Alors que plusieurs volontaires se manifestaient pour se rendre en première ligne, désireux de combattre, sans doute davantage pour mettre fin à leur condition d'esclave que pour l'idéologie révolutionnaire en elle-même, je faisais des moulinets avec mon épée, attendant impatiemment l'instant où débuteraient les hostilités. Une fois les rangs formés de manière assez rudimentaire, je me plaçais en tête de la première vague d'assaut, sentant le sol trembler sous mes pieds, à cause de l'arrivée massive des troupes ennemies. Peu à peu, mon rythme cardiaque s'accélérait, tandis que le silence d'avant la bataille laissait peu à peu place aux bruits de pas en cadence des militaires. Il n'était alors plus question de minutes, mais de secondes, quant à l'imminence de l'affrontement. Soit les hommes présents allaient vivre en héros, soit ils allaient tous périr en criminels, et moi à leurs côtés, car indubitablement, je savais que je ne reculerai pas, que je ne m'enfuirai pas, afin de tenir la promesse que je leur avais faite. Tant qu'il serait possible de sauver un seul d'entre eux, alors ma lame n'aurait de cesse de siffler en fendant l'air pour occire leurs tortionnaires. Malgré le fait que je reste à visage caché sous mes apparats, je sentais que la foule n'avait pas réellement d'appréhensions vis-à-vis de moi. Mais plus les bruits de pas se rapprochaient, plus je pouvais voir la sueur perler sur le visage des anciens esclaves, ainsi que la peur se dessiner de plus en plus fermement leur faciès. Tous le savaient : il était désormais trop tard pour faire marche arrière. Dans la petite ville plantée au milieu du désert qu'était cette île de West Blue, nous allions bientôt teinter le jaune du sable brûlant par un vermeil qui ne disparaîtrait jamais.
Brusquement, la marche de la Marine cessa, ce qui, en général, n'est jamais vraiment bon signe. Puis ce fut un sifflement qui retentit dans les airs. Ce bruit était reconnaissable entre mille, puisqu'il s'agissait de celui d'un boulet de canon qui chutait droit dans notre direction. Apparemment, le but n'était pas de ramener le calme et la raison, mais bel et bien de faire un exemple en châtiant tous les insurgés. C'est du moins comme cela que tout le monde prit le fait de voir cet affrontement commencer par un bombardement. Mais malheureusement pour la Marine, ce genre d'offensives avait très peu de chance de marcher tant que je n'étais pas occupé à combattre quelqu'un. Tendant ma main droite en l'air, je laissais plusieurs plumes sortir de ma manche, à la manière d'une dizaine de poignards qui vinrent frapper les projectiles afin de faire obstacle, les faisant exploser en plein vol. Le souffle provoqué par la proximité de l'explosion fit virevolter ma cape sans que je ne détourne le regard, les esclaves levant leurs bras au niveau de leur visage par réflexe de crainte. Si c'était ainsi que le Gouvernement voulait jouer, alors je ne comptais nullement me retenir face à leurs chiens. Brandissant mon épée devant moi, je sonnais la charge, rapidement suivi par les plus téméraires et les plus déterminés des combattants. Nous nous mirent à foncer dans le nuage de fumée noire, pour en ressortir soudainement, faisant face aux hordes de Marines immobiles, prêtes à ouvrir le feu. Même si l'effet fut assez saisissant, lorsque la masse émergea de ce voile d'obscurité, les combattants en face avait une certaine expérience du combat et n'allaient pas rester bouche bée à nous admirer. Un instant après nous avoir en vue, ils se mirent à faire feu, la première salve tuant une bonne poignée des combattants de première ligne. Quant à moi, les balles ricochèrent sur ma peau, celle-ci étant recouverte par une armure aussi solide que l'acier.
