvenirs de défaites, et qui semble avoir adopté son scalpel comme âme soeur, jalousée par sa meilleure amie la hache. Un triangle amoureux sur fond de romance en milieu hospitalier.

Pas loin de l'overdose d'hémoglobine, j'me suis enfoncé deux boîtes de lingettes complètes dans les naseaux. Les enlever, impensable ! Ma nausée répandrait ma cervelle sur les murs de la trop petite infirmerie du léviathan. Si j'venais à humer cet air saturé de spectres de sang, ils s'faufileraient dans mon pif pour le hanter pendant des semaines.

Ouais, Tark ! La bête m'a volé le monopole de mon esprit, mais ne m'a pas arrachée cette allergie au sang et à la bidoche ! J'désespère pas. Le môme que j'ai connu est toujours quelque part en moi, séquestré. La bête, le fruit, Jaya, rien n'effritera notre lien. Hein, Frangin ? J'compte sur toi.

J'suis ce saint-bernard qui fouine voir s'il resterait pas quelques corps en sursis parmi l'avalanche de brûlures, de gangrènes, ou encore de putréfactions confondues avec les deux premières. Chez les cas les plus sales, j'aurais volontiers suggéré d'appeler en renforts quelques bouchers volontaires, qui sont plus spécialisés dans c'genre de boulot que moi.

Y en a bien, parmi cette horde de pauvres bougres gémissants, qui seraient solvables par la vie si je leur laissais le temps de régler leurs dettes : sauf qu'il faut payer cash illico pour s'en sortir aujourd'hui. Trop de patients, pas assez de temps. On fait dans l'travail à la chaîne, et je m'sens robotisé. Au début, je devais penser. Après des dizaines de cas désespérés, la routine scalpel-hache-sutures s'est profondément ancrée en mes palmes. C'est un pattern macabre et silencieux qu'elles répètent inlassablement.

Combien à ton avis, Tark ? Combien j'en ai sauvé, en pourcentage de ceux qui sont tombés sous mon bistouri ? J'ai compté, j'ai calculé, de tête, tandis que mes palmes bossaient. 38%. Ouais, en dessous des 50, mais vu les cas qu'on me refile, j'pense pas que dans cette salle, quelqu'un aurait pu mieux faire. Sinon, j'lui aurais passé la main, forcément. Ouais, Frangin. Ouais. Je suis chirurgien, reconnu, apprécié. Un redresseur de destins tragiques. Mon rôle ! Je sauve des types !

Parmi les vivants, les plus veinards pourront convertir leurs cicatrices en trophées pour épater les marmots. Les plus poissards ne sont plus que paires d'yeux incrustés devant une cervelle laminée. Parmi les morts, y a les heureux chez qui le ciel est tombé directement sur la tête; puis il y a ce pauvre type, devant moi, qui balbutie depuis l'outre-tombe sa dernière volonté.

F-Femme... Dis à ma femme que... j'regrette c'que j'lui ai f-fais, faut qu'elle le sache, elle com-comprendra...

Quand ils distillent des remords dans leurs derniers soupirs, j'ai tendance à attendre les larmes pointer leur flotte souillée depuis l'derrière de mes paupières. Mais intimidées, elles n'arrivent pas.

Merci pour tout, Claude.

Trois heures qu'il a continué à lutter contre ses hémorragies pour continuer à brailler ses convictions sur le champ de bataille en compagnie d'ses camarades. Quand j'ai déboulé auprès de lui, il était déjà trop tard. Il lui restait tout juste assez de conscience pour regretter ses frivolités passées, au milieu de sa flaque de sang. Trop de témérité tue la témérité, ainsi que le téméraire. Je me suis convaincu que tous les gens ici présents sont héros, car après tout, les lâches ne se blessent jamais. Il paraît.

J'laisse mes palmes glisser sur ses paupières, pour les fermer. J'fus la dernière image mirée par Claude, celle qui s'imprime sur ses mirettes, celle qui clôture le film de sa vie. Ça me farde d'une lourde responsabilité. Faut choisir les bons mots qui résonneront à jamais dans son sommeil, déformer mon visage pour qu'il se fasse amical, chaleureux. J'suis pas radin d'bons sentiments, mais je n'ai jamais vraiment su les donner. Ils sont là, en moi, tourmentés. Une profonde empathie qui hurle, sans parvenir à se faire entendre de l'extérieur. J'sais pas comment extérioriser ces choses. J'ai toujours eu le coeur en cage. Et quand c'est un mort qui mendie un dernier sourire, je n'sais pas comment lui offrir.

-Je vous la laisse, docteur Kamina ! Bonne chance pour les amputations... il y en a de très sales dans le lot. Perdez pas courage !

Wells. Tu tombes tellement mal. Heureusement que t'amènes Serena. Une compagnie m'arrachera des griffes de mes pensées sombres.

-Oh, Claude... Il est...
-Ouais.
-Je m'en occupe, passez au suivant, Kamina. On fait du bon boulot.

J'te présente Serena, Tark. Je t'en avais déjà parlé il y a bientôt quatre ans. J'ai l'impression que je ne la rencontre que sous les canons des champs de bataille, en pataugeant dans des infirmeries inondées de sang, ou encore drogués et battus comme du bétail. Une saine relation.

Pendant que Wells, son cynisme, et le corps du regretté Claude s'en vont, j'lui fais un topo sur mon sordide rôle.

-Entre tout ces grands brûlés, les mutilés et les plaies infectées, c'est souvent plus rapide et sûr de directement couper des morceaux puis de cautériser derrière. Et j'crois que ton pouvoir sera plus hygiénique que mes aiguilles...

Et ça m'apaisera dans ma trouille de suinter d'la boue sur les corps tel le porc marécageux que j'suis devenu. J'attends pas qu'elle acquiesce, j'attends pas non plus ses questions. J'lui fais signe d'un doigt pour qu'elle me suive, attrape au vol mon plateau de matos rouillé de sang, renâcle brutalement sous l'impulsion d'cette morve qui s'accumule derrière mes mouchoirs nasaux. Dans mon crâne, l'envie d'renouer avec un passé presque héroïque cherche une expression. L'île aux esclaves, sa merde, son sang, ses pleurs, sa joie, c'est resté gravé en moi comme les prémices d'un héroïsme que j'me soupçonnais pas.

