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Shabondy, ça vous gagne.



-Voler un groove ?
-Oui. Je sais que dit comme ça, ça fait bizarre. Mais en fait ce n'est pas complètement dénué de sens. La problématique est la suivante. Nous cherchons à récupérer une épave, l'épave d'un galion, renflouée et aménagée, et présentement enfouie dans les racines du Groove 20. Juste ici. L'épave est bourrée jusqu'a la gueule de tout ce qu'a pu récupérer Drake du temps de son ascension. Ce qui signifie que vider et transborder son contenu est l'affaire de plusieurs jours et de très nombreux bras. Et le bordel qu'on a causé l'autre jour sur Shabondy, il est impensable d'y jouer les dockers tranquillement sans que tout le monde dans le coin nous tombe dessus.
A partir de la le choix se réduit, si on ne peut pas vider la cargaison la bas il faut la vider ailleurs. Et comme on ne  peut pas déplacer l'épave qui est coincée dans les racines du groove, on ne peut que déplacer le groove...

-Et, comment on va faire ?
-C'est pour ça que nous sommes tous réunis ici. Vous allez comprendre, commençons par un rapide tour de table. L'homme poisson a l'air teigneux assis ici s'appelle Doj, c'est l'actuel chef de l'écume sanglante, le plus redoutable escadron sous marin d'Armada, et le second de la douce Tomoe. Avec lui nous avons embarqué une trentaine des meilleurs nageurs de l'écume. A sa droite, nous connaissons tous Baker une fois, outre sa chance exceptionnelle, il nous apporte ici une expérience certaine dans le domaine des explosifs. En face Bout de bois est évidemment notre expert logistique, en fait, l'idée qu'on peut déplacer le Groove vient de lui. Et enfin, monsieur Murdoc que vous rencontrez tous pour la première fois est ce que nous avons pu trouver de plus proche d'un expert de Shabondy. Le plan est plutôt simple, Bout de Bois ?
-L'idée c'est que nous disposons de bâtiments pourvus d'une puissance de propulsion parfaitement surdimensionnée, ça ne les rend pas plus rapide, mais ça signifie qu'ils peuvent jouer les remorqueurs de bâtiments énormes sans vraiment diminuer leur vitesse. Et les groove sont des arbres flottants dont le tirant d'eau n'est finalement pas si élevé que ça. Comme d’habitude, tout est une question d'attaches et de répartition de force. Mais si le groove est libre, on peut le tracter.
-Si le groove est libre. Ce qui nous emmène au reste du plan. Dol ? Expliquez nous a quoi ressemblent les fonds la bas.
-Les arbres de Shabondy flottent grâce à leurs racines, ce sont elles qui génèrent les bulles que l'on voit partout la bas. Celles qui plongent au centre de l'arbre flottent sous l'eau, un peu à la manière des tentacules des méduses et servent à la survie de l'arbre, les racines de la périphérie se déploient plutôt à l'horizontale, juste au niveau de la surface de l'eau et font s'enrouler autour de celles des autres arbres. C'est ce qui donne la solidité de l'archipel.
-Ce qui signifie que pour que l'arbre se dégage du reste de l'ile il va nous falloir tronçonner une longue série de racines plus grosses et plus coriace que des poutrelles de construction. Et comme nous l'avons tous deviné, cette partie du plan explique à la fois la présence de Baker et de Dol. Grace aux hommes poissons de Dol nous allons disperser des explosifs dans toute la périphérie sous marine du Groove 20 pendant que ceux de Baker feront de même en surface. Pendant ce temps la Bout de bois préparera les zones d'accroche pour le remorquage. Ensuite Boum. Le Groove se détache, les cuirassés font surface et on les amarre a toute berzingue avant de foutre le camp.
-Et on ne risque pas d'avoir des soucis avec les locaux?
-Monsieur Murdoc ?
-Si votre Drake a choisi le Groove 20 ce n'est pas par hasard. Il est quasiment inhabité.
-Pourquoi ?
-Sa position essentiellement. C'est le Groove le plus exposés aux intempéries de Grand line, et c'est aussi le Groove de la zone de non droit le plus proche de la zone civile, ce qui fait que les pirates ont tendance à l'éviter pour accoster un peu plus loin et les marines a venir y faire des exercices de tir de temps en temps pour montrer que la zone civile est sure. Et comme l'argent vient aussi des pirates, le coin n'est essentiellement habité que par des gens n'ayant pas le pognon pour s'installer ailleurs, ou qui ont besoin de se planquer sans avoir trop à craindre de la marine.  
-Ok pour les gens, mais la marine ?
-L'essentiel de l'opération devrait se dérouler de façon discrète. Nous sommes favorisé parce qu'actuellement la marine est regroupé a l'autre bout de l'ile. En train de déblayer les débris du Groove 1 et de calmer les populaces un peu soulevés par notre passage et celui de Shoma. Ils ne bougeront pas avant le jour pour de vagues bruits venant d'un groove désert.
A coté de ça le placement des explosifs par Dol restera parfaitement invisible, et je doute que quoi que ce soit de plus petit qu'une bataille rangée déclenche des enquêtes dans cette zone. Le problème de la marine se pose donc essentiellement au moment de la fuite, au moment ou nous filerons en mer avec un arbre géant repérable a des miles à la ronde et ou une explosion massive en plein milieu de Shabondy aura déclenché un vacarme de tous les diables. Les solutions sont simples, d'abord, profiter du couvert de la nuit. Nous agirons le plus tôt possible en posant les explosifs en surface dés le crépuscule, pour pouvoir amarrer et s'éloigner de Shabondy avant le matin. Ensuite, utiliser la météo, en cette saison les nappes de brouillard venant du triangle Florian sont fréquentes. Il nous suffit d'en rejoindre une sous le couvert de la nuit nous disparaissons.

