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L'ésotérisme pour les nuls

Que trouverais-tu en ce beau ciel, Balty, tout là-haut, par-delà les rêveuses boules de coton et les plus lointaines et arrogantes étoiles de notre voûte céleste ? Un Dieu ? Les routes des corbeaux et des vautours seraient situées devant le siège du Dieu ? Rien d'étonnant. Ils nous défèquent tous sur la tête, et se nourrissent de nos erreurs. Tous. Oiseaux, comme dieux. Comment vénérer de tels charognards ? Nous naissons seuls, nous vieillissons seuls puis nous mourrons seuls. Aucun œil bienveillant ne surveille notre destin qui mijote loin de nous; aucune main divine pour nous aider à nous relever lorsque nous nous vautrons dans notre douleur, aucun !

Et aucune barque magique pour t'aider à franchir le fleuve glacé de la Mort, nous y allons à la nage !

Ces balivernes les détournent de leurs réelles attributions. Ils se croient petits rouages d'une grande Machine, mais ne sont rien de plus que la poisseuse huile qui dégrippe et bichonne les nobles, vrais engrenages de...

...
Dis-le moi sincèrement, si je t'ennuie, Balty ! Je vais finir par croire que ces déplorables babioles en bois t'intéressent plus que mes réflexions !


Ah, je...

Cet étalage de camelote hérétique me froisse le teint, je sens que je pourrais en attraper deux ou trois nouvelles rides sur ma sensible peau fantomatique ! Foule en liesse devant d'atroces jouets à la gloire d'idoles imaginaires pondues par des esprits cupides ! Si ça n'en tenait qu'à moi, j'ordonnerais de purifier toute cette pollution visuelle dans un gigantesque brasier, et prenant bien soin d'y précipiter également ces clowns et leurs accoutrement ridicules ! Je suis certain que le fumet de leur chair calcinée apaiserait infiniment cette étouffante atmosphère. Ah, si seulement j'avais encore un nez ! Dis moi ce que tu humes, Balty !

J'hume un encens nauséabond. Les sueurs brassées de ces indigents. La crasse des hommes de peu. Leur insouciance arrogante m'imbibe jusqu'aux sinus. C'est insupportable, maman ! C'est me noyer dans un bain de fange ! Ah ! Je comprends qu'ils se sentent à l'aise, ces rustres, qui nagent dans leur élément !

Et toi, Balty, que sens-tu ? La crasse, l'océan, la poussière, le négligé ? Tu es une tâche d'immondice sur la blanche nappe d'Inari ! Tu foules de ces bottes gorgées du sang de toutes ces créatures que tu as piétiné, une nouvelle terre barbare qui soigne, pour une fois, son image. L'avenante et hypocrite Inari. La pieuse et vicieuse Inari. Inari la catin des Dieux !

Ce brouhaha bourré de sermons creux...

Pourquoi tu parles tout seul ?

Les angles de ton visage s'aiguisent et ta bouche se distord en un canal sombre, par lequel se déversent un flot d'infamie à l'égard du misérable petit porcin, gamin ignoble rondouillard encastré dans une salopette en jean de bas goût. Probablement le fruit d'un roturier de l'espèce des gorets...

Décampes, affreux mouflet, avant que je ne décide de te rôtir prestement devant tes géniteurs !
T'as emmené Crispy tout à l'heure, dans les p'tites ruelles, je t'ai vu. Il est où, Crispy ?

Hinhin. Le mioche parle probablement cet ignoble roquet que tu as découpé en échalotes il y a une poignée de minutes, Balty. La bestiole qui s'était soulagé sur ton talon droit tandis que tu somnolais, affalé au mur de cette auberge miteuse qui voyait ta présence envahissante comme un repoussoir à clients. Ah, mon espiègle diableteau ! Quel sanglant démon tu deviens lorsque la hargne piétine ta raison ! Ce grossier cabot n'eut pas le temps de se souvenir des délicieux moments qu'il a pu vivre au sein du chaleureux foyer de sa famille de rebuts. C'est la tête que tu lui a fais tomber en premier, comme un fruit trop mûr. Avant de l'envoyer à travers une fenêtre de cet odieux établissement qui osa bouder le dernier dégénéré de la famille Brixius.

D'une pierre deux coups ! Au jeu de l'absurde surenchère de violence, ils étaient certains de perdre face à toi, Balty...
Le crissement de ta lame bondissant de son fourreau, et le soleil bavant sa lumière sur l'éclatant écarlate qui la colore. Le reflet d'une mise à mort. Mais peut-on considérer l'existence d'une sale bête comme digne d'une laborieuse introspection sur la valeur de la vie ? Assurément... non.

Vois-tu cette sauce coagulée ? J'ai décapité Crispy. Fuis donc avant que je ne décide de te gaver de ses restes, vermine !
Tu me rachèteras un autre Crispy, alors ?

Ta moite paluche voltige à travers son visage boursouflé. Hihihihi, cela doit te conférer une adorable domination sur ton passé, sur ce passé que nous partageons, sur cette époque où les corrections, c'est toi qui les encaissaient, en laissant tes larmes couler en cascades en ton esprit si jeune mais déjà si turbulent ! En y repensant, tu lui administres une nouvelle volée, puis une troisième. Et ce petit sac de graisse devient punching-ball, et cette rage enterrée en toi que tu n'as jamais pu me faire goûter, tu en gaves ce fichu marmot !

L'humiliation couve la douleur, la douleur pond la folie !

Mignon ! Adorable ! Charmante crise de nerfs !

Le minet te fuit, apeuré, haletant et larmoyant, dès lors que tu relâches ton étreinte oppressante sur son col !

Ignoble lardon pourri-gâté ! Si je le revois, je m'occuperai moi-même de lui ôter son innocence !

Oh, il nous reste toujours une part d'innocence à perdre, Balty.
Te voici dans un fossé, formé par la foule autour de toi. Choquée et blafarde, la masse, d'abord murmurante, commence à te huer. Des papas revanchards, des mamans apitoyées, des enfants compatissants, tout ces cabochards insolents meurent visiblement d'envie de t'arrondir les traits et de t'aplatir le nez; tu ne leur laisse pas le temps de gargariser leur haine avant de passer à l'action. Car tes pulsions, rassasiées, se taisent, et tu te frayes un chemin à travers cette populace houleuse, le regard plongeant sur tes bottes croûteuses.

Sonne la retraite, Balty, avant qu'ils ne te chargent !

T'es-tu reconnu en ce lamentable -et obèse- garnement, pour l'humilier de la sorte ?

Absolument pas ! La bastonnade était bien l'unique façon de lui faire rentrer dans la moelle... sa condition de loque minable... qu'il arrête de me... éduquer la souillure à rester à sa place, qu'elle cesse de venir s'étaler sur mes bottes !

Ne me mens pas.

Aujourd'hui est une journée charnière, Balty ! Celle qui te condamnera certaines portes et t'en enfoncera d'autres.

Regarde derrière toi, comme si tu étais suivi d'une sournoise peste ! Te faufilant à nouveau dans les ruelles moins fréquentées par les touristes, tu guettes l'augure d'éventuelles représailles... Mais le petit peuple ne te poursuivra pas, ne t'en fais point. Il n'en ont pas le courage. Lorsque la fureur du groupe se sera évaporée, c'est toute leur indignation qui s'en verra diluée. Car esseulés, ils sont inoffensifs. Ils t'oublieront vite...

L'humanité n'est qu'un insipide troupeau de moutons, dépourvu de berger.

Et toi, Balty... si Aujourd'hui, tes projets connaissent une heureuse issue...

Tu pourras les commander.
Invoquer leurs plus sombres instincts.
Devenir un ténébreux et vicieux... berger.

Pourvu qu'il ne s'agisse pas que de creux ragots !

Tel un sourcier, tu révéleras en chacun d'eux les sources les plus amères du Mal qui coule en leurs veines...
... ou préféras-tu faire de ce fruit la victime de son propre concept, céder à l'appât du gain et libérer ce trésor sur le marché noir pour gagner de quoi renflouer tes caisses durant de nombreuses saisons ?
Flairant par ta truffe avide de trésors la piste d'un odieux pouvoir, tu aperçois là au loin le temple qui enferme l'objet de ta bouillante obsession du jour.
Le fruit du péché.
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Tu comprendras, avec le temps, mon cher Napoléon, que l'humanité est une engeance envers laquelle je n'ai que très peu de bons mots. En effet, à défaut de mots, seuls les maux savent trouver l'harmonie avec cette race éperdue de superstition et de frustration, qui croit regarder le monde avec les meilleures lunettes alors qu'elle n'avance qu'à tâtons. Ce pauvre cabot mutilé, funèbre et sanglante source de l'attention générale du quartier, est bien la preuve du fanatisme de certains hommes. Si je cherchais à te couvrir du mal de mes congénères, je cacherais d'une main tes sombres iris, mon ami. Cependant, je sais qu'en tant qu'ambassadeur de ta propre espèce, tu dois accepter par toi-même les horreurs pouvant être commises par l'humanité. Le plus absurde dans cette scène tragique devant laquelle les larmes de nombreux gamins se noient, c'est qu'elle s'est probablement déroulée au nom d'un énième Être Supérieur ayant dicté de folles exactions à un fou ou un zélé.

Bienvenue sur Inari, mon brave compagnon capibara. Bienvenue sur une île écorchée par les superstitions et les déboires religieux d'une humanité ayant perdu sa raison.

Ils ont traîné le macchabée canin hors d'une ruelle pour l'afficher sur cette place centrale. Macadam taché, boutiques gavées de sottises et de brocantes spirituelles, grande fontaine surmontée de la sculpture d'un dieu à plusieurs noms. Tous se regroupent et admirent la carcasse avec un œil différent. Pour certains c'est un message divin, pour d'autres c'est un simple sacrifice animal, quelques badauds plus terre-à-terre avance l'idée d'un meurtre arbitraire. Personne n'aura la réponse, à moins que quelqu'un de suffisamment charismatique ne s'arme de la plus grande bêtise pour leur pointer une direction, un astre vers lequel se tourner, un temple vers lequel prêcher, une boutique vers laquelle se rassasier…




Braves et fervents poursuivant de la Lumière !...
Tiens, ça n'a pas été trop long…

Ils rivent tous leurs regards vers la grande armure au tabard rayonnant qui se dresse sur le rebord de la fontaine, dominant la plèbe de toute sa prestance. Même toi, Napoléon, tu pointes ton museau inquisiteur vers l'air fabulé du rutilant crieur qui dresse un lourd glaive vers les cieux. Il y a tant de zèle et de fureur dans ce simple mouvement que je sens déjà le feu me monter aux joues. Il va se nourrir de l'insécurité de tous ces pauvres gens et leur passer les fers de sa ferveur à lui, ce prêcheur en armure. Il va abuser de leurs esprits faibles et constamment embués par les fabulations des différentes églises. Il va cueillir leur foi comme l'on fauche le blé. Je me gratte la barbe en posant un regard noir vers ce templier à la traînée aussi longue que l'étendue des mensonges qu'il s'apprête à proférer.

Si cette pauvre bête est morte, c'est car la sécurité au sein d'Inari n'est toujours pas acquise ! Il existe toujours des démons qui rôdent dans les ombres ! OUI ! DES DÉMONS !

Il exerce sa verve sur la foule comme il lui ferait l'amour. Un temps mielleux, onctueux, l'instant d'après il surprend, gueule et postillonne toute sa foi aux visages scintillants et émerveillés des futurs embrigadés. Les mailles de son mensonge les prennent déjà au piège, il est horrible. Un prosélyte suintant le mensonge et l'arnaque.

Ces démons qui possèdent et avilissent les esprits ! Et ce, grâce au pouvoir qu'ils offrent en guise de pacte aux pauvres humains illuminés par le Mal ! Suivez-moi, et nous lutterons contre les fruits du démon ! Suivez-moi, et vous serez à votre tour des salvateurs !

Les Salvateurs. Un temple supplémentaire tentant de s'approprier l'hégémonie culturelle sur Inari. Je suis désolé d'avoir à te présenter une telle déchéance pour notre première escale, Napoléon mon ami, mais rien n'est perdu. Il leur désigne déjà, de sa longue lame chevaleresque, les étalages de sa boutique vers laquelle tous se ruent avec avidité, ce paladin improvisé. Par de belles phrases enjolivées, il leur arrache leur liberté. Il me donne envie de vomir, ce triste illuminé en armure. Si bien que je me vois déjà lui régler son compte…

Tu sais, Napoléon… si les pirates ont abandonné cette île, c'est parce qu'ils n'y ont pas trouvé les germes de la liberté. Ici, tous s'emprisonnent volontairement dans des carcans religieux stupides et briment leur propre esprit sur l'autel du fanatisme. Je ne peux laisser une telle chose se produire, pas pour le simple attentat d'un cabot. Non, décidément, foi de Toreshky, les Salvateurs ne s'en tireront pas à si bon compte.
 
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Hinhinhin. Le beau, blond et joyeux jeune homme, ondulant devant une foule en liesse en les gavant comme des oies d'une pâtée aisée à avaler. Voici une victime toute trouvée, à défigurer par mon acidité ! Se croit-il au carnaval pour arborer de la sorte ce fourbi propres aux nobliaux les plus belliqueux ? Pense-t-il qu'il suffit d'un grossier apparat pour gargariser sa crédibilité ? S'est-il déjà contemplé aux travers d'une glace pour prétendre le démon sorti d'une poignée de joyeux végétaux gorgés de pouvoirs millénaires ? Oh, je l'aperçois, le Mal ! Son nauséabond orgueil purulent ponctuant chacun de ses mots comme un abcès ! Cette peur qu'il croit pouvoir enterrer sous de belles paroles ! Par sa verve moins maladroite que celle du roturier moyen, il a envoûté cette piteuse boue humaine, lui donnant la forme d'une vague rampante à travers son étalage de stupides bibelots.