Ça faisait longtemps, en fait. Content que tu aies survécu à toutes ces années.

On met le cap sur le gros dos de Wallace. On se ravitaille jamais assez en médocs.
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Les quartiers du médecin-chef du Léviathan n’avaient pas cessé d’être en activité depuis la fin de la bataille. Il n’avait pris de pause que pour l’invitation informelle de Lilou et le rassemblement des hommes autour de la férule de Mavim. Il avait filé au chevet d’Oswald, compris qu’il ne pourrait rien y faire puis avait embarqué des quantités faramineuses de son sang pour faire des tests. Et à partir de là, il s’était consacré aux hommes du Léviathan. Sans dormir. Sans manger. Il se gavait de ses propres médecines pour tenir, une boîte d’œufs en chocolat était déjà vide, preuve que le médecin avait mis son organisme à rude épreuve pour guérir plus vite. Trop vite. Une par heure. Il avait maigri, avait une mine affreuse. Mais peu importait car sa pièce était plongée dans une semi-pénombre peu accueillante et personne ne s’attardait dans son antre plus d’une demi-minute. Il préparait sédatifs, antibiotiques et autres composés chimiques. Les drogues de combat n’étaient qu’une facette de son talent. Psychologue avant tout, il connaissait l’effet des molécules sur le corps humain. S’il ne pouvait directement synthétiser des hormones, il se rattrapait sur les dérivés de plantes et de sucs. Notamment les découvertes réalisées à Jaya lors de son voyage vers le navire. Les overdoses de drogues de combat étaient néfastes pour son esprit, il ne le savait que trop bien. Ses accès démesurés d’indolence étaient dus uniquement aux tests qu’il réalisait sur son propre corps. Evidemment, il n’utiliserait jamais d’autres cobayes humains que le monstre qu’il était.

Ainsi, ce n’était qu’un mélange de tintements de verrerie, de jurons et d’ébullition qu’on entendait sortir du laboratoire du Léviathan. L’Antre de Croc, le Docteur aux grandes dents. Suite au désastre de Drum, l’endroit avait été largement réaménagé et l’épuisement du nombre de soldats y était pour beaucoup. En l’état actuel, il était peu probable que le Léviathan puisse fonctionner à plein régime sans l’aide des techniciens de Lilou. L’unité spéciale de Wallce trônait en dehors de la pièce, s’affairant à aider du mieux possible les médecins. Eux ne présentaient que peu de blessures de par leur rôle sur le champ de bataille. Puis une fois par heure, ils étaient appelés par la voix tonitruante du médecin et ressortaient de la pièce avec les bras chargés de flacons en tout genre avant d’y retourner avec les vides. Ainsi se déroulait les choses autour de Wallace. D’autres plus qualifiés que lui réalisaient les opérations d’urgence. Son plus gros travail viendrait après la bataille, encore une fois. Qu’on ne lui dise plus que le Léviathan n’était pas apte. Il avait essuyé DEUX guerres. DEUX putains de guerres.

Mais par-delà le boucan de sa machinerie infernale, on en entendait régulièrement le fracas de la verrerie qui se brisait. La pièce tremblait et cela suffisait pour comprendre ce qu’il s’y passait. La colère du Docteur ne prenait pas fin. C’était si rare de le voir en colère qu’on n’en comprenait que plus la nécessité des marines de fuir cette zone. Sa haine était dirigée contre lui-même et sortait avec une telle violence qu’on se demandait s’il n’allait pas finir par s’auto-déclarer la guerre. Chaque fois que son reflet passait sur une fiole, il la détruisait. Contre un mur, de sa poigne gigantesque. Peu importait. Des débris couraient partout sur le sol. Ainsi que le sang du Docteur. Plus aucun ordre ne régnait ici-bas, c’était l’enfer du Docteur sur terre. Pour ceux qui prêtaient l’oreille, on percevait presque ses murmures acerbes. Une chose était sûre, mieux ne valait pas s’en mêler. Tout le monde semblait l’appréciait, mais … il restait un gars de deux mètres cinquante, dépassant les cent cinquante kilos avec une maladie qui le transformais en une espèce d’abomination qui sentait le souffre.

Or, on osa frapper à la porte de ladite abomination.

« QUOI ?! » rugit le monstre, le nez dans son fatras.
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-Je suis contente aussi que tu t'en sois si bien tiré.

Que je dis en calant son matos à base de petites lames et de machins plus ou moins nets dont j'ai pas forcément envie de connaître l'utilité dans le creux de mes deux mains fermées l'une contre l'autre. J'arrive à faire ça en pensant à autre chose et même en marchant, maintenant. C'est toujours un peu long, pour vraiment porter l'acier au rouge, d'autant qu'il faut maintenir une bonne minute pour être bien sûr que tous les germes ont cramé. Puis redescendre la température progressivement jusqu'à zéro, pour pas que ça endommage les outils... et pour pas que le doc se brûle au troisième degré non plus. Ça, par les temps qui courent, sûr que ça me vaudrait l'exclusion direct, au moins de l'infirmerie. Et alors, j'aurais plus rien pour me sentir utile, juste la conviction d'avoir merdé. Ouais, non. Pour le pathos, on repassera. Y'a trop à faire.

-Je sais pas si on aura droit à la perm' longue durée au soleil avec la terrasse, la pression, la plage et tout et tout cette fois-ci...

Je joue les branleuses rigolardes, mais tu sais bien que c'est pour dédramatiser. Y'a trop de boulot pour qu'on en reste à nos idées noires de commémoration et de « après tout ce qu'on a traversé » ; idées que j'ai étonnement pas. Alors évidemment, c'est plus facile. Mais y'a qu'à imaginer que pendant toute ta vie, t'as jamais fait que causer du tort aux gens, et que sans aucun indice préalable, tu découvres au détour d'une malédiction que t'es aussi capable d'aider. Y'a de quoi te renverser la tête plus fort qu'avec trois 'teilles de vieux rhum. Parole, ça valait le coup d'en arriver là...

 « QUOI ?! »

-Ça s'annonce tendu...
-Il est comme ça depuis qu'il s'est remis sur pieds. Il refuse de prendre du repos. A ce rythme, il finira sûrement par dévorer quelqu'un tout vif sans se rendre compte de ce qu'il fait... enfin. Bonne chance !
-... vous étiez encore là vous ?
-Euh... on y va ?
-Après toi.
-T'es sûre ?
-Bon, aller, c'est bon. C'est que Wall...

