Réveil difficile ce matin, pas l'habitude de me lever si tôt en période de congés. Onze heures, déjà ?! Et la voisine qui veut que j'aille chopper son mioche pour déjeuner ce midi. J'adore les gosses, mais j'aime autant les accueillir sans avoir la gueule dans le cul. Bon, j'choppe un bol dans l'placard, l'café est pas près. Bordel. Un truc que j'déteste, j'sais jamais comment mettre le filtre, et j'dose toujours super mal. Du coup, j'met quelques cuillerées de la poudre brune dans la cafetière, j'me dis que c'est assez, alors j'en rajoute deux, j'referme et c'est parti. Clic. J'ai oublié de mettre de l'eau...
Quand enfin, j'émerge assez pour pouvoir me servir mon café -bien dégueulasse, je l'aurais parié- j'fais tomber ma première tartine beurrée au fond, je m'en fais une autre, puis je termine le bol en quelques lampées. Super petit dèj. Un passage dans la salle de bains pour me débarbouiller un coup, puis j'enfile rapidement slibar, pantalon et T-shirt pas trop sale, j'glisse mon pistolet dans la ceinture. Ça m'donne un genre. Le percuteur trône bien au fond du tiroir, j'ai pas trop de soucis à m'faire.
« Chééééééééériiiiiiiiie !
-Oui ?
-J'pars chercher le gosse.
-D'accord, à tout à l'heure.
-Je t'embrasse.
-Moi aussi mon amour. »
Commencent à être embarrassants, ces sobriquets d'amants abusés par la vie de couple. Tant pis, j'suis bien avec cette nana. Un jour je lui ferai un gosse, voire deux. Puis peut-être qu'enfin j'finirai par lui demander sa main. Mais bon, parlons pas d'malheur, commençons par aller chercher le p'tiot. Le chemin est pas bien long, Cocoyashi, ça reste quand même pas très grand. Et si ma baraque est un peu excentrée, y a pas des masses de kilomètres à parcourir. Quand j'arrive devant les grilles, les mioches s'excitent avec un ballon, crient, piaillent, y en a un qui pleure, un autre qui joue au billes tout seul, je vois même un groupe qui joue à touche pipi dans un coin de la cour. Ils s'expriment, c'est beau la jeunesse.
Bon, bien entendu, devant la grille, en train de surveiller les mioches qui viennent de sortir de leurs salles de classe, y a trois enseignants. Un vieux rabougri mais qui semble gentil comme on n'en fait plus, une grosse truie un peu pète-sec et une charmante demoiselle qui... Hum, comment c'est, vous ? Faut que je trouve un moyen d'éloigner les deux autres de votre personne mademoiselle. Quelles jambes ! Je.. Je...
« Hum, me semble qu'il y a un gamin qui pleure là-bas.
-Non non, jeune homme, me répond le vieux, il se mouche, il nous a fait ça toute la mâtinée.
-J'aurais juré...
-Essayez donc de nous apprendre notre travail ! Vous venez récupérer un gosse, allez-y, et nous faites pas la morale... Aboya la truie.
-Madame, je...
-Mademoiselle.
-Mademoiselle, ce n'était en aucun cas mon intention d'insulter votre travail. Et le gosse que je cherche n'a pas l'air d'être ici.
-Alors allez le chercher ailleurs.
-Excusez la cher ami, elle a les nerfs à vif en ce moment.
-Il n'y a pas de mal Monsieur.
-Vous chercher quel enfant ? Vous avez une autorisation ? Je ne vous ai jamais vu ici.
-C'est ma voisine qui m'a demandé de venir chercher son gamin pour midi. J'dois avoir le mot quelque part par là... »
J'extirpe un bout de papier de ma chemise, un peu froissé et l'écriture n'est pas forcément super lisible, mais le vieux a pas l'air d'être dérangé. Doit avoir l'habitude de lire des trucs bien pires avec ses élèves. La jolie maîtresse n'a toujours pas tiré un mot, pas plus qu'elle n'a regardé dans ma direction. Farouche ? Ou très attentive au bien être des petits ? Peut-être pas trop le genre à regarder les hommes... J'me fais des films, bien sur qu'elle m'a regardé, j'ai juste pas vu son discret regard. Le petit vieux part chercher l'gamin. Reste plus que la vieille peau et j'pourrai entamer la conversation.
