-Mais vous allez vous dépêcher oui ou merde ?!-Désolé chef ! Mais c’est pas d’ma faute !
-Personnellement je lui aurais dis merde. Mais ce n’est qu’un conseil.-Vous voyez ! Il fait rien qu’à m’perturber !
Quant on s’attaque à la façade pseudo-officielle d’un des pires scélérat des océans, il faut avoir une sacrée paire de baloche en réserve. Et même burné avec deux montgolfières, ça n’en reste pas moins très rude pour les nerfs. On sait qu’on joue avec sa vie autant qu’avec la gloire qu’on aspire à récolter ; et ce ne sont pas tous les zéros qui défilent sous les yeux de nos chers preneurs d’otage qui vont les aider à garder le sang-froid. Quant à l’otage…
-Je ne vois pas de quoi vous parlez. Je m’applique à être aussi utile que possible depuis le début.-Oui nan mais c’est pas ça le problème !
-Ah bon ? Et quel est il je vous prie ?-Et ben c’est que !... que !...
-Que ?-Ben qu’vous faites rien qu’à m’aider !
-Ah… Et c’est mal ?-Ben disons que ça m’perturbe… Arrêtez… S’il vous plait.
-Bon vous allez reprendre le taff tous les deux ?!-Vous voyez ?! Apres j’me fais engueuler moi !
-Sincèrement navré. Vous avez besoin de vacance si vous voulez mon avis.-Toi l’otage ta gueule ! Sinon j’te transforme en tapas et fissa !-Bien bien, je me tais.-Nan mais oh…-…Et la valse des chiffres recommence, danse hélas imperméable à toute la clique de forbans qui était venu piller une banque, se voyant déjà les bras rempli d’or et la tête auréolée d’honneurs… pour se retrouver noyés dans assez de paperasserie pour torcher l’cul de tous les bambins d’East Blue. Les banques, c’est plus c’que c’était.
Alors forcement, quand on sait ce qu’on risque à braquer une boutique du célèbre et si redouté Thunder F., chaque seconde où l’on sent le contrôle de la situation s’échapper et une torture pour les nerfs, un enfer dont on ne veut hélas s’extraire de peur de tout perdre alors. Une fois lancé, plus possible de revenir en arrière… Alors on presse son otage si utile. On l’exhorte à aller plus vite dans ses manipulations chiffrées. On le pousse à la pointe du sabre à brouiller les pistes, à transférer les sommes. Et on s’énerve face à cet otage si calme, si prévenant envers eux. Ce foutu otage qui ne semble pas comprendre qu’il va bientôt crever s’il ne se décide pas à se dépêcher !
-Alors !-C’est bientôt fini. Juste quelques détails.-Encore ?... Pitié, qu’on arrête ça…
-Il le faut bien si vous n’voulez pas que le compte soit bloqué et le transfert annulé après votre départ.-Très bien !! Très bien… Mais vite hein ! J’rigole pas moi !-Oui oui.Et c’est encore au tour des minutes de défiler tandis que les pirates font les cents pas. Quant à ceux qui couvrent les accès et interdisent une éventuelle contre-attaque des vigiles, on peut sentir aux tremblements qui s’emparent peu à peu d’eux que le stress de la situation commence à devenir intenable. Et bien que pour le moment tout se déroule sans réel problème, les « Snake Pirates » sentent que la situation dérape. L’entropie gagne.
[…]
-Bon si c’est pas fait d’ici une minute je vous jure que j’le bute !-Calmez vous chef, il a bientôt fini.
-Oui regardez, ça avance hein !
-Pas vrai Monsieur S que ça avance ?
-Oui oui, j’ai bientôt fini.-Raaaaah ! J’vais l’buter j’vous dis !-Tututut ! Personne n’bute plus personne quand j’suis là.
Les « Snake Pirates » se retournent tous en bloc pour faire vers cette voix sinistre et surtout on ne peut plus inattendue, me faisant alors face avec toutes leurs mines d’ahuris terrifiés. Dans ma main un de leur guetteur inconscient, que je laisse retomber sans ménagement sur le tapis épais que je foule de lentes mais inarretables enjambées.