BRRAAAAAM CLANG GLING !

-... ace.

J'ai déjà dit quelque part que je craignais pas les odeurs, ni la crasse, pas plus que la misère. J'en ai trop souvent sondé le fond pour en ignorer les détails, et y voir autre chose que la norme, même. Ou  du moins la base à-partir de laquelle beaucoup partent pour espérer s'élever. Un terreau, un fait donné, neutre. Mais là, ce que je vois, c'est de la misère qui s'est jetée au plus mauvais endroit de la vie d'un homme, c'est-à-dire, en plein milieu. C'est plus neutre, c'est sordide. Ça me fout un froid jusque dans la tête, que j'garde droite ; malgré les effluves à base de souffre, sorte de détérioration sûrement nécessaire du chlore bien dosé que Wallace a l'habitude de suer ; malgré les bris de verre sur lesquels mes bottes crissent, et que je devine nombreux. Odeur que j'avais fini par trouver rassurante. Mais là, ce que je vois me rassure pas.

Aussi bizarre que ça puisse paraître, j'avais pas spécialement eu l'idée d'aller voir Wallace depuis notre retour à bord. Il était en soins intensifs, et de mon côté, j'étais soignée par son équipe. Vrai que je me suis peut-être étonnée de pas le voir ; mais j'ai pensé qu'on l'avait isolé de force pour qu'il puisse récupérer. Chose à laquelle il se serait jamais donné droit par lui-même.

Mais non. Au lieu de ça, il est là à perpétuer l'effort de Jaya bien au-delà de limites qu'il a du franchir un paquet de fois. Je me cale une prière dans le cœur pour pas reculer, pas montrer à quel point il me fout la frousse. Craig en mène pas plus large que moi. Et c'est à lui de réclamer ce qu'il lui faut... j'demeure tout au plus un feu et un seau de glace ambulant. Pas une spécialiste dès lors que ça dépasse le registre des poivrières et des arquebuses. Et de l'art de se tenir au garde à vous en se retenant de tirer dans le tas, aussi.

A ce propos, j'suis en garde. Prête à réagir, si jamais.

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Il paraissait que le docteur Johnson était un gros agneau. Mais à le voir frétiller comme un aliéné à s'en dessouder les articulations et les nôtres par la même occasion, j'conclus qu'son agneau à lui est aussi passé à l'abattoir de Jaya. Cette saloperie de fièvre des marais qu'j'ai choppé en graillant un fruit gâté semble m'immuniser aux pêches. Si ma hache n'arrive pas à m'rogner la chair, j'suppose que c'est pas une ou deux torgnoles de toubib qu'arriveront à me fissurer le crâne. Mais j'aimerais éviter d'risquer la vie des médocs, du matos et des autres toubibs, et encore moins d'aggraver l'hygiène déjà douteuse des lieux en suintant de la vase. Même si les caillots de sang et les tas de saloperies m'ont pas attendu pour transformer l'infirmerie en marécage sinistré...

Eh. Pourquoi faut qu'ça tombe sur moi ? J'vais finir par me persuader d'être un espèce d'aimant à pétage de plombs.

J'ai besoin de morphine, Wallace, et de beaucoup d'anticoag...

Son poing fulminant vient propulser mon plateau et tout ses trésors sanguinolents dans les airs, dans un geste brusque qui a eu à peine le temps d'me tâcher la rétine avant d'me percuter. Faut croire qu'il est pas d'humeur à réceptionner ma commande.

Sous la pluie de scalpels, de pinces et de ciseaux, on distingue plus qu'un Wallace ronflant et une Serena sur le qui-vive, et moi coincé en un sale milieu qui espère de tout coeur ne pas avoir initié un feu d'brousse. Un ange passe, suivi par tout le putain de paradis. Un instant durant lequel tout le monde se toise et bouillonne. Et un petit couteau qui a pensé qu'il était de circonstance de plonger tête la première dans mon biceps.

Aucune douleur. Juste la vague sensation que mon avant-bras engloutit la lame. Confirmé, j'ai gobé un logia. Pas l'plus digne, mais ça reste un logia. Un nouvel ange-gardien. Ça valait p'tet la peine de céder mon élément naturel et mon très cher sens de la douleur, mais pour l'instant, j'ai pas assez d'recul pour l'accepter. Et j'ai d'autres chats à fouetter, faut l'avouer. Des chats furieux et troublés.

Tandis que j'dégage avec peine le couteau d'ma chair de boue, Wallace se retourne comme s'il se préparait à s'enfermer dans une bouderie noire. Et ma cervelle qui compose anarchiquement des morceaux d'phrases gentilles censées apaiser l'atmosphère. "On en a vu de dures, faut aller de l'avant", "Il y a encore des gens à sauver, tout n'est pas perdu", "On a encore besoin de vous, docteur". J'crois que quoique je baverai, ça aura toujours un arrière-goût de défaite amère. L'excursion sur Jaya a été toute entière une fastidieuse rando pour un instinct de survie qui en a vu du pays. Frôler la mort, l'humiliation et le désespoir autant de fois en quelques semaines fut du jamais vu, même pour ma conscience habituée aux guerres. Mais comme le positivisme m'a jamais habité, contrairement aux démons dont j'ai toujours été fidèle hôte, j'commence à encaisser maintenant tout ça avec une résolution quasi mécanique. Alors, moi, l'éponge à horreurs, comment j'peux raviver la flamme d'un toubib à l'apparence autant monstrueuse que la mienne, dont j'connais qu'une réputation de fervent diplomate à la bonté sans bornes ?

Bon, par contre si vous vous calmez pas, on va devoir remettre ça doc... et c'est pas ce que vous voulez.

Paraît aussi que le chemin l'plus direct est souvent le meilleur. Le flegme de Serena s'évapore peu à peu, j'crois. J'ai pas la voix autant assurée qu'il y a dix secondes, mais j'me risque à tartiner une seconde couche.

C'est vos médocs qui vous mettent dans cet état ?

Ne serait-ce que "drogue", ça pue comme mot. Ça pue le corps qui prend la place de l'esprit, qui transforme en amas de chair incapable de penser. Et si j'ai jamais bossé mon apparence -ni mon fumet-, j'ai toujours souffert d'une sacrée hypocondrie concernant c'que j'bouffais. Faut croire qu'il y a pas que la viande qui rend malade.