Si je voulais limiter les pertes, il fallait interrompre le feu de l'ennemi en semant la pagaille dans ses lignes. Seuls une cinquantaine de mètres nous séparaient tous des troupes de la Marine, mais cette distance était suffisante pour leur permettre d'ouvrir le feu sur trois rangs avant que nous ne les atteignions. Si je voulais minimiser les choses, il me fallait à tout prix franchir cette distance aussi vite que possible pour créer un désordre suffisant qui pourrait faire cesser ces salves de balles létales. Même si cela devait clairement indiquer aux troupes devant moi que je n'étais pas un simple combattant, je n'allais pas laisser la vie d'innocents être gâchée par la simple peur que je ne sois découvert. Me mettant alors à courir avec une célérité qui témoignait bien de l'entraînement que j'avais reçu, contrairement aux insurgés, je vis l'officier qui ordonnait aux lignes de faire feu me pointer de son sabre, indiquant que je devenais la cible première du feu ennemi, du moins, de la part des soldats en face de moi sur une bonne dizaine de mètre. En constatant cela, toujours dans ma course, j'affichais un léger rictus, impossible à percevoir sous le foulard qui recouvrait la partie inférieure de mon visage. C'était exactement ce que j'attendais. Si la première ligne de la Marine concentrait ses tirs sur moi, même si ce n'était qu'une dizaine de mètres de rangs ennemis sur les quatre-cent du champ de bataille, elle ferait forcément moins de victime parmi les autres combattants encore derrière moi. Qui plus est, je ne craignais pas vraiment les balles. Un nouvelle salve retentit, alors que des cliquetis métalliques me parvinrent aux oreilles, seuls résultats des balles tirées dans ma direction, tandis que malgré tout, plusieurs dizaines d'autres esclaves tombèrent derrière moi. A constater le temps que mettait à se positionner la ligne de feu suivante et la distance qui me séparaient des hommes en face... ils n'auraient pas le temps de tirer une troisième fois.
Je venais de remplir mon premier objectif, à savoir limiter les pertes lors du premier contact. Cela se caractérisa d'une manière que je n'aimais guère, car il fallait avouer que foncer ainsi dans les rangs ennemis était un poil trop bourrin et manquait assez de raffinement à mon goût. Je n'avais néanmoins pas vraiment le choix, car entre l'esthétisme et la vie des esclaves, je préférais de loin le second choix. Sautant pour atterrir, pied le premier dans le faciès de l'officier qui ordonnait aux hommes de tirer, je laissais ce dernier dégager au loin sur un bon trois mètres, avant de commencer à faire siffler ma lame, la plupart des soldats autour de moi sortant la leur pour engager l'affrontement. Le champ de bataille s'étendait sur plus de quatre cent mètres de long, et moi, j'étais seul, au centre de la première ligne, alors que mes alliés n'étaient pas encore arrivés au contact. Si cela pouvait sembler fortement problématique, mon instinct stratégique et mon expérience m'indiquaient clairement qu'à l'endroit où j'étais, outre l'officier qui donnait les ordres, je n'avais à faire qu'à des soldats de bas-étage. En somme, je ne courrais pas véritablement un danger, à moins que je ne relâche trop ma garde. Les insurgés arriveraient au contact d'ici une demi-douzaine de seconde, et si je voulais frapper fort grâce aux pouvoirs du Hane Hane no Mi sans risque de les blesser, c'était maintenant ou jamais !
Les lames d'une quinzaine de soldats frappèrent mon corps, émettant un son de frottement métallique et produisant quelques étincelles, alors que je restais immobile, entouré par mes assaillants qui tentaient vainement d'enfoncer leur arme dans ma chair. Les épées étaient en effet immobiles, posées sur mon corps, alors que je sentais leurs propriétaires qui essayaient d'émettre une forte pression pour passer outre mon armure pratiquement invisible. Leur réaction fut cependant on ne peut plus prévisible. Au sourire de joie qui n'était autre que l'extériorisation d'une pensée simpliste, à savoir d'avoir enfin occis l'homme qui venait de frapper leur supérieur, se succéda un sourcillement de surprise en constatant l'inefficacité de leur offensive. Bien que nous soyons sur l'une des quatre Blues, j'entendis l'un des Marines prononcer le terme de Haki, alors que les autres ne comprenaient pas pourquoi leur lame ne pénétrait pas ma chair. Le Haki ? Comme si je pouvais prétendre à un tel pouvoir avec mes capacités actuelles. Ce fut un autre soldat qui prononça le terme de "Fruit du Démon" qui me fit alors réagir en relevant la tête, fixant droit dans les yeux le soldat dont le sabre était posé sur mon crâne. Mes mots furent bref et entendu de tous les opposants qui étaient ainsi sur moi, malgré le fait que je ne les ai guère prononcé avec une voix forte.
