"Et c'est pourquoi je vous pose aujourd'hui la question, mes amis, devons-nous accepter la domination de ces bandits ?!"
La place centrale de la ville fut inondée d'exclamations d'euphoriques, les rues envahies par les applaudissements fulgurants de la masse de spectateurs qui bloquait chaque espace libre. Ce qui était en général l'heure du commerce était devenue l'heure des orateurs, leurs paroles captivant un public titanesque qui buvait chacune de leurs promesses telle une drogue. Et au coeur de ce vortex de personnalités, discours et espoirs, un homme dominait la foule, radiante lumière dans les cieux.
Carcimonia était dans une période on ne peut plus particulière. Un air de félicité voguait à travers les cavernes, et les simples citadins avaient un sourire idiot sur leurs visages. Là où d'habitude les bandits, marchands d'armes, de drogues, d'esclaves et autres abominations n'hésitaient pas à montrer leurs répugnantes carcasses au monde des gens honnête, ils avaient mystérieusement disparu. Fini la voix grandiloquante de l'homme en costume qui présentait le bétail et faisait de son mieux pour donner du piment aux enchères, fini les fumées vaporeuses qui attiraient les pauvres en quête de leur dose quotidienne, le criminel se cache, le criminel a peur. Le lambda marche dans les rues avec assurance et pour une fois depuis de trop nombreuses années, les gens arrivent à espérer.
C'est que le crime est une machine organisée, vous comprenez ! Depuis des décennies, les clans majeurs avaient pris grand soin à garder un statu quo solide. Le maire de Carcimonia, un banal parmi les banals, avait été radicalement impuissant à ne serait-ce qu'effrayer les bas rangs de la hiérarchie du monde des ténèbres. Les citoyens étaient forcés à se soumettre au joug de l'ennemi sans nom et sans visage, et la priorité parmi les gens avec encore un minimum de dignité était de partir ailleurs. Aussi, quand l'homme providentiel avait enfin fait son apparition, la masse s'était jeté sur lui comme s'il était le Messie.
Timothy Yellow. Un homme sorti de nulle part mais qui avait escaladé les échelons à une vitesse anormale. Au premier coup d'oeil, on aurait pu rapidement le considérer comme un jeune homme inconscient et imprudent, surtout au vu de sa chevelure dorée parsemées de piques. Mais curieusement, il était loin d'être le petit rebelle de bas étage qui finissait mort dans une impasse : sa parole était calme et réfléchie, son sang-froid impossible à briser, son regard captivant, ses rêves hypnotiques. Au bout de quelques semaines, la simple vision de son manteau bleu foncé et de sa marche assurée suffisait à attirer l'attention. Depuis peu, il s'était attiré le soutien de l'opinion publique à une vitesse fulgurante, et était le favori pour devenir la nouvelle figure d'autorité. Les gens voyaient en lui la fin d'un monde de terreur.
En temps normal, ce ne serait pas un si grand problème. Les messies allaient et venaient, faisaient deux-trois discours, soit abandonnaient dû aux menaces, soit mouraient bêtement. Mais une difficulté s'imposait qui rendait les choses plus compliquées, c'est que Yellow n'avait aucun scrupule. Les premières vagues avaient été subtiles, presque insignifiantes, mais avaient escaladés. Les mafias mineures, les petits bandits, ceux qui luttaient pour exister chaque jour et passaient éventuellement par les groupes majeures, s'unissaient maintenant sous la seule bannière de ce rookie insolent. L'équilibre des puissances était en danger, et tout acte trop pressé pouvait rapidement mener à une destruction du statu quo tant désiré. Timothy le savait, et se protégeait derrière ce scénario catastrophe tout en gardant son image public auprès de la population qui l'idolatrait. Devoir gérer des émeutes et une rébellion était une situation qu'il fallait éviter à tout prix
"Je refuse que cette île soit condamnée à ça !" hurla-t-il, sa voix résonnant dans la caverne. "Je veux un meilleur destin pour Carcimonia, un futur où on peut élever les générations avenantes sans crainte qu'il tombe victime de la famine, de l'injustice et du crime ! Et ce destin, je l'amènerais, même si cela doit coûter ma vie !"
Tonnerre d'applaudissements et sifflements de la foule. L'intéressé se trouvait au milieu d'une estrade en bois qui dominait la scène, entouré de plusieurs hommes en tenues noires, ses gardes du corps. Il fit plusieurs saluts, remerciant son public qui ne pouvait calmer son excitation. Parmi eux, quelques taupes envoyés en éclaireur par les clans majeurs prenaient des notes, avant de prendre leurs congés.
Sur un toit d'une des maisons, un jeune homme observait avec attention la scène. Frêle, pas spécialement grand, inintéressant à voir. Quelques vêtements traînaient à côté de lui, préférant une chemise blanche à moitié ouverte pour profiter de la vue. Une queue de cheval blonde parcourait le long de sa colonne vertébrale, et son visage arborait une expression de curiosité alors qu'il lisait un livre. Quasiment personne n'aurait pu deviner en le regardant que cet homme était un tueur.