« Mademoiselle, que j'fais à la mémé ronchonnante.
-Qu'est ce qu'il y a encore ?
-Vous croyez que j'pourrais aller me chercher un verre d'eau ?
-Non, vous n'avez pas autorisation à...
-Alors allez m'en chercher un, s'il-vous-plaît, c'est pour un médicament que je dois absolument prendre à heure fixe.
-Vous venez vraiment pour me faire suer. Caroline, allez chercher un verre d'eau à ce trou d'cul.
-La politesse ça vous connaît, hein ?
-Et vous, ça vous arrive de fermer vot' clapet ?
-Jamais. Ma religion me l'interdit. »
Elle a pas du trouver ça drôle. On dirait qu'elle boude. En tout cas, ça n'a pas du tout fonctionné. Plutôt que ce soit la vieille mégère qui soit partie, c'est la jolie petite, comment déjà... Caroline qui est allée chercher mon verre d'eau. Raté pour l'approche en solitaire, j'vais devoir me montrer plus finaud. Ou alors, me rendre tellement insupportable auprès de miss geignarde qu'elle se barre d'elle même.
« Et alors, vous aimez les enfants ?
-Non, mais qu'est ce que ça peut vous foutre.
-Oh, c'était pour discuter vous savez.
-Et si je vous dit que j'veux pas discuter, tête de con.
-Roh, me faites pas ça, je m'ennuie aussi. Votre collègue revient pas avec le gamin, et vous avez envoyé l'autre me chercher un verre d'eau. Si ça vous ennuie vous n'aviez qu'à y aller à sa place.
-J'suis pas votre bonniche.
-Vous vouliez pas que j'aille le chercher moi-même.
-Vous me faites suer, taisez vous.
-Vous savez, j'parle tout seul, si vous répondez pas et que vous faites abstraction j'vais monologuer, ça vous fera sans doute moins chier, non ? Hein ? Ah, vous écoutez mes conseils. J'suis un gars bien quand même, vous aider à supporter ma présence. Me semble que votre patience était à bout, ne plus répondre va vous aider à ne plus m'entendre. À moins que vous ne fassiez exprès d'écouter pour justifier la torgnole que vous allez me mettre dans un instant. Mais faites attention, j'me laisserai pas faire, j'suis pas du genre à me faire frapper sans réagir, j'arrêterai votre coup. Et c'est bien tout, j'suis pas du genre à me vanter, mais j'suis plutôt sympa. Et puis...
-Taisez vous bougre d'andouille.
-Dites, je suis le seul à venir chercher un enfant ce midi ? Non, parce que là j'me sens un peu isolé. Ils bouffent tous à la cantine ?
-C'est repas spécial aujourd'hui, forcément ils viennent s'engraisser les pourceaux. D'ailleurs il faut que j'aille les faire manger. J'espère que vous serez parti quand je reviendrai.
-Au revoir ! Bon appétit. »
Bon, la grosse est partie, mais mon verre d'eau ne revient pas. Et mon gamin non plus, bizarre... C'est chiant, faut tout faire soi-même. Je m'apprête à sauter la barrière, pour aller inspecter ce qui ne va pas. Et j'vois le p'tit vieux qui revient, presque en courant. Un brin affolé, et il a pas mon gamin. Allons, c'est quoi ces histoires ? Y m'cause tellement vite que j'comprends que quelques mots à la volée. Trouvé, Gamin, toilettes, bloqué. L'impression que parfois, l'histoire n'est qu'un continuel recommencement.
« Vous avez vérifié qu'il n'y a pas de cambrioleur dans les parages ?
-Pourquoi ça ?
-Rien, des souvenirs qui remontent en mémoire.
-Ça fait plus d'une demi-heure qu'il est bloqué dedans, en train de pleurer parce que le verrou est cassé. Vous pensez pouvoir le sortir de là ?
-Suffit de défoncer la porte, non ?
-Je ne préférerai pas, vous savez, l'école n'a pas beaucoup de moyens... Voilà, nous y sommes, ce sont ces cabinets là.
-Joshua ?
-Oui, qu'il fait entre deux sanglots.
-J'arrive.
-Qui c'est ?