- Hane Hane no Ame...
Aussitôt, une paire d'ailes d'une dimension d'environ six mètre chacune, jaillit de sous ma cape, propulsant au loin les soldats situés derrière moi. Mais à peine les appendices furent-ils dévoilés qu'ils laissèrent s'expulser de leurs entrailles une véritable pluie de plumes, semblables à des instruments mitraillant les soldats de poignards. Rapidement autour de moi, les hommes tombèrent, alors que je dirigeais mes appendices séraphiques devant, afin de ne pas blesser les esclaves qui arrivaient enfin à mon niveau. Ces derniers furent tout de même assez décontenancés en voyant celui qui s'était ainsi placé comme le meneur de troupe utiliser un pouvoir aussi inquiétant qu'inattendu. J'en profitais au passage pour laisser plusieurs volées de plumes se diriger en l'air afin de toujours interrompre les tirs d'artillerie, faisant exploser les boulets de canon au vol en les interceptant, non pas par le simple contact d'une plume, mais par le barrage de plusieurs d'entre elles, de manière à provoquer un choc suffisant pour que le projectile explose. Ce qui est pratique avec ce genre de pouvoir, c'est qu'à défaut d'être d'une puissance titanesque, ou même simplement excessive, bien que modeste, son pouvoir reste destructeur en combat de mêlée, car capable de frapper un grand nombre d'individus simultanément. Plusieurs dizaines de Marines tombèrent, soit occis par les poignards de fortune, soit trop blessés en recevant ceux-ci dans diverses parties de leur corps. Néanmoins, cela donna un coup de balai plus qu'appréciable, ouvrant une brèche au sein de plusieurs lignes de front, permettant aux insurgés de pénétrer profondément la défense des soldats.
Les poignards étant tombés lourdement sur plusieurs dizaines de Marines, le nombre de perte s'éleva rapidement à la vingtaine, puis à la quarantaine, suite à ce simple déferlement de capacités, avant que je ne sois interrompu dans mon assaut. Mon sabre s'entrechoqua avec celui d'un officier qui semblait m'avoir repéré et jugé problématique pour le bon déroulement des opérations. Il faut dire qu'il n'avait pas vraiment de mérite, car à moins d'avoir des lunettes de soleil, un chien et une canne blanche, rater l'individu qui arbore une paire d'ailes imposantes tout en semant des poignards à tour de bras est en soi un exploit. En laissant mon épée contre la sienne, nos regards à quelques centimètres l'un de l'autre, je constatais sur son uniforme la marque des Capitaines. Ce titre honorifique était décelable entre mille, sans doute à cause de la médaille hideuse accrochée au-dessus de la poche d'uniforme, ou alors simplement du large manteau où le grade était inscrit au dos en lettre assez grandes pour traduire un complexe d'infériorité, ou le fait d'avoir quelque chose à compenser. Mais même sans cela, je sentais dans la force de frappe de cet homme qu'il n'était pas un simple matelot. Sa force brute était simplement plus grande encore que la mienne, et ses yeux trahissaient l'expérience qu'il avait en terme de combat. Alors que nous luttions ainsi pour tenter de nous repousser l'un l'autre, il s'adressa à moi avec une voix monotone et sévère.
- Syracuse Flowright, Capitaine de la Marine, enchanté gamin !