Ne reste que trois croûtes un brin trop rigides pour suivre le flot. Toi, ainsi qu'un autre blondinet bellâtre aux yeux aspirés par le vide, accompagné d'une petite créature touffue et difforme, plantés là à quelques pas de la fontaine. Un autre joli coeur engraissé aux mensonges ? La faune locale est décidément répugnante.

Fais quelque chose pour ta pauvre mère, mon petit diablotin. Abats-moi tous ces bouffons si tu en as l'occasion. Ils me révulsent, mais je ne peux guère leur faire ravaler leurs sermons de mes mains, et... Que fixes-tu depuis tout à l'heure, incorrigible bâtard ?

Désolé, maman ! As-tu vu sa lame ? Suis-je en plein songe ou ce bouseux crânait avec.. Excalibur ?

Oh. Je comprends maintenant ce qui magnétisait à ce point tes yeux... Ne te fais pas de faux espoirs, c'est probablement une réplique en carton. Ce malheureux meitou est probablement l'un des plus contrefaits en sa triste époque. Aucune chance que l'Authentique atterrisse dans les paluches d'un tel ahuri... et accepte son sort.

Votre générosité n'a d'égal que votre dévotion à notre chère humanité ! Chaque souvenir que vous achetez élève un peu plus haut notre culte et grave en vos coeurs une vertu de sacrifice impérissable !

Prions pour que l'âme de ce pauvre animal rejoigne notre Juste Punisseur en son royaume de paix et de vérité !


Rah, tais-toi, ne me parasite pas de tes élucubrations ! Un royaume de paix ? De vérité ? Je crèverais d'envie de t'y envoyer promptement... si je pouvais encore poser ce genre d'envie, hinhin.

Humf. Les meitous, ces précieux trésors ont tous une âme, contrairement aux hommes, une âme digne et incorruptible. Les meitous aux preux, les contrefaçons aux charlatans. C'est d'une justesse que j'aimerais voir plus souvent. Ceci dit, je salue sa faible analyse. Il a compris l'essentiel. C'est effectivement un démon qui a raccourci l'espérance de vie de cette sale bête.

Tu te frottes les mains devant le troupeau de touristes écervelés.


Me voilà expié de mon péché. Si seulement nous pouvions systématiquement tous les démons de nos faux pas, hinhinhin !

Est-ce une tentative d'humour ? Crois-tu avoir le temps de brasser du vent, Balty ? Hinhinhin, non, bien entendu, le cirque de ces clowns t'attend -le temple des salvateurs-. Ces salvateurs qui embourbent le petit peuple dans son ignorance et sa terreur de l'inconnu. Suivant aveuglément la moindre lueurs s'allumant dans leur angoissante obscurité, ils se dirigent là où le premier bouseux capable de tenir une torche se dresse. Leurs basses naissances ne les destinaient guère à mieux. Les petits restent petits, les grands deviennent encore plus grands.

Inspiré, tu t'éloignes encore davantage de la meute.


Ton éducation est comme un vénérable bouclier contre toutes ces âneries, maman. Il sera aisé de profiter de leur naïveté pour les duper et libérer ce sympathique fruit qu'ils séquestrent !

Galvanisé par l'appel du gain et du pouvoir, ton pas est autant précis qu'emballé, roulant sur la centaine de mètres qui te séparait du temple, de sordides plans s'amassant dans ta caboche, naissants comme de putrides portées pondus par ta cervelle viciée. Et c'est bien sûr dans un subtil malaxage de ta folie et d'une profonde avidité que tu sautilles sur ta route... te donnant en spectacle aux badauds, comme toujours. Un spectacle moins brutal que les habituels, mais. Un spectacle tout de même. Pauvre sot. Patience et discrétion seraient de bien beaux alliés dans ta quête, mais tu les rejettes tels des manants lépreux, laissant ta hâte aux commandes...

Oh. Leur monastère est un bien cubique monstre de pierre, autant austère que menaçant, ouvrant ses longues portes en vieux bois comme une gigantesque gueule affamé de fidèles, qui s'y engouffrent par brochettes silencieuses, hypnotisées. Tu lui fais face, rictus défiant, chicots bien en vue, sombres et amassés en un amas de charbon souriant.


Gninhinhin.

Cet hideux rire était au raffinement ce que les Dieux sont au bon sens. Une insulte.

Le prestidigitateur à la tête de ce cirque semble s'être montré suffisamment malin pour ne pas ensevelir son monastère sous des artifices qui auraient attiré l'attention sur son repaire. Prends garde, mon brûlant feu follet, es-tu certain que l'objet de ta convoitise repose ici ?


Une bâtisse bien vaste et bien peuplée. C'est forcément ici. Les rumeurs...

Les rumeurs ? Les rumeurs errantes sur une île vénérant le mensonge ? Mesures le poids des sornettes que tu t'es laissé entendre, Balty. Je te le répète : tu ne peux te précipiter là-dedans et décimer tout ces illuminés sans en subir, très vite, des conséquences. Et les conséquences sont bien tes pires ennemies, à toi qui ne vit que dans le présent et les pulsions. Alors sois sûr de tes choix.

Peut-être aurais-je pu retourner là-bas et interroger le templier d'opérette.

Oh, oui, il t'aurait probablement susurré à l'oreille quelques informations croustillantes sur l'horreur scellée en les profondeurs de son temple ? Ou peut-être t'aurait-il aimablement dessiné un plan, et joint un passe-partout ? S'il se montrait récalcitrant, tu l'aurais torturé en public ? Tu me désespères, misérable bouc.

... Je...

Si tu n'as plus rien à dire, alors ne dis rien, et penses.
Tsssk.
Il est encore là ?


Qui donc ?

Le blondin pensif et son affreuse bestiole sortie d'un autre monde.
Ne te retourne pas. Je crois que cet indélicat manant t'observe.

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Il est une véritable tache au milieu de cette foule hypnotisée. Perdu dans cet océan d'apôtres éperdus s'engouffrant en masse dans l'enceinte sombre du temple, il déteint avec une puissance que je ne lui aurais peut-être pas reconnue ailleurs. Ses loques sales, son visage émacié, son faciès à la fois hautain et haineux qui semble ignorer chaque plébéien le frôlant ou l'accrochant du coude… il est… laid. Oui. Il est laid, mais d'une étrange façon. Tes oreilles frétillent lorsque tu l'aperçois, mon brave Napoléon. Ton museau détecte les odeurs rances qu'il exhale, tu devines la putréfaction qui l'habite et l'humeur acide dont il fait preuve. Malgré sa chevelure grasse et son teint malade, tu remarques le détachement et l'assurance dont il fait preuve en abattant ses pupilles injectées et hargneuses sur les prêcheurs s'amoncelant vers l'intérieur du temple des Salvateurs. Et plus que tout, en ce regard, toi aussi, mon cher Napoléon, tu décèles cette rationalité qui semble s'être évanouie dans l'esprit des habitants d'Inari.

Il n'est pas comme ceux qui rampent et se prosternent devant l'invisible et le mensonge. Il n'est pas de ceux qui s'abreuvent de rêveries… Non. Pas de rêveries. De chimères, plutôt. La rêverie est une activité quotidienne des plus nobles pirates. Elle est leur nectar et leur moteur, elle est ce qui les pousse, chaque jour, à défier l'horizon. J'ose bien croire que le fanatisme des humains peut mener à de grands pèlerinages à travers les mers. Toutefois, je ne peux supporter de savoir que ce même fanatisme n'a que pour fief celui du subterfuge et de l'abus des plus faibles. S'il le faut, je serai le païen qui ébranlera les fondements de leur culte. À défaut de le répandre, j'en morcèlerai une partie.

Ton couinement aiguisé a tôt fait de m'avertir, fier Napoléon. Il nous a remarqué, lui aussi. Nous sommes deux phares se distinguant dans les ténèbres. Deux esprits sains dans un océan de vide spirituel. Je pose platement une main sur le pommeau de mon sabre, m'avançant avec assurance vers ce baron déchu qui se détourne de moi d'une façon presque trop ostentatoire. Bien entendu, tu m'accompagnes en trottinant avec majesté, collègue capibara, te faufilant entre les pas lourds des nouveaux Salvateurs. J'arrive à la hauteur du puant individu alors que les immenses portes du temple nous avalent dans les ténèbres de leurs entrailles. Une atmosphère empestée par une épaisse fumée que vomissent des dizaines d'encensoirs suspendus nous accueille. Dans la cohue, je m'adresse à l'homme qui, de près, me parait cerné et souffrant.

'bien triste que de constater que même un capibara sait distinguer les supercheries mieux que tant d'humains…

Rien de bien méchant à ton égard, mon sévère Napoléon. Je remarque simplement que de ta mince connaissance de la culture humaine, tu me sembles néanmoins bien plus malin que bon nombre de ces illuminés. Sois en fier.

Des clés de voûte austères et des murs de pierre aux gravures spartiates m'apparaissent dans la pénombre. Des torches couvrent les murs de suie tandis que les ombres des visages autour de nous se font creuses et effrayantes. Au font de la grande salle du temple, un homme devant un autel, vêtu d'une ample toge auburn, accueille en silence les fanatiques qui se tordent de respect devant sa torpeur religieuse.




Je me penche à nouveau vers mon compagnon d'infortune, un profond dépit dans la voix.

Je ne sais pas trop dans quoi je m'embarque, mais j'espère pouvoir scier les jambes de ces menteurs. Je ne sais trop à quoi m'attendre de vous, ami putréfié, mais sachez que votre combat sera le mien.

Après tout, l'honneur semble une denrée rare sur cette île. Aussi bien en offrir à ceux qui me semblent les plus méritants.

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Est-ce bien à toi qu'il s'adresse, le bellâtre aux yeux luisants ? J'en doutais lorsqu'il semblait s'adresser à sa bestiole, mais c'est évident maintenant. Ce cabochard t'a choisi toi, dans cette masse de béjaunes, pour déverser cette insolence qui semblait lui stagner dans le crâne. A quand remonte la dernière fois que l'on t'a adressé la parole, Balty ? Oh certes, une petite dizaine d'années. Ton faciès est un repoussoir, tes actions une source de terreur et de mépris. Ta maigre réputation inspire un dégoût profond. Et c'est auprès de toi que ce petit âne vient gargariser son orgueil ! T'offrir de l'honneur ? Sait-il seulement ce que tu aimes en faire, de l'honneur ?

Mais ne reste pas bouche béate à pâlir dans ton silence, Balty ! Que...


Mes frères, mes soeurs, je constate avec joie que nous sommes chaque jour un peu plus nombreux réunis ici pour la prière du zénith. Je me présente à ceux qui ne me connaissent pas encore : je suis le père Blaise, grand apôtre du culte et votre hôte, en ces lieux.

De l'autre côté de la pièce, un autre agaçant personnage, planté devant son autel les bras ouverts, la bouche aussi, que j'aimerais lui refermer les deux pour ne plus le voir ni l'entendre ! Sa voix résonne dans cette vaste salle à l'acoustique taillée pour diffuser les creuses paroles aussi efficacement que se répand un gaz toxique.

Et je constate, moi aussi, mais avec amertume, que tout les bancs qui tapissaient cette petite salle sont maintenant oppressées de fesses pieuses. Subjugués, yeux écarquillés et pensées anesthésiées, ils se laissent endormir par les berceuses du faux prophète, je sens leur raison somnoler, j'entends leur esprit s'éteindre et ronfler. Une poignée de retardataires, tel que toi-même et ton accidentel compagnon, se retrouvent à croiser les bras debout, dilués dans les ombres de la salle, ces quelques braves ténèbres qui ne se laissent pas chasser par les torches malades crépitantes sous les murmures inquiets des fidèles. Mais il n'y a bien que vous deux qui ne laissez pas ce prestidigitateur pénétrer dans vos coeurs.


Épargnes moi tes cagoteries et donnes moi ton nom, grippeminaud !

Ta voix résonne comme une injonction incrustée en ton marmonnement, aussi brusque et tranchante qu'une véritable déclaration de guerre. Mais l'olibrius reste de marbre, sculptant une espèce de curiosité de petit coquin, une étrange malice terrée sous les frasques d'un visage implacable. Une fraction de seconde avant sa réponse durant laquelle je t'aperçois grimacer. Dérangé. Un doute érodant ton habituelle assurance. Quoi, pourquoi ? Ce petit blondin à la crinière de paille, puant l'écume comme s'il en suintait, il n'est qu'un énième charlatan, tocard ! Et son horrible bestiole, son "capibara" comme il semble vouloir le nommer, un excrément de Mère Nature comme elle en a tant pondu, comme elle en pondra encore.

Héhé, j'ai peut-être grillé une étape. Tu peux m'appeler Maxwell. Et à qui ai-je l'honneur ?
Mordiable, mon blason ne t'inspire rien ? Je suis le baron Brixius !
Mais tu dois bien avoir un prénom ?
Que je ne délivre pas au premier nigaud venu !


Rien de choquant à rencontrer de tels énergumènes en ces contrées de néant, il ne dénote guère au milieu de cette croûte désagréable qu'est le tableau d'Inari. Sais-tu, Balty ? Si j'avais encore une paluche à miser, je la mettrais à couper que ce n'est qu'un banal boucanier qui t'écrase de sa prodigieuse arrogance. Il a le culot du tout jeune pirate durant ses premiers pas en mer, l'audace de l'oisillon qui découvre ses ailes. Un oisillon dont l'on rompt fort facilement le cou, aux rêveries fines et transparentes, un voile de soie couvrant la cruelle réalité. Un esclave de l'honneur, soumis à un maître bien ingrat ! Restes concentré : l'utile se mariera peut-être à l'agréable. Ce pathétique oisillon pourrait te rapporter gros. Je parie que c'est un pirate.

Le Punisseur observe, écoute, tâte l'âme de chacun d'entre vous. Et il sent qu'il n'y a aucun démon parmi nous ce midi; seulement des errants en quête d'un refuge. Mais c'est dans la prière du zénith que notre bienveillante étoile déploie toute sa ferveur, et distribue le plus de sa lumière à qui sait comment s'en imbiber.

