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La danse de la pluie



C'était une journée normale de plus à Jalabert.
Il faisait froid. La ville académique fourmillait de vie. Plusieurs étudiants sortaient bruyamment de leur dernier cours et constataient avec exaspération ou joie que la neige s'était invitée. Loth posa son regard sur l'entrée de l'hôpital réservée aux urgentistes. Un carrosse attelé venait de s'arrêter dans un dérapage grinçant et plusieurs infirmiers se précipitèrent pour extirper de la voiture un homme d'un âge avancé qui semblait, au grand dégoût de Loth, brûlé au deuxième degré sur une partie du bras droit. Il eut juste le temps de remarquer que sa blouse portait l'écusson de l'académie de chimie.

Ces scientifiques et leurs expériences, murmura Loth en souriant. Il inspira profondément cet air pur qui retranscrivait fidèlement la paix des lieux. Et pourtant, deux semaines plus tôt, l'hystérie et l'effroi s'étaient emparés de cette petite communauté de chercheurs. Un tueur fou surnommé "Le Réplicateur" à cause de sa manie à imiter d'autres tueurs pour ses propres meurtres avait défrayé la chronique. Grâce à l'aide précieuse de Loth et d'autres limiers plus expérimentés, le tueur avait finalement été éliminé. De la main de Loth qui plus est. Mais le combat final ne s'était pas déroulé sans accroc, raison pour laquelle il se trouvait encore à l'hôpital universitaire de Jalabert.
Sa convalescence touchait à sa fin.

Il s'éloigna de la balustrade d'où il avait une vue jalousée sur la majeure partie du campus universitaire. Quelqu'un toqua aussitôt après à sa porte et entra sans attendre l'invitation.
C'était une jeune femme de la même tranche d'âge que Loth. Elle s'appelait Phrâne Thomson et était un Héraut de l'aurore, du nom de cette milice royale chargée de veiller et d'informer tout étranger sur les us et coutumes de Boréa. Mais comme Loth l'avait découvert au cours de l'enquête précédente, ils avaient aussi d'autres rôles moins connus comme la surveillance et l'espionnage de la population.

Phrâne Thomson avait une forme svelte, entraînée. Elle arborait le teint blafard des gens de nord et un nez aquilin. Presque pas de poitrine, elle avait des allures de garçon manqué qui ressortaient d'autant plus avec sa coupe militaire. Elle passa une main aux longs doigts dans ses cheveux bruns pour se débarrasser des flocons de neige. Elle enleva et accrocha son manteau en peau de castor et vint s'asseoir sur la seule chaise de la pièce, tout près du lit où Loth était déjà installé. Ses yeux gris acier le dévisagèrent avec une inutile expression de sévérité.

- Quoi ? ne put s'empêcher de demander Loth face à un regard aussi pénétrant.

- J'ai attendu, toute la journée d'hier, votre réponse !

- Calmez-vous. Je vous ai dit "dans deux semaines". Aujourd'hui en fait partie, il n'y a pas le feu, dit-il en baillant.

- C'est une affaire de la plus haute importance. Vous-savez-qui ne peut pas attendre. Vous êtes avec nous ou non ?

"Vous-savez-qui". C'était là une étrange manière de faire référence au roi Maximilian Nordin de Boréa, pensa Loth, amusé.
Était-il avec eux ? Loth avait pris sa décision le jour même, mais s'était quand même donné deux semaines de pause-réflexion, il aimait explorer toutes les facettes d'une mission avant de l'accepter. Il redressa ses lunettes et ferma les yeux.

C'était par un jour semblable à celui-ci, juste après la mort du Réplicateur que Phrâne Thomson s'était invitée dans cette même chambre d'hôpital qui empestait l'alcool et les médicaments. Elle lui avait alors révélé qu'elle était aux ordres directs du jeune roi et que ce dernier avait besoin de quelqu'un pour -en reprenant mot pour mot l'expression du héraut- " l'aider à enlever six épines des pieds".
Les six épines en question, expliqua-t-elle après, étaient des individus aux identités secrètes qui formaient un groupuscule nommé "Le Conseil des Six Lunes". D'après le roi et le héraut, c'étaient eux qui détenaient les réels pouvoirs sur l'île, contrôlant tout ce qui se passe par un habile jeu de manipulation, d'intoxication, de corruption et de pouvoir. Rares étaient donc les personnes de confiance du roi. Il avait besoin de quelqu'un d'extérieur à l'île pour enquêter sur eux, quelqu'un de fiable et d'intègre qui ne vendrait pas son allégeance au plus offrant. Pour une raison ou pour une autre, il avait jeté son dévolu sur Loth à cause de son rôle dans la mort du Réplicateur et dans l'enquête en général.
Les deux semaines qu'il avait demandées lui avaient permis de rassembler certaines informations, grâce à son fidèle informateur Dena', sur le groupuscule. Ils étaient vraiment très puissants, leur influence et leur réseau, tentaculaires. S'attaquer à eux reviendrait à s'attaquer à un monstre à plusieurs têtes. Le rêve en somme pour Loth qui aimait ce genre défi, pas pour l'argent, mais pour le plaisir incommensurable de se mesurer à des maîtres manipulateurs.
Il aimait la sensation de jouer sa vie sur un échiquier géant en sachant que chaque coup pourrait être le dernier.

- J'accepte la mission, répondit-il d'une voix neutre.


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La neige s'était enfin décidée à danser avec son charme habituel sur Boréa, son partenaire préféré en North Blue.

Zed et moi étions sur un navire de la Marine que nous avions du réquisitionner. Enfin, même si les Marins n'aurait pas eu le choix, ils semblaient plutôt d'accord. Pas pour une raison de copinage sur une envie soudaine, non non non, parce que la Mouette était fière de ce qu'elle avait fait quelques jours plus tôt. Il fallait le faire savoir au Gouvernement Mondial ! Le petit piaf avait été plus rapide et plus fort que le gros monstre tentaculaire !

Ouais, parfois, ça arrivait. Et c'était pas sans me déplaire.

Et à Zed également. D'ailleurs, depuis que le ciel pleurait lentement ses larmes floconneuses, il faisait la tête alors que la bleusaille à bord s'extasiait à chaque cristal précipité, ce qui faisait grincer leur supérieur devant tant d'oisiveté.

La neige, c'était ce qui me prévenait que nous allions bientôt voir Boréa. Dans les pays les plus chauds, c'étaient les mouettes qui trahissaient la proche présence des côtes, mais c'était moins gracieux pour le coup. Le climat au moins n'a pas l'audace de nous faire dessus quand il nous survole. Et il ne sent pas non plus la poiscaille.

Pour toutes ses raisons, j'aimais la neige. Être boréalin devait m'y aider certainement. Et je dirais même, assurément.

- Pourquoi tu fais la gueule, Björn ? T'es pas jouasse de retrouver ton pays ?

Mais ce n'était pas cela qui me tracassait. Si j'aimais mon pays et que j'étais prêt à le défendre bec et ongle, je n'aimais pas y enquêter quand je ne le désirais pas. Soyons clair, en tant qu'enfant natif de ce beau pays, c'était du suicide que de m'y envoyer en infiltration ! Déjà que c'était loin d'être mon fort ... Je veux dire, tout le monde connaissait tout le monde et nous n'avions que très peu de visiteurs.

- Déjà, j'aime pas savoir qu'il s'y trame des trucs louches.
- Ouais, je comprends. T'as peur pour tes parents ?
- Quoi ? Mais nan !

Mes parents ? Ca faisait un bail que je ne les avais plus revu. Mais entre un ancien juge et une ancienne Marine, je ne me fais pas de souci.

- Ah, t'es patriotique ...
- On peut dire ça comme ça. J'aimerais pas qu'on vienne briser le lieu qui a marqué mon enfance. Je me suis engagé très tôt, j'ai pas eu beaucoup de temps d'être innocent. Alors quand j'y viens, j'aime rattraper le temps perdu et trainer dans les rues, boire un bon café.
- Descendre une cafetière entière tu veux dire ?
- Ouais, ouais ... Mais et toi ? Pourquoi tu fais la gueule ?
- J'aime pas la neige. Ça déglingue complètement les propriétés et les statistiques.
- Les propriétés et les statistiques de quoi ?
- Mais de tout ! Et surtout de la rigidité cadavérique ! Quand il neige, je peux plus entendre les corps me parler !
- Ah, toi et ta conscience professionnelle ...
- Tu peux parler le zélote boulimique !

