«- 321…322…323…»
L’entraînement physique pure et dure, de façon à faire ruisseler son corps de sueur, avait quelque chose d’apaisant. C’était dans ces moments-là que Seido arrêtait de penser, libérant son esprit et poussant les limites de son corps le plus loin possible, afin de repousser ses limites. L’occasion de le faire lui avait échappé ces derniers jours, trop de choses étaient arrivées, ça lui faisait un bien fou de pouvoir se défouler comme ça ! Ainsi, il avait décidé de s’entraîner à fond, pour son bien-être, mais aussi pour une autre raison.
Quelques temps auparavant, le capitaine des Desperados, en affrontant un autre pirate, avait éveillé un pouvoir endormi en lui : le haki. Même s’il s’était réveillé lors d’un moment critique en combat, Seido n’avait pas réussi à l’activé à nouveau. Pourtant, théoriquement parlant, de part sa nature de scientifique, il avait saisi la capacité : renforcement de son corps pour se protéger, ce qui pouvait aussi avoir une utilité offensive. Du moins, c’était ce que ses sources (ses nakamas) lui avaient expliqué et ça avait été confirmé par un ancien de la tribu d’Innocent Island. Cependant, voilà, il était clair qu’il y avait un abysse entre la théorie et la pratique, que le pirate ne savait pas combler.
Un plan finit par lui traverser l’esprit. Comme disait un célèbre scientifique : « Il faut tirer des leçons du passé, vivre pour le présent et avoir de l'espoir pour le futur ». Mais qu’est-ce que cela pouvait bien dire ? Seido comptait appréhender le problème de manière scientifique, usant des connaissances actuelles. Il ne savait pas pourquoi le pouvoir s’était manifesté, mais il savait comment ! Le pirate allait simplement créer à nouveau la situation, à l’aide d’un cobaye, qui se montra tout à fait disposé à tenter l’expérience. Qui ça ? Mais lui-même ! Ca n’était guère la première fois que ça arrivait, ayant eu recours à ce procédé pour tester ces mutagènes. Seulement voilà, la dernière fois, ça ne s’était pas très bien passé et, en usant son expérience, il eut la bonne idée de demander un peu d’aide.
Ladite personne arriva justement quand le pirate s’allongea sur le sol, exténué après cet entrainement physique très intense. De qui parlons-nous ? Indice : un membre des Desperados. Trop vague ? Un homme. Toujours pas ? Mécano ? Et oui, c’était bien Axel, qui ne savait pas encore pourquoi son capitaine l’avait convoqué dans la salle d’entraînement en lui demandant de venir seul. Suspect tout ça, mais ça n’était pas le genre de truc à vraiment inquiéter Axel.
«- Alors Capitaine, tu vas me dire ce qu’il se passe ? »
«- C’est assez simple en fait… Tu vois les choses posées sur la droite là ? Tu vas en choisir une, de ton choix, et me tabasser.»
Le silence s’installa. Les deux se regardèrent dans les yeux. Ceux du capitaine montrait à quel point il était sérieux et ceux de l’autre, à quel point il se demandait si son ami n’avait pas perdu les pédales en buvant trop de mutagènes.
«- Mais … Pourquoi ? »
Seido lui expliqua que ça servait à réveiller son haki, et lui apprendre comment s’en servir, faute d’avoir un prof dans les alentours et de ne pas avoir le loisir d’en voir un tomber du ciel. C’était un moyen brutal, sans certitude, mais le seul disponible. Il était le seul à pouvoir le faire parmi ses amis. Heureusement, la vaste salle d'entraînement était non seulement éloignée du reste, mais aussi avec des parois épaisses. On les entendrait difficilement.
«- Idéalement, je voudrais rester en vie. Si je suis très très amoché ou dans un état critique, fais-moi boire ce mutagène, ça va me booster et forcer une régénération rapide. D’autres questions ? Ah oui, le matos de soin est près de la chaise.»
[à bord du Marvel Genbu] Une demande très particulière
On entendit à ce moment un rire sarcastique de la part du charpentier. Il secoua sa tête penchée vers le bas tout en agitant sa main d'un signe réprobateur.
"Non. Hors de question. Demande à quelqu'un d'autre. J'en ai marre de vous tabasser l'un après l'autre."