Le psy aurait besoin de s'allonger sur son propre divan.
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Le crissement des pieds sur le verre brisé le fit se retourner précipitamment, soufflant comme un taureau. Ses yeux jaunes luisaient dans la pénombre, sous l’œuvre d’une quelconque lumière fallacieuse. Il se replongea dans l’ombre sans un mot, impression désagréable d’avoir affaire à un animal blessé, sauvage. Ses vêtements flottaient sur lui, malgré sa masse toujours aussi impressionnante. À en voir les boîtes vides, les emballages détruits, ses médicaments avaient subi un autre sort. Il grogna, encore une fois, termina ce qu’il était en train de faire – à savoir la finalisation de l’extraction d’antibiotique de boîtes de Pétri – puis daigna répondre à la question de Craig.

« Tous brûlés. Plus jamais comme Jaya. » fulmina-t-il, s’emparant d’un de ses œufs en chocolat.

Il l’avala d’un trait, comme un lézard ovivore l’aurait fait. Pas tous, visiblement. Une douce fièvre vibrait au fond de ses yeux, dus à la maladie et à la fatigue. Il outrepassait ses limites. Pas mentales cette fois, son esprit souffrait de ses propres blessures. Et l’esprit mettrait du temps à guérir, surtout vu la profondeur de la blessure.

« Vous voulez quoi ? J’ai pas que ça à faire. » grommela le monstre, faisant tomber une de ses fioles sans faire exprès.

Il l’écrasa en voulant la ramasser. Tout ça perdu pour rien. De rage il tapa du pied, fissurant une partie du bois de sa salle de préparation. Cet endroit n’était pas renforcé en bois d’Adam. À mieux y regarder, ce n’était pas le seul coin abîmé de l’endroit. Du petit bois représentait certainement ce qu’il restait encore d’une chaise, et même quelques appareils de chimie.

Il renifla bruyamment, s’étant comme arrêté sur l’instant de sa bévue. Il s’essuya le menton, hagard. Il releva la tête, s’appuya sur son comptoir, les jambes frémissantes. Les griffes du monstre s’enfoncèrent dans le bois, creusant de profonds sillons. Comme dans du beurre. Il fut secoué d’un spasme puis chancela. De son autre main, il s’appuya sur une table derrière lui. Il inspira plusieurs fois pendant le monde tournait autour de lui. On pouvait voir ses blessures qui étaient encore rouges en enflammées. Rien de bon à ce sujet. Le médecin secoua la tête et se maintint le temps que les vertiges ne cessent. Il leva maladroitement la main pour empêcher quiconque de venir l’aider.

« Ça va. » lâcha-t-il, alors que tout indiquait le contraire.

« Vous voulez quoi ? » reprit-il, coupant court à toute question.

Evidemment de quoi faire tenir les autres blessés. Depuis combien de temps étaient-ils là maintenant ? Huit heures ? Ouais, ça devait bien faire huit heures. Huit toutes petites heures. Si rapide qu’il avait déjà oublié ce que Craig lui avait demandé. Il avait même posé la question deux fois. Mais c’était pas hier ça ? Ah non, vu que ça faisait moins de huit heures qu’ils étaient là.

« Morphine. Anti-coagulants. Ouais. C’est là. » répondit-il, indiquant la table où un tas de flacons s’entassaient dans le désordre, tâchés et avec des inscriptions en pattes de mouche.

« Tout c’qui me reste grmbl. » fit-il, avant de se remettre dans son fatras insoutenable.

Il écarta d’un geste ce qu’il était en train de faire, comme si ça n’avait jamais existé puis commença préparer de la morphine. Pour des yeux experts, la moitié du travail de Wallace était gâchée par ses propres erreurs. Il venait de balancer l’équivalent de deux jours de travail par simple négligence. Et pour quelqu’un apte à percevoir les différences de température qui s’échangeaient dans la pièce, celle de Wallace était bien trop haute. Bien trop haute, et ses plaies laissaient échapper un on-ne-savait-quoi de nauséabond, certainement lié à l’ambiance générale de la pièce.
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-Doc, vous avez de la fièvre.

C'est bien moi qui vient de dire ça. Ouais. En face, ça a beau être le chaos glauque dans le labo lugubre, le gros reptile qui se retourne dans son repaire en cherchant le contact des murs, je me surprends à m'inquiéter comme une nourrice. Sans déconner, je m'inquiète pour de vrai. Ses yeux, ignobles et globuleux, ils ont dévoré son regard ; il ruisselle plus qu'il ne sue, et j'crois reconnaître, expérience du front oblige, des signes de déshydratation avancée. Sûrement qu'avec toutes ses putains de drogues militaires, il doit plus recevoir les signaux d'alarme. Je jette un regard plus que mauvais à la boite d'œufs au chocolat. Saloperie de merde.

-Doc, vous pouvez pas faire ça.

Il m'entend qu'à moitié. Craig s'est figé, le matos dans le creux de ses palmes, avec un air de « viens-on-s'arrache » peint en gros sur le museau. Mais toujours vide de toute raison, livrée à une volonté d'improviser qui m'emporte presque malgré moi, je continue.

-Si vous avez contracté quelque chose sur Jaya, vous risquez de tout contaminer, y compris ce qu'on leur injecte.

Là, il a capté. Les mirettes jaunâtres qui me transpercent comme deux baïonnettes affutées, elles doivent réveiller un vieux truc chez moi parce que j'en attrape le frisson. Il montre les dents. L'espace d'un instant, il ressemble de très près au foutu reptile qui lui a valu son surnom ; surnom que j'avais jamais vraiment compris jusqu'à maintenant.

Wallace, depuis que je te connais, tu sais, t'es l'une des rares personnes à avoir tout de suite remporté mon adhésion et ma confiance. Même Jenkins, j'me suis méfié de lui comme de la peste, j'ai maudit intérieurement son nom quand il nous a fait son petit numéro d'autorité à Navarone. Putain, ça paraît si loin... toi, t'as une sale gueule d'orc, et faute de te donner le bon Dieu sans confession, on te le donnerait même pas au terme d'une vie monastique charitable et éclairée. D'après que ça reçoit jamais la grâce, ces bêtes là. Mais j'suis tellement bien placée pour savoir que c'est de la foutaise de bien-pensants que j'ai jamais cherché à voir autre chose que la bonté de tes actes et la douceur de ta présence.

