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Chemin de croix

Rappel du premier message :


Des râles et des respirations rauques, sifflantes, pénibles. Des tâches de sang sur des linceuls autrefois immaculés, des seaux remplis de fluide salis et odorants, des regards vides et des visages couverts de sueur dans le demi-jour des lanternes accrochées ça-et-là au plafond. Plafond ? Le mot est peut-être un peu fort pour décrire cette bâche qui recouvre les estropiés et les agonisants, une simple tente à l'atmosphère étouffante et gangrénée qu'on a improvisé en infirmerie. Mouroir plutôt que véritable salle de soins, pense Morneplume alors qu'il marche, d'un pas feutré, entre les brancards placés en deux rangées, de chaque côté de la longue tente. Ils sont ces hommes que Jäak nomme les Sacrifiés. Ils sont ces hommes que lui appelle des dommages collatéraux. Ils sont ces hommes que d'autres nommeront "les pauvres", "de braves gamins" ou simplement "des malchanceux". Tous étendus dans leur propres déjections, dans les restes de leur humanité qui, quelques heures plutôt, s'échappaient à grands bouillons de leur enveloppe charnelle. Lui, il ne lui reste que la moitié de son visage, œil, oreille, joue et cheveux déchirés et arrachés par le souffle d'une déflagration. Ce quadragénaire, là, ne respire que péniblement, ses deux jambes sciées par une salve de tirs. Ils périront tous, selon Edwin, infectés par le Mal inhérent du Grey Terminal. Ils seront ces hommes dont on se souviendra, parce qu'ils auront eu la chance, eux, d'être extirpés des souterrains par leurs confrères. Les autres, ceux qui ont été piétinés et vaincus dans les profondeurs du dépotoir… Ceux là, on ne gardera rien d'eux, si ce n'est cette plaque avec un nom et une année de naissance. Ils ne sont rien de plus qu'une goutte d'huile ajoutée au moteur de la Justice. Un infime rouage à l'utilité bénigne.

Il s'arrête, Morneplume. Il s'arrête au niveau d'un brancard, dans une économie de mouvement à faire peur. Comme une feuille de papier que soudainement le vent cessait de souffler, il arrête sa procession. Un corbillard qui freinerait en bord de route pour repêcher un malheureux. Et le malheureux en question, il est recroquevillé sur son lit de camp, les yeux ronds comme des billes, fixant le vide d'un air terrorisé, mais absent. Il n'est pas dans une infirmerie de fortune, aux abords du Grey Terminal. Non. Lui, il est toujours loin dans ces boyaux grouillants de révolutionnaire. Il est toujours sous le feu ennemi, au milieu des cadavres et des explosions. Et lorsqu'il fixe ses mains moites qu'il tient bêtement devant ses yeux, à la manière d'un miraculé, il ne voit que le sang qui les imprégnait, des heures plus tôt. Son souffle est chevrotant, ses yeux son creux, son teint livide. Il n'était pas prêt à servir la Justice, il n'était qu'un pleutre de plus qui aurait dû mourir dans les profondeurs. La main d'Edwin se tend vers lui, s'approche de son visage. Serre de rapace fondant lentement vers une proie.

Morneplume. Ne l'touchez pas.

À l'entrée de la tente, dans la pénombre, Kosma se tient bien droit, un mouchoir devant sa bouche et son nez. Morneplume ne bouge plus, un temps, à la manière d'un fauve croyant ne pas avoir été détecté, puis sa main se retire, sans un bruit. Edwin claque de la langue avec dépit, puis se dirige vers la sortie d'un pas rapide. Qu'est-ce qu'il le dérange, ce Sergent raté croyant accomplir son juste devoir. Comme il aurait aimé le voir parmi tous ces hommes jetés dans les fausses, en fin d'après-midi. Pourtant, s'il est toujours là, c'est peut-être parce que la Justice lui réserve toujours un rôle dans sa grande mission. Tout comme elle le fait pour Jäak. Deux fardeaux pour lui, qu'il espère voir être utiles un jour.

Hm, dans un tel état, il finira par se tuer seul, si personne ne lui montre comment quitter ce monde justement. murmure froidement Morneplume, lorsqu'il s'arrête à la hauteur de Kosma, avant de quitter cette maison des horreurs où s'entremêlent putréfaction et souffrance.

Il se nettoie les poumons en inspirant l'air frais du soir, s'avançant au milieu des tentes des armées. À la limite du camp de la Marine, monté à la limite des murs du Grey T, il peut apercevoir le bidonville toujours brûler lentement. Parfois, lorsqu'un vent un peu trop fort souffle dans la direction des tentes, tous peuvent humer l'odeur des cadavres et des déchets passés par les flammes. Morneplume tire son paquet de cigarettes de sa poche, en fiche une entre ses lèvres avant d'en tendre une à sa droite, où l'Agent Alric Rinwald s'extirpe de l'ombre.

Je vous allume  ?
'mouais faites donc.

Une allumette craque, puis les deux hommes fument, en silence, le regard perdu dans les braises du Grey Terminal.

Je constate que vous avez réquisitionné des habits de marine.
Mon costard était troué de balles...
Je vois.

Un ange passe. Longtemps. Il fait froid, mais ça, ils le savent.

Belle soirée.
Pas vraiment.
Vous avez on ne peut plus raison.

L'Umbra est dans les environs. Le Roi des Ordures introuvable. La situation semble définitivement plus complexe que celle imaginée par Keegan Fenyang. Si bien qu'une nouvelle approche s'impose pour dénicher le leader révolutionnaire. Les côtes surveillées, les villes patrouillées, impossible pour l'homme de quitter l'île sans être aperçu. L'enquête interne est de mise, mais des indices manquent à l'appel. S'il leur était possible, seulement une seule fois, d'interroger un homme de l'Umbra, la donne changerait complètement… Mais le suicide est le seul échappatoire pour ceux fuyant le courroux de la Justice.

En attendant, ils ne peuvent que fixer les flammes, la croix sur le dos, attendant que le soleil se lève pour suivre le chemin de la Justice.

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C’est qu’il s’défend vachement bien, Bidule, contre lequel j’me bats. Il est facile aussi bon que moi. Différemment, mais bon aussi. Là où j’dois être plus rapide et plus agile, il est plus stable, plus défensif. Ses couteaux sont plus lourds que les miens, aussi. Ca se voyait au départ, ça s’est senti dès les premiers échanges.

Et ça s’est vu quand il m’a pété un surin en le prenant en tenaille entre les siens. J’veux reculer direct pour me réarmer, par réflexe. Parfois, j’fais vraiment des conneries. Alors même que j’commençais à changer mon centre de gravité, j’ai su que c’était la merde.

Putain !