"Il est amusant, n'est-il pas ?" Le personnage se remémorait la voix nocive et aigue de son maître, qu'il avait quitté il y a seulement une heure. Vif dans sa mémoire résonnait le rire malade et grossier du vieil homme qui l'avait hébergé et entraîné depuis sa tendre enfance. "Et couillu, qui plus est ! Vouloir monopoliser la sphère criminelle de Carcimonia comme ça, j'ai pas vu les gens aussi excité depuis des années !"
A cette exclamation parsemée d'un rire hystérique, le jeune avait tout simplement grogné. Le vieillard chauve et rabougri ne lui parlait uniquement que dans l'ombre de sa chambre, ses yeux de braise et son sourire démoniaque visible à travers l'obscurité. Les deux habitaient la même maison dans les recoins obscurs de la cité depuis de trop nombreuses années, et la relation entre les deux êtres était des plus singuliers.
"J'imagine que l'ordre est de le tuer." avait-il répondu d'une voix calme en tournant la page du livre qu'il tenait dans les mains.
"Tout compris ! Je te laisse décider la méthode, gamin, à la condition qu'il n'y ait aucune goutte de sang versé."
"Mais pourquoi nous ?" avait-il pris la peine de demander. "Les bandes hésitent à intervenir car le tuer ferait dégénérer la situation, mais je ne vois pas pourquoi on éviterait le même résultat si je m'en occupais."
Il n'eut pas le temps de se remémorer la fin de la conversation qu'il aperçut la foule se disperser après un temps d'acclamations forcenées. Yellow fit un signe de la tête à ses gardes et se redirigeait vers sa demeure personelle, une villa dans le centre-ville sans cesse assaillie par les fangirl. *Bon.* pensa-t-il en fermant le livre et en ramassant la tenue à côté de lui. *Au travail.*
Plus tard, il marchait d'une allure paisible, un calepin dans sa main gauche, et un stylo apparant sur sa nouvelle veste grisâtre. Il pouvait entendre les rappels à l'ordre du personnel de Yellow, qui repoussaient les citadins désireux d'obtenir un autographe de leur sauveur. Affichant un petite sourire optimiste, il finit par lui-même s'approcher pour tenter sa chance.
Mais son oeil se fige sur une personne en particulier, qui lui-même s'avançait vers le petit portail qui protégeait la demeure. Et alors, l'homme que nous appelerons Rufus Belmont se remit la tête la dernière phrase énigmatique de son maître, qu'il avait accompagné d'un horripilant rire sardonique.
"Ne t'inquiète pas pour ça, j'ai déjà le coupable parfait."
La place centrale de la ville fut inondée d'exclamations d'euphoriques, les rues envahies par les applaudissements fulgurants de la masse de spectateurs qui bloquait chaque espace libre. Ce qui était en général l'heure du commerce était devenue l'heure des orateurs, leurs paroles captivant un public titanesque qui buvait chacune de leurs promesses telle une drogue. Et au coeur de ce vortex de personnalités, discours et espoirs, un homme dominait la foule, radiante lumière dans les cieux.
Carcimonia était dans une période on ne peut plus particulière. Un air de félicité voguait à travers les cavernes, et les simples citadins avaient un sourire idiot sur leurs visages. Là où d'habitude les bandits, marchands d'armes, de drogues, d'esclaves et autres abominations n'hésitaient pas à montrer leurs répugnantes carcasses au monde des gens honnête, ils avaient mystérieusement disparu. Fini la voix grandiloquante de l'homme en costume qui présentait le bétail et faisait de son mieux pour donner du piment aux enchères, fini les fumées vaporeuses qui attiraient les pauvres en quête de leur dose quotidienne, le criminel se cache, le criminel a peur. Le lambda marche dans les rues avec assurance et pour une fois depuis de trop nombreuses années, les gens arrivent à espérer.
C'est que le crime est une machine organisée, vous comprenez ! Depuis des décennies, les clans majeurs avaient pris grand soin à garder un statu quo solide. Le maire de Carcimonia, un banal parmi les banals, avait été radicalement impuissant à ne serait-ce qu'effrayer les bas rangs de la hiérarchie du monde des ténèbres. Les citoyens étaient forcés à se soumettre au joug de l'ennemi sans nom et sans visage, et la priorité parmi les gens avec encore un minimum de dignité était de partir ailleurs. Aussi, quand l'homme providentiel avait enfin fait son apparition, la masse s'était jeté sur lui comme s'il était le Messie.
Timothy Yellow. Un homme sorti de nulle part mais qui avait escaladé les échelons à une vitesse anormale. Au premier coup d'oeil, on aurait pu rapidement le considérer comme un jeune homme inconscient et imprudent, surtout au vu de sa chevelure dorée parsemées de piques. Mais curieusement, il était loin d'être le petit rebelle de bas étage qui finissait mort dans une impasse : sa parole était calme et réfléchie, son sang-froid impossible à briser, son regard captivant, ses rêves hypnotiques. Au bout de quelques semaines, la simple vision de son manteau bleu foncé et de sa marche assurée suffisait à attirer l'attention. Depuis peu, il s'était attiré le soutien de l'opinion publique à une vitesse fulgurante, et était le favori pour devenir la nouvelle figure d'autorité. Les gens voyaient en lui la fin d'un monde de terreur.