Alors s'il te plait, fais en sorte que j'me sois pas plantée.

-Vous savez quoi ? Vous allez venir avec nous.

Yeux de plus en plus exorbités. De plus en plus menaçants. J'attends que tu me sautes dessus, le croco ; j'suis passée plus qu'apprentie en matière de bushido, et je resterai tranquille et sans peur autant que ça sera possible. Je te laisserai pas bouffer Wallace.

-Euh, on va où ? C'est qu'on est attendus, nous...
-On a qu'à l'amener avec nous.
-Euh...

Regard circonspect de Craig, qui balaye tout le labo ; le gâchis qui traîne par terre, sur la paillasse et les étagères, la saleté accrochée aux murs alors que ça fait que quelques jours... les sous-entendus sur le bien-fondé d'une telle intrusion dans l'infirmerie, en présence d'organismes particulièrement affaiblis. Si je réfléchissais cinq minutes, je saurais que à quel point ça tient pas la route. Mais ça fait déjà un moment que je me dis que toute cette bonne humeur un peu malsaine, ça doit me venir des trop hautes doses de drogues que j'ai ingérées moi aussi. J'suis tout bonnement incapable de penser ; de ruminer ; de rester longtemps sur une émotion, qu'elle soit négative ou positive. J'dois être l'une de celles qui prennent le mieux l'état d'Oswald, alors même que j'aimerais pouvoir réaliser, capter qu'il est à deux doigts de partir, de partir pour toujours. J'accuse les médoc' ; mais j'sais pas si c'est pas plutôt l'abrutissement de la guerre que je devrais montrer du doigt. Tous ces mois passés sur Jaya. J'y ai pas cru quand j'ai vu le calendrier de bord, l'annonce de la nouvelle année déjà passée.

-Vous aurez qu'à mettre un masque. Vous verrez qu'on fait du bon boulot. Puis après, on prendra cinq minutes pour aller respirer avec vous.
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J'oublie pas le matos...

Serena m'aide à réunir les survivants du drame du plateau. Outre les fioles qu'on sauvera pas, tout c'qui tranche assez fort et qui n'est pas pété en plus de trois morceaux peut être facilement recyclé, dans la boucherie d'à côté. C'est vraiment une bonne idée de partir explorer avec Wallace le labyrinthe d'entrailles déchiquetées qui s'étend à pertes de vue à quelques pas de sa tanière ? C'est évident qu'il n'y a pas que ses pilules magiques qui lui ont grillé la cervelle. C'qu'on a vécu, c'qu'on a vu, c'qu'on a pensé devenir, ça aurait fait disjoncter n'importe qui qui ne s'appelle pas Serena. Et j'trouve pas cette troisième mi-temps particulièrement apaisante...

Merde. Même éparpillé, Flist hante toujours ses victimes. Putain de peste. Et sa fièvre ? J'lui aurais bien proposé de vérifier ce qu'il nous couve avant de décoller. Les climats tropicaux abritent des saloperies plus voraces qu'une mauvaise grippe. On sait jamais. Mais d'un autre côté, j'aimerais pas me prendre une beigne.

Ça ira, merci ! On peut y aller...

L'ton enjoué me sied pas à la voix. Un peu enrouée, plutôt rouillée. Vrai qu'j'ai pris l'habitude de la fermer et d'encaisser sans broncher.

Le doc se plie à l'invitation sans un mot, ni même un geste. Il s'avance en traînant les pieds, nous laisse ouvrir le cortège. Le principal, pour moi, parce que toubib est le seul rôle qui m'colle à la peau sans que j'aie particulièrement envie de l'arracher, c'est qu'on puisse retourner bichonner nos collègues. Ils auraient besoin de nous autant que j'aurais actuellement b'soin de Morphée, c'est dire. Quand j'me sens poids mort, je choppe le cancer du pathos. Et jouer avec le croco toxico, ça me paraît autant productif que fouiner dans mon propre esprit. J'suis pas bon psy. J'ai des litres de compassion à revendre, mais dans ce genre de situation, elle serait clairement indigeste.

De retour à l'infirmerie transformée en espèce de chaîne de montage autour de laquelle s'affairent des toubibs transformés en robots, des yeux se braquent sur nous. Parmi lesquels une poignée qu'ont l'air franchement apeurés. Moi, mon museau hérissé de rasoirs ne s'ouvre jamais que pour bafouiller des politesses et des conseils, alors les collègues ont exorcisés depuis longtemps leur peur de ma gueule de con. Par contre, Wallace et ses coups de sang...

J'le sens nerveux et j'me doute que toi aussi, Serena. Toujours sûre que c'était une bonne idée ?

Wallace ! On a enfin réussi à vous faire sortir de votre caverne !

Wells et son tact qui viennent enfoncer des portes ouvertes, brise le silence qui s'faufilait entre nous en éructant sa joie de retrouver son collègue écailleux. Wallace s'est crispé en grinçant des crocs sous son masque, fusillant Wells de deux grandes pupilles dilatées et hagardes. C'est à cause de sa foutue habitude de débouler par derrière, tout sourire, tout léger, comme s'il se sentait simple spectateur d'une comédie cynique qu'il était le seul à percevoir derrière le tas d'horreurs insensées.

Criez gare la prochaine fois !
Je vous ai fais peur ? Vous avez encore mauvaise mine, Wallace... je veux dire, vous êtes vert pâle.

Dans le brouhaha métallique et larmoyant qui palpite dans la pièce blanche et rouge, on distingue quelques cris du coeur. Un "Je vis !" perçant qui se fraye sa route jusqu'à nos oreilles, par exemple.

Ah ! Ça, c'est Tommy. Sacré Tommy. On a du amputer son respect avec son bras ! Il pourrait penser à ceux qui ne vivront pas autour de lui, tout de même...

Après avoir subtilement alourdi un peu davantage une ambiance déjà macabre, il enchaîne comme si de rien n'était. Ce flegme face aux drames est flippant.