Bidule a continué à avancer droit sur moi, couteaux en avant. D’un geste du poignet, il m’en a envoyé un droit dans l’épaule, que j’ai dévié de la main, écopant d’une sale estafilade sur la moitié de la main. Si y’a du poison, ça craint du boudin. Mais j’veux pas trop utiliser le Rokushiki. Rapport à ma couverture, tout ça.
Après, entre ça et crever comme une merde dans la forêt, c’est vrai que le choix est vite fait…

Son deuxième coup de couteau m’a eu d’un rapide aller-retour sur l’avant-bras avant que j’l’arrête de ma lame, qui s’est aussi brisée sous le choc. Merde, j’pensais avoir acheté de la qualité, et voilà que ça pète dans tous les sens !
Et pour rien gâcher, j’ai déjà utilisé tous les surins planqués dans mes manches. Les autres sont pas aussi faciles à atteindre, dans le feu de l’action. J’cligne vite fait des yeux pour virer la sueur qui m’coule dans les mirettes tout en balançant ma poignée brisée pour faire diversion.

Ca le trompe pas, il est là pour m’achever. Chiasserie.

J’me laisse totalement tomber en arrière. Pendant ma chute, j’envoie un double coup de pied droit dans son torse, mais il se protège de ses avant-bras massifs. J’profite de l’impact pour m’éjecter à quelques mètres, sur mes appuis. Deux nouveaux couteaux apparaissent comme par magie dans mes pognes.
Une sueur froide dégouline dans mon dos, aussi, en plus du sang qui commence à me tacher. J’ai eu un bon gros coup d’effroi. Mais on est à nouveau immobile, on se fixe. Lui se rapproche petit à petit, en faisant gaffe à pas s’viander sur une racine ou un caillou précaire.

J’lui adresse un clin d’œil et j’m’enfuis en courant vers l’endroit d’où j’ai entendu le coup de feu quelques minutes plus tôt. Il est plus large, plus massif, plus musclé que moi, Bidule, mais il a l’habitude de la forêt. Résultat, j’ai beau être plus agile, plus rapide, il gère mieux son chemin, son parcours que moi. Quand j’contourne un obstacle, il le surmonte, trouve des voies, des parcours alternatifs.

Un coup d’mirette derrière moi et j’le vois bondir pour m’empaler. Dans le même temps, j’me mange une racine qui dépasse traitreusement du sol. En déséquilibre, là, comme ça, j’balance le Kami-E du Rokushiki. Au bout d’un moment, faut bien… J’espère que ça se verra pas trop.
Ma colonne vertébrale se tord selon un angle presque improbable tandis que j’reprends appui d’une main, envoyant un double coup de patte rotatif droit dans ses poignets. J’ai la satisfaction d’entendre un truc craquer. Et une vive douleur au mollet.

Bidule est éjecté quelques mètres plus loin et observe, tout en me surveillant du regard, un des os de son poignet qui dépasse. La blancheur est rapidement cachée par le sang qui coule. Moi, personnellement, j’en profite pour mater ma gambette qui pisse le sang. Pas de gros vaisseaux sanguins touchés, c’est superficiel, mais j'ai rudement mal, même quand j’essaie de peser dessus.

Et on va pour se re-fixer dans les yeux. Il sait que j’peux plus fuir, ce connard. A ce rythme, j’vais sortir le reste de mon arsenal, ça va le calmer direct, le Bidule. Tant pis pour les témoins potentiels et ma paranoïa ordinaire.

Putain, j’m’y résouds carrément quand un type dans une tenue rouge du plus mauvais effet fait irruption dans la clairière, poursuivi par un lieutenant d’élite à grandes paluches.
« Morneplume ?! Que j’lâche.
- Angus. »

Tout le monde se fige. La bonne nouvelle ? Nos deux adversaires ont pas l’air de se connaître, voire de s’aimer plus que ça. Y’a ptet un coup à jouer de ce côté-là…



Dernière édition par Alric Rinwald le Mer 1 Avr 2015 - 11:25, édité 1 fois
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Fini. Cette torture est terminée. Je dois être mort. Les coups de pieds et les cris au-dessus de ma tête ont cessé. Ils sont partis, ou moi. Mon esprit vagabonde, il ressent toujours cette immense douleur. J'ai le corps broyé, la peau déchirée, le cerveau presque éteint. Si c'est comme ça la mort alors je ne veux pas y être. Ou alors, je veux être privé de toutes ces souffrances corporelles. N'être plus qu'une âme dans un océan de chair. Mes oreilles bourdonnent toujours. Je n'entends plus rien.

L'attente est une fois de plus longue, longue et douloureuse. Ce sont des mains qui me sortent de ma torpeur. On est sans doute en train de me parler, mais je n'entends aucun son. Je sens juste ces mains qui m'agrippent du mieux qu'elles peuvent et me traînent loin de l'endroit où je suis. La progression est difficile, je sens mon corps râper contre le sol, un sol sec. Je ne ressens presque plus la douleur, mon corps est comme anesthésié. Je ne sais pas si on me veut du mal ou pas, je n'ai aucun moyen de le savoir, je n'entends rien, je ne vois rien, je ne ressens plus grand chose. Mon corps est une larve.

On arrête de m'tirer. On m'étend sur le dos. J'ai quelques difficultés à respirer, la langue pâteuse et le nez bouché. J'essaie de sourire, de faire comprendre à celui qui est en face de moi, celui ou celle en fait. De lui faire comprendre que j'suis quelqu'un de sympa. Ça doit pas ressembler à grand chose. J'imagine assez ma tronche cabossée en train de tenter d'esquisser une ombre de sourire. Un truc tordu qui ferait peur à n'importe qui. J'sens de l'eau qui coule sur mon front, qui provoque en moi une intense douleur mêlée d'un soulagement énorme.

« Merci »

J'essaie de l'articuler du mieux que je peux, mais j'entends même pas les mots prononcés, je sais pas si je l'ai dit assez fort. On m'déshabille. J'espère qu'elle est jolie. Cette idée me fait sourire une fois de plus. Mais le sang qui commence à sécher me fait souffrir le martyr. En retirant mes vêtements, on rouvre les plaies. Je ne peux empêcher un cri sourd. L'idée met du temps à atteindre mon cerveau. Mais progressivement elle commence à se mettre en place, aidée par les murmures du bonhomme qui s'occupe de moi. J'entends. Mal mais j'entends.

« J'entends.
-Vous entendez ?
-Je reconnais ta voix.
-On s'est parlé tout à l'heure.
-Ah, ouais, le gamin à qui j'ai déballé mon baratin sur l'omelette. Toi aussi t'es mort ?
-Vous êtes pas mort m'sieur.
-C'est tout comme. J'suis désolé, j'aurais dû réfléchir avant d'dire des conneries.
-Vous savez, ils m'ont rien fait.
-Ils auraient pu. Puis maintenant que tu m'as aidé, ils pourraient encore.
-J'suis pas venu chez les révolutionnaires pour torturer des gens, surtout que j'vous ai écouté, vous êtes pas bien méchant.
-C'est courageux gamin. »

J'le laisse tranquillement panser mes trop nombreuses plaies. J'grimace parfois de douleur quand il déplace un os brisé ou qu'il touche une blessure un peu profonde, mais j'essaie de lui sourire la plupart du temps. J'lui suis très reconnaissant. Avec un peu de chance j'vais survivre, j'aime pas l'idée de mourir. J'vais survivre et j'lui trouverai un endroit où il pourra être tranquille. Pas certain qu'il ait envie de continuer après avoir vu ça. Tuer des Marines dans le feu de l'action, pour une cause, oui certainement. Le faire de sang-froid pour des broutilles j'sens que c'est pas son genre.