Mes frères, mes soeurs, aujourd'hui nous apprendrons aux nouveaux venus à accueillir cette lumière. Je vous demanderai le plus plat des silences, à partir de maintenant.


Le pseudo-mage aux yeux de chacal choisit bien mal son instant pour invoquer le silence ! Impunément, tu poursuis tes murmures, exposant l'ampleur de tes avides projets à ton oisillon.

Tâche de ne pas gaffer si tu souhaites m'assister. Je suis en quête d'un fruit du démon que ces primates enfermeraient quelque part dans leur tanière. Du menu fretin pour moi, mais te prendre sous ma coupe expédiera plus vite encore cette pénible besogne. Si tu m'aides à m'en emparer, je t'accorderai la charité !

Et te voilà, à te montrer exceptionnellement généreux en ôtant une pièce cuivrée de ta pochette pour lui jeter négligemment dans sa calleuse paluche, en signe de -fallacieuse- bonne foi. Ton pastiche de grand seigneur ne mettra guère de temps à fondre, mon pauvre Balty, alors qu'en ces dix années d'éprouvantes traques et de sanglantes luttes à la recherche de ta noblesse violée et égarée, tu es toujours autant fauché que n'importe lequel de ces insignifiants vauriens. Cette fange déshonorante dans laquelle tu perds pied a enrobé ton corps des symptômes de la déchéance, et les histoires racontées par ta sublime laideur lui ont sûrement mis la puce à l'oreille.

Le Maxwell reste sa bouche stupidement soudée, distordue dans un sourire. Les sarcasmes qui se meuvent sous sa peau émettent un bien désagréable malaise teinté d'irritation, encore une fois, et encore une fois, son calme te déboussole ! Se fiche-t-il de tes cocasses manières volées à cette caste de rupin qui t'a banni de son paysage ? Ou est-ce une complaisance sincère, l'équivalent d'une rustre poigne de main scellant un accord ? Bah ! Il y a fort à parier que lorsque tu auras séparé ce joli minois souriant du reste du corps du bellâtre, cet aplomb peint sur son visage dégouline en une apaisante et primale terreur, celle avec laquelle chaque roturier accueille la faucheuse !

Ne te dégonfles pas, indigne marmot ! Car en conclusion de cette blême histoire que tu m'écris, je voudrai que tu le tues; car le meurtre joliment prémédité est une couleur, une bien éclatante couleur. Il n'existe rien de plus délicieux que le dernier soupir d'un naïf que l'on dégonfle.


Vous deux, dans le fond, souhaitez-vous être les premiers à réciter les commandements de notre Punisseur à votre nouvelle famille ?

Il vous interpelle comme on somme un cancre, endormi dans sa rangée du fond, de se rendre au tableau. Probablement croit-il que sa toge lui confère une autorité de professeur, et qu'il peut se permettre de vous river sur le crâne ces bonnets d'ânes bâtés que vous mériteriez, tous les deux. Un à un, les regards de l'assistance s'accrochent à vous, et tu laisses s'échapper un soupir de dégoût.
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Un rictus cynique déforme mon visage lorsque les prunelles accusatrices du père Blaise se posent sur moi. Lorsqu'il nous hèle, c'est une réprimande cachée sous le ton de la prêcherie que je distingue très nettement. Il doit se douter que nous sommes des intrus, des touristes incongrus qui n'ont d'affaire à assister à ses manigances qu'il préfère administrer bien profondément caché au fond de son temple. Dans un environnement où les mensonges ne peuvent être plus vrais. Allez, suis-moi, brave Napoléon, comme j'avance dans l'allée entre les banquettes. Mon pas rapide et assuré se reflète dans les regards vitreux des illuminés, mes sourcils se froncent alors que mon sourire, lui, s'élargit de plus belle. Vous avez voulu me défier, père Blaise, vous en regretterez l'affront.

Le Baron Brixius, lui, préfère rester à l'arrière, si bien que je le double facilement. Il préfère pester en retrait. Un bien drôle de personnage, ce trentenaire malade et vicié. Ses bravades inutiles, son air faussement indigné, sa haine systématique de tout et sa puanteur factuelle renforcent cette idée que cet homme n'est probablement guère plus qu'un vagabond qu'on aurait déjà affublé d'une couronne. Il ne va pas sans dire qu'il a néanmoins une ambition certaine, voler un fruit du démon n'est pas chose simple. Et l'ingérer n'est pas choix facile non plus. S'il me semble physiquement abominable, je ne peux nier, cela dit, que le Baron Brixius est certainement un homme charismatique et décidé. Plus qu'il ne voudrait lui-même le croire, à vrai dire. Surveille le bien, mon cher Napoléon, puisque j'aurai besoin qu'un ami de confiance veille au bon déroulement de sa mission.

Mes bottes claques contre le sol alors que tes griffes résonnent dans l'enceinte sombre et enfumée du temple. J'escalade les quelques marches menant à l'autel, alors que l'assemblée a les yeux rivés sur ta majestueuse fourrure, prince des cochons d'eau. Il est décontenançant, mon cher Napoléon, que de réaliser que l'homme puisse être si facilement berné par l'invisible alors qu'il existe des merveilles concrètes et tangibles comme toi à travers le monde. Des merveilles qui n'attendent qu'à être découvertes par un aventurier comme moi.

Vous ne me semblez pas natif d'ici, fils de la Lumière. me lance un père Blaise soupçonneux, à voix basse.
Je suis un pèlerin, mon père, et je suis bien prêt à vous réciter tout ce que vous voulez. que je lui réponds, un demi-sourire me barrant le visage.

Il tend les mains vers moi, paumes vers le haut.

Alors entonnez avec moi les premiers psaumes dans le langage secret des Salvateurs, mon frère. me propose un Blaise imperturbable, mais chez qui tu décèles une pointe de courroux, toi aussi, mon Napoléon.

Vous savez, mon père, il y a de ces pays où l'on coupe la langue aux menteurs…

Dans un chuintement délétère, ma main agrippe la poignée de mon sabre et dégaine à toute vitesse. Un éclat lumineux surgit soudainement dans la pénombre, alors que la lumière sale des torches se reflète sur l'épaisse lame de mon couperet. Un battement de cil plus tard, c'est la main gauche du père Blaise qui tombe mollement au sol, noyée dans une marre de sang s'échappant du moignon ruisselant du charlatan.

…et où on coupe la main aux voleurs !
AAAAAAH ! MA MAIIIIN !

Ses yeux exorbités fixent avec folie la fontaine carmine qu'est devenu son bras alors que son autre main empoigne l'extrémité sanguinolente avec panique. Dans la foule, c'est la surprise. De nombreux priants sortent de leur torpeur et assistent avec inquiétude à l'effusion sanglante en laquelle se transforme leur réunion diurne. Et toi, mon Napoléon, en fidèle guerrier solidaire, tu profites du chaos et de la douleur du maître de cérémonie pour te jeter contre ses genoux. Ton corps vigoureux de rongeur géant s'écrase dans ses jambes, le jetant à terre dans son propre sang, l'envoyant se cogner la tête contre l'autel de pierre au passage.

Ça y est, c'est la débandade dans le temple. Toutefois, je n'ai toujours pas terminé mon petit numéro. Si le baron Brixius veut de l'aide, je saurai lui offrir le meilleur de moi-même, foi de Toreshky. Un de mes pistolets fusent dans ma main libre et se braque vers le plafond, un geste assez significatif pour attirer l'attention des fanatiques qui se levaient avec empressement de leur banquette. Il y a de ces moments -et tu le sais, en grand politicien que tu es, ami capibara- où un homme à la qualité de leader assez conséquente sait quand il doit passer à l'action. Ce moment, c'est précisément maintenant qu'il a lieu, et je saurai en profiter. D'un mouvement de tête, je t'envoie directement galoper vers notre nouveau compagnon, afin de lui venir en aide, alors que je me racle la gorge pour scander avec force !

Je suis le Capitaine Percebrume ! Protecteur de la noble Piraterie, mais aussi défenseur de la Liberté ! Sachez qu'en ces murs vous ne trouverez que mensonge ! Quittez ce temple où vous ne serez que noyés par des chimères ridicules !

Mon pistolet crache les flammes. La balle tirée fend l'air et s'écrase contre un encensoir accroché au plafond. Le large contenant métallique tangue, puis tombe au sol où il vomit une impressionnante quantité de fumée. En quelques secondes, c'est une fabuleuse déferlante de brume qui engloutit la salle.

Baron Brixius, la voie est libre…

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Hinhinhin. Planté comme un récif au milieu d'un torrent de boue, tu t'autorises une seconde de contemplation de cette amputation parfaitement arbitraire, dont l'unique dessein fut la réjouissante comédie d'un charlatan dont le sang s'échappe au même rythme que ses mots. La nature de galvaudeux des océans de notre Maxwell Sans-Nom nous est confirmé, tout comme cet orgueil boursouflé qui imprègne chacun de ses mots, une véritable infection, disgracieuse et malodorante.

M'entends-t-il, et a-t-il pris ma charmante métaphore de la main tranchée au pied de la lettre ?
Te voici tombé complice d'un bien barbare phénomène. Les dés sont jetés, Balty, ils sonnent la fin de ce long et dangereux jeu auquel tu t'adonnais, la chasse aux millions greffés sur des têtes. Ce fumeux beau parleur vient de te forcer à payer ton pouvoir au prix fort. Ce n'est pas un vague titre de baron qui sortira ta licence de chasseur de ce bain de sang sur laquelle elle flottait depuis tant de temps ! La voilà pour de bon noyée, désormais ! Fumier ! Putride fumier ! Enfant de vérole !

Allons-y.

Oh, oui, perdu pour perdu, suis-le donc, ce forcené, et urines sur ta licence, et joins-y quelques uns des morceaux de ta vessie lépreuse, par la même occasion ! Tu racles ta gorge, griffée par ces nuages de poussières, tu y frottes ces routiniers caillots de sang qui viennent s'y déposer sur ses parois. Ton corps est une ruine dans laquelle tu es enfermé, Balty. Perdu pour perdu, te répètes-tu. En boucle, un refrain obsessionnel. Ta fortune, ton statut, ce prestige oublié de notre famille que l'on pensait source de terreur intarissable, nos relations et notre réputation, il ne te reste que honte, hargne, désespoir et une brochette de souvenirs rongés par le temps.

En parlant d'oiseaux. L'oisillon t'attend, débordant d'assurance, fier de son crime.
Alors, voilà, Balty. Tout se vide de son importance, seule l'or te parle encore. Et c'est avec ton épaisse hémoglobine que tu écriras ta propre Histoire.
Aux côtés du Maxwell, qui se prend à son tour pour un pourfendeur d'illusions aux discours aussi acérés que sa lame, tu te tiens et tu dictes :

Nous devrons nous enfoncer profondément dans ce nid de serpents pour y débusquer mon fruit. Ne perdons pas de temps en élucubrations, et saignons les. Tous.

A commencer par toi.


Le Père Blaise, se nomme cet hypnotiseur. A genoux, comme attendant sa sentence, son regard fou pilonne le pavé rougeoyant de son sang, sa paluche encore chaude y flottante comme dans une mare pourpre. Ta vieille lame rouillée répond à ton appel, ta poigne s'enroule autour de sa garde et se glisse comme d'elle-même sous sa gorge; incisant un soupçon de sa pomme d'Adam. Le blondin et son sac de valeurs ne semble guère apprécier ce plaisir qui t'étreint tandis que tu caresses l'exécution d'un homme. Oh, oui, tu rayonnes d'un sadisme étincelant dans ces savoureux moments, c'est infliger à une canaille un magnifique arc-en-ciel de douleurs vives. Pourvu qu'il ne te gâche pas la beauté du geste...

Eh bien ! Où est ton Dieu quand tu as besoin de lui ? Où est ta lumière tandis que tu t'apprêtes à plonger tête la première dans l'obscurité ? Ton "punisseur" va-t-il me foudroyer, moi qui aura débarrassé ce monde d'un encombrant mécréant bouffi d'égo ? Il est l'heure pour toi de reconnaître qui est ton véritable maître.
J'aimerais me hâter de t'expulser en enfer, car respirer le même air que toi m'accable d'une intenable nausée. Mais je te réserve une mort rapide comme une récompense, si tu m'avoues où vous...

Le même réflexe qui te pousse encore et toujours à déblatérer une bien pompeuse extrême-onction à chaque bouseux que tu t'apprêtes à exécuter. C'était couru d'avance. Et la riposte ? Courue d'avance également.

Le manchot, de sa main encore solidement attachée, laisse son tibia gambader hors de son genou : une répugnante lance organique qui frôle tes bourrelets décharnés, y traçant une piquante ligne de sang, balafrant le vieux chiffon qu'est devenu ta veste. C'était elle ou tes intestins. L'incompréhension en toi se fait voisine de la frustration, et c'est en même temps que ta colère que la voix de ton comparse d'infortune s'élève :


Tu devrais suivre tes propres conseils et arrêter de parader !

Qu'il ironise, le blondin, dégainant de nouveau sa bouche à feu crachant des braises sur votre hôte sanguinolent; mais ses os se font comme glaises qu'il sculpte en pieux sur ses cinq phalanges restantes, et en resserrant ses côtes, les moulant en une fort perturbante et dérisoire armure corporelle pointant sous son torse nu, criblé d'une constellation d'étoiles noires et rouges. Les entrailles encore brouillées, tu ne te trouves pas le réflexe d'enrayer à temps sa fuite éclopée. Et c'est dans le brouillard qu'il disparaît, le même levé par ce violent empoté de Maxwell, le même vent irritant qui désoriente l'abjecte bestiole qu'il trimbale. Tsssk.

ALLEZ ME CHERCHER SKULL ET HUGO !