-Il va falloir traquer les lampes du coin...
-Oui. La moindre lumière, il nous faudra le noir complet. .
-Ok. c'est bon pour moi.
-Pareil.
-Je peux m'en aller maintenant ?
-Hélas non monsieur Murdock. Vous ne l'avez pas remarqué mais nous sommes déjà en route. Désolé pour vous, mais la sécurité opérationnelle passe avant tout. La meilleure manière de ne pas laisser une information tomber dans des mains ennemies, c'est de s'assurer que les personnes la possédant ne peuvent parler à personne qui ne soit déjà au courant. On va vous trouver une cabine... Messieurs, je vous laisse parler à vos hommes...



Dernière édition par Red le Lun 23 Mar 2015 - 8:44, édité 1 fois

    Comme prévu les soirées du Groove 20 sont du genre calme. Je le traverse sans encombre jusqu’au tronc central ou je me hisse d’un Geppou jusqu'à un coin aussi confortable qu’abrité des regards. Un coin ou je peux étaler une série d’escargophones blanc devant moi avant de m’asseoir en tailleur et de me laisser envahir par le Haki. C’est une sensation étrange que de se mettre à ressentir tout ce qui se trouve autour de soi. Je sens que si je voulais je pourrais faire corps avec ce qui m’entoure.
    Je deviens le vivant. Je peux ressentir la faim de ce caméléon qui se déplace insensiblement vers la mouche qu’il a repéré. Sentir l'infime vibration de la plante que perçoit l'insecte, le frémissement du vent dans ses ailes. Je deviens tout le reste. La plante qui se referme à la tombée de la nuit, la goutte d'eau qui glisse sur les feuilles et tombe vers le sol. Le...

    ...Je me reprends, me rappelant soudain que je ne suis pas la pour jouer les vieux yogis. Même si je sais maintenant comment on peut se perdre pendant des semaines dans une méditation. Je me détache des sensations les plus proches pour élargir mon horizon, l'arbre d'abord, puis le sol, jusqu'a englober le groove tout entier et pouvoir situer et identifier chaque personne qui s'y trouve.

    Et comme prévu, il n'y a pas grand monde.