Y s'passe du temps, beaucoup de temps, j'sais plus depuis combien de temps j'suis dans cette position, couché là, sur le sol, enrubanné dans des bandages de fortune. Le p'tit gars fait des allers et retours pour tenter de trouver de quoi soulager ma douleur. L'est bien bon le petiot. J'ai fait le bilan, j'ai quelques côtes cassées, le nez détruit et probablement une entorse au bras gauche, la chair à vif en de nombreux endroits.

« J'veux m'lever gamin. Aide moi à m'lever.
-Vous lever ? Mais...
-Pose pas de questions, j'peux marcher, j'ai encore assez de conviction pour le croire.
-Bon, et votre vue.
-Ahah, un bon point pour toi. Tu regardes à ma place jusqu'à ce que mes putains d'pupilles se r'mettent à fonctionner. Sauf si ça t'dérange de m'aider encore, j'comprendrais. J'veux juste que tu m'aides à m'rel'ver, ensuite j'm'en sortirai tout seul si tu veux pas.
-Non non, j'vais vous aider. Mais vaudrait mieux qu'on vous choppe pas, ils vous rateront pas cette fois.
-T'en fais pas pour moi va. »

J'lui lance un grand sourire, comme je n'en ai pas fait depuis longtemps il me semble. Trop longtemps. C'est une affaire de confiance entre mon rictus et moi, une sorte de pacte, rester toujours ensemble. Des conneries, j'aime sourire voilà tout. Le gamin vient à mon chevet, puis progressivement tente de me relever. J'suis presque comme un poids mort, mais ça va aller. J'contracte et j'fais abstraction de la douleur toujours présente. Et au bout d'un certain temps me voilà planté sur mes deux jambes, un sourire satisfait sur le visage.

« En avant gamin ! J'vais leur montrer de quel bois j'me chauffe. »
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BANG !

Une balle se fiche dans la jambe de Nathan Flamé, il hurle, puis tombe au sol, la main crispée sur son mollet. Il fait pitié à voir, traqué par un Morneplume intarissable depuis plusieurs longues minutes déjà. Satisfait, le Lieutenant éreinté baisse son canon fumant en s'approchant de sa proie, sous les yeux d'un Alric et d'un Bidule somme toute surpris. Baignant dans son propre sang, percé de balles à plusieurs endroits, Nathan Flamé n'inspire plus qu'un maigre filet d'air. Ses yeux embués fixent les environs avec panique, injectés de sang.

Il s'approche, Morneplume. Quelques enjambées, grandes, et il est sur le brigand. Littéralement, sur le brigand. Sa botte écrase la main du vagabond rouge coquelicot qui ne peut que gémir. Impuissant. Son autre botte écarte le chapeau à larges bords du combattant déchu, révélant les longs cheveux sales, autrefois immaculés, de sa proie. Sa semelle enfonce dans la boue le crâne de son ennemi. Il gémit de plus belle, ce rat incapable de fuir. Déjà de longues minutes qu'il le traque et tente de l'abattre, mais le vagabond est futé. Par feintes, écrans de fumée, explosions lumineuses et confettis, il a longtemps su garder une distance respectable avec Morneplume. Si l'Agent Rinwald ne s'était imposé, cette course aurait pu se prolonger pendant un trop long moment… Si bien que la proie de Morneplume lui aurait probablement glissé d'entre les doigts. Inacceptable. Comme quoi le désespoir peut parfois pousser certains hommes à survivre à l'impossible.

Toutefois, le cas échéant, l'impossible a gagné. Et il se nomme Edwin Morneplume.

BANG !

Le corps de Nathan Flamé est parcouru d'un dernier soubresaut. Silence. Un mince panache de fumet s'échappe de la bouche du six-coups d'Edwin. Puis le regard froid du Lieutenant se relève vers les deux autres adversaires.

Hm.

Une incompréhension semble habiter, quelques instants, la brute primitive affrontant Rinwald, si bien que l'Agent en profite pour asséner un coup de pied latéral à son adversaire. Atteint directement dans les côtes, l'homme trapu se décale sur le côté en grognant lorsque les poignards de Angus fondent sur lui. Croyant pouvoir à nouveau abattre un ennemi de la Justice, Edwin braque son revolver sur le trappeur. Toutefois, déjà, une odeur sèche et piquante lui agresse les narines. Ses yeux polaires tombent vers le cadavre de Nathan, où, dans son poing fermé, sommeillent quelques grenades prêtes à exploser ! Un fumet de poudre à canon s'échappe lentement des globes sifflants lorsque Morneplume, dans la hâte, les saisi d'une main pour les lancer violemment le plus loin possible. Il voulait se faire sauter avec lui !

Hm.

Et comme de fait, le plus loin possible se trouve à être ce flanc de falaise surplombant ce morceau de bois. Ce flanc de falaise qui, dans la formidable déflagration provoquée, s'effondre et s'écroule dans une fracas monumental. Une vague de poussière s'engouffre dans le sous-bois, enveloppant l'air pendant plusieurs secondes. Morneplume, toujours sur ses gardes, s'approche avec intérêt du point d'impact des grenades. Là où, parmi les innombrables gravats, il remarque un trou béant s'enfonçant dans les profondeurs du mont Corbo.

Les souterrains de la Révolution.
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Putain !

C'était pas des grenades, ces trucs ? Faut vraiment que j'm'y mette, on dirait, aux explosifs, pasque ça rigole pas des masses. J'pensais que ça ferait pschiit, qu'un arbre tomberait et que ça serait plié. Et v'là que la moitié de la falaise se casse la gueule, pour ouvrir un chemin vers des couloirs glauques et insalubres. Comme ceux du Grey Terminal, qui m'manquaient pas plus que ça. J'cligne des yeux et j'contrôle ma respiration le temps que le nuage de poussière se dissipe. J'bande mon mollet avec un bout de tissu de fortune, découpé à même mon uniforme qu'est déjà dans un état lamentable. Ca tiendra bien le temps d'la mission.

J'baisse les yeux vers le trappeur, qui saigne au rythme effréné des battements d'son coeur, allongé dans l'herbe. J'ai senti mon poignard glisser contre, entre ses côtes. Il en a plus pour longtemps. J'prélève quand même les deux siens, de surins. J'en ai paumé tellement, récemment, que ça me sera toujours utile. J'les soupèse. Plus lourds, mais ça devrait aller, si j'oublie pas. Belle facture, quand même.