Il braie à travers la fumée, y espérant probablement dénicher par hasard une dernière oreille salvatrice. En une poignée de minutes, notre Maxwell et son chien mutant l'ont transformé en une figure de cire, blême et coulante, mutilée et boîtante, et les étranges tours de passe-passe de son squelette ne semblent guère capable de colmater les multiples brèches ouvertes en son corps devenu épave. Il n'ira guère loin dans ce triste état, ce chacal blessé. Mais ce n'est pas de lui qu'il faut se soucier.

Tes simagrées m'ont précipité dans l'embarras, corniaud ! Ce fichu fruit a intérêt à être dans mon ventre d'ici cinq minutes, et nous dehors, avant que les cabots du gouvernement ne nous acculent ici comme des rats dans un garde-manger !

On dirait qu'il voit plus clair en toi, qu'il perçoit ces ténèbres dans lesquelles les vices se faufilent et murmurent à ta folie. Car si son sang-froid ne lui glisse entre les doigts, son sourire, lui, lentement se désagrège; et peut-être sa confiance en toi aussi ?

Tu tâtes ta plaie, ta viande superficiellement tranchée, une mince lamelle de jambon pendante, et quelques gouttes de sang bouillant. Perdu pour perdu ! C'est une bien drôle blessure par rapport à ce que tu as l'habitude de te manger, tu crisses des crocs, puis te recentres sur le plus important. D'un hochement de tête, tu désignes à l'oisillon une avenante porte de bois brun, surplombée d'une torche. Comme à ton habitude, tu ne suis guère de plan, ni même de logique; et l'instinct primitif de chasseur de trésors te rappelle que les plus honteuses richesses des hommes sont bien souvent refoulées dans les sous-sols, le monde des secrets.

Vous galopez, taureaux en charge, vous enfonçant dans les entrailles pierreuses et obscures de l'abbaye. Tes poumons, ces deux soufflets crevés, souffrent de ces mots essoufflés que tu distilles dans votre course.

Que je te prévienne -keuf, keuf- : je n'ai rien à perdre, -aaaark !- mais guère envie de mourir à tes côtés !
Quel espèce de bouledogue es-tu pour nous donner ainsi en -aaaark- spectacle ? Est-ce ce que tu cherches, ravager mon statut ? -erk !-

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Ravager ton statut, Baron ? Héhé, loin de moi une telle idée ! Je préfère simplement que tous ces gens sachent qu'ils sont dans le tort ! Et même si pour cela je dois couper les mains de tous les cultistes des Salvateurs !

Un sourire caustique nait sur mon visage comme nous dévalons à la course des escaliers en colimaçon creusés à même le roc. De temps à autre, des torches accrochées aux murs humides éclairent faiblement le chemin. Si tu étais là, mon brave Napoléon, les ténèbres n'auraient eu aucun secret pour toi. Seulement, le chaos de la surface nous a séparé. Je n'ai aucune inquiétude, cela dit. Je te sais malin et fougueux, tu sauras retrouver le chemin vers notre embarcation, ou le chemin vers moi, qui sait ?

En contrepartie, rassure-toi, Brixius, personne ne meurt sous l'égide du Capitaine Percebrume ! Tâche simplement de respirer plutôt que de constamment te plaindre ! On te croirait à l'agonie !

La boutade a tôt fait de faire rouspéter le tuberculeux qui atteint avant moi les sous-sols, son étrange coutelas toujours bien au clair. Tout en lui inspire la méfiance et la saleté. À première vue, il pourrait être la pire ordure de North Blue, et pourtant, c'est lorsque ses yeux fous se sont rivés sur le père Blaise et que son poignard a caressé la gorge de celui-ci que j'ai éprouvé quelque chose de nouveau par rapport à ce drôle de chasseur. Une ombre de folie lui recouvrant, l'espace d'un instant, l'esprit. Ses yeux cernés se sont faits dérangés, ses mains se sont faites tremblantes. Il y a de ces habitudes fourbes en lui qui ne s'éveillent que dans les moments où il peut être le plus odieux. Sans quoi, il me semble plutôt être de ces hommes qui ont la langue plus longue que l'épée. Si bien que sur le moment, j'ose préciser :

Et quand je dis personne ne meurt, je veux vraiment dire personne…

Pas même cet horrible prosélyte à l'ossature possédée. Jamais je n'avais vu un tel pouvoir… une forme de contrôle anatomique tenant plus de la boucherie à vif plutôt que de la chirurgie consultée. Peu importe où s'est reclus le père Blaise, j'espère ne pas avoir à recroiser sa route, la haine profonde que j'éprouve pour les hommes de sa trempe m'obligerait aux pires écarts. Déjà devant nous se profile un long couloir bardé de lourdes portes de fer, aux cadres sertis de lampes à huile sales exhalant une fumée grasse. Pressé par les événements, je m'empresse d'en aborder une première qui ne me résiste pas longtemps. Mon sabre a tôt fait de fracasser le loquet. Dans un grincement métallique de tous les diables, l'épaisse porte s'ouvre, engouffrant un froid courant d'air dans les profondeurs des ténèbres qui s'offrent à nous. Un autre couloir, si sombre qu'on croirait qu'il avale la lumière venant des torches…

Eh bien, Brixius, je crois bien qu'il n'y a pas cent façons de procéder…

L'idée d'ouvrir les autres portes du couloir ne me vient pas à l'esprit. Une telle logique serait contraire à l'esprit d'aventure pirate ! Un chemin s'est ouvert à nous, aussi bien l'emprunter, c'est ainsi qu'aurait raisonné mon père, et c'est de cette façon que j'agirai à mon tour. Je décroche une lampe à huile du mur, la dressant devant moi à la hauteur de mon visage. Seul le froid courant d'air émanant du profond couloir m'indique que ce n'est pas un cul-de-sac, mais la Fortune elle-même ne saurait nous prévenir de quels horribles secrets sectaires peuvent se terrer au fond de ces souterrains.

Allons-y !

Silhouettes diffuses s'engouffrant dans les ténèbres, nous fonçons moi et mon odorant compagnon directement dans les entrailles du temple des Salvateurs. Rapidement, les virages s'imposent, les demi-tours et les fausses routes s'accumulent et c'est avec dépit, mais aussi avec la hargne sordide de Brixius -qui ne peut s'empêcher de constamment se plaindre- qu'il n'y a bientôt plus que l'écho de nos pas pour nous répondre.

C'est un labyrinthe. Un vrai labyrinthe sous le temple. Et nous sommes au beau milieu.

Je n'ai pas envie de savoir qui peut en être le minotaure…

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Il continue à piailler, à exposer ses apparats et à penser comme s'il cherchait à emballer une femelle écervelée; la race de l'agaçant blondin se confirme : notre oisillon deviendra paon, et les paons ne sont guère familiers avec les vautours, cela explique ce désagréable choc thermique que provoque la croisée de vos deux mondes. Ses remontrances te passent par-dessus la tête sans même ébouriffer un chouïa ce mur de poils cimenté par le gras ! Voudra-t-il t'empêcher de tuer ? Endiguer ces pulsions, cette rage qui t'a amené à si bien connaître tes honteux retranchements ? Quelle délurée prétention !

Dommage que vos esprits ne soient pas autant aiguisées que votre verve à tous les deux ! Peut-être auriez-vous tâché d'éviter de vous engouffrer le plus naturellement du monde dans ce piège qui se précipitait vers vous comme un poing au milieu de vos poussiéreux minois... Le dédale est arpenté par l'un de ces forts froissants silences, ces catacombes oppressantes singe cette frayeur latente des épaisses obscurités que tu ne te lasses pas d'affronter, par rapacité, et par orgueil tenace. Tu halètes comme un clébard, la langue pendante; tes globuleuses roulantes faiblement dans leurs orbites, ramassant péniblement les quelques miettes de lumière que la chétive lampe de Maxwell dilue dans la pénombre.

Il attend que tu récupères ton souffle, l'aimable et arrogant blondin, se doutant sûrement que d'autres acides gémissements perlent sur le bout de ta langue, impatients de goutter. Finalement, tu accouches.


Est-ce que ta ridicule bestiole nous aurait été d'une quelconque aide ici ?

C'est une question encore haletante qui se faufile à travers ta gorge cuisante.

Tu parles de Napoléon ? Mon capibara ? Son flair n'a d'égal que sa grâce ! Je dois t'avouer, Brixius, que je m'attends à le voir revenir à nos côtés à tout moment, la carte des lieux bien en tête.

Hinhinhin. Bien caractéristique du langoureux pirate, aux bons sentiments dégoulinants sur les actes, que de s'attacher ainsi à une aussi laide créature, dont l'espérance de vie paraît plus fugace encore qu'un battement de cil.

... Alors, fouillons les salles. Un réceptacle, un coffre, un reliquaire, n'importe quoi de susceptible d'enfermer mon fruit est à éventrer, et...

... et je ne me retiendrai pas de chercher des profits à la hauteur des sacrifices que tu m'imposes, pendard. Hmmf.


Ce vieux sac de toile qui a accueilli tant de trésors moisis en son ventre insatiable. C'est sans broncher qu'il comprend, et hoche sa caboche résolue. Comme si tu avais besoin de son autorisation pour te livrer à une fort lucrative trêve au milieu de ce vibrant chaos; au pillage ! Prends garde, mon pauvre Balty, chacun d'entre vous tire la couverture de l'autre ! On dirait que lui se prend pour ton capitaine, et toi pour son maître ! Lequel donc, en conclusion de cette cocasse rencontre, se retrouvera pétrifié de froid et de douleur ? Tu prends d'assaut la première porte de bois pourri qui te fait de l'oeil, fière dans son carrefour, suivi de près par le paon et son hypnotique lanterne, que tu peines à larguer des yeux.

Une petite pièce, noyée sous un surnaturel bazar, un fumet faisandé vous guidant vers une table estropiée derrière le dédale formé par cet absurde chaos de babioles, de manuscrits, de joujous, et cette table porte tant bien que mal, sur ses trois pieds, une pièce de bidoche abandonnée là. Un haut-de-coeur brièvement complote en tes tripes, mais tu te reprends bien vite, tandis que tu te souviens que la putréfaction est ce second spectre qui te précède en chacune des ombres que tu explores. Quelques cierges livides sont déjà présentes en ces lieux, notre téméraire boucanier fait, en conséquence, taire sa lampe à huile pour ne pas la fatiguer inutilement. D'un pas avide, tu vas à la rencontre de l'autel. Tes yeux exercés à percer les ténèbres y avaient vu ces deux bijoux de sadisme, ces instruments nés d'une âme aussi géniale que perverse. Ces deux dagues rituelles noires, tordues, ornées de dépravés crochets, elles t'appellent, elles t'envoûtent, elles t'enflamment, comme deux appétissantes succubes jumelles.

Tu ne peux t'empêcher de bavasser quelques joyeuseries en les contemplant...


Couper la main aux voleurs, disais-tu. Gninhinhin. Si adorables coutumes...
Les basses extraces rivalisent d'imagination dans leurs recherches de justice; chacune de leurs lois grignote un peu plus leur karma. La mutilation, l'humiliation, la torture, la quarantaine... Mes voyages m'ont proposé moult occasions d'assister aux manifestations de la folie des bas-fonds.
Tous ces misérables, fourbus de leur crainte de ce qu'ils ne comprennent pas, prêts à infliger les pires atrocités pour éviter d'en subir eux-mêmes, je les trouve...


Deux belles dagues dont l'acier luit d'un noir abyssal, aux zigzags finement calculés pour se faufiler dans la viande telles deux vipères assoiffée de sang. Tu en caresses la tranche, à ton tour ta bouche se tord en un précieux sourire.

... mignons.

Puis ton regard plonge, droit dans la carcasse lacérée, broyée, étalée en festin sur la table boiteuse. As-tu toi aussi remarqué, Balty ? Le fin épiderme, les joues boursouflées, les petites guibolles grasses et ingrates ! Oh, mon coeur de Mère s'en retrouve tout secoué. C'était un bambin, un bien malchanceux bambin, fauché en pleine innocence... Non, je plaisante, mon coeur ne peut guère être secoué. L'idée seule d'un chaleureux palpitant se débattant entre mes cotes me révulse, désormais. Une dizaine d'années passées libérée de ma décrépite cage charnelle ont suffit à me délaver de tout restes de sentiments ! Ce n'est pas pour me manquer, tssk ! Quelles vicieuses tortures qu'elles étaient, les Émotions !

Ceci dit, et puisque c'est la seule richesse qu'elle fut autorisé à emporter dans l'outremonde, ta bien pauvre mère est toujours autant vulnérable à la Curiosité. Que diable ces fantoches fabriquent-ils ici ?


Tant que je ne le convoite pas, tu t'empares de ce qui te chante. Considère le butin que tu amasseras comme ta paye...

Il assimile tes jérémiades d'une esgourde distraite, encore, probablement, égaré dans quelques réflexions stériles. Autant que les tiennes, mon putride chérubin ! Empresses-toi donc, toi le charognard, toi le vautour, de trier dans ce barda ce qui mérite une place dans ton sac et ce qui n'est que hochets pour fanatiques. Oh, il n'est plus question d'économiser les minutes, mh ? Tu te lances dans une méticuleuse fouille.

Tu t'accordes le droit divin de juger de la valeur d'une vie comme tu juges de la valeur de ce mobilier folklorique; chandeliers, boîtes de cierges, statuettes ornées de bijoux contrefaits, recueils de balivernes ésotériques... un sidéral amas de camelote.
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C'est tellement… tellement pathétique, Brixius. Comment peut-on sincèrement se résoudre à achever un bambin de la sorte ? Imagine juste si sa mère savait ce qu'il est advenu de son… de sa… on n'peut même plus savoir si c'était un garçon ou une fillette…

Mes poings se serrent avec hargne. Mes dents ne sont plus qu'un étau grinçant, mes yeux des billes brûlantes d'incompréhension. L'horreur qui se profile sous mes yeux est innommable, impensable. Si le Baron n'y a pas porté une grande attention, je ne peux, en contrepartie, détacher mes yeux de ce crime envers l'humanité qui sèche et s'avilie sur la pierre de l'autel. Ce sont des charlatans, des fanatiques, des menteurs, mais aussi des sociopathes qui ont mis sur pied une telle église. À chaque seconde de plus où je dois subir l'atmosphère pesante et l'air vicié de ces lieux, je déteste un peu plus cette humanité qui nous offre un tel lègue. C'est dans des moments pareils que j'aimerais t'avoir à mes côtés, cher Napoléon. C'est dans te tels instants que j'apprécierais pouvoir poser un regard vers toi et me laver des vices de mon espèce. Si des hommes comme moi peuvent commettre des actes aussi barbares et irrationnels, je préfère devenir capibara à mon tour.