    -Ici Surveillance Arboricole a toute la Section de Déménagement. Je suis en place, et vous ?
    -Ici Équipe d'Expulsion. On est prêts.
    -Ici Ménage Sous Marin, on est déjà dessous.
    -Ici Baleineau Un et Deux. En place et en attente.
    -Parfait. Alors c'est parti. Ménage sous marin, rien a déclarer pour vous. Le pourtour est quasiment désert a part deux bateaux qui doivent jouer les pécheurs coté zone pirate. Pour l'instant vous en êtes loin et je continue à les surveiller. Je vous ferais signe s'ils viennent vous prendre au filet.
    -Ok, on y va.
    -Équipe d'expulsion, faites le tour du Groove discrètement et commencez le boulot dans l'autre sens. Gardez un œil sur les navires et sifflez s'il y en d'autres qui se rapprochent, moi je ne vois pas assez loin pour ça.
    -On est parti.


    Et pendant les deux heures qui suivent je joues les vigies pour mes deux équipes de poseurs de bombes, localisant grâce à l'empathie tous les types qui les approchent par hasard et qui pourraient leur poser soucis. Les plus solitaires sont rapidement éliminés dans des embuscades parfaitement minutés par des tueurs que mes renseignements rendent quasiment omniscient, les autres sont laissés tranquille du moment qu'ils ne font que passer et ne ralentissent pas trop le planning. La situation reste si parfaitement sous contrôle que je n'ai même pas besoin de me déplacer pour apporter un coup de pouce sur le terrain jusqu'a ce que les explosifs soient tous placés à leur place.


    -Baleineau Un et Deux, c'est le moment de souffler.
    -On émerge. Préparez les cibles.



    Répondant au signal les deux cuirassés de la treizième flotte, laissés ancrés sous la surface quelques heures plus tôt, vident leur ballast et émergent lentement devant le Groove 20 comme deux gigantesques baleines. Un Spectacle moins impressionnant de nuit ou on ne fait que deviner les deux grosses masses dégoulinantes d'eau a quelques encablures de la berge. Mais le bruit de flotte et les remous qu'ils provoquent est éloquent.

    A terre Baker illumine déjà à coup de torches les racines choisies pour servir de points d'accroches aux chaines de remorquage. Et au signal, les artilleurs des deux cuirassés décochent une salve massive de harpons sur le Groove. La suite n'est que du travail de routine pour d'anciens marines bien entrainés. On attrape les grappins et on installe des treuils sur le groove pour tirer d'abord les filins puis les chaines depuis les cuirassés. Dés qu'elles sont à terre on les implante solidement dans les racines de l'arbre, jusqu'a ce que chaque cuirassé soit relié au Groove par une douzaine de chaines solides. Les moteurs se mettent en marche a vitesse réduite, pas pour tirer mais pour s'assurer que la tension est bien la même dans chacune des chaines. Une chaine trop lâche pourrait faire dévier les cuirassés et provoquer une collision entre eux, ou une rupture des autres chaines qui foutrait toute l'opération à l'eau. C'est le moment des ajustements aux treuils.

    Et de l'explosion.

    -Vas y Baker, fais tout sauter.
    -Et ça péte ! Ce soir sur Shabondy c'est la soirée qui fait boom !


    L'explosion qui s'ensuit est a la hauteur de toutes les attentes. C'est une véritable chaine de feu et de déflagrations qui fait en quelques minutes tout le tour du Groove 20. Envoyant voler terre et racines a plus de vingt mètres de haut et créant pendant un instant une muraille de geysers de boue.

    -Moteurs en marche ! Écartez vous des chaines !

    Les chaudières des cuirassés rugissent pendant que les moteurs déversent toute leur puissance dans les puissantes roues a aubes qui les propulsent, les monstres s'ébranlent, les chaines se tendent un peu plus et sous nos pieds tout le groove se secoue et s'ébranle, jusqu’à cette secousse, signe d'un arrêt brutal qui nous fout tous par terre.

    -Red ! C'est Dol ! Tout n'a pas sauté ici, le Groove n'est pas libre !
    -Merde, j'arrive.


    Déjà les deux cuirassés tirent en vain, et retenus par une seule attache le Groove ne se décroche pas comme une fleur du reste de Shabondy mais pivote sur place, dérivant tout droit vers la cote la plus proche en entrainant les navires avec lui dans sa dérive.