« Allons-y, Angus.
- Et Jäak ?
- Le vacarme l'aura attiré, il nous retrouvera. Nous n'avons pas une seconde à perdre. »

L'a bien raison, le Morneplume. Pasque ça va pas attirer que Jäak, mais aussi des révolutionnaires en manque d'hémoglobine qui viendront enquêter puis voudront nous faire sortir le raisin. On s'engouffre dans le boyau. Au pif, est-il besoin de le préciser. Mais connaissant les caches dans les montagne, faut descendre. N'empêche que le mur était pas bien épais, à cet endroit-là, que j'note en passant. Pas étonnant que ça ait pété.

J'crache pas sur d'la chance, moi, jamais.

Moi, j'boite. Quelques secondes dans le couloir et on entend des bruits de pas. Précipités. Nombreux. Qui viennent d'en face. Edwin veut leur tomber dessus. Pas moi. Si on déclenche un scandale, c'est un coup à avoir tous les connards de la montagne qui nous arrivent à la gueule. Un coup à ce que Kosma passe direct par la case "second sourire ensanglanté sous le premier", s'il est encore vivant et en état. Un coup à ce que le Roi des Ordures se carapate et qu'on ait fait tout ça pour rien. J'suis claqué, j'suis mouillé, j'suis blessé. Donc on réussit. Putain.
On chuchote de manière énervée. Ca doit faire comme un bruissement qui résonne. Vu le vacarme que font les autres, ils l'entendront probablement pas. J'espère. Finalement, dans l'débat, j'prévaux. L'truc, c'est que c'est dur de savoir à quelle distance ils sont vraiment, à cause de la réverbération des sons. Comme dans le Grey T. J'vais devenir allergique aux tunnels, à c'rythme.

Y'a quelques minutes maintenant, on avait passé un autre couloir, perpendiculaire, vraiment étroit, pour le coup. J'essaie de cartographier notre position, de tête, pendant qu'on avance, moi. J'ai pas que Justice en tête. J'fonce pas bille en tête. Ha, la fatigue m'distrait. On s'serre, tout petits tout discrets. Une vingtaine de gars passent au pas de course devant nous, éclairés par des torches. Aveuglés qu'ils doivent être par leur propre lumière, aucune chance qu'ils aient pu nous voir dans le noir.

Dès qu'ils sont passés, on s'glisse dans l'obscurité qui revient, tout silencieusement. Nos mirettes ont beau s'être habituées, on y voit quasiment comme dans un four. Et on s'y repère encore moins bien. De la main gauche, je frôle délicatement les murs. Quand y'a un coude, ça se sent, mais si ça tourne légèrement, on s'en rendra jamais compte.

Nouveau fracas de pas. Cette fois derrière nous. Les révolutionnaires devraient se douter que des gens sont entrés. Faut qu'on accélère le mouvement. Qu'on s'grouille d'entrer, puis surtout de ressortir. Nous faut des torches, le chemin, et des couilles. J'mate Morneplume. Putain, il est reconnaissable, non ? Trop grand, trop méchant.

« Ceux-là, on les défonce.
- Excellente nouvelle. »
Il rajuste ses gants. J'attends la fin de l'échaffourée, au demeurant brève, pour raconter la suite. Faut dire, ils étaient que quatre, à peine armés, s'attendant pas à nous trouver là.

« Morneplume, changez de fringues. Mettez celles du gros, là. Et virez le chapeau.
- Hors de question.
- C'est pour la Justice.
- La Justice ne se cache pas, Rinwald.
- Angus, que j'm'appelle. La Justice se cache pour faire son travail et pas clamser comme une putain d'merde.
- La Justice doit inspirer la crainte de la Rétribution Divine à tous ces mécréants !
- Ils auront peur quand on aura gagné. Si on meurt comme des cons en étant paumés dans ce labyrinthe moisi infesté de révolutionnaires, elle pensera quoi, la Justice, hein ? Et votre femme ? » C'est traitre. J'ai fait mes recherches.
« Laissez Elsa en dehors de ça. »
Même dans le noir, ses pupilles claires jettent un froid encore plus glacial que d'habitude.
« Désolé. Mais mon point tient toujours, à moins que vous ayiez une meilleure idée. »
Pour un Marine d'élite éminemment bourrin comme lui, ça m'étonnerait.

C'est la fatigue, la pression, les blessures, le stress. Ca me fout à cran. J'aurais mieux fait de pas causer d'elle. S'il décide de malencontreusement me regarder mourir, quelque part, j'l'aurais pas volé.

Chiasserie !

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Y a du barouf dans les couloirs, des gens qui courent, qui crient, qui s'agitent. De la vie. Mais pas de cette vie bonne enfant qu'on voit dans les grandes villes quand les gens se lancent du poisson frais à la gueule en prétextant, avec la plus grande mauvaise foi du monde, que son commerce est préférable à celui du voisin. Non. La vie qui prend place ici et qui me bourdonne aux oreilles, c'est cette grande agitation qu'on entend juste avant que la mort n'arrive. Une sorte de peur panique. Le gamin me guide à travers ces longues trachées obscures.

Y a eu une explosion tout à l'heure. Semble qu'un pan de la montagne se soit effondré. Ptêt pour ça que l'agitation se fait. Ça a dû mener les Marines directement au bon endroit. Dès que le calme était revenu, j'avais demandé au gamin de m'emmener jusqu'au roi. Et le chemin me paraît long. Il doit faire des détours pour éviter le gros des troupes révos.

« Gamin, c'est encore loin ?
-Pas trop non. Après l'explosion, il a dû se replier par là. S'il est quelque part, à mon avis, ça doit être ici.
-Bien. Tu m'emmènes jusque là-bas et après tu te tailles en vitesse.
-Non, je...
-Tu m'as déjà bien aidé gamin, si le roi te met le grappin dessus, tu peux dire adieu à ta vie. »

Il continue de causer un peu. De tenter de m'convaincre qu'il doit rester avec moi. J'ai rien à répondre. Il fait ce qu'il veut. Pauvre gamin. Et on avance encore, dans l'noir. J'imagine qu'il fait noir. Pour moi il fait noir. Y a toujours des gens qui courent dans les couloirs. Même s'ils nous voient, ils s'arrêtent pas. Ils cherchent des Marines infiltrés dans les souterrains probablement. Pas un gosse qui essaie d'aider un blessé à marcher. Encore une fois, le non port de l'uniforme est une force.

« Ça doit être là m'sieur, plus qu'une centaine de mètres.
-Très bien. »

Bizarrement, j'ai pas envie de causer. Un truc qui m'arrive pas souvent. Ptêt le contrecoup des derniers événements. Y a des gens qui discutent là où m'emmène le gamin. J'entends plusieurs voix. Des timbres un peu nerveux, mais ne cédant pas à la panique. J'fais signe au gamin de s'arrêter là et j'tends l'oreille. Avant toute chose, se renseigner. À côté de moi, la respiration du gamin s'accélère. J'lui refais un signe, cette fois-ci pour qu'il parte. Il semble toujours pas vouloir accepter. Quelle tête de mule.