Bref. Si vous le promenez un peu, n'hésitez pas à en profiter pour faire un petit détour dans les entrepôts. On commence à voir la fin de nos réserves de bandages et de papiers...
Papier ? Pour faire quoi ?
Que serait une guerre sans paperasse ? Les décharges de responsabilités se multiplient à la vitesse des morts. Un travail titanesque et ennuyeux à en crever. Je m'en souviendrai !

Chacun ses traumatismes...

Qu'est-ce qui a transformé le gros nounours des rhinos en vieille bestiole malade et reclue dans son antre comme si elle voulait s'y laisser mourir ? Ses drogues qui dérayent, la fièvre qui lui tombe dessus, Jaya, putain. J'avais entendu que du bon à son sujet avant d'échouer ici, à ses côtés, à tenter en vain de le raccrocher à la réalité. J'y vois un majeur levé sacrément blessant du hasard, qui s'acharne sur les proies les plus vulnérables. Comme si elles l'avaient mérités.

J'ai beau secouer ma mémoire comme un prunier, j'me souviens pas avoir un jour traversé la même épreuve que lui. Un syndrome post-traumatique, un vrai de vrai. Ça porte un nom très pompeux dans les bouquins, mais dans la réalité, c'est cruellement facile à reconnaître. La rouquine elle-même pourrait témoigner que ma toute première excursion sous la poudre et les flammes m'ont crevassé... sans me briser. Et j'imagine mal une bestiole plus fragile que moi.

Je compte sur vous pour ne pas déléguer votre part de paperasse lorsque tout cela sera terminé, Kamina !
On va aller montrer à Wallace qu'on se démerde bien. A tout à l'heure.
Oh, ce ne serait pas une esquive ?

On peut dire ça, hinhin. J'ai pas envie que tu plombes notre tentative de redonner le goût de lutter à Wallace. Serena semble particulièrement y tenir, elle qui doit mieux connaître le doc Toxico que moi. Redonner le goût de lutter, et de vivre, au milieu d'un monde impitoyable envers sa propre misère, à un esprit malade et paumé, saboté par ses propres médocs. Bah, j'ai l'habitude des causes perdues.
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C’était le parcours du combattant. L’illustre déchéance, tableau de son échec. Cette infirmerie qui fit faire un pas en arrière à Wallace. Il se porta la main à la bouche, aux oreilles. Tout ça sonnait trop fort … beaucoup trop fort. Il ressentait presque leur douleur et il plissa les yeux. Tout tournait, tout était trop flou. Dans un désordre orchestré de cris, de sang. Des larmes. Et d’excréments. C’était cette odeur infâme qui souillait la mort. Des mains qui se tendaient vers le trio dans un fol espoir de salut. Ils étaient médecins, pas divins. La main du médecin s’attarda sur des draps, des corps déchiquetés. Tout empestait sa défaite ici. Tout. Il frémit, jugula la bête qui jouait des crocs dans sa cage thoracique. Le Titan qui déchiquetait sa chair pour ne laisser plus qu’une faim insatiable de vengeance. La muselière était fragile. Se délitait peu à peu. Mais qui de la raison ou de la folie l’emporterait ? Le Doc’ aurait besoin de son propre Divan. Ils passèrent l’antichambre de l’Enfer sans plus qu’un regard pour le Passeur. Ils enjambèrent le Styx et Wallace paya de sa poche le maigre denier pour le voyage.

« La mort … » lâcha le monstre, sans pouvoir articuler plus loin à cause de la boule qui lui nouait la gorge.

La mort était inéluctable. Elle ne s’infligeait qu’une fois. Où étaient passées ses résolutions ? Qu’était-il advenu de sa résolution à sauver le monde de ce fléau qu’était la mort ? Une vie c’était si … beau. Pur. Unique. Une vie était un fardeau, une vie était un cadeau. C’était un entrelacs d’infinis qui s’échelonnaient sur un possible. Unique. Lumineux. C’était ça qu’il voulait troquer contre les ténèbres, l’obscurité de la mort ? Il avait trop peur du chemin pour oser quiconque l’emprunter. Et d’un commun accord, Serena et Craig allumèrent la chandelle qui manquait à son dessein. Du charnier, on passa à la rédemption. Ce fut la main chaude de Serena qui lui frotta l’avant-bras. Pas chaude comme cette maudite fièvre qui s’accrochait à ses yeux, mais chaude comme les premiers rayons de Soleil du déluge. Une odeur de chaud. Et un brouhaha. Un rire ?

Les yeux du Docteur se promenèrent sur la salle où les soignés s’entassaient. Contraste fulgurant avec les opérations et la douleur. Contraste avec son antre. Il ouvrit la bouche, claqua des dents. Le monstre se raidit, son poil se serait hérissé s’il en avait eu. Une bête face à l’incompréhension. La surprise. C’était comme tomber de Charybde en Scylla. Puis de Scylla en … Puis de Scylla terminer son odyssée. Un marin les appela, remercia Craig. Remercia Serena. Il avait le torse bandé, mais la joie saisissait son cœur. Il avait survécu, il avait aidé la Justice. Etait-il fier d’avoir tué ? Aurait pu se demander le médecin. Mais dans l’écho de cette réponse, il y avait comme une certitude. Non. Il ne se poserait pas cette question. Il ne savait que trop ce que l’on éprouvait à en être réduit à un tel choix. Il serra le poing, fronça les sourcils. Son échine frémit, sa peau écailleuse se mit en branle.

« Si peu … » grommela-t-il, alors que la rage et la fièvre lui emportaient encore l’esprit.

« Si peu à avoir survécu … pour la folie d’un … d’un … » poursuivit-il, avant qu’une violente toux ne lui prenne le corps.

Il se plia en deux, essuya le masque qui se trouva tâché de rouge. Il secoua la tête, s’accrocha au paravent en le tordant légèrement. Il sentit les mains sécurisantes de ses frères le soutenir. Il lâcha un œil torve à Serena, ses doigts s’enfonçant dans la mélasse de Craig.

« Je … je veux le … voir. Flist. » lâcha le monstre, alors que tout le monde se retournait vers le triste spectacle du Docteur qui ne tenait même plus debout.

Il soufflait comme un bœuf. Luttant quelques brefs instants, le monstre se redressa. Il se tint debout. Droit. Armé de sa seule volonté. Les lumières tournaient mais il voyait encore distinctement le bout du couloir et il entendait presque un rire goguenard en émerger. Un rire armé d’un crochet qui jouait avec ses convictions comme un chat avec sa souris. Il sentait ce crochet fouiller son âme et essayer de lui arracher ce qu’il avait de culpabilité. Et il en avait. Plus que de raison.