- Hmm hmm ! Est ce qu'il faut que j'apporte le thé et les petits gâteaux à ses demoiselles en costard ou bien elles vont arrêter de jacasser d'elles même ?
- Moins de gaz, Commandant Papelard, on est pas arrivés que je sache !

Il ne fallait jamais souffler dans les bronches de Zed. C'était un médecin légiste pas très commode. Sauf qu'en l’occurrence, ce Commandant de la régulière non plus. Il approcha sa tête de requin vers la notre, sa tempe battait la chamade.

- Surveillez votre langage mon garçon, vous n'êtes qu'en formation, vous êtes parfaitement remplaçable. Aussi, si vous êtes là, c'est grâce à nous.
- Sauf que le Gouvernement Mondial nous a mandé sur votre affaire. Alors, contentez vous de jouer les bons taxis et les bons toutous. Promis, on vous gardera un os. La mission, on s'en souvient, et c'est apparemment une trop grosse pièce pour vous.

Pendant que je le remettais à sa place, je retouchais son nœud de cravate, un peu trop négligé à mon goût pour être si proche de mes globes oculaires. Ce n'était pas tant une provocation qu'une manie. Et si j'aurais voulu être méchant, je ne l'aurais pas gratifié d'une tape amicale sur l'épaule.

Mais enfin, on s'en était débarrassé pour le moment.

La mission hein ? Oh oui ... Je n'aimais pas ça. Ethan m'a tout raconté : la Marine a récemment saisi des sacs de Dance Powder dans un cargo qui contenait du charbon des mines de Boréa. Le capitaine prit la fuite et donc les autorités se retrouvèrent à nouveau sans piste sérieuse. C'est pour cela que Zedrik Krastinov et moi même étions mandé à Lavallière pour remonter le réseau. Parce qu'étrangement, le hasard faisant presque toujours bien les choses, un réseau de trafic de Dance Power s'était établi en North Blue. A priori, quelques membres du réseau ont bien été capturés mais les preuves manquaient, ainsi que le nom des gros bonnets. Enfin, des noms, Ethan -Ethan Delgaz, notre coordinateur bordélique et frustré du terrain- nous en avait divulgué deux supposés : Aline "Marry-Curry" Edgell et un certain Lavoisier.

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- Cela dit, j'espère tout de même que vous ne me jetez pas dans le vide sans parachute ? reprit Loth après une courte pause. Vous avez une piste, un truc, quelque chose ou quelqu'un, histoire de débuter cette mission ?

- Nos pistes sont minces, mais nous tenons pour certain que quelques membres du Conseil trempent dans des activités illégales. En fait un de nos agents a été retrouvé mort sur les côtes, à quelques kilomètres d'ici il y a un mois de cela. Nous pensons qu'il a dû être témoin de quelque chose. Mais quoi, nous l'ignorons.

- Et ? renchérit Loth qui se demandait ce qu'il pouvait bien faire d'une info aussi vide.  

- Bah, si nous avions plus d'hommes, nous aurions mené une véritable enquête. Mais nous sommes très peu encore fidèles au roi alors, nous n'avons pas eu d'autre choix que de laisser tomber, en apparence du moins, en attendant une meilleure occasion. D'où votre mission.

- Vous voulez que j'observe la côte en attendant de voir s'il se passe quelque chose ?

- Il se passera quelque chose, assura-t-elle d'un ton ferme en lisant le doute absolu dans les yeux de Loth. Pourquoi pensez-vous que j'étais pressée ? Aujourd'hui, ça fait un mois jour pour jour que notre agent a été tué. Il est possible que ce dont il a été témoin ait une certaine périodicité. Mensualité avec un peu de chance. De par leur nature, ces activités ne peuvent avoir lieu continuellement. C'est le moment pour nous de savoir.  

Loth acquiesça du chef. Il voyait une certaine logique dans le raisonnement du héraut et décida de prendre ses dires pour comptant cette fois. Après avoir discuté de ses honoraires, elle prit congé en lui souhaitant bonne chance.
Il ne mit pas longtemps à rassembler ce qui lui restait d'affaire, à signer la décharge à l'entrée en évitant au maximum les infirmières qui faisaient leurs groupies (après tout, il avait tué le Réplicateur ! Tueur de tueur, elles l'appelaient...). Quelques minutes plus tard, il était dehors dans les rues soigneusement pavées de Jalabert.

Il se dirigea d'un pas lent vers le parc et l'atteignit un bout de temps après. Les gens avaient recommencé à y faire leur jogging après le double meurtre sanglant qu'il y eut, c'était bon signe, la vie devait reprendre son cours. Il s'arrêta soudain comme frappé d'un sortilège d'immobilisation. Vers lui se dirigeait un homme dont il avait un peu oublié l'existence. Il avançait de cette allure et de ce maintien fier, droit et arrogant qu'ont les hommes convaincus de leur invulnérabilité. Il se dégageait de l'homme une envie d'occuper tout l'espace environnant quitte à étouffer les autres.

- Bonjour Professeur Oort, dit Loth d'une voix monocorde.

- À partir d'aujourd'hui ce sera "Votre Excellente Magnificence Professeur Oort", répondit-il, suffisant.
Loth pensa que son ton n'aurait été point différent s'il lui avait annoncé qu'il venait d'être élu dieu suprême de l'univers.

- Ah ! Ainsi donc la mort d'Amaury Rodney vous a profité finalement, nota-t-il en détaillant l'air arrogant, le crane intégralement chauve et la barbe de cinq jours de son interlocuteur. Recteur de l'Université Internationale de Jalabert et Maire de la ville. Double fonction, double pouvoir. Mais je crains pour moi, vous restiez le "professeur fouineur Oort", ajouta Loth.

En refusant de l'appeler par ses nouveaux titres, il lui refusait la diction du thème de la conversation et Oort le prit comme tel.

- Je n'ai pas fouiné, je vous ai aidé dans votre enquête. Sans moi, vous n'auriez jamais pu faire certains liens.

- Je retiens surtout que sans vous, nous aurions avancé beaucoup plus vite. Enfin, c'est de bonne guerre, l'obstruction à la justice n'a pas été retenue contre vous. Donc nous n'avons plus rien a nous dire, cher professeur fouineur, fit-il railleur.

- Attention à ne pas pousser loin le bouchon, Loth Reich, menaça-t-il.

- Sinon quoi ? s'enquit Loth, amusé.

- J'espère que c'est pas ce petit statut de héros qui vous monte à la tête. Les gens oublient vite les héros, Loth. Vous feriez mieux de quitter cette ville et de ne plus y revenir. Et puis, n'oubliez surtout pas que les héros ont une courte durée de vie.

- Voilà, c'est mieux ainsi ! C'est ça votre vrai visage ! dit-il encore plus amusé en voyant l'expression meurtrière et la veine qui battait furieusement sur la tempe de Oort. Désolé de vous l'apprendre mais je resterai un moment dans le coin alors vous allez devoir composer avec moi, continua-t-il en le dépassant. Il s'arrêta juste à côté de lui, épaule contre épaule. Jouissez bien de votre nouveau statut, Oort, car ça ne va pas durer. Votre pouvoir lunaire ne vous protégera pas de moi.

Ils se sourirent. Ils redressèrent leurs lunettes puis continuèrent leur chemin sans mot.
Il avait eu deux semaines pour méditer sur le cas Oort et c'était la seule solution à laquelle il était arrivé. Et son sourire ne faisait que confirmer ce qu'il pensait. Ébénézer Oort était soit un membre du Conseil des Six Lunes ou soit un maillon important du réseau qui les entoure.