« ...les hommes que nous leur avions envoyés ont été défaits.
-Vous pensez qu'ils ont infiltrés nos galeries ?
-Avec l'effondrement d'une partie des souterrains suite à l'explosion d'on ne sait trop quoi, c'est plus que probable.
-Nombreux ?
-Je ne pense pas, on les aurait repérés.
-Monsieur ! Intervient une troisième voix. On a trouvé des corps dans la section ouest.
-Nous avons notre réponse, claire et nette. Et avec les rangs de Marines qui encerclent le Mont... Ces fumiers ont dû appeler des renforts. Peut on les localiser ?
-Ça prendrait du temps.
-Nous allons leur tendre un piège, faites en sorte qu'ils viennent par-ici.
-Comment donc ?
-Ayez un peu d'imagination bon dieu, vous êtes révolutionnaire, pas handicapé, je ne vais pas vous tenir la nouille pour pisser non plus ! »

C'est le moment, ils ne sont plus très nombreux dans la salle, c'est à mon tour d'entrer. Et cette fois-ci, pas question de jouer à l'otage qui se fait tabasser, je m'arme de mon meilleur sourire et j'avance d'un pas se voulant assuré, bien que tremblotant. Le gamin ne me soutient plus, mais je le sens là, pas très loin, prêt à me retenir en cas de chute. C'est dingue ce genre de gosse. Si j'avais eu mes yeux, ç'aurait été moi qui aurait veillé sur lui, ça ne devrait pas être l'inverse.

« Ce très cher Roi des Ordures !
-Sergent Kosma, toujours pas mort ? Et il réussit à s'acoquiner avec un gamin révolutionnaire, vous ne manquez pas de talent.
-On me le dit souvent. Vous même vous m'épatez, être resté si longtemps en liberté en étant aussi accessible.
-Si vous avez réussi à venir jusqu'à moi c'est que je l'ai décidé.
-Vous ? Vous pensiez que j'étais mort, j'ai été bien aidé, voilà tout. Mais, je parlais plutôt de mes collègues, ils ne sont plus très loin n'est-ce pas ?
-Ils ne devraient plus tarder à arriver, je leur prépare ma petite spécialité.
-Vous êtes un hôte très convenable. »

Une douleur aux côtes m'assaille et j'retiens un rictus. J'serre les dents. Il doit pas voir que j'souffre, même si je sais pertinemment qu'il le sait. Je veux gagner. Je vais gagner. Un petit jeu amusant. Dans quelques minutes, le Cp et Morneplume vont faire irruption dans la salle, croyant avoir trouvé l'endroit tous seuls. Et dès que nous serons tous les trois encerclés, il nous tueras tous les trois. Dans mon état, je ne pourrai pas faire grand chose, et j'imagine que mes deux collègues ne seront pas non plus dans leur meilleure forme. Quant au gamin, il ne sera pas d'une grande aide. Là ce serait plutôt le contraire.

« Vous attendez qu'ils arrivent pour m'achever ?
-Je vous tuerai probablement le dernier.
-Merci de l'information, je retiens.
-Tenez, on me fait signe qu'ils ne sont plus loin.
-Comment avez vous réussi, en ne sachant pas où ils étaient ?
-Arrêtez un peu de prendre la révolution pour des branques, nous avons nos méthodes. »

Le silence se fait pendant une bonne minute, j'ai beau écouter, je n'entends rien. Le gamin est toujours à côté, le Roi semble ne pas avoir bougé. S'il y a d'autres personnes dans la salle, je n'en ai pas connaissance. Et l'arrivée des Marines se fait attendre. Je n'entends rien jusqu'à ce qu'une voix brise le silence. Une voix bien connue. Ils sont forts, arriver sans aucun bruit.

« Vous êtes en état d'arrestation, je vous prierai de bien vouloir coopérer ou nous nous verrons obligés d'utiliser la manière forte.
-Je n'suis pas sur que tu sois en position de force Morneplume.
-Kosma ? Toujours pas mort ?
-C'est marrant, j'ai l'impression que beaucoup de monde en veut à ma vie. Eh bien non, toujours là, presque en pleine forme comme vous le vo...
BANG.
Que ?
-Je vous ai sauvé Kosma, vous m'en devez une. Cette sale vermine de révolutionnaire se tenait juste à vos côtés.
-Vous avez... Buté le gamin ? »
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« Bien sûr, Kosma. Une engeance révolutionnaire de la pire espèce. Si jeune et déjà si corrompu. »
J’me retiens de rappeler son passé à Morneplume. La dernière fois que j’l’ai ouverte, après qu’on se soit mis d’accord sur la suite du plan, j’ai dû encaisser, presque de bon gré, un coup de poing pas piqué des hannetons. J’l’avais pas volé, en prime. J’ai cru qu’il m’avait fracturé la mâchoire, mais c’est juste que ma pommette me brûle. Elle va être salement tuméfiée, si on sort de là.

Puis bon, on a deux-trois bricoles à terminer ici.

Kosma tient le cadavre de l’adolescent dans ses bras, un air atterré sur la gueule. Visiblement, ils avaient fait ami-ami. Bah, ça restait un sale révolutionnaire. Il avait qu’à pas écouter les prédicateurs du dimanche au marché, à pas s’engager dans l’armée révolutionnaire. A pas être vecteur de Chaos.

Le Roi des Ordures prend la parole :
« Vous voyez, Kosma. Vous vous êtes moqué de moi. Et là, le destin se moque de vous. Ce gamin que vous avez plus ou moins retourné avec vos paroles mielleuses a subi un jugement aussi expéditif que brutal de la part de vos propres collègues. Après ça, comment pouvez-vous oser dire que le Gouvernement Mondial est meilleur que la Révolution ?
- Ne… Ne généralisez pas la folie de certains. Que ce soit pour le GM ou pour la Révolution.
- Trêve de bavardages, vous deux, intervint Edwin. Il est temps pour vous de mourir, Roi des Ordures. Quant à vous, Kosma, je ne manquerai pas de signaler vos accointances avec des révolutionnaires de la pire espèce. Angus ?
- J’voudrais bien, Morneplume. Mais y’a comme qui dirait vingt types qui viennent d’entrer derrière nous, avec des fusils armés pointés droit sur nos gueules.
- Rassurez-vous, chers Marines. D’autres sont en route, le temps de vérifier que les tunnels sont purgés de tout uniforme d’un blanc aussi fallacieux qu’hypocrite et…
- J’ai dit ‘’Trêves de bavardages’’. »

J’laisse Morneplume se précipiter vers le patron en zigzag pour éviter les tirs. J’me préoccupe plus de lui, même si j’suis à peu près sûr qu’il a été touché. S’démerdera, c’est un grand bonhomme. Pour moi, c’plus le moment de m’retenir. Entre ma patte boiteuse et la fatigue, la lassitude de tous les combats qu’il a fallu livrer, faudrait en finir.
Un Soru mal équilibré me projette vers les tireurs. Une balle s’enfonce dans ma clavicule droite mais j’m’arrête pas, les autres sifflent bien trop prêt de moi sans que j’sois apte à m’défendre. J’manque de lâcher mon couteau sous l’impact, par contre, et ma prise est tout sauf ferme.