A peine prononça-t-il ces mots qu'il fit glisser sa lame sur la mienne, m'expulsant au loin sans que je n'ai vraiment le temps de prendre des contre-mesures. Me réceptionnant après une légère pirouette acrobatique et dérapant sur plusieurs mètres, je me redressais en le fixant, fronçant les sourcils. Sous sa casquette on pouvait voir dépasser quelques cheveux blonds assez courts, alors que ces derniers suivaient assez bien avec ses iris d'un bleu aussi azuré que les miens. Sa barbe de trois jours et le cure-dent qu'il gardait entre ses lèvres lui donnait un air un peu vieillot, mais également extrêmement sérieux et sévère. J'ignorais s'il se prenait ou non pour un Clint Eastwood en herbe, mais une chose était certaine : cet homme était plus expérimenté et fort que moi Néanmoins, nous étions tous deux sur un champ de bataille, aussi était-il pratiquement impossible de dire ce qui pouvait arriver. Si je devais le combattre, il fallait que je reste sur mes gardes jusqu'à ce qu'une ouverture ne se présente à moi. Resserrant mon étreinte sur mon épée, la prenant à deux mains, je m'élançais vers lui d'un battement d'ailes pour gagner en vitesse, et abattre mon arme contre la sienne avec toute la violence dont je pouvais faire preuve. Cependant, tout en parant mon attaque, ne tenant sa lame que d'une main, il gardait un air décontracté, comme si cela ne semblait guère lui poser de soucis. J'en profitais cependant pour répondre à sa présentation, comme tout guerrier un tant soi peu respectueux des convenances se devait de faire.
- Reyes Damien, Haut Dirigeant Révolutionnaire. C'est un plaisir !
Alors que je continuais d'appuyer de toutes mes forces, je finis par faire un mouvement avec mon aile gauche, essayant de la faire se diriger brusquement sur mon ennemi pour faire office de seconde épée. Mais par un habile mouvement, redressant son arme, il parvint à contrer mon aile, tout en laissant sa lame appuyée contre la mienne. Voilà qui était plutôt inattendu, mais bien loin de désespérer, je fis alors le même mouvement avec mon autre aile, certain qu'il ne pourrait bouger son sabre sans rompre le contact entre nos lames. Soit il parait avec son épée et la mienne venait le transpercer, soit il se laissait frapper par l'aile faite de plumes aussi tranchantes que des poignards. C'était du moins ce que j'avais prévu. Mais contre toute attente, il positionna sa main libre devant l'amas de plumes et se laissa transpercer celle-ci sans sourciller, stoppant la progression de mon appendice séraphique. Bien que son sang coula depuis les entailles qu'il venait de se faire par ce mouvement, il ne fit pas une seule grimace de douleur, pas un seul froncement de sourcils. Il plongea son regard dans le mien, toujours avec une expression encore plus sévère que précédemment, pour couper court au suspense actuel en s'adressant de nouveau à moi.
- Impressionnant mais... Tu es trop sûr de toi gamin...
Aussitôt, je sentis son pied s'abattre lourdement au niveau de mon thorax, m'enfonçant plusieurs côtes dans un craquement assez audible pour faire frissonner de terreur les deux hommes se battant juste à côté de nous. M'écrasant au loin après avoir été projeté, je roulais avant de finir par tenter de me redresser. Je sentais que j'avais deux, si ce n'était trois, côtes fêlées, et peut-être même cassées. A genoux, je crachais une épaisse gerbe de sang qui se répandait devant moi, passant au-travers de mon foulard devant ma bouche. Malgré le fait que je sois entièrement recouvert d'une armure légère et résistante, la force de frappe de cet homme avait réussi à m'infliger de sérieux dégâts. Je n'osais pas imaginer quel aurait été le résultat si je n'avais pas eu de protection du tout. Un fin filet vermeil coulant sur le côté droit de ma bouche, je toussais encore, face contre terre, entendant les bruits de pas du Marine qui s'approchait tranquillement, comme si la bataille qui se déroulait autour de nous n'existait pas. Il lâcha un bref "Abandonne et rends-toi petit" qui n'eut pas véritablement l'effet escompté. Cette phrase, je me l'étais répété pendant des années alors que j'étais moi-même esclave, et pourtant, jamais je n'avais succombé à la tentation qu'elle représentait. Malgré la douleur lancinante dans mes côtes, je relevais un genou, toussant encore un coup pour expulser le sang qui entravait ma gorge, laissant ce dernier teinter encore plus de rouge le foulard recouvrant la partie basse de mon visage. Une chose était certaine, je devrais nettoyer mes vêtements une fois la bataille terminée, car cracher du sang dedans n'était pas ce qu'il y avait de plus hygiénique.