Ou simplement éradiquer ces démons au nom de tout ce qui est beau en ce monde.

Si j'étais toi, Baron, je n'm'abaisserais pas au niveau de ces crapules… Ce n'est pas en revendant de la camelote à ton tour que tu seras riche ! Ne soit pas aussi stupide et borné que le templier de pacotille qui gangrène la place publique !

Mes réprimandes résonnent un instant dans la salle exigüe, juste le temps que le Baron ne stoppe son geste, pour poser un regard bavant d'agacement vers moi.

Et si c'est la cupidité qui guide tes actes, sache qu'il y a en ce monde des richesses à la valeur inégalable qui n'attendent que d'être trouvées ! Laisse moi te dire que ce n'est certainement pas dans les catacombes sordides d'un culte sadique que tu trouveras de quoi te remplir les poches !

Je rive des pupilles enflammées sur le macchabée éviscéré, catharsis de toute la haine que j'ai pour ces prêcheurs fous qui n'osent que massacrer les valeurs des hommes, mais aussi le fruit de leur amour. C'est un bébé qui n'aura jamais pu rire, qui ne pourra jamais pleurer et hurler au réconfort de sa mère. C'est un gamin qui n'apprendra jamais à marcher, qui ne jouera jamais et n'apprendra rien de son père sur le monde. Dans ce petit être écartelé par la démesure des croyances d'une organisation de monstres, il y a ces milliers d'occasions manquées, ces rencontres qui n'auront jamais lieu et ces événements qui s'oublieront dans l'Histoire. Il y a ces parents qui se rongeront d'inquiétude des années durant, puis vivront un deuil intarissable jusqu'à ce que leur vie en soit fracturée à jamais. Ces constations s'accumulent, s'empilent et me font bouillir.

Je sens ce cri de rage qui croît au fond de ma gorge, une flamme qui brûle et pique, un point lourd dans mon œsophage qui monte, gonfle et monte encore. C'est injuste ! INJUSTE !

RAAAH !


Mon pied, rageur, frappe et s'écrase contre l'autel ! La douleur se répand de mes orteils jusque dans mon talon, alors que l'autel lui, étrangement, vibre de façon mécanique. D'abord statique, dans un crissement de pierre, l'autel remonte, comme relevé par un piédestal, puis se décale sur le côté, sous mes yeux ébahis et l'œil sombre de Brixius. Sous l'autel s'ouvre un trou profond que je n'aurais pu soupçonner ! Les ténèbres béantes nous appellent à nouveau, alors que ma rage déchargée s'estompe petit à petit. Il semblerait que nous n'étions toujours pas enfoncés assez profondément dans les cloîtres de l'enfer. Il existe secret plus horrible encore que ceux que nous venions de découvrir.

…Je ne sais pas qui ou quoi peut se terrer plus bas, mais cette fois je ne couperai pas seulement sa main… dis-je d'un air morose en dégainant mon sabre, relevant ma lampe allumée dans l'autre main.
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Gnhinhinhin.
Si c'est une randonnée touristique que tu recherches, cet étonnant folklore devrait te satisfaire !

Tu te penches par-dessus le fossé découvert par l'agité oisillon qui vient de se rendre compte que son petit univers paraissait bien plus doux contemplé du haut d'un nid douillet. Sa désespérée -et désespérante- sérénade s'est faufilée dans ton oreille pour en ressortir de l'autre comme un nauséabond courant d'air, mais il frappait dans le vrai en désignant ce dépotoir comme ramassis de camelote. Rien de récupérable, si ce n'est pour bluffer des touristes; ce que ton repoussant portrait et tes indomptables pulsions ne te permettent pas ! Ainsi ton pillage hasardeux s'interrompt aussitôt, et tes espoirs s'allument un à un.

D'infects relents grimpent jusqu'à tes naseaux, emportés par un glacial souffle, glanant à la température ambiante quelques degrés. Oooh, la sens-tu ? Ton amante Putréfaction, caressant de son envoûtant parfum ton sixième sens de prédateur.

Tes deux nouvelles chéries, ces petites dagues, ces petits trésors de douleur, tu les cases sous ta ceinture. Oh, tes vieux coutelas rouillés auront bien du mal à rivaliser avec les beautés sauvages de tes nouvelles amoureuses.


L'arôme caractéristique d'un jeune cadavre, mêlé à des encens détonants. C'est bien, c'est cela, dégaines tes jouets, chevalier blanc. Ce que l'on trouvera en bas ne te plaira certainement pas. Moi, en revanche...

Tu griffonnes un autre de ces narquois sourires sur ton faciès blêmi, devenu dépôt à poussières. Et, la raison éclipsée par une morbide avidité, tu te lances dans le puits d'obscurité; te rattrapant in extremis sur l'échelle qui en recouvre une paroi. Balty ! Cinoque récidiviste ! Quelle honte c'aurait été si tu t'étais cassé aussi bêtement une jambe devant un inconnu !

Voilàààà. Prends ton temps, ne loupe pas de marches. Couverts par l'obscurité, l'humidité, chienne affamée, les a rongées goulumment comme des os à moelles. La rouille les rend glissantes, tranchantes, certaines te lèchent les semelles.
Non non. Tu te crispes un peu davantage, tandis que les ombres des profondeurs te testent. Je ne veux pas que ma descendance, mon sac à gènes percé, ne se ridiculise gratuitement sous les globuleuses primitives du premier boucanier au coeur plus gros que le ventre venu ! De quoi as-tu peur, poltron ? Des bambins désincarnés qui doivent errer par dizaines dans ce temple d'esprits secs ? Des démons promenant leurs yeux hagards à travers le noir pour y dénicher quelques succulentes âmes ? Mais ton âme est immonde, Balty, n'aie crainte ! Elle goûte la rance, elle donnerait la colique au Diable ! Tu ferais peur à un fantôme !

Pam. Tu tapotes la pierre qui se présente à tes semelles. La terre ferme, ça ne descend plus. Derrière de toi, la blanche veste de Maxwell qui s'extirpe timidement des ombres, escortées par la faible lueur de sa lanterne, qui n'arrive point encore jusqu'à toi pour dissiper cette adorable angoisse...

Dé-Dépêches toi !

Il descend comme un ange bien pataud aux ailes tranchées, le blondin, t'apportant sa lumière, dévoilant un nouveau couloir, une nouvelle viscère de ce merveilleux monastère. Peu de mètres cette fois à parcourir dans un pesant silence; car déjà une lourde porte d'acier se dresse face à vous ! La lumière rampe par-dessous, mais pas le moindre bruit.

Je passerai en premier, Brixius, j'ai la lanterne...

Tu te renfrognes, mon petit diablotin. Mais ce n'est qu'une façade visant à protéger ta fierté. Pourquoi donc refuser qu'un manant mise sa vie à la place de la tienne, en la précipitant dans ce qui pourrait être une bien perverse impasse ? La putréfaction, après tout, naît de cadavres, et les cadavres, de l'imprudence...

Après toi.

De toute sa force, il pousse la lourde porte, qui s'écarte en grinçant sourdement. As-tu remarqué ? Elle était déjà entrouverte lorsque vous êtes arrivés. Comme c'est excitant !

Lançons-nous gaiement dans la gueule grande ouverte du loup glouton. Et soyons déçu de n'y dénicher que des collines de paperasses parcourues par des forêts de grimoires suintant de poussière, d'âges divers, certains évoquant volontiers de vieux manuscrits âgés de quelques siècles, d'autres à la couverture soigneusement reliée datant de tout au plus un an. Le tout amassés sur des plaines infinies de tables en bois pourri. Quelques tableaux noirs accrochés aux murs, certains bariolées à la craie d'absurdes schémas qui ne doivent trouver de sens qu'en l'esprit de leur illuminé auteur. Et un barda insondable -encore un ! leur repère est tout autant chaotique que leurs âmes !- d'élixirs coagulées dans leurs fioles, de tranches de fruits -n'y goûtes pas, ils n'ont pas l'air frais !-, ainsi que d'un ou deux membres humains. Oui, un ou deux, pas plus, rien à voir avec l'étalage de charcuterie de l'étage supérieur ! Mais cela suffit à faire gémir la haine de ton compagnon d'infortune. Hinhinhin.

Le tout parfaitement éclairé, surprenant. Une armada de bougies et de torches qui ne laissent pas la moindre particule de ténèbres vous faire de l'ombre.

Cela me fait penser à la tanière d'un alchimiste croisé à un scientifique. Si un tel animal peut exister...

Toujours aveuglé par ta quête, tu bondis sur les fruits, grand gourmand. Je te le répète, ne me les mets pas à la bouche !

Ceux-là sont normaux. Je crois.
J'espère que ces exaltés ne se sont pas amusés à disséquer mon fruit !


Tu presses ton pas, comme porté par un vent invisible. Notre hargneux touriste bave une petite plâtrée de creuses théories sur le contenu du crâne de ces fanatiques. Mais ce n'est guère la raison de cette folie, que tu recherches, mais son fruit ! Puis une joviale explosion de verre te glisse un douloureux électrochoc dans ce petit coeur affaibli par l'obscurité... Remonté, tu déverses ta tension sur le blondinet circulant dans un couloir de tables adjacent.

Tsssk ! Corniaud !
Tu as cassé quelque chose ?
Hein ? Tu essayes de rejeter la faute sur moi ?
Pas du tout. Vois-tu, moi non plus, je n'ai touché à rien.


Autour de lui, aucun débris qui le trahirait. Force est de constater qu'il est sincère, mon pauvre Balty. Un frisson te court dans les entrailles, mais rapidement la raison lui fait barrage.

Sûrement un rat.

Et ensuite ? Ensuite, néant. Tu te contentes de mirer avec insistance les tranches de fruits que tu as laissé derrière toi. Quel fort maigre instinct de survie... N'as-tu pas pensé à regarder sous les tables, Balty... ?
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Un rat ? Oh crois-moi, Baron, c'est bien plus gros qu'un rat.

Je murmure ces mots en braquant mon sabre vers le dessous de la table, là où une ombre informe tente vainement de se faire invisible. Je me penche, dressant lentement la lanterne devant moi. La première chose que je distingue, ce sont ces mains. Des grandes et épaisses mains charnues, des doigts noueux, surmontés d'ongles taillés en griffes ! Un instant, je retiens mon souffle, lorsque je réalise après une courte analyse que la pénombre de l'endroit n'a rien à voir avec l'étrange couleur de peau de ces mains. Elles sont bleutées ! Bleutées, voire violettes, comme un cadavre que l'on aurait noyé ou congelé… Non seulement les mains ont une telle teinte, mais les bras épais et musclés prolongeant le drôle d'humanoïde sont eux aussi ceux d'un homme complètement violet ! À peine ai-je le temps de reconnaitre une toge rouge, ou auburn, dans la pénombre, que déjà la chose fond sur moi !



RAAAAH ! JE BROIRAI TOUS VOS OS ! ENNEMIS DE LA LUMIÈÈÈÈÈÈÈÈREUUUUUUH ! HAHAH !

Le ton nasillard et cinglé qui émane de sous l'épaisse cape est strident à mes oreilles. Surpris, je suis renversé vers l'arrière lorsque l'épaisse masse du cultiste me tombe dessus. Dans un fracas et des froissements innombrables, nous percutons douloureusement une table couverte de vieux livres et de parchemins. Je sens craquer sous mon dos la charpente du vieux meuble alors qu'une rivière de cire séchée s'effrite sur ma redingote. La lanterne tombe au sol et se met à répandre son feu sur les papiers humides alors que deux énormes poignes bleutées plongent sur mon cou ! Un incendie, un prêcheur complètement fou, que demander de plus ? C'est dans de tels moments que je regrette ton absence, mon cher Napoléon.

É…Écarte-toi ! Maudit diable !
Meurs d'abord ! Profanateur !

Le frère Skull agrippe mon cou de toute sa poigne, broyant ma trachée. L'air me manque rapidement tandis que je me débat de mon mieux pour me dégager de l'emprise du fanatique encagoulé. Ses yeux fous, derrière son masque, jubilent en me voyant rougir de panique et de colère ! Si seulement je pouvais le trancher de mon sabre ! Mais ses jambes, ce dernier s'étant assis sur moi, bloquent mes bras en les plaquant au sol ! Néanmoins, c'est dans une plainte hargneuse que, tous coutelas dehors, le Baron Brixius se lance contre le frère Skull. Comme deux félins effarouchés, ils roulent et s'entrechoquent en feulant et en grognant alors qu'ils renversent une bibliothèque dans leur bousculade.

Profitant du temps mort, je tape du pied les papiers enflammés pour calmer le début d'incendie alors que les deux beaux diables se tordent dans un corps à corps incompréhensible. Une fois mes bottes couvertes de suie et les tisons bien éteints, un pistolet surgit dans ma main et dans un mouvement fluide et rapide, je le pointe directement sur la tête du fanatique qui, soudain, se trouve précisément à l'endroit où je vise. Le mouvement était confus, ma certes prévisible. Le mettre en joue n'était pas inaccessible pour un tireur aguerris.

Bon, maintenant, on va tous se calmer, j'crois bien. persiflé-je en relevant le cran de l'arme.