    Je suis déjà au sommet de l'arbre, localisant Dol et son équipe a l'autre bout de l'ile au moment ou le Groove 20 et son voisin le plus proche se rentrent dedans. Les racines se croisent, s'entrechoquent, Tout le groove s'incline quand le 20 glisse sous l'autre. Ma main trouve la lame a ma ceinture. Brisée ou pas, il en reste largement assez.

    Je taillade le vide devant moi. Une fois, deux fois, trois fois, expédiant une série de lames d'airs en une succession étroite, droit sur la zone ou la bombe a fait long feu et épargné la racine qui nous bloque encore à terre. Les lames d'air tracent de larges sillons dans le sol, dans l'eau, dans les racines. Un craquement sourd retentit autour de nous quand je réussi enfin a trancher la dernière attache, laissant les cuirassés exercer leur traction sur un groove qui n'est plus fixé a quoi que ce soit et qui en se dégageant de Shabondy se redresse, retrouvant son assiette habituelle.

    -C'est dégagé !
    -Je confirme. On quitte Shabondy.



    Tiré par les deux navires à vapeur, le Groove 20 s'arrache lentement à la terre qui l'a vu pousser. Sur les berges qui s'éloignent je perçois des torches et des gens qui s'amassent. Les explosions ont amenés du monde, mais ça n'a plus d'importance. Seul compte maintenant la mer libre, les éventuels navires qui pourraient nous prendre en chasse, et la distance qui nous sépare des bancs de brume du triangle Florian avant l'aube. Des bancs de brumes et des navires pirates venus d'Armada qui nous y attendent, prêts à s'assurer que tout ce qui aura l'audace de nous suivre finira par le fond.

      -Amiral ?
      -Ouais ?
      -Je crois qu'on a un souci.
      -Quel genre ?
      -J'ai envoyé des gars sécuriser votre épave dés que le Groove a commencé a bouger. Au cas où. Ils ont trouvé le chemin dont vous avez parlé, et puis on les a perdus.
      -Perdu ?
      -Ouais, ils répondent plus. Et ils sont pas ressortis non plus. J'envoie une autre équipe voir ce qui se passe, mais je voulais vous prévenir avant.
      -Donnez moi une minute, je viens avec vous.
      -J'espérais bien entendre ça Amiral. On vous attend.

        -Alors ?
        -Alors rien de plus. On surveille l'entrée mais personne n'est ressorti, et ils répondent toujours pas.
        -Comment ça se présente dedans ?
        -C'est juste sous le tronc. Y'a assez de racines pour former une sorte de grosse caverne la dessous, Votre épave est juste de l'autre coté d'une sorte de lac et on peut y accéder par les racines qui font le tour de la grotte.
        -Quelle taille ça fait ?
        -Gros, peut être deux cent cinquante ou trois cent mètres. Les gars qui sont descendus étaient quasiment à l'épave la dernière fois qu'ils ont appelles. Ils avaient rien vu d'anormal jusque la.
        -Mouais. Alors la merde est à l'épave.
        -Des pièges ? Je leur avais dit d'être méfiants.
        -Des pièges, ou des gens.
        -On se serait fait doubler ?
        -Peut être, je suis surement pas le seul à courir après ce navire. Et il y a peut être eu plus rapide.
        -Plus rapide mais pas encore assez alors, s'ils sont la bas en ce moment alors ils sont coincés.
        -Ouais... Allez on y va.
        -Héhé. Vous avez entendu l'Amiral les gars. On y va. Et piano piano...
          -Y'a une odeur bizarre non?
          -La vase ?
          -Non, l'Amiral à raison, y'a autre chose. J'ai déjà senti ça quelque part. Mais ou ?
          -Dans ton cul ?
          -Ah merde je sais. Coupez les lampes ! Vite !
          -Hein ?
          -Faites ce qu'il dit. C'est quoi le problème ?
          -Grisou amiral, mon père était mineur, c'est la que j'ai déjà senti ça, ça sent le gaz.
          -Du gaz de mine, ici ? Si les bulles étaient inflammables ça se saurait depuis le temps.
          -Ma main à couper Amiral. Juré.
          -Hum...
          -Ce qu'il nous faudrait c'est un canari, on le fout dans une cage au bout d'une perche, et quand il canne on sait qu'il y a une poche de gaz...
          -Et ensuite ?
          -Ensuite on y met le feu de loin, jusqu'a ce qu'il y ait plus de gaz.
          -Je crois que quelqu'un a déjà eu cette idée...
          -A TERRE !