En temps normal, ce ne serait pas un si grand problème. Les messies allaient et venaient, faisaient deux-trois discours, soit abandonnaient dû aux menaces, soit mouraient bêtement. Mais une difficulté s'imposait qui rendait les choses plus compliquées, c'est que Yellow n'avait aucun scrupule. Les premières vagues avaient été subtiles, presque insignifiantes, mais avaient escaladés. Les mafias mineures, les petits bandits, ceux qui luttaient pour exister chaque jour et passaient éventuellement par les groupes majeures, s'unissaient maintenant sous la seule bannière de ce rookie insolent. L'équilibre des puissances était en danger, et tout acte trop pressé pouvait rapidement mener à une destruction du statu quo tant désiré. Timothy le savait, et se protégeait derrière ce scénario catastrophe tout en gardant son image public auprès de la population qui l'idolatrait. Devoir gérer des émeutes et une rébellion était une situation qu'il fallait éviter à tout prix
"Je refuse que cette île soit condamnée à ça !" hurla-t-il, sa voix résonnant dans la caverne. "Je veux un meilleur destin pour Carcimonia, un futur où on peut élever les générations avenantes sans crainte qu'il tombe victime de la famine, de l'injustice et du crime ! Et ce destin, je l'amènerais, même si cela doit coûter ma vie !"
Tonnerre d'applaudissements et sifflements de la foule. L'intéressé se trouvait au milieu d'une estrade en bois qui dominait la scène, entouré de plusieurs hommes en tenues noires, ses gardes du corps. Il fit plusieurs saluts, remerciant son public qui ne pouvait calmer son excitation. Parmi eux, quelques taupes envoyés en éclaireur par les clans majeurs prenaient des notes, avant de prendre leurs congés.
Sur un toit d'une des maisons, un jeune homme observait avec attention la scène. Frêle, pas spécialement grand, inintéressant à voir. Quelques vêtements traînaient à côté de lui, préférant une chemise blanche à moitié ouverte pour profiter de la vue. Une queue de cheval blonde parcourait le long de sa colonne vertébrale, et son visage arborait une expression de curiosité alors qu'il lisait un livre. Quasiment personne n'aurait pu deviner en le regardant que cet homme était un tueur.
"Il est amusant, n'est-il pas ?" Le personnage se remémorait la voix nocive et aigue de son maître, qu'il avait quitté il y a seulement une heure. Vif dans sa mémoire résonnait le rire malade et grossier du vieil homme qui l'avait hébergé et entraîné depuis sa tendre enfance. "Et couillu, qui plus est ! Vouloir monopoliser la sphère criminelle de Carcimonia comme ça, j'ai pas vu les gens aussi excité depuis des années !"
A cette exclamation parsemée d'un rire hystérique, le jeune avait tout simplement grogné. Le vieillard chauve et rabougri ne lui parlait uniquement que dans l'ombre de sa chambre, ses yeux de braise et son sourire démoniaque visible à travers l'obscurité. Les deux habitaient la même maison dans les recoins obscurs de la cité depuis de trop nombreuses années, et la relation entre les deux êtres était des plus singuliers.
"J'imagine que l'ordre est de le tuer." avait-il répondu d'une voix calme en tournant la page du livre qu'il tenait dans les mains.
"Tout compris ! Je te laisse décider la méthode, gamin, à la condition qu'il n'y ait aucune goutte de sang versé."
"Mais pourquoi nous ?" avait-il pris la peine de demander. "Les bandes hésitent à intervenir car le tuer ferait dégénérer la situation, mais je ne vois pas pourquoi on éviterait le même résultat si je m'en occupais."
Il n'eut pas le temps de se remémorer la fin de la conversation qu'il aperçut la foule se disperser après un temps d'acclamations forcenées. Yellow fit un signe de la tête à ses gardes et se redirigeait vers sa demeure personelle, une villa dans le centre-ville sans cesse assaillie par les fangirl. *Bon.* pensa-t-il en fermant le livre et en ramassant la tenue à côté de lui. *Au travail.*
Plus tard, il marchait d'une allure paisible, un calepin dans sa main gauche, et un stylo apparant sur sa nouvelle veste grisâtre. Il pouvait entendre les rappels à l'ordre du personnel de Yellow, qui repoussaient les citadins désireux d'obtenir un autographe de leur sauveur. Affichant un petite sourire optimiste, il finit par lui-même s'approcher pour tenter sa chance.
Mais son oeil se fige sur une personne en particulier, qui lui-même s'avançait vers le petit portail qui protégeait la demeure. Et alors, l'homme que nous appelerons Rufus Belmont se remit la tête la dernière phrase énigmatique de son maître, qu'il avait accompagné d'un horripilant rire sardonique.
"Ne t'inquiète pas pour ça, j'ai déjà le coupable parfait."