Ca n’empêche pas ma main gauche de trancher la jugulaire du gars le plus proche tandis qu’une roulade mal assurée m’amène au milieu du groupe. Leurs fusils leur seront bien moins utiles, ils devront faire gaffe à pas flinguer les potes.
Une bonne moitié s’égaille comme des moineaux à mon arrivée, l’autre me remet en joue. Putain. Un autre Soru me sort du groupe en laissant mon couteau droit entre les cotes d’un révolutionnaire qui s’étouffe dans son propre sang.

Les tirailleurs qui se sont éloignés tirent sans pitié sur Edwin, en essayant de le distraire de son combat contre le Roi des Ordures. Aucune idée de comment ça s’passe. J’cours en boitillant vers ceux qui dérangent Morneplume. C’plus ou moins mon boulot, de le laisser s’concentrer sur son duel à lui. Un couteau lancé s’plante dans un œil, annonce ma venue.
Des balles du groupe que j’viens d’abandonner foncent sur moi… et sur leurs camarades, forcément. J’en vois quelques-uns qui s’effondrent, touchés par leurs alliés. Ca leur fera les pieds, ha. Quelques coups de surin plus tard et j’m’éloigne à nouveau pour pas être pris dans la masse.

L’adrénaline est au max, les yeux grand ouverts pour capter le moindre mouvement dans mon champ de vision. Du coup, impossible de manquer quand Kosma, entendant le duel juste à côté de lui, se jette devant le Roi des Ordures pour bloquer le chemin à Morneplume et qu’il s’écrit :
« Ca suffit, votre Justice sommaire et cruelle ! Il aura un procès, comme toutes les ordures de son espèce, et j’espère bien que vous aussi, Lieutenant ! »
Ca se fige presque sur le champ de bataille.

Il se fait écarter comme une poupée de chiffon par Edwin. D’où j’suis, rien qu’à sa posture, à son aura, j’sens la fureur glaciale qui émane de lui. Une fureur silencieuse, meurtrière, mortifère, gelée. Mais le chef révolutionnaire a profité de la couverture gentiment offerte par ce poids mort de Kosma pour se glisser dans la garde de son adversaire et lui porter un enchainement de coups au thorax. J’sais pas s’il a des armes ou s’il se bat avec ses poings, et franchement j’ai pas le temps de m’en préoccuper. Si d’autres révolutionnaire doivent arriver, faut qu’on en finisse fissa ici pour s’barrer. J’fatigue, putain.

J’ramasse un fusil par terre. M’servira autant qu’à un autre. Ma visée est approximative, mais en tirant dans l’tas, j’peux difficilement louper mon coup. C’est c’que j’me dis mais avec mon bras droit blessé qui manque de force, c’est pas facile de résister au recul de l’arme, donc la balle va taper droit dans le plafond.
J’me jette à terre, sur le côté, pour éviter la riposte. Sont bien organisés, ces révolutionnaires-là, on les croque pas comme on croque les autres. Mieux entrainés, organisés. Doit y avoir un chef dans la troupe. J’plisse les yeux, essayant de m’souvenir si y’en a un qui faisait de grands gestes, qui gueulait. Pas moyen de m’rappeler.

J’filoche à quatre pattes, évitant les balles suivantes, m’renforçant au Tekkai quand nécessaire. Les impacts laissent de beaux hématomes, de grosses douleurs sur la peau. Mais ça perce pas. Faut que j’plonge au milieu de la nuée pour trouver l’patron, si y’en a un. Ca se trouve, ils sont juste super au taquet et habitués à bosser ensemble. Si on peut pas couper la tête…

Un Soru m’projette au milieu. J’espère que Kosma va changer d’idée et nous filer un coup d’main, quand même. Et qu’Edwin va se grouiller de gagner.


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Stupide, pathétique, ridicule, inutile, pesant, vain, faible, vicieux et encombrant. Kosma. Si ces nombreux adjectifs ne font pas office d’acrostiche à l’égard du pénible enfoiré qu’Edwin a violemment écarté un peu plus tôt, il n’en est pas moins que le Lieutenant, à bout de force et de nerfs, n’aurait pas hésité à viser le blond plutôt que le gamin révolutionnaire qui l’accompagnait. Il y a des limites, voire des frontières, à ne pas franchir, et le cas échéant, Kosma est un passeur professionnel. Lorsque le Roi des Ordures, livide et cerné, l’air banal d’un homme paniqué sur le visage, dégaine un long poignard droit et effilé, les profondes et insondables ténèbres des pupilles de Morneplume, cerclées d’une glaciale et meurtrière toundra, ont tôt fait de paralyser le révolutionnaire sur place. Les jointures d’Edwin lui écrasent le visage, ramenant le fin nez cartilagineux de l’homme à la même profondeur que ses globes oculaires. Il s’étale dans la spacieuse caverne où se déroule le combat, se relevant rapidement pour éviter que Morneplume, ayant déjà dégainé son six-coups, ne lui fasse sauter la tête sans plus de cérémonies.

Eh bien, Morneplume, ce sont de bien drôles de circonstances pour vous rencontrer.
Hm. Je vois que ma réputation me suit. Néanmoins, sachez que cela est loin d’être le cas pour les ennemis de la Justice qui croisent mon chemin, Billy Bo.

Un nouveau tir file non loin du Roi des Ordures, qui s’est décalé pour mieux foncer vers Edwin. Son poignard cherche son chemin vers les côtes de Morneplume, mais déjà les poings gantés du Lieutenant, armes autoproclamées de Thémis elle-même, viennent couper le révolutionnaire dans son élan. L’un percute le révolutionnaire directement au ventre, lui coupant le souffle, avant que l’autre ne lui retire quelques dents. Déséquilibré, l’arcade sourcilière pissant le sang, Billy Bo titube avant que la main grande ouverte de Morneplume ne le gifle puissamment. Il tourne une fois sur lui-même avant de s’affaler lourdement contre le sol.
Même lacéré, fracturé, blessé, ensanglanté, atteint de quelques balles, il reste toujours debout. Morneplume. Immuable titan porté par ses convictions, profondes vérités qui le nourrissent mieux qu’un quelconque remède miraculeux. Malgré la poussière, la boue, le sang et la poudre noire qui lui masquent le visage et remplissent ses rides, il reste droit comme un automate. Son cerveau ignore la douleur comme il pourrait ignorer une mauvaise odeur ou un bruit de fond. Il est là, debout au milieu du massacre, alors que les révolutionnaires tombent et que les murs sont secoués par de nouvelles explosions –probablement la Marine. Seul son regard et sa silencieuse, froide et insatiable colère le différencient d’un simple robot. Il est Justice. Il est le fer de lance d’une organisation qu’il conçoit gangrénée, rouillée. Il peut changer les choses. Et le changement, c’est cet homme battu qui souffre, là, juste sous la bouche de son canon…

Hgnn ! Qu…
J’ai pas dit mon dernier mot, Morneplume !