« S’il te plaît, Serena … Craig … Je dois le … » implora-t-il, avant de se prendre d’une nouvelle quinte de toux.
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Voir Flist ? Non. Je la sens pas, celle-là. Pas dans ton état, Wallace, et pas avec lui en face. Je l'ai entendu se battre jusqu'au bout, j'ai vu ce qu'il avait fait d'Horace. Ce type est assez cynique pour castrer son second tout en faisant en sorte que le monde entier croit en sa tout-puissance ; pour être persuadé de sa victoire même mal soigné au fond d'une geôle, en attendant l'heure de son exécution. Pour les gars comme lui, y'a ni défaite, ni triomphe. Juste une lassitude perpétuelle, un ennui qui cherche à se tromper dans la gnôle, les armes, le pouvoir, les femmes. Il a une âme de rouge, de Punk, mais l'innocence en moins. J'imagine que c'est ça, un vrai supernova : un mec qu'a été obligé de piger que les pillages entre potes, les amitiés achetées à coups de diamants et les petits meurtres au sabre ou au tromblon, c'était fun sur le coup, mais que sur la durée, ça suffisait pas. Y'en a qui en sortent, et lui en a voulu toujours plus. Y'a rien d'autre pour ceux qui cherchent à faire graviter le monde autour d'eux.
Il a une façon de voir les choses qui va que dans ce sens ; il a pas peur de la mort, ni de la honte, pas plus que de la prison. Même en cage, il peut encore te blesser. Alors, non, c'est mort. T'as toujours ta tronche de kraken des abysses, mais t'as aussi toujours trop bon cœur. Jaya, c'était trop pour toi. C'est juste ça, le problème. Ta force, c'est pas sur un champ de ruine qu'elle s'exprime le mieux. T'es fait pour bâtir. Pas pour regarder le monde brûler.

-Non, Wallace.

Peut-être qu'il faut au moins un peu kiffer ça pour tenir le coup ; avoir un peu de violence, un peu de haine, un peu de rage, n'importe quoi que la guerre peut venir combler. Je m'empêche pas de croire que c'est grâce à tout ça que je tiens le coup mieux que personne, hormis Wells. Ma meilleure source de drogue dure, c'est moi. Et Jaya m'a pressée jusqu'à la moelle. J'suis sous overdose depuis des mois, et c'est pas près de retomber. Toi, c'est l'inverse. Jaya t'a tout pris. Tu avais cette faiblesse là, d'avoir encore beaucoup à perdre. Maintenant, c'est fini.

-En revenant. Vaut mieux qu'on aille prendre l'air avant.
-Ouais, voilà...

Je me doute que je pourrais pas t'en empêcher. Mais faut au moins que j'essaye de faire le maximum pour que tu penses à autre chose avant. Si pendant une seconde, j'arrive à te défaire de tes obsessions morbides, tes délires de culpabilité, je pense que t'auras gagné. Tu pourras repartir du fond pour tout recommencer. Réorganiser ton univers intérieur et retrouver une raison d'être, une cohérence et un ordre dans les choses du monde. On ne peut pas vivre au sens plein dans un monde livré au chaos, à moins de devenir soi-même chaos. Mais ça, ça ne s'appelle plus « vivre ». C'est du sursis permanent, du régime de guérilla ou de guerre froide. Le sentiment de ne jamais pouvoir se projeter plus loin que la minute qui suit. T'es pas fait pour ça, Wallace. T'es un putain d'humaniste. Pas un Punk.

-C'est pas contre toi.

Si je dis ça, c'est parce que je te donne pas le choix. T'as beau être une masse, dans ton état, je peux te contrôler. Et si je te donne le bras, c'est pour te le faire sentir. J'sais que tu comprends. J'hésiterais pas à te traîner dehors et à te gueuler dans les oreilles à quel point ça compte pour moi, pour nous tous que tu sois encore en vie. Y'a un temps pour pleurer les morts, et j'espère que la marine nous le donnera, ce temps. Mais ça doit pas t'empêcher de te tenir debout.



Tiens, d'ailleurs, regarde. Regarde ce ciel, qu'est tellement bleu qu'on dirait une formule d'espoir à lui tout seul. L'orage est passé. Y'a le soleil qui cogne dur. Laisse tomber tes médoc'. Prend ses rayons dans la gueule. Souffle dans le vent. Y'a encore de la vie dehors. Faut tout miser dessus.
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J'ai maintenant tout mon temps pour affirmer que nos collègues ne sont plus, mais que l'on doit rester heureux qu'ils aient été. C'est le cycle de la vie qui s'confond avec celui des âmes. Quand les idéaux et l'instinct d'survie s'confondent, on rentre en guerre. Et on en sort jamais vraiment. Comme des traces de pneus au fond d'un slip, les marques du combat imprègnent notre plus proche intimité.

Nos souffles se fondent dans le vent. Le silence est là, toujours, mais se fait moins intrusif que tout à l'heure, lorsqu'on s'enfonçait dans le repère de Wallace. Cette fois, le silence nous accompagne. Nous soulage des cris et des râles, de l'agonie languissante. J'me prive pas moi non plus de profiter du traitement du docteur, et j'arrache un instant mes deux compresses nasales, qui empêchaient mes sinus de péter sous la pression des infects fumets de l'infirmerie. Au creux des embruns, en fait, j'renifle bien quelques picotements rouges. Des restes d'hémoglobine distillés dans un air marin en pleine guérison des traumatismes que les délires des hommes lui ont carré dans l'écume. Mais par rapport à c'que l'océan lui-même m'inspire, je peux m'permettre de balayer ces détails d'un revers de la palme.

C'est tout mon corps qui frissonne et l'esprit emporté par ses tremblements. Une nostalgie d'un temps très proche et pourtant déjà hors d'atteinte. Les regrets qui m'enserrent. De retour, moi qui m'apprêtait à m'gaver aussi d'soleil, les regrets arrivent et ils me fanent, m'abrutissent. Au sommet de mon amas de pots cassés par Jaya, aucun doute, y a les morceaux de l'amour de mon berceau. J'me sens comme un môme qui, après avoir tour à tour paumé sa maison, son frangin, ses désirs et ses rêves, voit sa mère lui être arraché.