-Le voisin de ta mère, Alexandre Kosma. »
Quelques acrobaties plus tard, j'me retrouve moi aussi dans les toilettes. Passer par dessus, non mais vous le croyez, j'ai plus l'âge pour de telles conneries. Le plus dur va être de faire passer le gamin sans l'amocher. J'pourrais le lancer, mais le vieux le rattraperait pas. Une solution peut-être ? Le porter sur mon dos ? Pourquoi pas. Accroche toi bien gamin. Il est désormais posé bien crispé sur mon dos, les ongles qui s'enfoncent là où il pose les mains. J'commence l'ascension. Problème, c'est pas assez large pour deux personnes, va falloir ruser.
« Vous vous en sortez ? Me crie le Papy.
-Oui, oui, pas besoin de crie, vous savez, j'suis à moins de deux mètres de vous, la hauteur de change rien. Vous auriez une corde ?
-Une corde ?
-Pour le faire descendre en rappel, on passe pas à deux.
-Je vais vous chercher ça tout de suite. »
Il repart de son dandinement pressé. À son âge, plus moyen de courir je comprends. J'zyeute un coup de l'autre côté de la cour, la demoiselle est revenue, avec mon verre d'eau, elle scrute les alentours. Hop, j'crois qu'elle a vu où j'étais. Elle va m'apporter mon verre. La présence du gamin n'arrange pas les choses, mais au moins, j'ai plus ni la grosse ni le vioque sur le dos. Peut-être un moyen de lui décrocher un mot. Bon, elle avance, ou pas ? Ah. Non. Elle a posé le verre sur le muret. Et elle se dirige vers la cantine. Tant pis pour moi. Une autre fois peut-être.
Le vieux reparaît. Une bonne grosse corde dans les mains. Un peu essoufflé semble-t-il. Il me lance un morceau de la corde que j'attrape du bout de doigts. Le temps d'attacher le gamin et le voilà qui descend décimètre par décimètre et qui progressivement atteint le sol. Je me jette à sa suite en sautant sur le sol lestement. Bon. Une bonne chose de faite. J'vais quand même chopper le verre d'eau que j'bois d'une traite. Un petit papier s'envole, et j'le rattrape. Les incriptions sont claires et bien tracées : [i]Demain soir, 19h, même endroit?[i] J'souris. J'ai finalement pas tant raté mon coup que ça. Un petit O.K. griffonné à la va-vite et j'suis parti.
Tout le long du trajet, le petit Joshua me regarde avec des grands yeux d'extraterrestre. Il doit pas souvent en voir, des adultes qui sautent les parois des toilettes pour aller chercher un gosse. Il doit sans doute être déçu de pas avoir de frites pour midi alors que tous ses potes en ont. Bon, j'lui ferai ma spéciale en rentrant...
Quand enfin, j'émerge assez pour pouvoir me servir mon café -bien dégueulasse, je l'aurais parié- j'fais tomber ma première tartine beurrée au fond, je m'en fais une autre, puis je termine le bol en quelques lampées. Super petit dèj. Un passage dans la salle de bains pour me débarbouiller un coup, puis j'enfile rapidement slibar, pantalon et T-shirt pas trop sale, j'glisse mon pistolet dans la ceinture. Ça m'donne un genre. Le percuteur trône bien au fond du tiroir, j'ai pas trop de soucis à m'faire.
« Chééééééééériiiiiiiiie !
-Oui ?
-J'pars chercher le gosse.
-D'accord, à tout à l'heure.
-Je t'embrasse.
-Moi aussi mon amour. »
Commencent à être embarrassants, ces sobriquets d'amants abusés par la vie de couple. Tant pis, j'suis bien avec cette nana. Un jour je lui ferai un gosse, voire deux. Puis peut-être qu'enfin j'finirai par lui demander sa main. Mais bon, parlons pas d'malheur, commençons par aller chercher le p'tiot. Le chemin est pas bien long, Cocoyashi, ça reste quand même pas très grand. Et si ma baraque est un peu excentrée, y a pas des masses de kilomètres à parcourir. Quand j'arrive devant les grilles, les mioches s'excitent avec un ballon, crient, piaillent, y en a un qui pleure, un autre qui joue au billes tout seul, je vois même un groupe qui joue à touche pipi dans un coin de la cour. Ils s'expriment, c'est beau la jeunesse.
Bon, bien entendu, devant la grille, en train de surveiller les mioches qui viennent de sortir de leurs salles de classe, y a trois enseignants. Un vieux rabougri mais qui semble gentil comme on n'en fait plus, une grosse truie un peu pète-sec et une charmante demoiselle qui... Hum, comment c'est, vous ? Faut que je trouve un moyen d'éloigner les deux autres de votre personne mademoiselle. Quelles jambes ! Je.. Je...