Edwin baisse les yeux vers le coutelas qui s’est profondément enfoncé dans sa botte, puis remonte des yeux le bras tenant l’arme pour en revenir vers sa victime. Le Roi des Ordures ! Il l’a lâchement entravé… Même défiguré et vaincu, les dévots du Mal savent toujours faire preuve des pires ignominies… Un second couteau fuse dans la main du leader révolutionnaire, surgissant de la manche de son veston couvert de sang. Un couteau qui déjà fulgure le regard d’Edwin pour irradier une nouvelle douleur cuisante au niveau de ses côtes. Paralysé, il baisse la tête pour entrevoir, ses yeux se brouillant dangereusement, l’arme du Roi des Ordures procéder à quelques allés-retours dans ses entrailles. Le lâche. Les sourcils de Morneplume se froncent, son visage se tord en un rictus horrible, monstrueux. Le Roi des Ordures croise son regard, un simple instant, et prend peur. Si désormais le torse du Lieutenant n’est plus qu’une paroi ruisselante de carmin, surmontée d’un costume révolutionnaire de mauvais goût, son visage est celui d’un être dévoré par une rage sans borne.

…M-Morneplume ?!

Lui ne perçoit, n’entend, ne goûte ni ne sent quoi que ce soit d’autre que l’horreur dans les yeux du Roi des Ordures. Il ne pense plus, n’écoute que la douleur dévorant son pied et refroidissant son torse. Il crache du sang, alors que sa Poigne agrippe le cou à l’allure soudain si frêle du Roi du Grey T.

M-M-Morne…Mornep-p-p…

Sa voix s’éteint et se fait sèche tandis que les doigts du Lieutenant écrasent, lentement, fébrilement et péniblement, sa trachée charnue et sa jugulaire gonflée. Ses yeux s’éjectent de leurs orbites, sa langue se tord, croît puis se tend, son visage s’empourpre puis bleuit. Sa bouche mord quelques fois dans le vide, cherchant une fatidique dernière gorgée d’air, puis ses pupilles se révulsent. Un long filet de bave coule le long de sa mâchoire. Morneplume lâche, le Roi tombe.

Partout dans la grotte, le silence se fait et les regards se rivent vers cette scène, tragique mais historique.

Dans les tunnels, on entend les hululements d’un hibou.
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C'est l'instant assez sympathique où on se relève tout endolori, en ayant juste le temps d'entendre quelqu'un nous arriver dessus en trombe. J'commence à évaluer suffisamment les distances rien qu'en écoutant ce qui se passe. Plutôt une bonne chose. C'est pas encore formidable, mais ça m'suffit pour balancer plutôt correctement une torgnole au gars qui s'apprêtait à me frapper. J'regrette presque d'avoir sauté sur Morneplume. Toujours cette envie de vouloir sauvegarder la vie des gens. Je savais que je ne pouvais rien faire pour empêcher le lieutenant de s'élancer sur le roi des ordures, mais j'ai quand même tenté. Chercher à empêcher deux pourritures de s'entretuer, c'est bien mon genre. Me manque encore la conscience de pas m'mêler d'tout ça.

J'sais pas exactement combien d'coups dans l'vide j'ai filé avant de réussir à cogner le gars, mais c'était beaucoup. J'pense qu'il reculait au fur et à mesure que j'avançais sur lui. Quelque chose de logique. J'dois ressembler à un primate un peu désordonné. J'cherche pas à faire mal. Juste à l'empêcher d'me tuer. Et ça marche plutôt bien. Au bout d'un petit moment, j'entends la voix d'Angus qui m'arrête.

« Sergent Kosma, vous foutez quoi exactement ?
-Vous... Vous l'avez tué c'est ça ?
-Faut pas m'en vouloir, je n'fais que mon travail.
-J'vous en veut pas, vous m'avez sans doute sauvé la mise. J'aurais eu du mal à le finir tout seul.
-Un problème ?
-J'ai les mirettes qui refusent de coopérer depuis que j'ai reçu ce coup à la tête.
-Arrêtez de vous plaindre Kosma, votre attitude étant déjà ce qu'elle est, faites profil bas. »

Morneplume, toujours aussi délicat et sympathique. J'lui souris bien largement. Peut-être un peu insolent celui-là. M'enfin... Jäak devrait arriver dans peu de temps, lui ou les Marines prévenus par Angus la nuit précédente. On pourra pas se faire la totalité des révos présents sur le mont Corbo, pas à trois, et encore moins dans cet état. Faudrait qu'on sorte de c'merdier assez vite, et ma cécité est un handicap.

« Problème de vue Kosma ? On ne peut pas s'encombrer de votre présence, mieux valent deux survivants que pas du tout. Ne vous inquiétez pas, vous recevrez des décorations à titre posthume, ainsi que la mention « Alexandre Kosma, sergent d'élite, mort au combat » gentiment griffonnée sur votre tombe...
-Baissez votre arme Lieutenant.
-Ne vous mêlez pas de ce qui ne vous regarde pas, Alric.
-Angus. Et si vous appuyez sur cette gâchette, je vous abat sur le champ.
-Je peux toujours vous tuer aussi.
-Ne vous surestimez pas.
-Très bien, je garde le sergent en vie. Au premier pépin ou ralentissement de sa part, je n'hésiterai pas. »

Morneplume est un homme dont la parole doit être surveillée. À la place de l'agent du Cipher Pol, je n'aurais pas menacé de le tuer. Plutôt d'en référer à une plus haute instance. Tuer cet homme n'aurait rien fait, le confronter à une autre justice que la sienne aurait pu être bénéfique. Tant pis, il ne me tuera pas, je ne lui en laisserai pas l'occasion. Et je ne dirai rien. On a beau dire, malgré tout un côté exécrable, le Lieutenant Edwin Morneplume est un excellent officier.

Dans la salle où le Roi des Ordures vient d'expirer, le silence s'installe. Edwin et Angus attendent probablement le bon moment pour partir. J'me laisse guider. J'fais en sorte de m'coller plus au Cp, j'ai un poil plus confiance en lui qu'en l'autre. On entend des coups de feu dans les couloirs et à l'extérieur. Les Marines doivent avoir investi l'ensemble. J'espère qu'ils auront le bon sens de pas buter tout le monde.