Chancelant légèrement, je me relevais assez difficilement, avant de brandir à nouveau mon épée devant moi, affirmant sans même avoir besoin de dire un mot, que je n'étais pas prêt à rendre les armes. Une légère exclamation exaspérée filtra de la bouche de mon opposant, alors qu'il s'avança rapidement vers moi pour abattre son épée contre la mienne, d'un coup net et violent qui fit se rompre la roche sous mes pieds dans un cratère d'un mètre de diamètre autour de nous. Bien que cela étant difficile à cause de mon état peu enviable, je tenais la pression, sentant celle-ci se répandre dans tout mon corps et le soumettre à une vive douleur. Néanmoins, lorsqu'il relâcha son attention, se préparant une nouvelle fois à me parler, je saisis à ma ceinture l'une de mes capsules explosives. Face à quelqu'un d'aussi fort que soi, et à plus forte raison, quelqu'un de nettement supérieur à soi, il devient nécessaire d'user de stratégies impliquant la notion de sacrifice. Recouvrant la totalité de mon corps d'une couche de plumes résistantes et repliant mes ailes sur moi-même tout en maintenant le contact face à mon adversaire, je laissais apparaître devant lui la capsule. Pour la première fois, son regard s'écarquilla à la vue de l'objet ovoïde. Je sentis, un bref instant avant l'explosion, la pression sur mon épée se relâcher.
La force du souffle et l'explosion en elle-même me projetèrent à nouveau une dizaine de mètres en arrière, me laissant atterrir en plein milieu d'une dizaine de Marines qui ne comprirent pas ce qui venait de leur arriver, comme si un train leur était passé dessus. Me relevant, le plumage blanc noirci et partiellement en flamme, je laissais celui-ci se disperser avant d'en créer un nouveau. Mais mon état affaibli m'empêchait d'en générer un aussi résistant que le précédent. J'espérais avoir vaincu le Capitaine, car si je reprenais encore d'autres coups comme le dernier qu'il m'avait donné, je craignais d'y laisser la vie. Lorsque le nuage de fumée se dissipa, je vis mon opposant, encore debout, le manteau partiellement brûlé, les deux bras croisés et noircis devant le visage. Alors qu'il baissait ces derniers, je sentais toute la férocité dans son regard. Certes, cette attaque ne l'avait pas blessé grièvement, mais c'était peut-être son orgueil que j'avais touché en réussissant à lui infliger des dégâts, du moins à cette échelle. Crachant son cure-dent à moitié flambé duquel on pouvait voir une petite flammèche émaner, il se rua alors vers moi, poussant un cri de concentration avant de rabattre sa lame d'un large coup vertical qui me balaya, m'envoyant à nouveau valser au loin malgré le fait que j'ai interposé la mienne. Étant donné nos différences de puissance respective, j'allais sûrement mourir...
- Alors Damien ? Tu abandonnes déjà ? Je te croyais plus fort que ça.