          Au début c'est comme une nappe de brume qui court sur le lac. Une nappe de flammes bleue en expansion qui progresse à toute vitesse et se répand dans la grotte en fonçant droit vers nous. Le temps de compter une seconde, deux, de prendre conscience du bruit furieux causé par la combustion d'un millier d'incendies, puis les flammes sont sur nous. Et le monde se consume soudain dans une gigantesque explosion de chaleur.

          -Amiral ?
          -Baker ?
          -Z'étes vivant ?
          -On dirait. Et toi ?
          -Moi aussi. Coup de bol. Mais je crois qu'il y a que nous deux.
          -Merde.
          -Je crois que ça valide aussi l'option des gens qu'on a doublés. Mais je sais pas comment ils ont fait pour nous baiser comme ça.
          -Tu peux être sur qu'on va le savoir, parce que putain, ça va se payer.


          Il y a comme une odeur de chair cramée qui flotte dans l'air, et je suis le seul bout de viande a cuire du coin, je m'ausculte à tâtons, c'est le dos qui a morflé, coup de bol que j'ai plongé au sol tête la première, mes yeux n'ont rien. Du bout des doigts j'écarte aussi légèrement que possible ce qui reste de mon manteau avant de tâtonner doucement en dessous. Chair à vif, brulée. Mais la douleur ne m'a pas menti, je suis vivant. Comme d'habitude, c'est bien la seule vieille amie a qui je peux me fier.

          -Ouille, z'avez morflé Amiral.
          -Je suis au courant oui. Et toi ?
          -Coup de bol, j'ai plongé et j'ai glissé dans la boue sous une racine, ça m'a protégé.


          Baker une fois mérite une fois de plus son surnom. Être accro aux fioles de chance du docteur Jinx a ses avantages. Pour ceux en tout cas qui ne craignent pas de se confier à la chance.

          Je me relève péniblement, assez pour me débarrasser de mon manteau, négligeant la main tendue de Baker. Je suis le patron, il y a des faiblesses que je ne peux pas me permettre. De toute façon les vieux mantras me reviennent déjà.

          La douleur n’est rien en elle-même. Ce n’est qu’un message… Le message est qu’il se passe quelque chose dans ton corps. La douleur n’est qu’une information, c’est le message qui est important pas l’information. Tu dois recevoir le message et faire abstraction de l’information.

          Déjà la chaleur cuisante de mon dos semble diminuer. Autour de nous les lampes ont disparus, mais l'explosion a enflammé suffisamment de branches et de feuilles pour que celles qui n'ont pas finis de se consumer nous éclairent encore faiblement. Assez pour constater que Baker ne s'est pas gourés, les autres sont morts. Le souffle et le mur de flammes ont éparpillés des corps cramés et fumant autour de nous...

          La bas des lampes s'allument. Elles sortent de l'épave inhabitée et s'agitent. D'un geste mental je fais appel au Haki. Une vingtaine d'hommes, pas les miens, l'hypothèse d'hommes visant le même but que moi se confirme, mais ce n'est plus très important, de toute façon ils sont déjà morts.

          -Retourne dehors, que personne n'entre ou sorte avant moi.

          La bas on se sépare en deux groupes. Un groupe d'éclaireurs et un qui attend, ou un qui groupe qui file avec le butin et un qui prépare un nouveau piège au visiteur suivant. Moi c'est ce que je ferais. Et c'est donc sur l'épave que je m'abats en premier. L'épave ou une fille se tourne vers moi dés que je m'abats sur le pont.