« Hum, me semble qu'il y a un gamin qui pleure là-bas.
-Non non, jeune homme, me répond le vieux, il se mouche, il nous a fait ça toute la mâtinée.
-J'aurais juré...
-Essayez donc de nous apprendre notre travail ! Vous venez récupérer un gosse, allez-y, et nous faites pas la morale... Aboya la truie.
-Madame, je...
-Mademoiselle.
-Mademoiselle, ce n'était en aucun cas mon intention d'insulter votre travail. Et le gosse que je cherche n'a pas l'air d'être ici.
-Alors allez le chercher ailleurs.
-Excusez la cher ami, elle a les nerfs à vif en ce moment.
-Il n'y a pas de mal Monsieur.
-Vous chercher quel enfant ? Vous avez une autorisation ? Je ne vous ai jamais vu ici.
-C'est ma voisine qui m'a demandé de venir chercher son gamin pour midi. J'dois avoir le mot quelque part par là... »
J'extirpe un bout de papier de ma chemise, un peu froissé et l'écriture n'est pas forcément super lisible, mais le vieux a pas l'air d'être dérangé. Doit avoir l'habitude de lire des trucs bien pires avec ses élèves. La jolie maîtresse n'a toujours pas tiré un mot, pas plus qu'elle n'a regardé dans ma direction. Farouche ? Ou très attentive au bien être des petits ? Peut-être pas trop le genre à regarder les hommes... J'me fais des films, bien sur qu'elle m'a regardé, j'ai juste pas vu son discret regard. Le petit vieux part chercher l'gamin. Reste plus que la vieille peau et j'pourrai entamer la conversation.
« Mademoiselle, que j'fais à la mémé ronchonnante.
-Qu'est ce qu'il y a encore ?
-Vous croyez que j'pourrais aller me chercher un verre d'eau ?
-Non, vous n'avez pas autorisation à...
-Alors allez m'en chercher un, s'il-vous-plaît, c'est pour un médicament que je dois absolument prendre à heure fixe.
-Vous venez vraiment pour me faire suer. Caroline, allez chercher un verre d'eau à ce trou d'cul.
-La politesse ça vous connaît, hein ?
-Et vous, ça vous arrive de fermer vot' clapet ?
-Jamais. Ma religion me l'interdit. »
Elle a pas du trouver ça drôle. On dirait qu'elle boude. En tout cas, ça n'a pas du tout fonctionné. Plutôt que ce soit la vieille mégère qui soit partie, c'est la jolie petite, comment déjà... Caroline qui est allée chercher mon verre d'eau. Raté pour l'approche en solitaire, j'vais devoir me montrer plus finaud. Ou alors, me rendre tellement insupportable auprès de miss geignarde qu'elle se barre d'elle même.
« Et alors, vous aimez les enfants ?
-Non, mais qu'est ce que ça peut vous foutre.
-Oh, c'était pour discuter vous savez.
-Et si je vous dit que j'veux pas discuter, tête de con.
-Roh, me faites pas ça, je m'ennuie aussi. Votre collègue revient pas avec le gamin, et vous avez envoyé l'autre me chercher un verre d'eau. Si ça vous ennuie vous n'aviez qu'à y aller à sa place.
-J'suis pas votre bonniche.
-Vous vouliez pas que j'aille le chercher moi-même.
-Vous me faites suer, taisez vous.
-Vous savez, j'parle tout seul, si vous répondez pas et que vous faites abstraction j'vais monologuer, ça vous fera sans doute moins chier, non ? Hein ? Ah, vous écoutez mes conseils. J'suis un gars bien quand même, vous aider à supporter ma présence. Me semble que votre patience était à bout, ne plus répondre va vous aider à ne plus m'entendre. À moins que vous ne fassiez exprès d'écouter pour justifier la torgnole que vous allez me mettre dans un instant. Mais faites attention, j'me laisserai pas faire, j'suis pas du genre à me faire frapper sans réagir, j'arrêterai votre coup. Et c'est bien tout, j'suis pas du genre à me vanter, mais j'suis plutôt sympa. Et puis...
-Taisez vous bougre d'andouille.