Tch...Allez savoir pourquoi je venais d'entendre cette phrase dans mon esprit. La voix qui avait prononcé ces mots n'était autre que celle de Mistral D. Asuna. Il était certes impossible qu'elle soit ici présente à me dire ces mots, étant donné qu'elle était morte il y a peu de temps, mais l'écho de ses paroles résonnait dans mon esprit. Alors que ma vue se troublait, pendant que je volais dans les airs, ces mots me firent reprendre aussitôt conscience. Quelle plaie cette fille... même morte, elle m'empêchait d'abandonner tranquillement. Essayant de me réceptionner, je finis par atterrir sur le ventre, dérapant sur celui-ci pendant encore une bonne dizaine de mètres. Ma cape recouvrait la quasi-totalité de mon corps, le cachant totalement, alors que je tentais de réunir les forces nécessaires pour me relever. Remuant légèrement, je pouvais déjà sentir le regard méprisant et hautain du capitaine Syracuse sur moi. Il s'avançait, l'épée posée contre sa clavicule, s'avançant sereinement sur le champ de bataille, donnant entre temps une à deux bonnes claques bien violentes sur des insurgés qui tentaient de lui faire barrage. Inutile d'être devin cependant pour comprendre que j'étais sa cible. Je me redressais, gardant ma cape autour de moi, et tenant à nouveau fermement mon épée devant moi.
Brusquement, je plantais celle-ci dans le sol, la lâchant complètement, tout en fixant Syracuse avec un air on ne peut plus sérieux. Tendant mon bras devant moi, je le provoquais en lui faisant signe d'approcher, adoptant une pose de combat dont je ne connaissais pas le nom... et pour cause, je l'avais juste vu dans une bande dessinée, ne connaissant rien du tout au style de combat auquel elle était assimilée. Mais comme je m'y attendais, le capitaine Flowright répondit à ma provocation, se ruant vers moi toute lame levée, prête à l'abattre en profitant du fait que je n'ai aucune défense. S'il avait pu voir sous mon foulard, ce serait sans doute un rictus qu'il aurait perçu, au moment où il rabattit son arme vers le sol. Serrant les poings, je joignais mes deux avant-bras devant moi à la verticale, avant de déclencher la technique qui m'éviterait de passer de vie à trépas.
- Tenshi no Bachi !
Aussitôt, une nuée de plume s'assembla devant moi en un instant, formant un imposant bouclier circulaire qui me protégea de l'attaque du Marine. J'avais dû laisser tomber toute force offensive afin de pouvoir me concentrer suffisamment sur le renforcement et la vitesse d'apparition des plumes. Tout cela avait demandé un timing aussi précis qu'une mécanique suisse, mais lorsqu'il s'agissait de tactique et d'évaluation de la sorte, peu importait la puissance de la personne en face, je restais l'une des éminences en la matière. Néanmoins, avant que le bouclier ne soit complètement solidifié avec la résistance de l'acier, Syracuse parvint tout de même à le trancher dans le sens de la hauteur sur une longueur de quarante centimètres, laissant sa lame s'arrêter juste au-dessus de mon bonnet. J'entendis néanmoins la voix de mon adversaire alors qu'il constatait la défense qui m'avait permis de m'en sortir.
- Tu manques de déduction gamin. Même si tu as paré ce coup, tu n'es pas plus avancé.
Peu m'importait le mépris qu'avait le Marine en m'adressant ces mots. Les jeux étaient fait à l'instant même où il s'était élancé vers moi. Avec une voix pleine d'assurance, je répondais à ses dires, ne cachant pas toute l'arrogance dont je pouvais faire preuve.
- Au contraire... c'est lorsque vous avez attaqué que j'ai été le plus avancé... car vous n'avez visiblement pas remarqué le détail qui me manquait à cet instant.