« PLUS UN GESTE ! LES MAINS SUR LA TETE.
-Pas de problèmes, messieurs. Ils sont morts, tous.
-Lieutenant !
-Messieurs, occupez vous de sécuriser les lieux, le Roi des Ordures est mort. Faites aussi venir les premiers soins pour le sergent, il en a grand besoin.
-Et le sergent Jäak Hadzi, vous avez des nouvelles ? Que j'lance au chef.
-On l'a croisé dans les tunnels, il vous cherchait je crois.
-Bien. »

Encadré par deux Marines, j'avance tranquillement, pas mécontent de m'éloigner du haut-de-forme. On va me réparer les côtes, et tout ce que je m'suis ouvert, cassé ou fêlé, ce sera déjà une bonne chose. Quant aux yeux, j'préfère pas trop en parler. Peut-être qu'on pourra me dire pourquoi exactement j'vois plus rien, peut-être qu'on me dira que ce n'est que temporaire, mais n'espérons pas trop ce genre de nouvelle miracle. J'commence déjà à m'habituer à ma cécité, puis elle m'empêche de voir les horreurs qui s'déroulent autour de moi. Sans doute mieux que le visage du gamin que Morneplume a buté ait jamais été gravé dans ma mémoire, j'aurais eu encore plus de peine j'crois. C'est dingue, j'ai beau trouver ça absolument inhumain, j'arrive encore à trouver des excuses au Lieutenant, faudrait vraiment que j'arrête de vouloir rendre tout le monde gentil.

« Dites, messieurs, nous sommes encore loin ?
-Non sergent, nous avons planté nos tentes de secours au pied de la montagne une fois que nos hommes nous ont garanti la sécurité sur les flancs. Plus qu'une vingtaine de mètres de dénivelé et vous pourrez vous reposer.
-Pas envie de m'reposer, j'irai sans doute faire un tour dans les rues de Goa.
-Pas sûr que vous puissiez.
-Oh, vous savez, les médecins et moi, on sait comment s'arranger. »

Arrivé dans la tente au milieu des autres blessés, on m'installe sur un lit. Faut que j'attende que l'docteur arrive avant de faire quoi que ce soit. J'vais être obéissant, j'ai un peu mal. Il se pourrait qu'on me file de la morphine ou un autre truc apaisant, du coup j'attends les antidouleurs avant d'aller me promener. M'éloigner du champ de bataille et des monstres morts ou encore vivants qui viennent de se foutre sur la gueule. Faut que j'pense à autre chose qu'à ce massacre dans les règles de l'art.

« Sergent Kosma ?
-Oui ?
-Vous permettez que j'enlève votre chemise pour examiner vos blessures ?
-Mais faites donc mademoiselle. »
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Dans les souterrains ne règne plus que l'amère fumet de la fin. La fin. Il n'y a d'autres moyens pour décrire cette impression sibylline qui nage dans les couloirs, les boyaux et les artères de la montagne. Les cadavres, ils les laisseront là. Tout ce qui est Gris sera gardé à-même la sépulture dans laquelle on les a cloîtré vivant. De l'huile et du goudron, voilà ce qui servira de cercueil à ces traîtres, qu'ils soient femmes, adolescents, vieillards, civils ou véritables criminels. Tous, ils pâtiront de la déchéance de Goa. Chacun d'entre eux est une pierre à cet édifice que la boule de démolition Keegan veut réduire en poussières. En poussières, parce que même les gravats lui semblent des traces trop significatives de la présence révolutionnaire. Les entrailles du mont Corbo brûleront, et les révoltés avec. La purification par le feu. Voilà un juste châtiment, car il est digne des dévots de la Justice.

Ainsi, il règne dans les souterrains cette odeur indescriptible. Ce bouquet humide, frais et puant qui rappelle à ceux qui sont toujours vivants qu'ils auraient pu, eux aussi, y passer. Elle se dégage de Billy Bo, roi des ordures déchu, mais aussi de ce gamin qu'il a abattu un peu plus tôt. Elle émane de cette horde mise à terre par Rinwald, de ces centaines de dissidents trouvés et abattus par les escadrons de Fenyang. Pour lui, qui se tient droit, silencieux, inamovible et invaincu, elle ne se rapporte qu'à un seul mot, cette fragrance dont il s'imbibe à chaque pénible inspiration. Purge. Il a accomplit son devoir, à nouveau, et avec brio.

Lieutenant je vais vous…
Ne me touchez pas.
Que- Quoi ? Mais je voulais juste vous appliquer les premiers soins…
Tout va bien. Je me dirigerai moi-même vers l'infirmerie.
Mais vous êtes en état critique Lieutenant Morneplume ! Vous avez subit des tirs de balle, des éraflures et des coupures profondes ! Ça pourrait s'infect-
Soldat.
Ou…Oui ?
Je me sens en pleine forme.

Le frêle médecin recule, effrayé, puis quitte d'un pas rapide. Il fait mine d'oublier la discussion et de s'intéresser à d'autres blessés. L'agent Rinwald surgit de l'ombre, derrière Morneplume. Cigarette. Regards vides qui s'ignorent. Aparté.

Vous la sentez vous aussi, Rinwald ? Cette odeur.
Des cadavres…
Non. Non. Bien plus.
Vous devriez vous bouger, z'allez mourir si vous restez debout comme ça, Morneplume.
Rien d'ingérable. Jäak est intervenu ?
Ils ont nettoyé tout ce qu'il y avait d'révo' dans les environs. Ils ont même arrêté des fuyards qui tentaient d'rejoindre la mer.
À la bonne heure.

Une main couverte de sang se lève, en tremblant. Effort ultime. Elle se pose sur l'épaule du CP qui tressaille. La Poigne se fait forte, oppressante. Il pourrait lui broyer l'épaule.

Sachez que je vous respecte, Agent Rinwald. Vous êtes efficace et malin. Toutefois, rappelez vous qu'il y a de fort logiques raisons à cette haine qui oppose le cipher pol à la Marine. Ne laissez pas votre truffe curieuse vous attirer les foudres des mauvaises personnes.

Sa main s'écarte, laissant une indélébile marque ensanglantée sur le costume de l'Agent. Un souvenir. Une prévention. Un rappel pour que Rinwald n'oublie jamais qu'on ne joue pas avec le passé ou l'avenir de Morneplume. Seule la Justice le guide.
Il se rendra à l'infirmerie, Morneplume. Il sera convalescent s'il le faut. Mais pas trop longtemps. Juste le temps de pouvoir à nouveau fonctionner. Juste le temps que la Justice lui donne une nouvelle proie.

Il laissera le mont Corbo à Keegan Fenyang. Il laissera la dépouille du roi des ordures brûler avec le reste des souterrains noyés sous le goudron. C'est le juste mérite des révolutionnaires et des ennemis de la Justice.

Voilà ce qui attend les dissidents au bout du chemin de croix.
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