-Dites, je suis le seul à venir chercher un enfant ce midi ? Non, parce que là j'me sens un peu isolé. Ils bouffent tous à la cantine ?
-C'est repas spécial aujourd'hui, forcément ils viennent s'engraisser les pourceaux. D'ailleurs il faut que j'aille les faire manger. J'espère que vous serez parti quand je reviendrai.
-Au revoir ! Bon appétit. »
Bon, la grosse est partie, mais mon verre d'eau ne revient pas. Et mon gamin non plus, bizarre... C'est chiant, faut tout faire soi-même. Je m'apprête à sauter la barrière, pour aller inspecter ce qui ne va pas. Et j'vois le p'tit vieux qui revient, presque en courant. Un brin affolé, et il a pas mon gamin. Allons, c'est quoi ces histoires ? Y m'cause tellement vite que j'comprends que quelques mots à la volée. Trouvé, Gamin, toilettes, bloqué. L'impression que parfois, l'histoire n'est qu'un continuel recommencement.
« Vous avez vérifié qu'il n'y a pas de cambrioleur dans les parages ?
-Pourquoi ça ?
-Rien, des souvenirs qui remontent en mémoire.
-Ça fait plus d'une demi-heure qu'il est bloqué dedans, en train de pleurer parce que le verrou est cassé. Vous pensez pouvoir le sortir de là ?
-Suffit de défoncer la porte, non ?
-Je ne préférerai pas, vous savez, l'école n'a pas beaucoup de moyens... Voilà, nous y sommes, ce sont ces cabinets là.
-Joshua ?
-Oui, qu'il fait entre deux sanglots.
-J'arrive.
-Qui c'est ?
-Le voisin de ta mère, Alexandre Kosma. »
Quelques acrobaties plus tard, j'me retrouve moi aussi dans les toilettes. Passer par dessus, non mais vous le croyez, j'ai plus l'âge pour de telles conneries. Le plus dur va être de faire passer le gamin sans l'amocher. J'pourrais le lancer, mais le vieux le rattraperait pas. Une solution peut-être ? Le porter sur mon dos ? Pourquoi pas. Accroche toi bien gamin. Il est désormais posé bien crispé sur mon dos, les ongles qui s'enfoncent là où il pose les mains. J'commence l'ascension. Problème, c'est pas assez large pour deux personnes, va falloir ruser.
« Vous vous en sortez ? Me crie le Papy.
-Oui, oui, pas besoin de crie, vous savez, j'suis à moins de deux mètres de vous, la hauteur de change rien. Vous auriez une corde ?
-Une corde ?
-Pour le faire descendre en rappel, on passe pas à deux.
-Je vais vous chercher ça tout de suite. »
Il repart de son dandinement pressé. À son âge, plus moyen de courir je comprends. J'zyeute un coup de l'autre côté de la cour, la demoiselle est revenue, avec mon verre d'eau, elle scrute les alentours. Hop, j'crois qu'elle a vu où j'étais. Elle va m'apporter mon verre. La présence du gamin n'arrange pas les choses, mais au moins, j'ai plus ni la grosse ni le vioque sur le dos. Peut-être un moyen de lui décrocher un mot. Bon, elle avance, ou pas ? Ah. Non. Elle a posé le verre sur le muret. Et elle se dirige vers la cantine. Tant pis pour moi. Une autre fois peut-être.
Le vieux reparaît. Une bonne grosse corde dans les mains. Un peu essoufflé semble-t-il. Il me lance un morceau de la corde que j'attrape du bout de doigts. Le temps d'attacher le gamin et le voilà qui descend décimètre par décimètre et qui progressivement atteint le sol. Je me jette à sa suite en sautant sur le sol lestement. Bon. Une bonne chose de faite. J'vais quand même chopper le verre d'eau que j'bois d'une traite. Un petit papier s'envole, et j'le rattrape. Les incriptions sont claires et bien tracées : [i]Demain soir, 19h, même endroit?[i] J'souris. J'ai finalement pas tant raté mon coup que ça. Un petit O.K. griffonné à la va-vite et j'suis parti.
Tout le long du trajet, le petit Joshua me regarde avec des grands yeux d'extraterrestre. Il doit pas souvent en voir, des adultes qui sautent les parois des toilettes pour aller chercher un gosse. Il doit sans doute être déçu de pas avoir de frites pour midi alors que tous ses potes en ont. Bon, j'lui ferai ma spéciale en rentrant...