L'homme ne supportait pas d'être ignoré, il désirait être le centre d'attention. Son implication dans l'enquête, ses fausses-vraies pistes avaient aussi bien conduit à l'identification de la signature du Réplicateur qu'à la mort de l'ancien Recteur. Ce qui était du pain béni pour lui au final.
Loth ne savait pas encore comment il comptait s'y prendre mais il avait bien l'intention d'afficher Oort au grand jour. Pour l'instant, il se contenterait de suivre la piste de Phrâne Thomson et au cas où elle ne donnerait rien, seulement, il avisera de se concentrer sur Oort.
De toute façon, estima-t-il, l'homme le haïssait depuis qu'il l'avait fait enfermer comme un malotru pour obstruction à la justice de Gouvernement, en salissant au passage son honneur et son nom.
Si Loth, ne venait pas à lui, Oort, de son côté, n'y manquerait pas.

Il relégua le nouveau recteur dans un coin sombre de son cerveau et plissa des yeux en remarquant l'individu qu'il était venu rencontrer dans le parc. C'était Denavellion, communément appelé Dena'. Loth travaillait avec lui depuis trois ans, c'était un indic de premier ordre qui savait trouver n'importe quelle information, si tant que vous en payiez le prix.
Assis sur un banc en bois vieilli, il était attifé d'une soutane horriblement pourpre que Loth reconnut comme étant la tenue réglementaire des membres de l'académie de Runes Anciennes.

- Sérieux, fais un truc à propos de tes déguisements. C'est de plus en plus ridicule.

- M'plaisait bien c'lui'là. Alors, fini ? On cause de Bourgeoys ?

- Bourgeoys ? Bourgeoys ? répéta Loth qui ne voyait pas où il voulait en venir. Ah merde ! s'écria-t-il en se donnant une tape sur front. J'ai totalement oublié !

- Oublié ? C'pas possible, pas toi.

Forcément. Qui pourrait bien oublier qu'il avait prévu de braquer le sacrosaint musée national de Boréa pour y dérober un des trésors nationaux à plus de trente millions de Berry ? Et cela paraissait plus étrange encore quand on connaissait la passion de Loth pour les billets...

- Désolé, Dena', mais nous allons reporter ça. J'ai une autre mission qui pourrait me rapporter plus encore. Aussi bien en fun qu'en argent. Le musée, on verra ça plus tard.

- Et c'quoi ? demanda-t-il en doutant qu'une telle mission puisse exister.

- Danser au clair de Lune, répondit-il énigmatiquement.




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Le bateau allait accoster au port de Lavallière, qui se recouvrait lentement de son manteau blanc. La vue de Boréa me mettait du baume au coeur. Le baume du tigre, quand je sais que c'est pour le purger du mal qui la corrompt. Mais c'était surtout le bon moment pour rôder notre approche.

Alors je sortis Zed de sa méditation grincheuse en lui adressant la parole.

- La bateau a priori chargé de charbon est parti de Lavallière, donc il doit y avoir un des membres du réseau qui bosse au port. On sait qui c'est ?

Zed inspira longuement. Comme s'il se motivait pour oublier ce qui le gênait et pour se concentrer sur la mission.

- Nan. Le gouvernement s'est aussitôt approprié l'affaire. Le contrôle s'est fait au hasard, donc le hasard a bien fait les choses. Moi je dis qu'on a un agent double. Ou un mec qui se fait passer pour un Marin.
- Ou alors il a été corrompu.
- Je pense pas. C'était trop gros, trop facile.
- Et donc, tu penses à qui ?
- A la personne responsable du port.

Je scrutais l'horizon, la ville, comme si elle allait me donner la réponse. Ce n'était pas tant cela qu'une façon de réfléchir.

- Ca me parait trop gros. On ne le confie pas à n'importe qui. A quelqu'un de confiance si possible. Alors qu'un simple agent, ça se corrompt facilement.
- Hmm ... Ca se tient.

Je me tournai vers le Commandant Papelard afin de l'apostropher.

- Commandant, à notre arrivée, bouclez discrètement le port, bloquez toutes les issues et ne laissez aucun autre Marine en sortir. Ensuite, allez interroger le responsable du port. Je veux la liste de tous les agents qui étaient présents lors du contrôle. Enfin, je voudrais simplement le nom de l'agent qui a contrôlé le navire chargé de charbon et de Dance Powder si possible.

Il me salua poliment pour être dans les règles.

- Compris.


* * *


La fine équipe sous l'image de la Mouette se mit en action pour manœuvrer le navire afin d'accoster sans encombre. Le Commandant était déjà parti avec quelques hommes à peine le ponton accessible.

- Y'a des mines à Boréa ? Je veux dire, si on y extrait du charbon ...
- Ouais, deux. Celle de la Vallis mais elle est épuisée. Sauf que certains sont tellement apeurés par le manque de ressources premières qu'ils continuent de l'explorer pour trouver des filons. Et ce même manque a permis l'ouverture des mines de la Boyères. Sauf que cette ouverture est largement discutable.
- Pourquoi ?
- Elle s'est ouverte grâce au financement d'un étranger. C'est qu'un plan de secours, si on doit arriver en pénurie, on y arrivera un jour où l'autre. En plus, elle est situé à côté de la Chute boréale, un endroit sublime, vraiment. Et tous les boréalins qui se respectent veulent garder ce lieu intact. Pourquoi tu me demandes ça ?
- On est sur un bateau de la Marine. Alors j'imagine que le réseau est déjà au courant de notre arrivée. Donc, il fallait savoir d'où provenait le charbon pour agir plus vite.
- Je suis pas tellement sur. Grey contrôle l'île. C'est un Colonel, donc des Marines ... Et puis, ça ne les empêche pas de mener leurs petites affaires.

Nous fûmes interrompu par le Commandant du navire.

- Agent Skullson, Agent Krastinov, on sait qui est votre homme.

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Juché sur une crête rocheuse, Loth observait le paysage en contrebas. Deux heures s'étaient écoulées depuis qu'il s'était entretenu avec Dena'. Laissant l'indic à Jalabert, il avait poursuivi sa route à cheval vers l'est, droit vers la côte où les "activités suspectes" décrites par Phrâne Thomson avaient eu cours.
L'endroit était inhospitalier, il n'y avait pas âme qui vive sur ce côté de l'île. Quand le sol rocheux n'était pas surélevé d'une dizaine de mètres au-dessus du niveau de la mer, c'était une mince bande terre gelée qui séparait North Blue d'une forêt boréale luxuriante de type Taïga.

Il suivit la courbe que dessinait la côte pendant encore quelques minutes sans rien trouver de suspect. L'air froid était mordant et par moment, il crut voir une masse bouger dans l'eau recouverte d'une fine couche de glace.
« Surement une baleine boréale » se dit-il en reprenant son inspection du littoral.
Il tomba peu après sur une cabane, bâtie dans les hautes branches d'un immense érable. Elle était orientée vers la mer, sans doute dans un impératif de surveillance. Ravi d'avoir trouvé quelque chose, Loth entreprit de grimper à l'arbre. Ce fut aisé, il atteignit la cabane en quelques bonds. L'endroit était austère, construit pour abriter une seule personne. Des boites de conserve par terre semblaient indiquer que quelqu'un avait régulièrement séjourné là. Un télescope sur trépied était installé près de la fenêtre qui donnait sur North Blue. Tout avait l'air d'un judicieux poste d'observation pour guetter quelqu'un ou quelque chose et assurément, ce n'était pas une planque des hérauts de l'aurore sinon Phrâne lui en aurait parlé.
Il ne se fit pas prier pour prendre ses aises dans la cabane perchée. Il prit place sur la seule chaise (grinçante) des lieux et colla un œil contre le télescope en balayant régulièrement le littoral.