          -Brule !
          -C'est déjà fait.

          Ma main tendue se fond dans les ténèbres, avalant d'un geste les deux projectiles enflammés qui me sont destinés. J'ai déjà éteint le logia du feu, ce n'est pas pour servir de torche humaine à une quelconque pyrotechnicienne.

          Vive comme un serpent la demoiselle a déjà un sabre en main. Et l'embrasant d'un seul geste elle se jette a l'assaut. Précise, rapide, mortelle. Pas assez, et de très loin. Ses frappes les plus vicieuses me sont parfaitement prévisibles, ses coups les plus rapides me semblent lents. Et pendant qu'elle s'énerve et s'enflamme sans parvenir à trouver une ouverture mon esprit est ailleurs, avec la marée de ténèbres qui se répand dans l'épave et confirme mes doutes. En bas un autre homme installe des engins complexes, des pièges surement dévastateurs et déjà inutiles.

          -Putain mais t'es qui ?!
          -Aucune importance.

          En bas l'ingénieur se relève d'un bond en voyant les ténèbres se jeter sur lui. Il lâche l'objet qu'il tient, recule, trébuche, jure. Plonge vers un autre mécanisme dans le but probable de le déclencher sur le champ mais ne l'atteint jamais. Sous ses pieds le sol noir se fait soudain instable, noir, profond, au second pas la marée noire lui arrive aux genoux, au troisième à la taille, et quelques secondes plus tard il ne reste de l'homme qu'une main désespérément tendue vers un but qu'elle n'atteint jamais et qui s'agite spasmodiquement avant de disparaitre dans les ténèbres.

          -Père ?!!

          Ma main de fer se referme sur le sabre et pendant un instant elle s'embrase elle aussi pendant que mon adversaire essaye de se dégager, distraite par ce qu'elle devine en dessous de nous. La lame se brise dans un claquement sec, et dans le même souffle sa pointe va s’enfouir dans la gorge de la pirate, lui traversant le palais puis le crane et la tuant sur le coup.

          Je laisse tomber le corps au sol ou les ténèbres commencent à l’absorber, l’envoyant rejoindre les pièges posés par le type qui devait être son père. Dehors on est train de rebrousser chemin, quelqu’un a du me voir passer et vient s’assurer de la survie de l’arrière garde. Erreur encore…

          D’un bond je traverse le pont au dessus de ma tête. L’empathie, plus efficace que n’importe quelle vision me situe précisément chacune de mes cibles, et débordant de l’épave par tous les sabords, mes ténèbres se ruent vers les ennemis. Je frappe. La plus efficace de mes attaques imprime des mains de géant dans les racines qui forment le sol de la grotte, écrasant et broyant les types que j’y surprends comme un homme écrase des mouches. Des armes tonnent, une volée de projectiles me loupent d’un cheveu et vont s’écraser dans le plafond juste au dessus de moi, l’odeur de gaz m’envahit à nouveau les narines. Et l’empathie me prévient juste a temps du danger le plus proche. Au dessus. La ou les projectiles qui ne m’ont en fait pas loupés du tout ont libérés un nuage de produits si corrosifs que le peu qui ne me tombe pas dessus dévore déjà les racines. D’un Soru je fonce hors de portée, droit dans l’odeur de gaz qui s’embrase instantanément. Dommage !

          -Darkside !

          Je disparais dans une boule de ténèbres au moment ou la déflagration m’enveloppe. Un peu trop tard. Quand je m’écrase au sol je ne suis plus recouvert que de cloques et de brulures, et seul l’empathie me permet encore de percevoir ce qui me tombe dessus au travers du brouillard sanglant qui me sert de vision.


          Un grognement, une bête me tombe dessus. Une bête d’acier qui vient fracasser ses armes contre mon Tekkai ; elle crie, grogne, hurle de douleur… A moins que ce ne soit moi ? On s’empoigne à l’aveuglette mais je reste bien plus fort. Mes poings se déchainent, lui traversent la sage thoracique, détruisent ses organes, mais le monstre s’agrippe, refuse de mourir, lutte sans se soucier de sa survie jusqu'à ce que mes mains arrivent enfin a lui saisir et à lui broyer le crane.