-Ah. Enfin.-Salut M’sieur S.-Bonjour Patron. Il était temps, je commençais à trouver tout cela un peu long.-Ouais ouais je sais.-T… thunder F !-Vous êtes arrivé en ville il y a longtemps ?-Thunder F ! Tu… tu ne nous fais pas peur !-Non pas vraiment, à l’instant. C’est là que j’ai appris.-On connaissait le risque en s’attaquant à toi et je peux te dire que/* !...Un index jaune dressé vers le plafond le coupe net. Le silence s’installe tandis que je tends l’oreille comme pour y capturé un son menu ; tous en fond de même. Rien.
-Putain ouais c’est mieux quand tu fermes ta gueule.-Que ?!...-Bon où on en était… C’est sympa la déco que t’as fait là. C’était pas comme ça la dernière fois que j’suis venu, si ?-Non non, nous avons profité des exceptionnels bénéfices de 1624 pour refaire cette aile.-C’est chouette c’que vous avez fait ; très cauzi les tapisseries et l’acajou au plafond.-Mais… mais…-Oui, c’est important de bien présenter au client.-Clair ; et puis faut savoir bosser dans un espace sympa aussi, c’est important.-Mais nous on…-Sinon ça va toi ? T’as l’air en forme.-On fait aller patron, on fait aller.Mes pas et notre conversation décontractée m’amène toujours plus près du centre de la scène, scène occupée par un Monsieur S. et toujours l’autre plouc des p’tites mers. Et voilà d’ailleurs l’autre loustic qui soudainement prend conscience que m’laisser m’approcher plus tiens de la gageure et s’décide à reprendre une place maîtresse dans la conversation. Ce qui, en soit, est une sacrée connerie si vous voulez mon avis. Le voilà donc qui se rue derrière mon banquier préféré, lui brandissant un pistolet sur la tempe avec la mine de la veilleuse qui croit à tord qu’elle pourrait être une lumière.
-Pas un pas d’plus !-*Soupire*-Un geste et j’bute votre collège ! J’hésiterais pas !Je m’immobilise, tant pour éviter un drame malheureux que par lassitude. Le regard dure que je lui lance alors est toute l’attention que je daigne lui donner, mes oreilles occultant naturellement le mini speach où l’couillon s’présente lui et ses hommes, vantant leur avenir de terribles forbans, ect… Un visage inconnu pour un destin dont je n’ai que faire.
-Allez, toi tu finis le transfert !La pointe du pistolet appui un peu plus sur la face spongieuse de l’octopède, vers qui mon regard s’aiguise. Clin d’œil discret de l’homme poisson, qui me pousse alors à ne pas intervenir tout de suite. Je suis curieux… et puis ça me générait que ces crétins abîment la décoration à grands renforts de balles perdues et de taches de sang mal contrôlées. Je temporise donc. Et de son côté maître S. s’affaire sur son escargo-transfert. Il semble confiant, à l’image du pirate derrière lui chez qui un sourire en demi lune s’affiche touche après touche.
-Voilà il ne reste plus qu’à */ !…-Laissez moi finir !
-Hey mais non je*/ !…-Envoyé chef !
Et c’est là que j’vois aux yeux atterrés de Monsieur S à qui on vient de voler le clavier qu’il y a une couille dans l’potage. Et l’regard qu’il me lance ne fait que m’confirmer tout ça… C’est plus une couille c’est un bocal d’huitres de terre qui flotte dans c’putain d’potage !
-AHAHahaha ! On a réussi ! -Bravo chef !
-Snake pirates !
-…-Grrrr.-Et maintenant reste encore à buter l’otage et Thunder F !-V… Vous étés sur chef ?!
-Oui vous allez voir, on peut le faire ! A nous la célébrité !-Nan mais c’était pas prévu ça.
-Faites moi conf*/ !...-Fingers death clap.
-Bang !
Argl !La tête du capitaine part en arrière, étirant son cou comme à l’infini avant que le corps de celui-ci ne se décide à suivre le mouvement et ne vole à sa suite dans les airs ! Quelques rudes roulades plus tard, le voilà affalé au sol, la bave aux lèvres et la conscience au rabais.