Combien de temps resta-t-il assis là à scruter l'horizon ? Il ne le savait pas, il en avait perdu le compte. Plusieurs minutes peut-être, plusieurs heures sans doute, plusieurs jours d'été ensoleillés à n'en pas douter...
Le viseur de la longue-vue avait eu le temps de marquer son œil d'un cerne noir quand il aperçut enfin quelque chose d'intéressant. Une silhouette brisa la ligne d'horizon qui délimitait North Blue. Elle avançait lentement et se fit plus nette au fil des miles engloutis.
Loth identifia le bateau comme étant un brise-glace de petite taille, de quoi embarquer une quinzaine de membres d'équipage. Il battait pavillon d'une flottille commerciale, mais Loth savait qu'il s'agissait probablement d'une ruse pour passer inaperçu. Il n'y avait aucun port à Jalabert et si ce navire était vraiment ce qu'il prétendait être, il aurait dû se diriger vers Lavallière.
Était-ce là, "les activités suspectes" qui avaient coûté la vie à un héraut de l'aurore ? En tout cas, quelqu'un était au courant de l'arrivée de ce bateau puisqu'il s'était donné la peine de construire la cabane. Quelqu'un traitait avec ses occupants parce qu'à l'instant où Loth se mit à réfléchir à ce qu'il convenait de faire, une série de flashs éphémères émana du navire. Loth eut l'impression qu'ils devaient être uniquement visibles du télescope. Les flashs étaient brefs parfois un peu plus longs, espacés d'une seconde, de deux, puis une seconde à nouveau...

- Du morse... susurra-t-il en prenant un calepin et une plume dans la poche intérieure de son manteau.

__ __ . . . Deux longs flashs suivis d'une série de trois plus brefs, c'est le chiffre "7", décrypta Loth.
. . . . . Cinq flashs rapides, le chiffre "5".
__ . __ La lettre "K".
__ __ . Deux longs flashs suivis d'un autre éphémère, la lettre "G".

- 75 KG ? se demanda Loth quand le bateau cessa d'envoyer son message crypté. 75 kg de quoi ? Et pourquoi du morse, les den den mushi sont en panne ?

« Ils ne voulaient surtout pas risquer de se faire prendre ou de faire intercepter leurs appels en prenant le risque d'utiliser des escargophones, malgré l'existence de la race blanche de den den mushi qui empêchait les écoutes » se dit-il.
La prudence excessive des occupants du bateau ne le rendit que plus excité et avide de savoir. Ils voulaient 75 kg de quelque chose qui valait la peine de prendre autant de précaution. De la drogue ? Ouais, ça expliquerait largement la mort du héraut, plus d'un se fasaient buter chaque jour pour ces conneries.
« Il y avait aussi un autre problème » pensa Loth. Ce message était destiné à une personne qui devait normalement faire le guet dans la cabane où il se trouvait actuellement. Où était-elle ? Pourquoi avait-elle raté ce rendez-vous si discret ? Risquait-elle de débarquer et de surprendre Loth dans l'arbre ? Était-ce comme cela qu'était mort le héraut ?

Loth resta des minutes, immobile, aux aguets à écouter chaque bruissement de la forêt à la recherche d'un bruit ou d'une présence inhabituelle, mais rien ne vint. Certain, il ne savait trop comment, que l'habituel guetteur avait raté son rendez-vous, il se posa la question sur la marche à suivre. Il n'y avait aucun projecteur ou torche, aucun miroir, rien qui pourrait supposer que celui qui se trouvait habituellement là répondait lui aussi en morse au navire. Que devait-il faire ? En l'état actuel des choses, il aurait tout aussi bien fait de ne rien savoir, parce que ça ne l'emmenait nulle part.
À défaut de réponse, il reporta son attention sur le brise-glace qui continuait à avancer à sa grande surprise. Il était maintenant bien visible depuis la côte, sans longue-vue et à en juger par sa trajectoire, il se dirigeait vers une espèce de crique non loin dont Loth connaissait l'existence pour l'avoir remarquée à son arrivée à Jalabert. Lui aussi était passé par ce chemin détourné, histoire d'éviter les embouteillages de Lavallière.

Loth sauta de l'arbre et atterrit lestement sur le sol gelé. Son plan était tout simple, il comptait aller voir de plus prêt cet étrange bateau et ses occupants. Sans aucun doute des forbans ou des contrebandiers. Son pouls s'accéléra à cette pensée, lui-même en était un de contrebandier, une telle rencontre ne pouvait qu'être intéressante.
Intéressante fut tout aussi ce qui se passa ensuite. Il vit avec horreur la mer s'agiter à grosses bulles comme si elle bouillait. Ensuite vint une énorme masse, jaune, écaillée, plusieurs yeux, des dents aussi grandes qu'un humain... Loth réalisa que c'était peut-être la chose qu'il avait vu remuer sous la surface et qu'il avait prise pour une baleine boréale.
Les occupants du brise-glace prirent conscience du danger qui avait émergé juste derrière eux. De rapides manœuvres furent engagées ; les voiles qui avaient été pliées furent redressées, des rames percèrent les flancs du bateau et se mirent à remuer frénétiquement, des cris d'effroi retentirent en désordre, et même quelques rafales d'armes automatiques fusèrent.

Rien y fait, le monstre innomé ouvrit grand sa gueule et d'un coup engloutit plus de la moitié du navire en faisant voler ici et là des débris de bois. Il plongea, ce qui provoqua moult remous et vaguelettes à la surface. Le monstre revint à la charge pour avaler ce qui restait du brise-glace. En une minute, c'était fini. Il ne restait plus rien du brise-glace à part des copeaux de bois, des bouts de ferrailles à la dérive, une partie du nid-de-pie et une masse huileuse flottant à la surface, surement le carburant.
Loth était, quant à lui, parfaitement immobile, totalement effaré par la soudaineté, la rapidité et la violence de l'attaque. Dire qu'il avait emprunté le même chemin que ce brise-glace quelques semaines plus tôt, mais juste en pirogue... Il revint à lui quand il aperçut quelque chose bouger de nouveau dans l'eau. Il redressa ses lunettes et fit le point sur un gros morceau de poutre. Quelqu'un, un homme y était accroché. Il semblait blessé et s'agrippait difficilement.

Archivant la partie de son cerveau qui hurlait à l'inconscience, il enleva précipitamment son manteau, son kimono, ses bottes et plongea à la rescousse de l'homme. La température de l'eau était surement négative. Il lui semblait que chaque pore de son corps hurlait de protestation, que des milliers de lames chauffées à blanc pénétraient sa peau. Son souffle qui s'était immédiatement gelé l'empêchait maintenant de respirer. Luttant contre cette soudaine asphyxie, il nagea jusqu'au malheureux qu'il ramena sur la côte tant bien que mal. Loth s'écroula sur le sol, toussotant, frissonnant de tout son être. Même si l'hypothermie semblait toquer à sa porte, il était infiniment bien mieux loti que l'homme qu'il venait de "sauver".
C'était un individu intégralement chauve, en costume trois pièces. Toute la partie inférieure de son corps à partir des genoux avait été emportée par le monstre. Il était d'une pâleur exsangue qui décourageait toute tentative d'en faire d'avantage, l'homme avait déjà perdu trop de sang. Il mourut quelque instant après sans un mot.

- Alors qui êtes-vous, monsieur-le-bien-fringué ? murmura-t-il en fouillant le cadavre, après s'être rhabillé en vitesse. Bilal Ibn Faqîh, négociant en fruits et légumes pour le Royaume de Nal-Ohta de North Blue, lut-il sur la pièce d'identité du mort.
Vous, vous étiez autant marchand de fruits et légumes que moi, je suis le pape...

Il continua sa fouille et dénicha bientôt dans une poche bien dissimulée dans une autre poche de la veste, un sachet contenant une substance poudreuse verdâtre qui exhalait une forte odeur d'ammoniac. Loth sourit sereinement en reconnaissant le produit en question. Tout devint clair, du code morse, à la discrétion manifeste de ces contrebandiers en passant par le meurtre du héraut. Bien sûr qu'on pouvait facilement tuer pour cette poudre verte. Une feuille accompagnait le sachet et indiquait que Bilal contacterait un certain "C&C" à Lavallière.

- Tellement longtemps que j'attendais de trouver un filon en or comme celui-ci.
Monsieur Bilal Ibn Faqîh, vous étiez un contrebandier de Dance Powder, la poudre de pluie.
Promis, en votre mémoire, je ferai pleuvoir. Comme des larmes de joie en souvenir de votre violente mort.
Cette pluie sera mon beau temps...