Je n'avais pas besoin d'être médium pour anticiper la réaction de Syracuse. Il venait juste de réaliser qu'à l'instant où il avait porté son attaque, je n'avais en effet plus de ceinture autour de ma taille. A l'instant même où il porta son regard à ses pieds, découvrant ladite ceinture juste devant lui, recouverte de sable pour la dissimuler en majeure partie, l'une des plumes du bouclier se détacha pour frapper l'une des quatorze capsules explosives. Effectivement, alors que j'avais été à terre, sur le ventre, dissimulé du coup jusqu'aux mollets par ma cape, j'avais ôté ma ceinture et l'avais recouverte de sable pour que Flowright ne la remarque pas. La seule chose qui me manquait était de le faire venir juste devant celle-ci. En bon guerrier qu'il était, il n'avait pas su résister à ma provocation. Qu'il croise ou non les bras, cette fois-ci, les jeux étaient faits. Il avait déjà peu apprécié de se prendre une capsule en se protégeant, mais cette fois, alors qu'il avait son épée encore coincée dans mon bouclier de plumes, ce dernier me protégeant par la même occasion de l'explosion, il ne risquait pas de se relever comme si de rien.
Même si ma création séraphique fit barrage au moment du déclenchement de ce piège, les plumes n'en restent pas moins assez sensibles au feu. La déflagration principale détruisit ainsi le bouclier, mais le souffle et la propagation des flammes ne m'épargnèrent pas, laissant un nuage de feu duquel je fus expulsé rapidement. J'avais pris un sacré coup de soleil si l'on peut dire. Mon visage était noirci, mes vêtements fumaient, certaines parties laissant apparaître une flammèche, alors que mes avant-bras qui avaient protégés ma tête, étaient apparemment brûlés au deuxième degré. Mais au moins, j'étais en vie. J'ignorais si je pouvais en dire autant du capitaine. Après le bref malaise d'une dizaine de seconde qui me prit, alors que je volais dans les airs, dérapant sur plusieurs dizaines de mètres à cause du fait d'être ainsi projeté, je me relevais, sentant qu'en plus de cela, j'avais l'humérus du bras droit fracturé à cause de la violence du frottement avec le sol. Avançant lentement, constatant que la ligne de combat s'était déplacée plus loin, les insurgés ayant gagné plusieurs dizaines de mètres de terrain depuis le début de la bataille, j'arrivais près du corps de Flowright. Ce dernier était mal en point, mais il respirait encore. Ramassant mon épée enfoncée dans le sol, je le fixais d'un seul œil, l'autre étant fermé à cause de la douleur qu'il me faisait ressentir lorsque je l'ouvrais.
- Quand cette bataille se sera terminée par la victoire des hommes libres et que tu seras transporté à Marineford... assures-toi de dire à toute la Marine que la guerre est lancée... et que les héritiers de la volonté de Dragon feront perdurer cette dernière jusqu'à ce qu'elle anéantisse les fondements de votre mascarade qu'est le Gouvernement Mondial.
Me retournant, je commençais à marcher en direction du champ de bataille où le combat faisait rage un peu plus loin. Mais brusquement, les haut-parleurs de la ville se mirent à propager une nouvelle des plus déconcertantes. Visiblement, alors que les insurgés commençaient à voir une lueur d'espoir, leur victoire se faisant de plus en plus proche, les Marines avaient lancé une attaque du côté Ouest de la ville. J'entendis alors Syracuse rire faiblement, mais avec une conviction effrayante, celle du vaincu qui sait qu'il ne tombera pas seul.
- Peu importe que tu m'ais battu gamin... ou même que tes camarades réussissent à vaincre les troupes ici. L'arme humaine arrive de ce côté pour vous prendre à revers. Vous n'avez plus d'espoir ! Dès qu'elle sera ici, cette bataille sera finie...
Ricanant de nouveau, le capitaine de la Marine fixait le ciel, étendu sur le sable, visiblement fier d'avoir remporté la bataille, du moins dans son esprit. Je sentais cependant la rage monter en moi, faisant bouillonner mes tripes, en observant cet homme qui nous condamnait déjà sans même nous donner une chance de succès. D'un geste net, je lui mis un coup avec le pommeau de mon épée, l'assommant pour de bon et faisant cesser son rire des plus énervants. Si j'avais du mal à marcher, j'en aurais sans doute moins à voler. Comme tout se déroulait bien sur le champ de bataille Ouest, il me fallait réussir à intercepter cette "Arme Humaine" pour l'empêcher de rejoindre le front. Du moment qu'elle n'arrivait pas sur ce champ de bataille, les insurgés auraient toujours la victoire à portée de main. Tout ce que j'avais à faire, c'était de bloquer cette "chose", et si possible l'anéantir. Néanmoins, dans mon état actuel, je doutais de pouvoir au mieux de mes capacités. Mais qu'importe, peut-être que mon talent stratégique naturel me permettrait d'aider les combattants présents de ce côté de la ville. Battant des ailes aussi rapidement que possible, tanguant par moment à cause du déséquilibre que la douleur provoquait parfois chez moi, je finis par arriver sur le toit d'un bâtiment situé à l'extrémité Est de la ville.