De mon côté, je suis là, toujours à ma place mais une main tendue et les doigts prêt à claquer de nouveau. Car il ne m’en faudra pas plus pour me débarrasser de toute cette bande de guignol. Juste quelques claquements de doigt.
Mon regard le leur fait comprendre ; et pas un ne fait le moindre geste. Oser respirer et tout juste possible. Toléré. Et encore, de peu. Les paroles sont inutiles dans ce genre de cas, l’évidence est là.
-Ça va M’sieur S ?-De mon côté oui, tout va parfaitement.-Bien. Et les comptes ?Sans un mot, Le gérant d’Abyss and Co. se redirige vers l’escargo-clavier de contrôle, y pianotant à une vitesse surréaliste avec un sérieux tout ce qu’il y a de plus professionnel et à l’opposé des minutes précédentes. Puis… il s’immobilise. Et je sais à son air grave que les nouvelles ne vont pas être bonnes.
-Le transfert aurait dû se faire vers un autre de vos comptes, protégeant ainsi vos fonds.-
Hey vous comptiez nous rouler ?!
-Aurait dû ?-Mais grâce à notre ami ici présent et à son intervention maladroite je crains que ce ne soit pas le cas.-Je… C’est pas moi ! Je !...
-Dites moi l’ami, vous n’aviez jamais transférer de fond par le passé n’est ce pas ?-Non. C'est-à-dire que je n’avais jamais toucher de clavier jusqu’à aujourd’hui…
-A l’avenir, abstenez vous.-
Désolé…-Grrrr…Mes poings se referment ; et tous reculent aussi discrètement que possible de quelques pas. Je serre des dents, avant de laisser filer entre des incisives d’une voix contenue :
-Monsieur S., je vous prierais de me dire ce qu’il en est de mes fonds.-Je vous dis ça de suite patron.A nouveau les tentacules s’affairent. Et à chaque seconde de silence mon vœu d’abstinence homicidaire s’effiloche. Mais j’ai appris à m’tenir… alors je tiens. Pour le moment.
-Les fonds ont été transférés à une certaine mlle Tulipe.-Qui ça ? On la connaît celle là les gars ?
-Non. Pas la moindre idée de qui c’est…
-Moi non plus.
-Rien de bien surprenant.-Oh ça va hein, j’vous dis que je l’ai pas fait exprès !
-Désespérant…-Et c’est qui cette Mlle Rose ?
-Tulipe. Plus précisément, c’est au nom de l’orphelinat général de North Blue, dont la directrice et responsable légale est cette Mlle Tulipe.-L’annulation est elle possible ?-Je crains que non.La nouvelle finit de m’faire monter le sang aux tempes. Alors histoire de n’pas repeindre la pièce en tons vermeilles je fais les cents pas, avalant les mètres de tapis à grandes enjambées, la mine renfermée et le regard au loin. Zen… ne pas tuer… je l’ai juré…. Ce n’est que de l’argent après tout. QUE de l’argent Toji… Reste putain de zen bordel de putain d’chierie de bordel de merrrrrrr… Zen !
-Vous comptez faire quoi de ces jeunes gens ?Une douzaine de paires d’yeux jusqu’ici silencieuses se braquent soudainement sur Monsieur S. puis sur moi, se liquéfiant littéralement de terreur en attendant mon verdict. Long silence.
-Fais les disparaître.Hoquet de stupeur tandis que la moitié défaille !
-Mais non bande de cons ! Disparaître du genre « que je ne les vois plus » !-Ha !...
-Et fais ça vite avant qu’ils ne nous salopent le tapis !-Je fais appeler gentlemen Crock, il va les mettre au silence.-Je statuerai sur leur sort plus tard, il y a plus important avant.Alors je me rapproche de mon ami et maître d’affaire, le regard dur mais où pointe une étincelle d’inquiétude.
-Ne m’épargne pas l’ami… Dis moi combien.Un chiffre se griffonne sur un bout de papier, que Monsieur S me tend ensuite non sans une certaine forme de pitié et de compassion.
Je le lis. Deux fois.
-COMBIEN ?!