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Zed et moi suivions le Commandant. Nos pas résonnaient à l’unisson sur le ponton que la neige tentait de recouvrir mais nous gâchions son travail. Il n'y avait pas plus beau qu'un immense paysage entièrement recouvert de blanc immaculé quand même les lacs gelés étaient eux aussi vêtus de ce manteau velouté.

A vrai dire, il ne manquait plus que les cris des fans hystériques. Mais nous pouvions mettre un mouchoir dessus et les oublier, nous sommes des hommes de l'ombre. Puissants, mais souvent cachés. Or si la scène avait du succès, c'était grâce à nous.
Mais on savait s'auto-gratifier au Cipher Pol 8.

Le Commandant Papelard de la Régulière nous désigna une petite guitoune en bois proche de toilettes portables vers laquelle nous nous dirigions. L'agent portuaire membre du réseau devait s'y trouver. Dans la cabane, bien entendu.
Et ce fut le cas. Nous avions vu sur lui dès la petite porte en bois poussée. L'intérieur était rustique : une table, quelques chaises, de quoi se sustenter et se réchauffer durant les pauses. Le café venait de couler et l'odeur embaumait le petit espace. Alors je m'en servis volontiers une tasse. Et une à Zed.
Les deux Marins qui le gardaient jusqu'à notre arrivée semblaient déroutés de nos aises.

- Vous pouvez y aller, on va prendre soin de lui.

Les deux réguliers obéirent sans broncher. Zed cherchait quelque chose et le bandit était nerveux.

- Rhaa bordel, enfin ! Collègue ? Lait ? Sucre ?
- Sacrilège ! Un café se boit nature !
- Oh ça va, fais pas ta précieuse puriste.

Nous nous assîmes en face de notre proie. Pardon, de notre présumé coupable.

- Ha-Haha ! V-Vous êtes le bon flic et le mauvais flic c'est ça hein ? Eh bah ça marche pas avec moi !

Je levai un sourcil, interrogateur en portant la tasse de café brûlant à mes lèvres.

- De ? Oh. Non. Vois tu crapule, je suis chirurgien et mon ami et collègue médecin légis...
- Oui bon bah moi aussi j'ai fait des études de médecine ! Ca va là ! C'est pas parce que je fais un boulot que beaucoup jugent ingrat que tout le monde doit se sentir obligé de me le faire savoir.
- Ta gueule Zed, c'est tout à ton honneur. Vois tu crapule disais-je, on peut t'infliger les pires douleurs sans que cela ne se voit et surtout, sans te tuer. Et si on le devait, mon collègue ici présent pourrait le faire passer pour un suicide. Ah, et je crois -Zed arrête moi si je me trompe- que nous ne sommes pas tellement patients.
- Nan, c'est bon, pas dit trop de conneries.
- Bien. Alors nous te laissons le temps de boire notre café tranquillement dehors pour réfléchir. Quand nous rentrerons, on veut entendre ne serait ce qu'un nom. Quelqu'un, quelque chose, un endroit. Bref, une piste. Sinon, on devra te faire chanter et crois moi, si tu ne coopères pas, il n'y aura que tes cordes vocales qui resteront intactes chez toi. A tout à l'heure !

Sur mes dernières paroles, Zed claque une paire de menotte pour relier le poignet de notre marionnette à l'un des barreaux de la table. Puis nous sortîmes boire notre café devant la ville qui s'animait frileusement.

- Tu crois qu'il va parler ?
- Non. Il se croit protéger par son réseau.
- Le con !
- Bah, que veux tu ? Si ces mecs avaient une once d'intelligence, ils ne feraient pas des choses illégales ...
- Bien vrai ...

Ah, quel doux plaisir de sentir la caféine courir dans mes veines ! Nous étions comme des intrus, posés, au calme, sur le pont où les autres personnes s'agitait comme des fourmis. Nous nous délections du contenu de nos tasses. Jusqu'à la dernière goutte. Trop vite venue.

Alors nous dûmes rentrer faire notre job, avachis sur nos chaises, le dossier devant, le faux agent comme une proie à portée de nos serres aiguisées.

- Ca va ? On a bien réfléchi ?
- Les mecs, si vous vous en prenez à moi, vous êtes dans la merde !
- Ah ? Et si on te fait ça ?

Je lui saisis la main libre, la plaqua sur le bureau et lui enfonça une dague en plein milieu, de l'autre côté de la paume. Le sang gicla dans un petit filet net et il se mit à hurler de douleur.

- Oh, mollo, gardes de la voix pour cracher le nom de tes petits copains, de ton boss ou de l'endroit où vous magouillez.
- Et donc ? Qu'est ce qu'il va m'arriver ?
- Ils vont vous buter quand ils vont venir me chercher !
- Vraiment ? T'en es sur ? Moi je crois qu'ils s'en branlent totalement de toi ! T'es que du menu fretin, t'es remplaçable ! Ils vont pas se bouger le cul pour un minable dans ton genre ! Et s'ils devaient le faire, ils l'auraient déjà fait mais pour te buter pour avoir merdé ! Alors maintenant parle ou je te fais sauter les doigts un par un !
- Pourquoi toujours les mains ? On peut aussi péter des bras ou des jambes Zed, merde !

Le bandit entrait en transe. Il commençait à douter sérieusement.

- Allez, crache. Je sais que t'en es capable. Et tu sais que j'en suis capable, de te faire cracher.

- ...
- Plus vite tu craches, moins tu souffres.
- Allez vous faire foutre ! Je balancerai jamais mes potos !

Bourre-pif de la part de Zed.

- Mais bordel ! Réfléchis ! Qu'est ce que tu vas devenir ? Hein ? Ils savent déjà que tu t'es fait arrêter, ils savent aussi que t'as merdé ! Ils vont te buter, c'est tout ! C'est ça que tu veux ? Nous on te propose la survie. Sauf que plus tu nous pousses à bout, plus elle se dégrade ! Putain mais t'as pas une famille ?
- ...
- Réponds !
- ... Si.
- Penses à elle !
- Justement ! Si j'ai accepté ce boulot, c'est pour la nourrir !
- Sauf que si on te relâche, tu vas te faire buter, c'est sur. Si on démantèle le réseau, t'as plus rien à craindre et tu pourras vivre en plein lumière après quelques temps à l'ombre.
- ... Okay ! Okay ! C'est bon ! Je sais pas grand chose par contre. Moi, j'étais juste en contact avec le relation clientèle. Moi, je devais juste m'assurer du bon départ des bateaux et de l'arrivée des clients. Vous le trouverez au marché, plus haut, ce matin même.
- Bien, tu vois quand tu veux.

Nous le menottâmes et sortîmes tous trois du cabanon en bois pour rejoindre le Commandant, à côté du port.

- Tenez, embarquez le et donnez lui les premiers soins. Nous avons une piste.
- Entendu.

Allez. Maintenant, direction le marché de Lavallière. Les choses sérieuses allaient commencer.

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- Allô, Dena' ? Je quitte Jalabert là, je me rends à Lavallière. J'ai déniché un truc. Peux-tu te renseigner ? Oui, sur "C&C", à Lavallière, vois ce que ça pourrait être. J'y serai dans quatre heures si mon cheval trotte bien. À plus.

Il s'enveloppa dans un Poncho en fourrure de yack puis se remit en scelle. Sa découverte l'avait émoustillé au plus haut point. La Dance Powder valait vraiment la peine qu'on s'y attarde et si, comme il le soupçonnait, un tel réseau fleurissait dans le coin, il fallait absolument qu'il s'y incruste. Bilal Ibn Faqîh, le mort, venait donc du royaume de Nal-Ohta. Il en avait vaguement entendu parler, c'était un royaume désertique dans la zone la plus septentrionale de North Blue, tout près de Calm Belt. Il n'en savait pas plus. Mais peut-être que la désertification de ce pays était due à un trop-plein d'utilisation de Dance Powder.
La poudre magique faiseuse de pluie était un couteau à double tranchant. En faisant pleuvoir, elle privait une autre région de ses nuages. Un simple reflet de la dualité de ce monde, diront certains. Le bonheur et le malheur se côtoyant en somme.