Et le punk tourna les talons sans attendre. Ce n'était pas le premier "entraînement" où il était assigné. Axel, c'était un peu le Père Fouettard des Desperados quand on y réfléchissait. Avec des chaînes à la place du fouet, et des tronçonneuses, et un peu de psychopathie... Ouais, non, plutôt comme Freddy. Toujours était-il que ce rôle, en soi, ne déplaisait pas forcément systématiquement au jeune Giriko. Mais avec l'évolution des choses depuis Blues... Il avait ses raisons de maintenir la limite entre alliés et ennemis.
Le capitaine insista, rattrapant l'épaule de son nakama. La réaction du punk était presque viscérale. Il repoussa la main de sons supérieur, sans même réfléchir plus que ça. Et pourtant, Axel allait bien aujourd'hui. C'était juste que... En réalité, depuis Yôkai, Axel avait toujours ce tic-tac incessant dans la tête. Cette même soif de sang qui l'habitait, dans chacun des coups qu'il donnait. Il avait appris à tempérer légèrement cette tendance sanguinaire. ou du moins à s'en servir "à la Desperados". On renversait les méchants, ça faisait de nous des gentils. Pas plus compliqué comme technique : pas de prise de tête, le besoin de violence est étanché et la conscience tranquille. Alors pourquoi changer cette habitude ?
L'entraînement contre Stefan, par exemple, ne faisait pas exception. Déjà, la situation était assez critique : il valait mieux se faire tabasser une fois par un pote que de se faire trancher la gorge par un mec qui la veut accrochée à sa ceinture. Et ensuite, il fallait préciser une chose : un combat amical n'était pas si dangereux, à la réflexion. Mais si aujourd'hui, on commençait à frapper nos alliés, qu'est-ce qui les séparera des ennemis demain ? De tous temps, la limite avait toujours été fine entre deux camps opposés. Parce que justement, cette opposition était au fond tout ce qui les séparait. Dans une guerre, les deux camps tranchaient, tiraient, se battaient simplement pour ce en quoi ils croyaient. Quelle était la réelle différence sinon la couleur de leurs drapeaux ?
Axel repoussa une nouvelle fois la main de Seido, mais lui fit face cette fois-ci. Il haussa le ton très vite, le regard brûlant droit dans celui du capitaine.
"Dégage, Seido. Demande à Stef ou à Gin, mais pas à moi.
-Axel, j'ai vraiment besoin de cet entraînement. C'est pour le bien de tous.
-Ca pourrait être pour le bien de tous les orphelins du monde que j'en aurais toujours rien à carrer !"
Seido restait calme, mais le punk, lui, partait littérallement en vrille. Il agitait les bras dans tous les sens, à quelques centimètres du visage de Seido. Ce dilemme paraissait vital pour lui, tellement il en parlait avec gravité. Il s'expliqua tout de même, en plaçant un index sous le menton de son cap'tain.
"Tu te rappelles de ce qui s'est passé sur Yôkai ? Tu t'en rappelles de ça ?! Et même Giant avant lui ?! Je tiens pas à jouer avec ma santé mentale, Seido !"
Et Axel s'éloigna de quelques, fulminant. Seido était médecin, et pas aveugle. Il savait ce qu'il se passait depuis tout ce temps. Mais il fallait croire qu'il avait plus confiance en Axel que le punk en lui-même.
"Fous-moi la paix, hombre.
-Axel, c'est un ordre.
-Alors considère ça comme de la mutinerie si ça te chante !
-Ax...
-J'AI DIT NON !"
Et à ce moment, instinctivement, le cyborg dégaina sa clé à molette dans le dos et effectua l'équivalent d'un homerun sur le visage de Seido. La cible tombant par terre, le punk remit sa clé sur l'épaule et leva le menton dans la direction de son supérieur. Un pur geste de provocation.
"C'est quoi ton foutu problème, mec ?!"