          Je me dégage du corps, savourant les ténèbres froides qui se répandent sur mes blessures et mes chairs à vif. Absorbant les atteintes causées par le feu et me soignant plus efficacement que n’importe quel chirurgien…

          Ils sont encore deux, et ils sont déjà la. Un nuage verdâtre tombe comme une chape de plomb sur le corps du monstre que j’ai tué, noyant la zone dans un nouveau produit toxique dont je ne cherche pas noter les effets, je me fonds dans les ténèbres. Disparaissant dans le marais noir qui a recouvert le sol de la zone et ou j’évolue comme un crocodile dans son lagon. Invisible, jusqu'à ce que sa mâchoire se referme sur sa cible.

          Ils sont deux, et ils me cherchent. Je ne leur laisse pas le temps de me croire mort et déjà je me redresse derrière le plus proche.

          -Chien ! Derrière toi !


          L’homme au masque à gaz responsable du lance projectiles qui a essayé de me faire fondre n’a guère le temps de réagir. Il est loin d’être assez formé au combat pour pouvoir rivaliser avec moi, et il n’a pas le temps de se tourner avant que je ne frappe, ne lui laissant que le loisir de contempler ma main ouverte qui vient de lui surgir de la poitrine, et dedans son cœur qui bat…

          Gaz !

          C’est l’autre le responsable. Mais cette fois la surprise fait long feu, et l’explosion en fait que rider la surface lisse de la marée de ténèbres le temps que je réapparaisse et que nous nous regardions enfin dans les yeux.


          -Je te connais ! Tu es Red !
          -Oui. Et je te connais. Tu es Cortex.
          -Qu’est ce que tu fais la ?!
          -La même chose que toi bien sur. Je me prépare à conquérir le monde !
          -C’est mon plan ! Mon trésor !
          -Plus maintenant. Tes hommes sont morts, contente donc toi de les rejoindre…


          Mon ricanement se fige au coin de mes lèvres pendant que je tente d’aspirer une bouffée d’air de plus. Impossible ! Plus d’air !

          -Ahaha ! C’est toi qui les rejoins !

          En face de moi Cortex est en train de se dissoudre, le bas de son corps se changeant en une multitude de tentacules de fumées blanchâtres qui se dirigent vers moi et m’entourent pendant qu’il disparait dans un nuage aux allures toxiques. Un logia. Un logia comme celui de la fumée…

          Un fruit du démon !

          -Black out !

          Ma main se dresse paume en avant et le plus efficace de mes pouvoirs fait son office. La poche de gaz la plus imposante est soudain tirée droit vers le trou noir brandi devant moi. Et au moment ou nos pouvoirs entrent en contact le sien disparait comme s’il n’avait jamais existé, laissant un Cortex soudain juste humain prendre conscience de l’étendue de son erreur au moment ou ma main se referme sur lui.

          -Le fruit des ténèbres !?
          -Le plus démoniaque de tous. Adieu Cortex, tes nakamas t’attendent.


          Et derrière le monocle du savant le plus fou depuis Caesar, il n’y a plus que la peur. Et très vite, plus rien du tout…

            Exhalant une bouffée de cigare satisfaite, je ressors de la grotte pour tomber né à né avec Baker et une vingtaine de fusils vigilants.

            -Amiral, on commençait à s’inquiéter.
            -Qu’est ce que vous avez fait avec vos fringues ?
            -J’ai pris feu.
            -Ah quand même…
            -La zone doit être sure maintenant, mais prenez des masques quand même, on ne sait jamais.
            -Des survivants chez nous ?
            -Non, juste des corps… Ils ont pas eu de bol, c’était du lourd, ils n’ont surement rien pu faire.
            -Du lourd comment ?
            -Tu les reconnaîtras. Garde les corps d’ailleurs, y’a surement moyen d’en tirer quelque chose. RAS dehors ?
            -Non, on a trouvé leur bateau, il est planqué dans un coin tranquille du Groove. Pas grand monde a bord mais je le fais surveiller. C’est comme vous avez dit, ils devaient préparer la même récup que nous et la sortie en mer les a surpris.
            -Je vais régler ça tout de suite. Occupez vous des corps.
            -On s’en occupe Amiral.