Loth fouetta son destrier, tira sur la bride puis prit un virage serré à gauche. Il avait consulté une carte avant de se mettre en route, il avait mémorisé le chemin qui menait de Jalabert à Lavallière. C'étaient les landes profondes de Boréa. Le paysage ressemblait à de la steppe. Tout était givré et recouvert d'un linceul blanc. Parfois, il croisait un autre cavalier solitaire qui faisait le chemin inverse. Emmitouflé, chacun dans leurs doubles manteaux et triples turbans pour dissimuler chaque centimètre carré de leur peau à la morsure du vent, les voyageurs n'avaient guère le temps de sympathiser. Au contraire, chaque âme que croisait Loth était une occasion d'aiguiser son sens alerte. Beaucoup trop de voyageurs s'étaient fait dépouiller sur ces routes sauvages où la loi n'était pas présente.

Loth pensait au plan qu'il allait adopter. C&C pouvait être n'importe quoi. Mais le plus simple, cependant, était de se faire passer pour Bilal ou un de ses sous-fifres, tout dépendait du comportement de celui qu'il allait croiser là-bas. Il aurait été fin à se présenter en tant que Bilal à quelqu'un qui le connaissait depuis des années...

Joindre Lavallière fut monotone, fatiguant et encore monotone. Il arriva dans les faubourgs de la ville portuaire sous les coups de seize heures. C'était la première fois qui visitait Lavallière et de sa position perchée sur une crête, la ville ressemblait à un fouillis de paille. Elle était très grande et le grand port était visible de loin. Des petits points lumineux trahissaient la présence des centaines de bateaux. Il entra dans la ville par une ruelle non couverte par les hérauts qui accueillaient habituellement les étrangers. La carte en question lui avait été remise par Phrâne Thomson et comportait d'utiles indications pour éviter les forces de l'ordre.
Il n'avait pas à s'inquiéter de la présence des marines, il n'était pas connu. Et surtout, ils avaient encore leurs plaies à panser après le déchainement d'Alrahyr Kaltershaft qui entraîna la mort du colonel Earl Grey. Son den den mushi sonna.

- J'y suis. Dans le quartier des Albatros.

- T'es au bon endroit. Tu zieutes une grande cheminée noire contre l'horizon ? Un truc qui ressemble à phallus ?

- Oui, vaguement.

- Ramène-toi à sa base. Viens t'réchauffer autour d'la bonne gnôle.

Loth s'exécuta. Il laissa son cheval dans la première étable qu'il croisa en promettant de revenir tout en lâchant quelques billets, naturellement. Se balader à cheval attirerait trop l'attention sur lui, il préférait utiliser ses "onze" comme il appelait ses pieds.
Tout autour de la base de la cheminée avait été construite un bar-hôtel nommé Le Mâle. La devanture était assez soignée, ce n'était sûrement pas un endroit malfamé, se dit Loth. Pas trop en tout cas. Une belle fille à la devanture lui souhaita la bienvenue un peu trop chaleureusement à son goût. Il l'ignora et entra dans l'établissement. L'endroit était plongé dans une semi-pénombre. L'intérieur était plus grand que ce qu'il pensait. Des espèces de petits salons meublés de fauteuils rembourrés remplissaient les lieux. Il avança de quelques pas. La clientèle semblait assez hétéroclite. Certains venaient dépenser leurs salaires du début de mois avec leurs maîtresses ; d'autres cherchaient la compagnie de professionnelles ; quelques-uns attablés en cercle serré autour d'une petite table basse semblaient comploter un mauvais coup. Ils se turent à l'approche de Loth et mirent en évidence leurs couteaux et armes à feu.

Loth sourit et continua son chemin. Il trouva Dena' avachi dans un canapé, entouré de deux filles aux airs de lolita. Une sous chaque bras. Il les chassa sans ménagement à l'arrivée de Loth et lui servit une boisson blanche fumante qui exhalait une bonne odeur de lait mélangé à de l'alcool. Loth s'en empara et en siffla une longue gorgée sans demander ce que c'était.
Tout à coup, il lui parut qu'il n'avait jamais goûté quelque chose d'aussi bon. Chaque cellule de son corps semblait déborder de vivacité. Il semblait irradier d'une chaleur surnaturelle. C'était bon.

- Tout doux, y aurait pu avoir une saloperie dedans, nan ?

- Peuh, tu as trop besoin de moi pour te ramener du fric. M'empoisonner serait un énorme gâchis. Alors, C&C ?

- Craig & Croupton. C'tait une entreprise florissante y a encore un mois. Dans la manutention. Tous les conteneurs qui arrivaient dans l'port, ils l'déchargeaient. Mais la clé a été mise sous l'paillason avant la nouvelle lune. Une histoire d'corruption et d'malversations financières. Deux cents personnes au chômage, c'est moche.

- Mais c'était une entreprise écran ? Pour cacher un truc ?

- Nan, c'tait réglo dans l'ensemble s'lon mes renseignements. fin, réglo, tout est relatif. J'ai juste trouvé un mec suspect. L'directeur logistique d'l'époque. L'est pas clair du tout, c'gusse.

- Qu'est-ce que tu lui reproches ?

- R'garde toi-même, répondit-il en tendant une photo d'un homme assez baraqué à la crête iroquoise jaune flashy.

- Oswald Main "Le Négociateur", murmura Loth en reconnaissant l'homme. C'était un capo de la famille Mancinelli de Manshon. Il a été accusé de trahison et a fui pour ne pas finir étêté. C'est une histoire qui remonte à quinze ans ça. Une de mes sources me l'avait racontée.

- Bah ici, il se fait appeler Mr Alan. Ma main au feu que si on doit chercher quelq'chose d'louche, c'est d'son côté. Tiens, voici son adresse d'puis qu'la C&C a fait faillite. Tu l'trouveras au marché de Lavallière. Y a un entrepôt là-bas qui appartient encore à l'entreprise. S'lon mes sources, il y ferait des affaires.
Fais attention c'la dit, Oswald Main ne négocie qu'après la mort d'ses vis-à-vis. Tu m'dois beaucoup trop pour mourir bêtement.

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Comme il était temps pour nous de gagner la ville, j'avais remonté un peu mon trench en cachemire sous mon costume de soie. C'était ça mon secret : chic mais protégé du froid.
Il ne me manquait plus qu'à baisser la tête et je passais presque pour Monsieur tout le monde. Pas question de me faire dévisager en pleine mission pour laquelle je devais me faire passer pour quelqu'un d'autre que moi, connu à Boréa.

On avait établi un plan assez simple : retrouver le chargé de clientèle et se faire passer pour des acheteurs intéressés.

C'était donc avec cette idée en tête que nous remontions la grande avenue principale pour atteindre la place du marché. Dans quelques coins de rue, des marchands avaient établi des étals de fortune pour vendre du vin chaud pour réchauffer un peu les gens. Boréa aimait la chaleur, surtout la chaleur humaine. Plus il faisait froid, plus nous nous serrions les coudes.

C'était pour cela que les rues ne désemplissaient pas malgré la neige et la chute de température : les fort aidaient les plus faibles. Seuls les touristes attendaient bien au chaud dans une auberge ou une taverne. Devant un café ou un chocolat et des gaufres au sirop d'érable. Mais ils n'imaginaient pas l'effort qu'il fallait fournir pour obtenir ce sirop. Il fallait s'enfoncer loin de la ville, se frayer un chemin stable et sécurisé jusqu'aux érablières pour recueillir le succulent nectar. Des hommes restaient des heures durant dans les petites fermes à côté pour nous concocter le meilleur sirop.

La nuit commençait à tomber, elle tombait assez tôt sur Boréa. Ce qui n'empêchait pas les gens de travailler dur. Et ça et là, on pouvait commencer à voir les lueurs dansantes des flammes des bougies ou des poêles à bois dans les petites résidences.

Nous sûmes que nous atteignions notre but quand le brouhaha du marché arrivait à peine à nos oreilles. C'étaient les marchands qui beuglaient à qui mieux mieux pour vendre leurs denrées.
Puis, quand nous fûmes arrivés, c'était l'explosion des sens. J'avais pu voir sur le visage un sourire essayant de se dessiner. Les couleurs vives des fruits et légumes venus d'une contrée exotique lointaine ! Le parfum des volailles qui rôtissaient au grill ! D'ailleurs, le tenancier devait être l'un des seuls marchands bras nus. Lui aussi devait rôtir à rester à côté de son feu qui éclairait un peu plus les alentours. Ce qui lui valait des regards noirs de la poissonnière entourée de glace pillée sur son étal tout autour d'elle.