Haletant, le frère se paralyse tandis qu'en fin renard, le Baron se glisse derrière lui pour enfiler ses lames sous son cou.

Baron, garde-le nous vivant, si tu veux découvrir le sésame de ta convoitise.

Les globes cernés et injectés du moribond me fixent un instant avec intelligence. Si sa folie n'a d'égal que sa laideur, à ce brave vagabond, il n'en reste pas qu'il a la répartie des penseurs avisés. À moins que ce ne soit que sa cupidité qui restreigne ses actes…

Je n'dirai rien ! Hérétiques ! crache-t-il déjà.
Préfères-tu que je crève ta douce gorge ? Que je te défroque de mes lames ? Bâtard de rebus ! vomi Brixius.
Ou alors que je t'ouvre une seconde bouche de mon pistolet ?

S'il y a bien une chose qui est indiscutable, c'est que chez tout fanatique il y a ce zèle de martyr qui pousse à ne jamais souffler mot. Toutefois, je crois distinguer le doute dans le regard vitreux du fou qui, sous sa cagoule, questionne momentanément ses choix. Je prends un instant pour observer le laboratoire saccagé. Des fruits pourris en tranches, des schémas de fruits sur les ardoises, accompagnés de nombreux calculs insensés… S'il y a bien quelque chose qui s'affirme de plus en plus dans nos esprits, c'est que le frère Skull semble invraisemblablement étudier les fruits. Et personne ne fait que mener des recherches banales sur des fruits normaux dans les tréfonds d'un temple infanticide.

Tu étudies les fruits du démon, c'est ça, Skull ?
Sois brûlé par les milles colères du Guide, crevard de pirate !

Garde-toi de vaines paroles, tueur de bambins. Sache que les lames du Baron Brixius sont plus acérées que ta langue !
Je fais volte-face et me met à remuer les piles de papier du pied, farfouillant des yeux dans les amoncellements de parchemins sur les tables d'étude. Un objet massif et bien géométrique attire mon attention, sous la montagne de paperasses. D'une main, je range mon pistolet et tire un lourd coffre jusque sur le sol. Dans un bruit sourd, il s'écrase contre la pierre. D'un pied, je le glisse vers le frère Skull qui se met à gigoter, puis à s'exciter en pestant de plus belle.

Loin de moi les affres du démon ! Loin ! Loin ! marmonne sa voix nasale et rauque.

De mon sabre, je donne quelques coups contre le coffre, qui à première vue est long comme mon bras. Mon arme en vient presque à s'ébrécher contre la solidité du réceptacle. Je n'arrive pas à y croire… du granit marin ! Ce matériau de légende ! Entre les mains de quelques pathétiques fanatiques ? Cette pierre aux pouvoirs néfastes face à tout possesseur de fruit, forgée en un réceptacle qui semble serti d'un cadenas aussi gros que mon poing.

Eh bien, dis moi, Brixius, je crois que nous avons trouvé le fruit de nos recherches. Littéralement.



Dernière édition par Maxwell Percebrume le Ven 03 Avr 2015, 17:50, édité 1 fois
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Notre terreur masquée convulse en tes bras à l'approche du coffret rampant à la base de sa robe. Tandis que toi, éméché d'une folle ivresse, un énorme sourire vient transpercer tes joues, tu lui tords ce qui doit lui servir de cou sous sa vilaine toge, tu le forces à embrasser avec amour vache la serrure du trésor, constatant une nouvelle fois que ni une lame, ni un crâne durci par une aveugle foi n'ont le pouvoir de l'érafler. Comme possédé par l'allégresse, tu te contentes de repasser ton bras par-dessus l'épaule du misérable qui semble, un peu comme toi, n'avoir que de fallacieuses diffamations à la bouche. Ton bras se terminant par cette dague sacrificielle affamée de viande humaine, léchant âprement sa proie. De ton autre paluche bleutée d'hématomes, tu caresses, tapote, palpe le coffre noir, à la texture si râpeuse et biscornue, ses écailles de granit marin sculptées à la va-vite par l'un de ces fous, probablement, qui se prenait pour un artiste tandis qu'on lui plaça entre les mains le burin adapté. Gaspillage d'un roc si noble et si mystique ! On dirait que les Salvateurs s'acharnent à empiler les plus abjects griefs !

Ouvre-le ! Ouvre-le vite !
C'est ton âme que le Punisseur ouvrira, pauvre charogne !

Tu soulignes ta requête par un nouveau solide argument : tandis que ta première dague se dandine toujours sous sa gorge, sa jumelle part à la rencontre, par-dessous l'abracadabrant drap neuf qui semble servir de toge à ce phénomène, d'un tibia bien tendre et charnu. Tu l'entends, se faufiler dans son muscle dans de claquants froissements et quelques bruyants craquements, écharpant ses ligaments, on dirait que ta nouvelle amante se régale du sang de son ancien maître !

Son cri bruisse dans une tornade de jurons.


AAAAAAAH ! VOUS Y CROYIEZ, SOMBRES FOUS ! MA JAMBE N'EST QU'UNE INFIME PARTIE DU HAUT PLAN DE MON GUIDE ! IL PEUT BIEN S'EN PASSER !
ET SI JE HURLE PLUS FORT TOUT EN GRIMPANT LE LONG DE TA CHAIR, FICHU CRAPAUD DE BÉNITIER ?

Voilà donc l'amorçage d'un débat animé où chacun tente, primitivement, de parler plus FORT que le mâle malade et rachitique qui lui fait FACE, et de laisser la colère sanguinaire poser le dernier MOT suite à cette délurée avalanche de décibels ! Mais avant d'avoir sottement pu adjoindre le geste à la parole, notre preux oisillon s'interpose. Oh oui, c'était couru d'avance que ce trouble-fête n'allait pas te laisser ainsi dessiner ta haine au coutelas sur le cuir cadavérique de ce polichinelle costumé. Peut-être ne supporte-t-il pas la vue du sang, au fond ? Hinhinhin.

Ça ne servira à rien.
Oooh que si ! Imagine donc si cet original nous avoue qu'il a gobé la clé en nous entendant arriver ! Il faudra bien que je plonge mes propres mains dans ses tripes pour la dénicher ! Ou s'il se l'est greffée sous le cuir, mmh ? Je le dépécerai ! Lentement ! Je SAVOURERAI l'odieux visage qui doit bien se gausser sous son ridicule masque, je le savourerai devenir blême et terrorisé !


A l'entente de ta tirade, votre hôte se fait étonnamment silencieux, gémissant à voix basse, murmurant ce qui doit être quelques prières à l'attention du vent. Ses mirettes livides coulent d'une étrange appréhension que je ne goûtais pas il y a encore quelques secondes.

Je n'aime pas me contenter de deux yeux lorsque je discute avec quelqu'un.

Le blondin laisse donc son arrogance s'exprimer, planant comme un paon par-dessus cette vaine salive que tu déverses par torrents de postillons. Il porte la main au sommet du crâne de ton otage, s'emparant de la pointe de la stupide capuche, puis commence à tirer.

NON ! NON ! Tu souilles ma toge rituelle de tes gros doigts béotiens ! Arrière ! ARRÊTES !

Ses hochements de tête enragés et saccadés ne font qu'aider Maxwell à lui arracher plus vite encore sa peau de laine, qui s'envole tel un vieux chiffon, dévoilant encore davantage de cette horrible chair bleue dont il semble recouvert. Et la carapace de panache dont semblait essayer de se recouvrir l'énergumène se déchire comme un malheureux voile, exposant derrière un vieux caniche rongé par la calvitie, au museau saillant, aux esgourdes pointues, un ingrat stéréotype d'un rat de bibliothèque que la lumière du jour n'ose même plus effleurer, par dégoût pour cette peau bleutée et flasque.

Vous auriez presque un air de famille, Balty, et ça m'arrache le placenta de me l'avouer : tu partages son fanatisme pour des causes inexistantes et perdues d'avance, tu t'enfermais toi aussi dans tes bouquins et dans les sciences occultes, préférant soulever les jupes de Mère Nature plutôt que de l'affronter face à face, et, bien sûr, ton teint à toi aussi est d'un blafard à faire frémir un pendu. Ma progéniture ressemble à cette horrible engeance bourrée d'idéaux infâmes. Si tu n'avait pas pris la peine de m'euthanasier de tes propres mains, je serais probablement morte de honte peu après !


Mon VISAGE ! Hérétiques ! Rendez-moi mon masque ! Cessez de me dévisager !
Tu consentiras bien à battre ta coulpe, maintenant, faquin ? Comment faire cracher son trésor à ce malfé de coffre ?
Vous êtes plein d'espoirs, vermines ! Partez donc à la rencontre du Père Blaise ! Partez ! Il a la clé ! Il l'enterrera peut-être avec vous dans votre tombe, qui sait ? HAHAHAHA ! Mécréants ! HÉRÉTIQUES ! MON MASQUE, MAINTE...


Un sévère coup de poignard, qui s'abat comme la foudre dans sa moelle épinière, en ressortant garni de souvenirs, lambeaux de chair pendouillant, et poudre d'os neigeant sur les crochets de ta dague gourmande de douleurs. Il se tord et se distord à terre, retournant sous sa table, le gueux dont tu as brisé la fougue ! Pousse d'affreux cris perçants de chacal blessé, le pavé se gorge de son sang, et toi de sa souffrance. Simple retour de flammes; tu ne digérais guère qu'il t'adresse la parole sans ta permission, encore moins en te piquetant de multiples jurons. Ta rancune repue, tu rengaines tes ustensiles de mort, puis ramasse, dans une placidité toute simulée, la lourde caisse noire, que tu confies à tes aisselles...

Heureux, chevalier blanc ? Je ne l'ai pas tué !

Un gentil sarcasme te permettant, une fois encore, de refroidir un tantinet ton sang brûlant !
Il y a fort à parier que Blaise, s'il s'agit bel et bien de ce prestidigitateur désormais manchot et estropié, soit là-haut, quelque part dans le monastère, affalé sur le pavé, exsangue et blanc, tel un malheureux tapis sous lequel on aurait caché une clé ! Tu rebrousses chemin sans perdre la moindre seconde, sans même gratifier ton oisillon du moindre regard. L'ironie de la situation se charge d'elle-même de te lacérer de son cruel et humiliant fouet : vous étiez passés, dès le début, à un pas du sésame, sans savoir le reconnaître !

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Attends un peu, Baron.

Mon pistolet se relève vers le Cultiste ensanglanté qui se tortille de douleur dans son sang, hurlant et pestant comme un condamné. Ses yeux, billes sombres et haineuses perdues au beau milieu d'un rictus monstrueux, dardent des foudres inimaginables vers moi. Ils ont tué un bambin… je ne peux laisser cet affront impuni…

BANG !
AAAAAAAAAAAAH ! MA JAAAAAAAAAMBE !

Sache, frère Skull, que la vie est un des droits les plus fondamentaux de notre monde. Par honneur, je te laisserai ce droit pour cette fois, même si tu t'es senti la permission de l'ôter à un simple enfant. Toutefois, la clémence d'un pirate n'est pas éternelle. N'ose plus jamais commettre telle atrocité, sans quoi je couperai chacun de tes membres avant de te laisser aux bons soins des crocs acérés de mon capibara.

DAMNATION SUR VOUUUUS ! AAAAH ! ORDURES ! PAÏEEEENS ! AAAAH !
Allons nous-en, Brixius, nous devons retrouver la surface.
À la bonne heure, solennel et brave petit pendard !

Je me saisis d'une bougie toujours allumée après avoir rangé mon pistolet. Sabre dans une main, lumière dans l'autre, je mène la voie lorsque nous plongeons à nouveau dans les dédales du sombre labyrinthe. Rapidement, les virages, les intersections et les alcôves ont tôt fait de nous ridiculiser. Brixius, toujours aussi désolant, ne cesse de se plaindre alors que la pierre humide des murs, pourtant jusque là grossière et couverte d'aspérité, s'affine et se lisse, comme travaillée par un brillant maçon. Au même instant, le tunnel débouche sur une majestueuse et vaste grotte. Le plafond, anormalement haut, est fait de clés de voûte et les murs sont parsemés de gravures étranges. Un humanoïde, céleste, semble y contrôler des hommes tel des marionnettes, à l'aide de nombreux fils. Sur de nombreuses fresques, on met une emphase étrange sur des fruits expiés, exorcisés ou rejetés, comme démonisés par l'humanité. De très haut dans la voûte de la caverne, une ouverture vers l'air libre laisse filtrer, dans un motif indistinct, la lumière du jour pour éclairer toute cette caverne qui me parait être, à la vue du grand autel monté sur une large estrade de pierre, mais aussi des nombreuses banquettes, une impressionnante chapelle souterraine !

Incroyable lieu sacrificiel s'il en est un… Seulement, je n'ai pas le luxe de m'émouvoir une seconde de plus qu'un lourd pavois s'abat directement sur moi ! Le bouclier m'écrase le nez et me jette au sol, alors que de l'ombre surgit le templier de la place publique, rencontré un peu plus tôt dans la journée. Il a une fureur impossible dans les yeux, les joues rougies par la colère et les dents durement serrées. Sonné, une douleur fulgurante me prenant le crâne, je passe la main sur mon nez ; du sang. Aïe.

Bande d'hérétiques et de terroristes ! Oser profaner la Grande Chapelle du Punisseur !
Vas-y, mon brave Hugo, châtie-moi donc ces créatures du démon qui s'attaquent à notre culte.

Le ton mielleux du père Blaise raisonne avec force dans l'immense cavité alors qu'il est recraché par les ombres, derrière l'autel. Il est amoché, sa toge toujours ensanglantée, son bras coupé bien caché sous les épais tissus. Livide, il semble toutefois avoir repris du poil de la bête, une dague sacrificielle de l'envergure de celle de Brixius dans son unique main. Ses yeux haineux et son rictus fou n'ont rien de rassurant, l'énorme épée que lève Hugo le templier vers les cieux aussi.

