Le voyage sur Grand Line se poursuit. Et comme si les mésaventures précédentes ne suffisaient pas à nous casser les bonbons, aujourd'hui la météo est particulièrement capricieuse. Une mer agitée, notamment. Par chance, le bâteau réussit à garder le cap, même s'il a pas mal morflé aussi avec le temps. Le vent, c'est pareil. Il peut souffler fort, je n'ai pas trop de poils à faire hérisser pour ma part, de toute façon.
Non, il y a autre chose ! La température chute de manière impressionnante, à tel point que si j'essaie de m'emmitoufler trop profond dans ma graisse, j'ai peur de rester connement bloqué dedans à tout jamais par la suite. D'ailleurs, comme premier vrai symptôme, j'ai droit d'assister à un étrange phénomène encore jamais vu depuis que je dégouline comme un porcin.
_ Ouate de phoque !
_ Qu'est-ce qui va pas, Gura ? Fait Eugène après avoir quitté son poste, au pas de course.
_ Snif, snif ! Reniflè-je comme seule réponse.
_ Tu pleures ? Tu veux qu'on en parle ?
Je grogne mais il continue de me réciter ses petites morales sur l'affection, le réconfort, et toutes ces petites bassesses de son cru, qui tournent autour de l'épaule... où poser sa tête afin d'y trouver de la compagnie et de l'écoute.
_ Atchoum ! Rétorqué-je alors.
Je pensais que ça foutrait un point final. Mais évidemment, j'ai maintenant droit aux questions sur la santé.
_ Non ! J'ai juste pris un coup de froid.
Après un soupir, le masseur se calme également. Plus peur que de mal, on va dire. Cependant, ma sueur, elle, s'est solidifiée partout sur mon corps. Et même au sol. Délire !
Je me débarrasse ensuite de cette fine couche qui me recouvre, et je me rends compte que cette puissante fraîcheur m'empêche dorénavant de suinter en masse et en boucle. Du moins, si je ne fais pas de gros efforts, hein. Mais est-ce que c'est si cool pour autant, quoi qu'il en soit ?
_ Tu veux que je te frotte pour te réchauffer ?
_ Je suppose qu'on n'a pas de gros manteau de fourrure ? Demandé-je à la place.
_ À ta taille, tu veux dire ? Non. Et pas question de salir les couvertures des chambres !
Je râle de plus belle, mais plus pour moi-même, cette fois-ci. Eugène en profite alors pour partir se changer en un éclair, car ses fringues courts et moulants n'ont pas tardé à ne plus lui servir efficacement. Quand il revient, méconnaissable, il n'a pas fait dans la dentelle. Sa nouvelle combinaison d'Eskimo se résume tout bonnement à plusieurs tenues de sa garde-robe, enfilées l'une à la suite de l'autre. Pfff ! Mais comme ça, il a bien chaud.
Et tandis qu'il s'amuse à me faire son numéro des yeux doux, parce qu'il croit toujours que je vais solliciter son aide chaleureuse, à force de me supplier, moi je ne mets pas longtemps à comprendre qu'une nouvelle terre est en vue.
Au début, on ne distinguait pas clairement au loin, à cause de ce climat hivernal qui s'est installé discrétos. Mais lorsqu'un ou deux navires stationnés ici et là ont failli nous servir d'airbags, il n'y avait plus trente-six solutions possibles. Soit ils campaient au beau milieu de nulle part, soit ils avaient justement amarré quelque part.
Un vacarme énorme retentit alors, dès qu'on percute quelque chose. À vrai dire, je ne sais pas si on frôle d'un peu trop près la carlingue d'une des larges embarcations ou si c'est ma Vague Morue chérie qui se mange de la glace dans la coque. Heureusement que tout ce raffût ne paraît pas inciter des potentiels curieux à mettre le nez dehors.
_ Eugèèène !!
_ Guraaaa !!
Putain ! Je n'arrive pas à croire que l'autre imbécile over-habillé ne peut plus bouger allègrement jusqu'aux commandes de notre appareil. Du coup, c'est Bibi qui s'y colle en surfant sur sa propre transpiration gelée sur le plancher.
À la rigueur, mon équipier n'aura qu'à se rendre utile, s'il parvient à jeter l'ancre ?
Je ne sais pas négocier à la perfection mon parcours du combattant glissant, mais je retrouve le gouvernail à temps tout de même, et évite donc le pire. Avant de tous finir en chair à saucisse, pour être exact. Résultat, sans park-assist, le bâteau se positionne presque docilement aux abords de cette nouvelle île frigorifique. Sans trop de dégâts, quoi. Enfin, comparé à une salve de boulets de canon, par exemple. Ahem !