Zed me donna soudainement un coup de coude. Je le regardai, il me fit signe de la tête de m'intéresser à un vendeur en particulier : le vendeur d'épice jusqu'à côté du quartier des pêcheurs.
Il avait l'air bien stressé à jeter des coups d'oeil furtivement et frénétiquement.

Après tout, ce serait une bonne idée de cacher la Dance Powder dans d'immerses sacs en toile de jute, les mêmes que ceux qui contenaient les épices en façade. Et bizarrement, que des sacs de safran et de cannelle. Autrement dit, des fleurs qui supportaient une chaleur conséquente et des arbres habitués aux moussons. Le désertique et le tropical. Hmpf ! Arsouille, tu me facilitais la tâche !

Je passai ma main dans le dos de Zed pour le gratifier d'une tape amicale, du genre "Bien joué !" et me dirigeai vers celui qui avait de fortes chances de nous intéresser.

- Salutations, je vois que vous maitrisez la pluie et le beau temps ... Le safran, la cannelle ...
- Ouais, salut. Qu'est ce que vous voulez ? Soit vous achetez, soit vous partez.
- Précisément. Je suis venu acheter.
- Safran ou canelle ?
- Vous vous doutez bien que si je viens vous voir, c'est que je regorge de safran et que je voudrais me porter sur la culture de cannelle.
- Hein ?
- Ouais, bon, ce que mon boss essaie de vous dire, c'est qu'on est pas intéressés par vos épices mais par votre arrière-boutique.

"Mon boss" ? J'avais même plus besoin de forcer la main pour lui faire savoir ma supériorité ! L'acheteur, c'était moi ; le garde du corps, c'était lui. Ca me plaisait. Le faux vendeur écarquilla les yeux et jeta un bref regard au binoclard qui faisait clairement mine de s'intéresser aux épices.

- Moins fort ! Ces "épices" là sont réservés à mes plus fidèles clients. Suivez moi.

Il beugla un nom et un homme déboula. Il garderait le stand en attendant que nous revenions. Pendant ce temps, nous nous dirigions vers ce qui semblait être un petit local clandestin en plein le marché.

Nous passâmes le seuil de la porte, c'était un bureau de fortune. Un bureau, trois chaises, point barre. Point barre, non. Quelques sacs également. D'épice ou de Dance Powder.

- Bon, vous êtes qui ?
- Des clients potentiels.
- Je vous connais pas et j'ai pas été prévenu.
- Nous avons été conseillés par un de vos acheteurs et la Marine a envahi les quais. Quand nous avons accosté, nous avons du nous faire tout petit pour l'éviter. J'imagine que vous aviez un membre au port pour contrôler les départs et les arrivées.
- Ca, ça vous regarde pas. Qui vous a conseillé ? Je veux un nom.

Dans quelle merde je m'étais fourré ? Un "nom" ? J'en connaissais pas. Alors c'était temps de tester ma chance et d'improviser. Il fallait que je me dépêche. J'avais pourtant appris en formation que si tu réfléchissais trop longtemps, ton mensonge ne serait pas naturel.

- Un certain Ferlayne.

Je n'étais pas connu pour ma finesse.

- Ah, lui.

Sérieusement ?

- Nan mais vous me prenez pour un con ? Z'êtes qui ?

J'aurais du m'en douter. Mais dommage pour lui, j'étais plus redouté pour les actions coup de poing.

Alors sans réfléchir, j'avais fondu sur lui et plaqué ma main sur sa bouche.  Le sang de Zed n'avait fait qu'un tour également, puisqu'il l'avait bâillonné et ligoté peu après.

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Le marché de Lavallière. Il y était. Beaucoup de monde en cette fin de journée, de petites femmes replètes et paysannes à de grandes dames dignes, constellées de servantes et protégées par des gardes du corps y faisaient leurs affaires. Des vendeurs à la criée s'époumonaient à qui mieux-mieux.
Le marché était grand et après quelques brefs renseignements, Loth se fit indiquer l'entrepôt de Craig & Croupton dont avait parlé Déna'.
Comment allait-il procéder ? Se présenter et toquer à la porte paraissait suicidaire, mais d'un autre côté, si Oswald Main, "Le Négociateur", ne connaissait pas le visage de Bilal Ibn Faqîh, il (Loth) pourrait se faire passer pour lui.
Perdu dans ses pensées, il passa à côté d'un achalandage d'une vendeuse de fruit. Une gamine, pas plus de six ans, l'interpella et lui présenta une pomme sanguine.

- Tu la vends, cette pomme ? lui demanda-t-il en s'accroupissant à sa hauteur.

- Oui ! lança-t-elle d'une voix suraiguë doublée d'un grand sourire.

- Combien ?

- 10 000 Berry !

- C'est 10 Berry ma chérie, reprit sa mère en souriant.

- Nan, veux 10 000 Berry pour ma pomme !

- C'est pourquoi personne ne te l'achète.

- Moi, je la prends, répondit Loth qui souriait sereinement.
Il ébouriffa les cheveux de la fillette ravie et tendit l'argent à sa mère totalement hébétée.

- Monsieur ?

- Tenez, vraiment. Une pomme sanguine, c'est rare. En plus, c'est délicieux, dit-il en croquant le fruit.

- Merci beaucoup. Dis merci au monsieur, Sira.

- Merci monsieur !

Il riait encore en s'éloignant. Il avait toujours aimé les enfants. Quand il en aura le temps, quand il sera fatigué de courir le monde, quand il aura atteint son quota non fixé de malversations, de tromperies, d'enquêtes, alors, peut-être penserait-il à en avoir.
Loth père... Non, c'était plus que loufoque.
Il fut tiré de ses pensées par une étrange sensation. Celle-là même qui vous parcourait l'échine et vous donnait la chair de poule. Celle provoquée par le sentiment inexplicable que des yeux étaient posés sur vous. Plusieurs yeux. Mais il était dans un marché bondé. Des yeux, y en avaient des centaines. Pour en être sûr, il s'éloigna vers une zone déserte du marché, là où étaient jetés pêle-mêle des emballages usagés et autre détritus provenant des ventes.

Il n'avait pas tort, des gens le suivaient. Il accéléra le mouvement. Qu'est-ce qu'il avait fait de travers ? Rien, personne ne l'avait vu, ni entendu. Déna' ? Nan, ce n'était sûrement pas un traître. Hormis l'argent que lui rapportaient ses transactions avec Loth, il aimait surtout l'adrénaline que lui procurait sa passivité dans ses affaires, il aimait des fois venir à la rescousse de Loth.
Mais peut-être que la vraie question était de savoir qui le filait ?

Deux hommes surgirent de derrière des bennes à ordures et fondirent sur Loth. L'un d'eux, armé de couteau, taillada l'air. Leste, Loth fit quelques pas en arrière et évita la lame de justesse. Il ne les avait pas vus venir, mais son réflexe entraîné lui évita d'avoir une méchante balafre. Au premier coup d'œil, les hommes en questions ne ressemblaient pas à des hommes de main de la mafia, ou d'un quelconque réseau de contrebande. Grands gaillards, musclés, coiffures extravagantes aux couleurs flashy, tatouages de tête-de-mort, ils avaient le type même des membres de gang.
D'autres loubars sortirent et encerclèrent Loth. Il en compta dix, tous armés d'armes tranchantes ou contondantes.

- On peut faire la paix, les gars ? Je n'ai pas envie de me battre.

- Huhuhuhuhuhuhu

- Ce qu'on vous a offert pour ma capture, je vous en offre le double.
Il n'aimait pas se battre, il préférerait toujours trouver une solution à l'amiable.

- Huhuhuhu, l'argent ne fait pas le bonheur, huhuhuhuhu

- Mais il y contribue fortement. Et puis, je n'aime pas ce dicton. J'irai bien gifler son auteur.