              Il ne m’a pas fallu longtemps pour recompter les têtes les plus connus de l’équipage que je viens de liquider et constater qu’il en manque une. Rien d’anormal pour un navigateur que de rester à bord du bâtiment. Surtout quand c’est un navigateur qui jure si étrangement avec le reste du groupe…


              -Salut Judas. Tu me remets ?
              -Vous êtes Red.
              -Capitaine Red.


              Judas a l’air d’un type malin. Malin et prudent. Trop malin ? Il se garde de tout geste brusque, note d’un œil mes gars qui apparaissent ostensiblement tout autour du navire, note mon absence de geste belliqueux et s’efforce de se calmer. Je ne lui en laisse pas le temps.

              -Ils sont tous morts Judas. Smoker, César, Friedrich et sa fille, je les ais tous tués. Y’a plus que toi de vivant dans le coin.

              Pas un cillement. Mais je peux quasiment lire directement dans son crane. Lire clairement qu'il n'est pas assez surpris de me voir.

              -Ce qui te différencie des cadavres de tes nakamas, c’est que tu es resté assis la sur ton cul au lieu de venir jouer sur mon terrain. Smoker s’est montré trop con pour se renseigner et filer au moment ou j’ai fait sauter les attaches du Groove, et maintenant il est mort. Pourquoi t’es resté Judas ?
              -Je n'étais que le navigateur Capitaine Red. Et si feu le capitaine Smoker n'a pas trouvé judicieux d'écouter mes conseils et de lever l'ancre quand il était encore temps, qui étais je pour l'en dissuader ?
              -Tu savais que j''étais la hein ?
              -Je me tiens informé de ce qui navigue sur les mers. Et j'ai effectivement reconnu votre bâtiment dés que je l'ai vu surgir au large du Groove.
              -Et je suis sur que tu as laissé le vieux Smoker aller se jeter tout seul dans le trou en ne l'avertissant que juste assez pour qu'il ne rebrousse pas chemin. Pourquoi Judas ? Marre des lubies du vieux savant ? Envie de changer d'air ?
              -Il y a un moment déjà que je me suis pris à regretter d'avoir lié ma destinée à la sienne. Et Smoker n'était pas homme à laisser partir un nakama nanti de trop de ses secrets. Pas vivant en tout cas.
              -C'est ça ta monnaie Judas ? Les secrets du vieux fou ? Morts et destruction chimiques sur mes ennemis ?
              -Et bien, pourquoi pas ?
              -Je vais te dire Judas. Je ne vais pas te tuer. Les gens comme moi ou Smoker ont toujours l'usage d'un type dans ton genre. Alors je ne vais même pas t'abandonner en mer. Je vais t'emmener avec moi et dans peu de temps tu seras le plus heureux des traitres et tu te féliciteras d'avoir abandonné Smoker. Mais judas ?
              -Capitaine ?
              -Ce jour verra approcher le moment ou tu te mettras à penser que moi aussi je commence à devenir encombrant, et ou tu te mettras a penser que moi aussi je pourrais bien être poussé sur une route menant à ma mort.

              Ce jour la. N'oublie pas de regarder ta main avant d'agir.

              -Ma main ?


              Judas décolle sa main du plat bord ou il l'avait machinalement posé et ou mes ténèbres l'ont rejointe il y a déjà quelques minutes. Et il contemple avec une répugnance difficilement contrôlée la marque noire qui orne désormais sa paume.

              -Je ne suis pas Smoker Judas. Tu trouveras beaucoup d'avantage à te trouver dans mes parages plutôt que dans les siens. Mais ne crois pas pouvoir me trahir comme tu l'as trahi. Parce qu'il n'y a maintenant pas un endroit ou tu peux te cacher pour m'échapper.
              -J'ai compris Capitaine. Bien compris.
              -Je l'espère Judas. Je l'espère.

                -Messieurs, Cap sur Armada !