C'est alors que je la vis... cette arme, vestige d'une guerre datant de plus d'un siècle. Le portrait craché de l'un de nos anciens camarades : Bartholemew Kuma. Au sein de la révolution, ses actes passaient pour légendaires. Il n'était certes plus de ce monde, mais voir un cyborg à l'effigie d'un ancien héros est toujours quelque chose de choquant. A plus forte raison, il semblait avoir engagé le combat avec un groupe de volontaires. Un faisceau lumineux jaillit de la main du monstre, provoquant une explosion impressionnante, ouvrant la voie à une centaine de Marines présents qui tentaient de franchir la ville pour prendre le côté Ouest du champ de bataille à revers. Fronçant les sourcils pour afficher une expression on ne peut plus contrarié, je déployais cette fois trois paires d'ailes dans mon dos, depuis mon perchoir. Je décidais de survoler la zone en évitant de me fatiguer encore plus que je ne l'étais déjà. Je vis les soldats s'avancer dans les rues de la ville, mais également plusieurs insurgés sur les toits des bâtiments, prêts à faire feu lorsque les Marines seraient plus avancés encore, ne pouvant alors plus faire de mouvement de retraite. En attaquant la centaine d'hommes depuis les toits, les esclaves s'assuraient un bonus stratégique de mise à couvert non-négligeable. Sous-estimer des hommes avides de liberté était effectivement une grossière erreur dont la Marine n'allait pas tarder à payer les frais. Peu importait que les soldats avancent, car ils ne pourraient de toute façon pas rejoindre le champs de bataille Ouest.
De mon côté, j'arrivais au niveau du champ de bataille Est, voyant deux hommes que je supposais être des insurgés, aux prises avec la terrifiante Arme Humaine. A peine étais-je arrivé que je voyais déjà le monstre brandir sa main en direction d'un autre combattant. Étant donné la lumière qui apparu dans la paume du cyborg, il n'allait pas tarder à réitérer son attaque précédente, risquant de calciner net le guerrier devant lui. Pas le temps de réfléchir ou quoi. Je provoquais une violente poussée avec mes ailes pour me projeter sur la bête, mes six appendices séraphiques provoquant une onde de choc au moment du départ, pour laisser mon corps se fracasser contre le monstre. Certes, je ne pus pas l'amocher ou même simplement l'endommager, mais le déséquilibre causé suffit à lui faire dévier la trajectoire de son tir de quelques centimètres vers la droite, provoquant tout de même une explosion qui me souffla, moi et l'autre individu, à plusieurs mètres de là. En revanche, le monstre d'acier n'avait bougé que de quelques centimètres suite à l'explosion, malgré la proximité de celle-ci. Tout en m'étant cogné dessus, j'avais bien ressenti qu'il était fait d'un matériau aussi résistant que l'acier... mes côtes fêlées maintenant brisées me le criait avec mécontentement, m'arrachant une grimace de douleur alors que je tombais lourdement sur le sol, roulant alors plusieurs fois sur moi-même avant de finir finalement immobile. Certes, je venais d'aggraver mon état sans faire le moindre dommage au monstre mécanique, mais au moins, je l'avais empêché de mettre fin aux jours d'un potentiel équipier de fortune qui, je l'espérais, pourrait être utile dans la lutte qui s'annonçait difficile.