- CAPTUREZ-MOI ÇA ET QUE ÇA SAUTE ! ordonna le chef de la bande, le type le plus costaud, le plus bête, assurément.

Le ton fut donné à la ruade. D'un geste impatient de la main, Loth enleva son poncho et le fit voler aux quatre vents. Il avait besoin de toute son amplitude de mouvement. Il fléchit des genoux, abaissa son centre de gravité et contracta les muscles de ses doigts de manière à former des griffes illusoires. Il avait décidé de faire mal d'entrée, il fit appel au style du tigre.
Tant de violence inutile. Le premier qui l'accosta, il lui brisa les côtes d'un coup de paume. Il sentit craquer ses os sous sa poigne, il entendit le malheureux hurler sa douleur. Il agrippa le poignet du second, le désarma et l'assomma d'une puissante gauche sur le front. Le loubard à la coupe iroquoise s'écroula en même temps qu'une bosse sanguinolente s'épanouissant au-dessus de son arcade sourcilière fendue.
L'hiver de Boréa n'était pas une contrainte. D'ailleurs, pensa Loth en évitant un coup de chaîne dentée, ça n'était pas mal, un peu d'exercice après tout ce temps passé à se les encroûter. Même s'il détestait le sujet, il en reconnaissait les bienfaits. Ses vieux muscles avaient besoin d'exercice.
Il prit son envol, pivota en une suite de salto par-dessus deux voyous. Il les balaya en un coup de ciseau et les envoya bouler dans un tas d'immondices.
Ils ne faisaient vraiment pas le poids et ils s'en rendaient compte. D'où la mesure extrême qu'ils adoptèrent en désespoir de cause.

- Ne bouge pas où elles meurent !

- Non, lâchez-la, lâchez Sira !

- M'mannnn !

Le chef des loubards tenait étroitement serré contre lui la petite qui avait vendu sa pomme à Loth. Elle gesticulait et braillait pour se libérer de l'étau du colosse pendant que sa mère, qui se débattait comme une diablesse, était aussi tenue par deux autres types.
Loth sentit une fureur à l'état brut monter de ses entrailles et corrompre son âme. La rage se déversait dans son sang comme de l'acide, éliminant toute pensée cohérente, lui soufflant juste de massacrer cette bande de lâches et d'éparpiller leurs entrailles aux quatre vents. Luttant contre sa folie soudaine, Loth redressa ses lunettes et parla d'une voix qui lui sembla trop calme pour la situation.

- Relâchez-les et je vous suivrais. Elles n'ont rien à voir avec cette histoire.

Il fut surpris par son ton, il aurait pu parler de la météo avec la même voix. Décidément, ses entraînements répétitifs pour ne laisser aucun sentiment obscurcir son jugement cartésien avaient porté leurs fruits. Enfin, façon de parler, parce qu'il avait quand même arrêté de battre, il se mettait en danger pour elles. Mais il n'allait quand même pas laisser des innocents, surtout un enfant, payer pour ses déboires à lui.

- Dans ce cas, à plat ventre, les membres écartés. Ensuite, je les relâcherai.

Loth analysa rapidement la situation. Il était trop loin et pas suffisamment rapide pour intervenir. S'il réussissait à soustraire la petite aux griffes du boss, elle deviendrait orpheline parce que les autres élimineront sa mère dans le même laps de temps. S'il portait secours à la mère, elle perdrait sa fille.
Pourquoi diable s'était-il arrêté pour acheter cette pomme ? Maudite pomme de la discorde.
Il se résolut à obéir à ses adversaires. Il ploya des genoux, sentit les voyous s'approcher. Quelque chose le heurta à l'arrière du crâne. La douleur était lancinante, horrible, écœurante.
Il se sentit glisser le long d'un toboggan en spirale sans fin. Il fut englouti par l'essence même des ténèbres.


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- Zedrik ?
- Attends Björn, tu ne vois pas que j'essaie de l'interroger ?
- Si mais ...
- Alors ne m'interrompt pas.

Je commençais à m'impatienter. J'en avais marre de la capture puis de la torture pour faire parler la petite crapule. Mais surtout, je m'impatientais parce que ...

- Bon, Zed, tu vois pas que ça fait un quart d'heure que tu le malmènes ?! Il ne pourra rien te dire : il est baillonné !

Le chargé des relations clientèles acquiesça nerveusement, avec des petits bruits étouffés.

- Oh, merde. Qu'est ce que tu proposes ?
- Rien.
- Comment ça, "rien" ?
- Je te propose qu'on ne fasse rien. On le débâillonne juste et on attend qu'il veuille bien nous déballer ce qu'il sait.
- Quoi ? T'es pas sérieux ?
- Oh, on n'est que des hommes, vieux ! Le flicage, la contrainte, faire cracher les aveux ... C'est lourd tout ça ! On est tendus, tout crispés !
- Je crois que j'hallucine !
- Tu vois ! Ca, c'est l'abus de boulot. Fais lui sauter le bâillon qu'il respire un peu.

Il s'exécuta et revint s'asseoir sur la chaise à côté de moi, perplexe. Notre "hôte" se calma rapidement avant de prendre la parole.

- Les gars, la chaine va être dure à remonter, vous n'obtiendrez qu'un maillon à la fois. On ne connait que nos hommes et notre supérieur direct mais j'ai un marché à vous ...


Vlan ! Bruit de porte qui s'ouvrit à la volée ! Pan ! Un coup de feu derrière nous fût tiré !
On eut à peine le temps de sursauter et de se retourner. Un homme, avec un révolver dans les mains. On se tourna à nouveau, le chargé de clientèle avait été descendu.

- Ne vous inquiétez pas, c'était un traitre. Il pensait pouvoir profiter du réseau et de sa place pour monter un réseau hors-circuit., dit stoïquement le nouveau personnage de cette scène vraiment étrange. Si vous êtes ici, alors j'imagine que vous êtes ses clients "réguliers".
- Oui, mentis-je rapidement.
- Bien, venez avec moi, je vais vous présenter votre nouveau chargé de clientèle, un vrai cette fois ci.

Il commençait déjà à partir, en rangeant son arme dans la poche interne de sa veste. Nous nous regardâmes dans les yeux avec Zed, avant de nous mettre en marche nous aussi.

- Et on va où ?
- A l'entrepôt. Estimez vous heureux, vous ne devriez pas savoir tout ça, mais à circonstances exceptionnelles, fait exceptionnel. J'espère que vous avez une capacité à oublier ce que vous allez voir ou entendre ?
- Ouais, bien sur.
- Tant mieux, ça me facilitera le travail, je n'aurais pas à venir vous buter. Je veux dire, vous êtes les plus à mêmes d'être arrêtés par ces vieux mouettards moisis ou pire, par ces vieux guignols du Gouvernement Mondial.

Je grinçai des dents. Mais ce n'était pas le moment. Il marchait vite et il fallait lui emboîter le pas.

On bravait la neige et la bise, qui se faisaient plus forts à mesure qu'on gagnait la côte.

- Vous avez l'air d'avoir de bons bras, vous allez ramer pour le retour.

Ramer ? J'eus presque aussitôt la réponse à ma question quand nous arrivâmes sur un petit littoral sans port, mais avec une barque et le chemin tout tracé dans la glace fraiche. La pellicule de gel était mince mais suffisante pour que la neige s'y dépose.

A ce moment là, je n'avais aucune envie de mourir gelé, mais pourtant, notre rafiot de luxe semblait déjà montrer quelques signes de fatigue. Elle n'aurait surement pas du supporter le poids de trois hommes, ce qui est un exploit déjà en soi.

Après quelques minutes intenses à brasser l'eau et le peu de glace, nous aperçûmes enfin l’entrepôt bloqué dans la montagne. C'était malin : aucun bateau de la Marine ne pouvait passer entre les bancs de sable des petits îlots et donc, la Marine ne pouvait voir l'entrepôt, surtout qu'en passant par derrière, il était caché par la petite montagne. La seule façon de le voir, c'était de sillonner entre les bancs de sable, et ça, personne n'était prêt à le faire, pour éviter de faire trempette dans une eau glaciale au cas où la barque s'échouerait involontairement.

Astucieux, vraiment.

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