Je roule sur le côté au moment précis où la lame va fendre les pavés sous moi. De justesse !

Me relevant tant bien que mal, le nez devenu une véritable fontaine d'hémoglobine, je saisis mon sabre à deux mains, probablement avec moins de conviction que le massif chevalier.

Tu ferais mieux de trouver cette foutue clé au plus vite, Baron ! J'ai l'impression que ce satané paladin n'en aura pas pour longtemps avec moi…

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Existe-t-il des choses, des actes, des édifices et des horreurs, que l'humain ne serait pas capable de bêtement exécuter au nom d'un oeil supérieur, invisible et résolument chimérique ? Les tripes de la Terre elles-même n'auront pas été épargnées par la triste démence de nos hôtes Salvateurs ! Leur chapelle encastrée dans le ventre d'une caverne est comme une insulte proférée à la nature, complice malgré elle de bien niaises traditions ! Et est-ce une façon de recevoir un duo de touristes, que de les accueillir par le fer et les regards ardents ?

Hummf.

Ooh, on dirait que Maxwell s'autorise un petit conseil : vite pourfendre le manchot aux os de glaise et prier pour qu'il ait conservé ce maudit ouvre-boîte sur lui jusqu'au bout, car sinon, son alter ego en armure aura tôt fait de lui raccourcir ses ambitions; d'après lui. En as-tu quelque chose à faire ? Non, assurémment. Tu arrives au niveau du Blaise, haletant, le coeur comme un tambour de guerre, et toi aussi amputé d'un bras; car en-dessous de ton gauche est toujours amarré ton coffre fétiche, noir comme les abysses aveugles, murmurant à qui sait l'entendre son étonnante énergie marine. L'apôtre de carton se rend vite compte de ce que tu trimbales, et s'indigne aussitôt comme un vieux bouledogue auquel on aurait subtilisé la gamelle.

Ainsi c'était cette abomination la cause de votre descente ! Peu importe au nom de quel démon païen vous sévissez, annonce-lui de suite tes dernières prières.
Tes menaces sonnent creuses : elles sont emplies de peur !


Son corps entier se pare lentement d'un surnaturel blanc, le blanc de ce squelette dont il semble entièrement maître. Rudes protections de moelle dont tu t'empresses d'éprouver la solidité, tandis que  ta main disponible propulse ta dague biscornue, avide de chair fraîche, là où elle est sûre d'en trouver de la chaude et faiblarde. Son bras mutilé, hinhin. Car remuer le couteau dans la plaie est une expression que tu aimes à prendre au pied de la lettre. Mais il se déhanche, l'éclopé, et de sa paluche encore attachée, part un coup de dague à ton attention qui ricoche pathétiquement sur ton très cher coffre... pour te rebondir dans l'épaule.

Fils de-Fils de VAUTOUR INCESTUEUX !
Je te retourne le compliment...


Ta dague à toi aussi est arrivée à destination, appelant à toi par cascades le sang du bras décapité. Je remarque que la sournoise forme de ta lame s'est aisément glissé entre ses plates d'os; mais que déjà assommé cent fois par la douleur, le Blaise ne grince qu'à peine des dents. Comme ça t'irrite, cette indifférence à tes si affriolants châtiments ! Dans les giclées de sang ressortent vos dagues respectives, un fracas de granit embrasse la pierre humide dans un bruyant coup de foudre; ton coffre chute à vos pieds.

Non, NON, tocard ! Ton adversaire n'est pas l'un de ces rustres rutilants pensant confronter leurs testicules à celles d'un innocent petit minet rachitique et psychotique ! Tu ne peux PAS te permettre des coups d'oeil, en pleine lutte pour ta survie, en direction de ce crasseux coffret ! Lui ne bougera pas. Toi, ceci dit, toi qui a déjà un pied dans la tombe, prends garde à ne pas stupidement y glisser tête la première ! Qui donc corrigera tes lamentables gaffes et redressera notre famille dans sa chute libre, si tu te laisses égorger comme un porcelet, mon pauvre Balty ?

Oh, vous dansez plus que vous ne combattez, à vrai dire. Tout deux timorés par vos blessures hurlantes, les corps en charpie se tournent autour dans un curieux tango sanglant, éclaboussant de sang et de hurlements le paisible sanctuaire, préférant les lâches retraites que les offensives téméraires. Quel abrutissant combat ! Attaques un peu, Balty ! Cesses de te tordre dans tous les sens dès que ton féroce compagnon se décide -ENFIN !- à passer à l'assaut ! Je compte, chaque seconde, une bonne dizaine d'ouvertures dans lesquelles tu te refuses à t'engouffrer par peur d'échec et de riposte, alors qu'elles t'offriraient la voie de l'humiliation en règles de ce demeuré en deux temps trois mouvements !

On le sent bien mal au point, en plus ! C'est un canard éclopé qui bat frénétiquement des ailes pour essayer de décoller ! Est-ce cela qui t'intimide ? Tsssk ! Si l'un de vous n'a rien fait progressé dans la prochaine minute, je partirai plutôt voir comment se débrouille Maxwell face à son templier de carton. Oh, il n'est pas encore mort, mais ça ne saurait tarder, la boîte de conserve semble être une bien belle brute. Pour rien au monde, je ne voudrais rater le moment où il éteindra le visage mièvre du blondin !

Voilà. Bien ! Ce que tu sais faire le mieux, Balty, rappelles-toi en. Prendre ton ennemi en flagrant délit de vice de faiblesse ! Une balayette bien cadrée venant crocheter son genou rapiécé, et voici sa cheville qui se froisse en un abject cliquetis. L'estrade de pierre qui vous surplombait trouve alors son rôle : elle accueille en son angle la mâchoire du Père Blaise, qui s'en va bredouillant, des torrents de cette savoureuse bave injectée d'hémoglobine, se torsader la nuque contre le sol.

Ta dague sous sa gorge, un oeil sur le coffre. Une seconde d'hésitation. Comment, tu ne l'achèves pas ?

Je trouve sa position plus jouissive... Ce croquefedouille méditant ses erreurs en un reposant coma. Gnhinhinhi... Aïe...

Hinhinhin. En bon rapace, tu t'empresses de palper chaque recoin de son corps inerte, faisant fi de cette épaule qui pleure tout son sang, goutte à goutte. Tu en profites, naturellement, pour te délecter des ravages perpétrés sur son enveloppe charnelle : s'il survit, tu l'auras marqué à vie du sceau de ta barbarie ! Déformé par les coulis d'épaisse hémoglobine, cabossé d'hématomes et, bien entendu, pourvus d'étranges reliefs naissant sous sa peau : ses os, sa magie. Son fruit du démon, à ton avis ? Sait-on jamais. C'aurait été un si beau sarcasme en guise de point final à ton excursion !

AH ! Voilà la clé ! J'ai la clé ! Oooh, loué soit le divin vautour, prince et ordonnateur des charognards, de m'avoir coincé ce bijou entre les serres ! Hinhinhin ! Regarde là, Maman, regarde comme elle est ouvragée !

Hinhinhin. Donc, concernant le louveteau au pelage blond ? Le paladin de foire s'emploie à le dompter. J'aurais juré qu'il résisterait moins longtemps, mais, même si le sang fuit davantage de son côté que de l'autre, son acharnement seul suffit à peser sur le clown en armure tout aussi douloureusement qu'une réelle plaie béante. Peut-être l'aurait-il eu à l'usure ? Au fond de ce puits infini de candeur se mouvait peut-être une louche de potentiel, finalement.

Qu'il aille au diable ! Je n'ai plus besoin de lui !
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Je m'effondre au sol, assommé. Mon sabre, lui, en lâche, fuyard délaissé par l'impuissance de mes mains, glisse loin sur le sol de pierre froide. Hors de portée. Mon visage n'est plus que douleur, mon bras droit, salement heurté par les coups de bouclier de Hugo, ne répond que faiblement. Fourbu, engourdi et éreinté, je me relève difficilement sous le regard fier de mon ennemi le croisé. Je titube, relevant un regard plein de morgue vers le fou dont la barbe est imbibée de sang. J'aurai au moins réussi à lui arracher ne serait-ce que quelques gouttes de raison, lui qui baigne dans un océan de mensonge. Son armure cabossée -ça aussi, je me le dois bien- grince et cliquète lorsqu'il s'approche vers moi tel un conquérant panaché. Par réflexe, ma main gauche cherche un pistolet à ma ceinture, je le pointe avec désespoir vers le templier. Pourvu que le plomb perce l'acier de sa carapace…!

Clic…Clic…Clic ! Clic ! Clic ! Clic !
Merde ! Merde ! Merde ! 'plus de balles !
On dirait bien que la route s'arrête ici pour toi, pirate et profanateur ! Sache que ma sainte lame, Excaliberne, se souviendra, comme ma mémoire, du combat acharné que tu as mené !
Tu peux toujours courir, fanatique endimanché ! Ce n'est pas aujourd'hui que le fils de Vladimir Toreshky ne meurs, pas avant d'avoir accompli de bien grandes choses !... Hein ?
Hein ?
POUYN !

Soudain, une ombre apparait au-dessus de nos têtes, bloquant la lumière du jour qui était filtrée par les cavités du plafond ! Une ombre qui, en plongeant à toute vitesse, pousse un formidable couinement de guerre ! C'est toi ! Mon irréprochable Napoléon ! De toute ta masse velue et svelte, tu t'écrases sur le templier qui, surpris, s'affale complètement sous ton poids ! J'ai toujours su que tu saurais retrouver ton chemin vers moi, prince des cochons d'eau. De tes yeux brillants de hargne, tu te dresses de toute ta majesté sur le templier qui déjà se débat. Tes deux longs crocs fondent sur lui et lui entaillent sauvagement le visage alors que tes morsures redoublent de vigueur à chaque coup. Comme tu es brave, comme tu es splendide, cher Napoléon !

Pendant ton expéditive diversion, j'en profites pour frapper du pied l'énorme épée de Hugo. Elle s'en va glisser jusqu'aux abords de la grotte, rejointe par le bouclier du paladin par la suite. Grâce à toi, mon brave Napoléon, le cours du combat a complètement changé ! Mon père et mon oncle avaient tous deux bien raison lorsqu'il me conseillait de toujours m'entourer des plus brillants acolytes. Quoi de mieux, un Baron fou à l'avidité aussi grande que sa verve et un capibara à la noblesse indiscutable ? Haletant, toujours souffrant, le sang dégoulinant piteusement de mon nez, je profite du répit pour courir reprendre mon sabre. Mes jambes lourdes me portent tant bien que mal jusqu'à l'arme. Toutefois, lorsque je pose la main sur la poignée, un nouveau couinement se fait entendre… de détresse, cette fois ! Je fais volte-face assez rapidement pour apercevoir ta silhouette, cher ami, qui est jeté au loin par le massif combattant. Son ombre s'approche lentement de moi alors que, haletant, il fulmine d'une colère innommable.

RRAAAAH ! TU T'ES ALLIÉ AVEC DES BÊTES INFERNALES, BOUCCANIER STUPIDE ! PUISSES-TU PÉRIR SOUS LA RAGE DE MA POIGNE !  CRÈVE, ENNEMI DE LA LUMIÈRE !

Trop faible, je n'arrive même pas à redresser mon sabre lorsque ses mains me saisissent par le cou pour me soulever de terre. De mon perchoir asphyxiant, je remarque néanmoins, du haut de son autel, Brixius qui ingère goulûment le fruit du démon.

Au moins, une partie de cette quête semble accomplie…  

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Je les sens ! Je les sens, Maman ! Les vices affluer dans mes veines ! Me voici hôte et maître d'un fabuleux démon !

Fidèle à sa réputation, la pomme du démon t'a d'abord affligé de son goût nauséabond; oh, assurémment, ces ordures ne sont guère des mets de gastronomes. Mais rapidement, ont succedés à tes odieuses grimaces un radieux sourire, tandis que tes membres se gorgeaient un à un d'un étrange rayonnement blanc.

C'est la première fois que je ressens un tel sentiment de PUISSANCE ! C'est comme me laisser posséder par une armada de diables, puis les plier tous à ma volonté sans le moindre effort ! Je pourrais être ce ver qui pourrira la planète de l'intérieur en se nourrissant de son Mal ! GNHAHAHA !

Frappé d'un flot d'allégresse, tu bouscules de joie l'imposant coffre grand ouvert, et le voici qui dégringole bruyamment du haut de ton promontoire pour aller se fracasser en contrebas. Et toi, toujours perché en ton ciel orageux, braillant comme un dément, tu interpelles là en-bas les deux sots lancés dans un funeste théâtre, à qui aura le plus Grand Honneur, à qui a Raison et à qui mérite l'Enfer ! Le "capabara", cette fausse note de la nature, a rejoint le requiem au bon sens. Sur l'hideuse trogne du paladin se grave l'indignation. Il en oublie la gorge du blondinet, qui retombe à terre, rutilant, t'épiant du coin de l'oeil. Parfait, donc ! Les voilà tous réunis, assistant à ta folie. Pour tes tirades passionnées, la voie est libre.

Épaté, Maxwell ? Te sentiras-tu encore à me prendre de haut et à m'asperger de ta bien terne éthique alors que j'héberge un DÉMON ? QUI est en position de donner des ordres ? QUI tient le martinet désormais ? GHINHINHIN !

Maman ici présente confirmera mon absolue domination !


Quoi donc ? Devrais-je être fière de toi ? Ce ne sont pas quelques sortilèges qui restaureront l'estime délabrée que je te porte, car dès lors que tu es né de ma cuisse gauche, j'ai aussitôt saisi que tu serai à jamais bon à rien. L'avantage de ne rien attendre, c'est que l'on n'est point déçus ! Mais cessons de parler de moi, petit bâtard de lièvre, cela est bien discourtois de murmurer à une présence invisible devant une telle foule en liesse.