Plus jamais j'nagerai. Plus jamais la paix des abysses.

Parce que j'ai la sensibilité effritée, parce qu'à force de racler mes écailles de boue on dénicherait en dessous un coeur à vif qui n'palpite qu'au rythme des échos de souvenirs perdus, j'ai des larmes derrière les mirettes que je m'force à réprimer. Parce que je n'peux pas. J'sais plus pleurer. Cette pression qui s'accumule en moi depuis des années et menace d'me faire exploser à tout instant, je n'saurais même plus quelles vannes je dois ouvrir pour l'évacuer. J'exploserai, bientôt. Je n'sais pas qui je blesserai en même temps que moi...

Des années, j'ai prétendu savoir vers où je me dirigeais. Tark me guidait. Mais une boussole ne fait pas tout. Faut les jambes.

J'sais que je m'arrête, aujourd'hui, sous un soleil cuisant, à m'plaquer les palmes dans la tignasse, à faire semblant de m'essuyer l'front pour planquer les larmes, j'sais que je m'arrête, que j'fais une halte devant un tournant de ma vie. L'heure de m'assurer que tout c'que j'ai paumé, tout ce que j'ai sacrifié pour m'ériger une âme de guerrier... C'était pas en vain.

On part en vacances, après, il paraît. Ça fera du bien à tout le monde.

Même si, sans s'mentir, on est tous en lutte perpétuelle, et c'est pas des vacances qui réussiront à m'vider la tête. Si Serena n'est pas tombé dans le piège des drames, Wallace s'est laissé faire car il ne les connaissait pas. Il doit pas les laisser le briser, il faut qu'il s'en serve pour se renforcer. Bazarder ces foutus drogues et arrêter de chercher à oublier. J'crois qu'ils suivent tous la même voie que moi. Souffrance, injustice, peur, haine, c'sont des moteurs instables mais redoutablement efficaces. Pour s'étudier. S'observer. Comme on dompte un animal sauvage. Avant de sauver le monde, faut parvenir à se sauver soi-même.

Moi aussi, j'suis drogué. Complètement junkie. Drogué aux souvenirs, j'plane lorsque je fouine dans la benne de ma mémoire à la recherche de bonne dope, de jolis souvenirs. Ils me font mal, mes souvenirs, ils m'aident à me sentir vivant. Et me motivent à donner un sens à la douleur.
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[hrp : et sorry pour le retard ^^']

Le monstre grogna face au Soleil qui lui irrita les pupilles. Il vit blanc, puis rouge et enfin vert. Il leva une main pataude pour se protéger de la souffrance d’avoir passé des journées entières dans l’obscurité. Sa fièvre ne l’aidait pas. Il grogna et papillonna des cils. Le bleu s’imposa à lui. La chaleur le berça doucement et les embruns le prirent de court. Le vent s’engouffra sous ses oripeaux, soulevant ce qu’il restait de crasse sous le sang et l’amertume. Un mélange d’éther, de pus et de souffrance. Mais l’air salé de l’océan acheva de dissiper cette sale odeur de mort qui planait autour d’eux. Le monstre inspira à plein poumon, avant de toussoter de douleur. Le coup de la défunte Leila lui avait touché les poumons, il avait tendance à l’oublier quand il essayait de ne pas respirer. Il boita avec Serena, perdant de plus en plus de force au fur et à mesure que ses drogues perdaient leur effet. Les trois comparses arrivèrent au bastingage, où le monstre cramponna ses griffes. Essoufflé, il se perdit dans le vague, le baume du Soleil semblait chasser toutes ces noires préoccupations de son esprit.

« Des … vacances … » grommela-t-il.

Il ne connaissait pas réellement ce concept dans son application. Il ricana doucement, épris de la douce folie qu’émanait de l’annonce.

« Des … vacances ! » ricana-t-il.

Il serra les dents, son rire se transformant doucement en hoquets de douleur. Un abcès qui se crevait, qui s’échappait sous forme de liquide lacrymal. Il serra les dents, bascula sa tête sur le bastingage, essayant de cacher le triste spectacle qu’il offrait à ses collègues. Il se passa bien plusieurs dizaines de secondes avant qu’il ne parvînt à reprendre substance, à renfoncer en lui cette douleur qui lui tordait l’esprit. Elle avait débordé et s’était épanché à ses pieds ce qui la rendait plus facile à reprendre. Il serra de toutes ses forces le bois d’Adam, sans y faire plus qu’une trace à peine perceptible. Le vent souleva son imperméable, révélant sa carcasse rongée par la maladie et sa maigreur anormale. Le Docteur était vidé tant moralement que physiquement. Le monde semblait tourner autour de lui. Il frissonna, profitant de l’aplomb inébranlable que lui offrait Serena.

« Merci. Merci à vous deux. » articula-t-il péniblement, inspirant paisiblement cette fois.

Et joignant le geste à la parole, il glisse doucement sa main dans sa poche intérieure, saisissant sa boîte à pilules. La chose était cabossée, maculée de sang et de douleur. Lentement il la posa sur le bois et d’un geste las, il la fit basculer. La boîte s’ouvrit en deux en rebondissant contre une écoutille, libérant le reste des pilules avec lesquelles le Doc’ parvenait à feinter son corps. Puis elle tomba dans l’océan et se perdit à jamais dans les entrailles de celui-ci. Il leva son regard sur Craig.

« Je tiendrais sans ça … Je dois garder l’esprit clair et continuer à travailler. » poursuivit-il, dardant un œil épuisé sur les ténèbres du chemin qui les ramèneraient à l’infirmerie.

Ce fut l’instant précis où ses blessures lui rappelèrent leur existence, avec douleur. Il eut un spasme et dut se retenir à Serena pour rester debout. Les sutures lui rongeaient le torse et il ouvrit sa chemise en glapissant. Les bords de sa chair blessée étaient gorgés de pus et de croûtes de sang. Une légère couleur sombre commençait à les auréoler, mauvaise augure. Se tuer à la tâche n’avait jamais été aussi vrai … Il cacha aussi tôt ses travers.

« Il me faut … de la pénicilline. » fit le monstre, faisant un geste vers les entrailles du Léviathan.
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