La réaction d’Axel ne surprenait pas vraiment Seido. En fait, c’était justement pour ça que ça devait être lui et non pas quelqu’un d’autre. En effet, l’obscurité semblait s’emparer du cœur du jeune charpentier, ce qui n’avait pas échappé à Seido durant leur aventure. Le capitaine n’était pas pour la violence gratuite, les meurtres sanguinaires et autres, et les membres de son équipage ne devaient pas non plus en être des partisans assidus. Le cas présent était différent, vu que son compagnon ne le faisait pas plaisir, mais plus par manque de contrôle de soi, ce qui favorisait le côté obscur. Fondamentalement, ne pas frapper un ami montrait que son compagnon d’avantage était un type bien. Cependant, c’était son état calme, normal, et non pas oppressé par ce désir malfaisant qui grandissait en lui.
Peut-être Seido aurait-il dû lui parler de ça, mais il craignait que son côté têtu rende la chose plus complexe. Ainsi, pour l’aider à vaincre son démon intérieur, une autre forme devait être usée : la mise en pratique. L’aspect négatif de la chose était qu’il fallait libérer ce démon, ce qui pouvait mettre la cible dans une très mauvaise posture. Ainsi, une personne plus forte devait être usée, consciente des risques et pouvant le remettre en place. Bref, Seido pouvait le faire, et en plus, ça collait avec son désir de se prendre une raclée pour espérer libérer un pouvoir endormi en lui. Théoriquement, la chose était réalisable, mais la pratique était souvent fort différente. Et puis, Seido s’était fatigué avant, au risque d’être trop réactif inconsciemment.
*Pfiou, ça va être plus compliqué que prévu de le faire devenir mon second ...*
Au sol, Seido souriait face à l’évènement, la première étape venait d’être accomplie : mettre Axel hors de lui, ce qui n’était guère difficile. Notre homme avait été comme ça dans sa jeunesse, une tête brulée, qui avait été dompté par l’amour de sa famille et un entraînement martial, de quoi apaiser son cœur. Durant son voyage sur les Blues, Seido avait été l’élève d’un maître spirituel qui lui avait enseigné à maîtriser sa force intérieur, une expérience fort enrichissante. C’était à présent à son tour d’apaiser son ami, pour que ce démon disparaisse et retourne dans le néant. Axel était malin, la provocation verbale directe ou une attaque ne le ferait peut-être pas réagir. Mais bon, fallait bien tenter un truc.
Seido se releva donc, essuyant le filet de sang au coin de ses lèvres. Alors que l’autre ne regardait pas, le pirate avala l’un des mutagènes accrochés à sa ceinture afin de booster sa puissance musculaire. Fermant son poing, il l’envoya dans la face de son camarade, sans se retenir, l’envoyant un peu plus loin. Même si notre homme n’était pas un combattant à main nue, ça n’était guère difficile de donner un coup de poing. En attendant, le capitaine s’était dirigé vers la gauche, là où étaient entreposées les armes en bois, et saisit un katana.
Pour contrôler les autres, il fallait d'abord savoir se contrôler soi-même, discipline dont Axel avait quelques lacunes. Seido voulait lui faire combattre ses peurs, son angoisse, même s'il devait pour ça le saigner. Les hommes savaient se montrer brutaux pour des choses ne le nécessitant peut-être pas. Il n’était pas rare de voir deux hommes se battrent et ensuite devenir les meilleurs amis du monde. Que se passaient-ils quand les deux hommes étaient déjà amis ?
«- Si je te dois te taper pour te faire rentrer ça dans ta cervelle, je le ferai. Je ne suis pas l’un des gars que tu as tabassé jusqu’à maintenant. Je n'ai pas besoin de pitié, j'ai bien plus de combats à mon actif que toi mon vieux.»
Agile, Seido fit tournoyer le katana de bois autour de lui. Il semblait s'énerver un peu, tout en ayant une attitude calme. Pour le moment, Axel sembla l'écouter, ou peut-être rageait-il de s'être fait taper.
«- Nos adversaires seront plus fort de jours en jours, on doit devenir plus fort. Je veux un partenaire...toi, espèce d'abruti.
Je sais que tu tiens aux autres autant que moi, mais tu vas échouer si tu restes le même. Il faut s'occuper de ta soif.»
«- Tu ...»
« - Bien sûr que je le sais, je suis ton ami ! J’ai confiance en toi, plus que tu n’en as en toi-même. On va donc se battre, on sera gagnant l'un comme l'autre.»