Bon sang ! Il a... Il a mangé ce fruit interdit ! Père Blaise !
Toi, je vais te faire pleurer ta garce de matrone !
Hinhinhin ! Je t'invoque, mon préféré, mon si classique, mon sublime et prétentieux péché originel !
ORGUEIL !


C'est tel une étrange balle de fusil qui le traverse de part en part, un serpent de lumière furieux qui se fiche dans son coeur. En une fraction de seconde, ses pupilles luisent d'une substance nouvelle, et le contenu de son âme radicalement souillé !
Comme atteint subitement d'une douloureuse illumination, il reste un moment béat. Choqué. Percuté par une étrange bourrasque. Tssk.


ALORS ? N'aurais-tu pas envie de t'affranchir de tes misérables maîtres, de te soustraire à ta condition de larbin SOUS-ESTIMÉ ? Et si tu venais à moi ? Je t'offrirai un rôle à ta mesure sur la scène du monde, tu n'auras plus jamais à bêtement suivre la voie que ces sottards traceront pour toi ! Ghinhinhin !
Mais... Mais qu'est-ce que tu racontes, pauvre fou ?
Comment ?


M'est avis que ce n'est pas la fierté que tu as semé en lui, tocard...

Qu'est-ce que tu m'as fais ? Quel vice m'as-tu implanté ? POURQUOI me sens-je si mélancolique ? Tu as enrayé ma détermination, du haut de ton piédestral ! Si je te tue, cet horrible sort s'annulera !

Sous chacun de ses pas résonne de sinistres coups de tonnerre métalliques, il veut visiter tes entrailles ! C'était couru d'avance, mon pauvre Balty ! Ton nouveau jouet s'est retourné contre toi. Plus qu'à deviner de quel péché tu l'as gavé !

Mordiable, qu'est-ce ce regard ? Baisses les yeux, recules ! Je PEUX t'aider, tu entends ? Tu me reconnais ? Je suis ton nouveau maître ! Un BON maître ! CORNIAUD !
C'est injuste... Pirates.
"Pirate" ? Tu m'aubades, félon, maintenant ? Recules, je te dis, ou je t'ancrerai le respect au cervelet par le fer et la MAGIE ! Eh oh, foutue salamandre, tu m'écoutes ?
Nous autres, salvateurs, sommes des bêtes de cirque. Des parias ! J'ai ce doute qui me dévore le coeur. Vous êtes plus heureux que n'importe qui en ce monde hypocrite, foutus boucaniers ! Avez-vous besoin de vendre de fades bibelots pour donner vie à vos croyances ? Êtes-vous soumis aux préceptes tyranniques d'un gourou pervertissant votre foi ? Existe-t-il un voeu de silence qui vous cloue la langue sur d'horribles baratins pour rendre vos idées plus attractives pour la masse... ?

NON ! VOUS ÊTES LIBRES ! LIBRES DANS VOTRE FOLIE !


Encore un retour, celui de la boule de poils empuantie lui bondissant dans la nuque, alors qu'il s'apprêtait clairement à te rentrer dedans pour te faire ravaler toutes ces petits picots blessants que tu lui projetais à la figure, tel un abject garnement abusant de son nouveau pistolet à billes sur un molosse dégoulinant d'écumes aux lèvres...

En une pincée de secondes, le dompteur rallie sa bestiole infernale, Maxwell plaque Hugo à terre. S'envole le casque du bouffon en armure, tandis qu'il s'épand avec violence sur les dalles craquelées du sanctuaire... Sanctuaire qui connaît une profusion probablement bien inhabituelle de blasphèmes, ces temps-ci !

Pardonnez-moi, seigneur punisseur ! Me voilà jaloux, affligé de ce maudit sentiment condamné depuis la nuit des temps ! Tu l'as fais... Tu m'as poussé au vice, CINGLÉ !
QUI est le taré ? Réponds-moi, bourreau d'enfant, qui est le pervers ici ?

Tout épris de ta maigrelette -et tristement ironique- victoire, malice arrogante, tu dévales l'escalier le pas léger et sautillant, pour t'approcher en paradant de la petite comédie qui se déroule sous mes yeux un brin amusés. Ajoutant tes grains de sel dans un rouage déjà fort grippé.

J'ai récupéré ces deux bijoux tranchants auprès d'une compote de viscères. C'était un adorable bambin !
Men-Menteurs...

Hoho ! Ton ami le chevalier blanc s'emmêle dans ses nerfs ! D'une poigne incandescente, il attrape cette drôle de loque en armure par le col, le soulève et le transperce de son regard affolé.

MENTEURS ? C'est TOI, le "templier", le magicien, le guide, le commercial, le manipulateur, qui nous traite de MENTEURS ?
... des sacrifices d'animaux... Père Blaise ne... seulement des sacrifices d'animaux...
C'étaient des ENFANTS ! Combien étaient-ils, combien seront-ils encore si nous vous laissons continuer vos rituels ?
Non... Non...


Son étreinte se relâche, au Maxwell déboussolé. Le paladin de pacotille s'étale au sol comme un minable sac de patates, se roule en boule et se placarde les paumes contre le visage, comme pour éviter de contempler l'atroce vérité !

Non. Vous profitez de mes doutes. Pour distiller vos calomnies. Nous combattons les démons.
Tu vois les légions de démons au lointain, mais pas ceux qui te narguent sous ton nez ? Veux-tu que je te coupe les paupières ? Tu y verras sûrement plus clair !
Peut-être. Peut-être... Facile à dire, pour vous. Vous ne savez pas la chance que vous avez. Je vous envie tellement. Votre monde de sincérité bienveillante. De loyauté infaillible. La piraterie est un si joli jardin, dans lequel tellement de belles idées arrivent à pousser...
Ce n'est pas MON MONDE, PENDARD !
Laisse-le poursuivre, Baron.
Moi, j'ai juste appris à obéir. A aimer des idées qui ne m'appartiennent pas. Je n'ai pas su discerner le vrai mal. Et aujourd'hui, je n'ai plus rien. En fait, je n'ai jamais rien eu. Des mensonges. Tout ce qui me reste, tout ce que je n'ai jamais eu, et tout ce qu'ils m'ont laissé. Je vous faisais confiance. Père Blaise. Mon Punisseur. Pourquoi ? Pourquoi...

Je l'ai toujours su. Sans oser l'admettre. Je suppose.
... sacrifices... enfants...


Bon. Ce petit spectacle avait son charme, mais les meilleures choses ont une fin, hm ? Allons nous rester là le regarder gémir jusqu'à demain ? Il aurait fallu prévoir un nécessaire de camping !
Ses grandes paluches métalliques s'écartent, dévoilant son faciès rougi par la honte et le drame. Il pose un genou à terre, présente l'autre au blondin pensif. Hoho, signe de rémission complète ?


Ma vie n'a plus de sens, je m'avoue vaincu, et vous prie solennellement de m'achever, Maxwell. Cet Enfer dont le Punisseur parlait... C'est sûrement un endroit pour les gens comme moi.
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Non.
Quoi ?
Comment ? Bigre de roturier ! Laisse-moi donc accomplir cette digne besogne si ton honneur frelaté t'y soustrait ! Coquebert !
Surtout pas, Brixius.

Les lames du Baron fusent déjà de sous ses loques lorsque je lève péniblement mon sabre pour lui bloquer le passage. Ses yeux injectés se rivent vers moi avec un mépris loin d'être dissimulé. Sous le sang qui ruisselle sur mon visage, un sourire prend naissance. Une ombre passe sur mes yeux, alors que j'abaisse mon épée, ne pouvant la tenir levée plus longtemps. Tes petites oreilles frétillent, mon cher Napoléon, et ton regard empathique perçoit cet éclat dans mes yeux. Tu penches la tête de côté avec intérêt, puis tu comprends. Et tes pupilles sombres clignant avec approbation sont le feu vert de ma volonté. Hugo relève la tête vers moi, les yeux luisants, habité par une interrogation à laquelle seul mon sourire satisfait a réponse.

Je ne t'achèverai pas, Hugo.

Je n'ai pas envers ce pauvre templier borné la même haine que je destinais envers le frère Skull ou le père Blaise. Il m'inspire plutôt une profonde empathie. Un homme au grand cœur, tristement mené par le bout du nez par des manipulateurs et des menteurs. Ils ont su exploiter des failles en ce pieux et preux combattant afin d'en faire le bras armé de leur culte de tueurs. Il était un engrenage piégé au sein d'un système qui le dépassait. Il ne peut, à mon sens, être puni pour une telle erreur. Mon honneur de pirate me dicte le pardon. La bonté de mon âme me conseille le redressement. Je ferai d'une pierre deux coups. D'abord, je lui tends une main, aidant le colosse à se relever de toute sa massive corpulence. Il m'inspire un gamin, sur le moment. Un pauvre gamin chagriné qui n'attend que d'être consolé.

Je ne te tuerai pas, Hugo, car tu n'es pas le monstre qu'eux sont. Tu n'as été que cette façade derrière laquelle les Salvateurs se sont terrés. Tu as en toi plus de convictions et de bravoure que chacun de ces fanatiques réunis. À toi seul, et crois moi, tu serais bien capable de fonder toi-même ta propre église afin de rallier des véritables bonnes âmes qui cherchent la bonté et la vérité tout comme toi ! Ta verve saurait faire de toi un homme adulé et respecté pour les bonnes raisons, que tu sois prosélyte, croisé ou, comme moi, un pirate qui poursuit ses rêves. Ne laisse jamais tomber tes valeurs, Hugo, car elles sont belles. Ne laisse jamais tomber tes rêves, Hugo, car ils sont nobles. Mais ce culte, ce culte stupide, fais le s'écrouler, Hugo.

Ne laisse pas la chance à ces menteurs de souiller plus d'esprits vierges qu'il n'en ont déjà fait.

Je… Je serai garant de ta volonté, Capitaine Maxwell !
Bien ! Trouve ce Punisseur et brise officiellement les attaches qui te retiennent prisonnier de ce culte fourbe ! Bonne chance, Hugo !

Il ramasse ses armes avec vigueur, motivé comme jamais, puis quitte avec une nouvelle flamme dans le regard.
Au fond, il y a du beau dans la religion. C'est dans le mensonge que l'humanité s'enlaidit. Et malheureusement, il semble impossible de dissocier ce vice de la beauté des croyances.

Allez, Napoléon, guide-nous donc vers la sortie.


***


Un ciel rosé, véritable chef-d'œuvre de fauvisme, teinte l'océan des couleurs du couchant. L'air iodé m'emplit le nez, les cris des goélands sont poésie à mes oreilles, le vent sur mon visage est la caresse d'une nymphe. Dans ma main s'impose un tricorne que j'enfonce sur mon crâne toujours douloureux. Toujours bien amarré au port d'Inari, rempli de vivres, mon voilier attend patiemment que je lui revienne. Déjà confortablement couché dans l'embarcation, tu roupilles avec délectation, brave Napoléon, alors que je me retourne, un sourire en coin, vers le Baron Brixius, désormais détenteur d'une des plus sordides malédictions de notre univers.

Eh bien, peut-être ne suis-je plus n’importe quel nigaud, Baron. Me laisserais tu connaître l’entièreté de ton nom ? En échange, je te dirai le mien.
Si ça t'importe ! Je suis le Baron Balthazar B. Brixius, chasseur de trésors, mais surtout de têtes. Et je te fais la promesse que lorsque la tienne aura un peu mûrie, je viendrai la cueillir de mes propres lames !
Héhéhé... Hahahaha ! Je suis le Capitaine Maxwell Toreshky, fils de feu-Vladimir Toreshky. Et autant ce métier te sied bien, Balthazar, autant, à la vue de tes loques, il ne doit pas bien te réussir ! Pour un homme de ta trempe, intraitable, cupide et éloquent, tu me sembles bien peu ambitieux !
Fils de... Un aliéné ? Me serais-je entiché d'un aliéné persuadé d'être le rejet de ce gros plein-de-rêves qui s'est laissé poignarder par ses illusions ? Et quelle est la révélation suivante, hâbleur ? Tu pars prendre la place du vieux goret barbu dans le nouveau monde ? Gnhinhinhin !
Penses-moi fou, Balthazar, penses mon père fou, si tu le veux ! T'ai-je semblé être un menteur ou un fou, jusqu'alors ? Saches donc que je réunirai un équipage qui saura me porter jusqu'au bout du monde... et qu'il y aurait un poste plus gratifiant que simple matelot pour toi.
Hoho, fripon, tu m'imagines laquais ? Crois-tu que je suis squale à mordre dans un hameçon si grossier ? ... Quel poste ? ... Pas que je me sente concerné. Je veux juste constater à quel point tu te noies dans ton... fantasme.
Humf.

J'ai besoin d'un hargneux et noble commandant pour garder une main de fer sur ceux qui me suivront jusqu'au Nouveau Monde, mais aussi d'un homme capable de mater les vices des marins en les restreignant de ses démoniaques capacités. Je serai sur l'île de Poiscaille dans deux semaines pour y recruter le noyau de mon équipage, Baron. Rejoins moi sur West Blue, Balthazar, et le siège de Quartier-maître sera tien !
Soit. Poiscaille, West Blue. J'y serai, pour t'observer croupir dans ta cruelle solitude. Hinhin. Évite de m'infliger un déplacement inutile en crevant entretemps. Et viens fourbu d'une prime sur la caboche, que je rembourse les frais de mon voyage. Je te serai gré d'arrêter de sucer mon humeur, et de décamper hors de ma vue, maintenant. Laisse moi jouir seul de mon succès, profanateur !

Intriguant personnage, certes, mais à qui je réserve un bien meilleur avenir. Balthazar B Brixius est de ces hommes que l'on peut changer, qui sont tellement pourris qu'une once de bonté saura les purifier en grande partie. Je parcourrai les mers avec lui, j'en ai désormais la certitude. De notre voilier, tu couines avec impatience, insatiable Napoléon. Il est temps de reprendre les flots, tandis que BBB lui, s'en va, fier comme un paon dans son costume cadavérique.
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