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La Baie des Cochons


North Blue
Canaan, "Le Pays de Fer"
Mars 1619

Ses côtes l'élançaient. Et chaque pas supplémentaire lui demandait des efforts herculéens.
Elle trébucha et tomba dans l'herbe fraiche du matin. Elle sentit la rosée sur ses lèvres. L'aube naissance colorait l'horizon d'un bleu saphir. Elle se releva doucement puis se mit à courir à grandes enjambées. La beauté de la nature ne l'avait jamais laissé indifférente, mais en ce moment, elle se dit que peut-être, aurait-elle dû en profiter plus, d'une manière ou d'une autre. Car la mort s'approchait, aussi sûrement que les Dards de Mépheus finiront au fond de la ligue cette saison. Elle se rappela que dans deux heures aura lieu le match comptant pour les quarts de finale de la coupe de l'empereur.
Ah, le boufbowl ! Une pensée loufoque traversa son esprit. Elle espérait qu'il y en aurait une version, quelque part, dans le monde des ombres. Enfer ou paradis, peu lui importait, tant qu'elle pourrait continuer à aimer son sport favori. Son seul et véritable amour !

Bang ! Bang ! Bang !

La douleur fut fulgurante, aigüe puis expansive. Du sang gicla et imbiba ses vêtements. Il en suinta aussi de sa bouche et de son nez. Sa respiration devint difficile. Elle sentit ses poumons et sa bouche se remplir de sang. Ces points vitaux étant touchés, la noyade pulmonaire était proche. Elle ne connaissait que trop bien ce genre de blessures, elle en avait elle-même infligé plus d'une à des gens sans noms. Elle plongea une main sous son manteau, agrippa un objet qu'elle lança par-delà le grillage qui délimitait le parc où elle se trouvait. Au-delà des grilles, se trouvait le port. Elle chuta à genoux puis leva les mains vers le ciel en signe de reddition alors que les pas de ses poursuivants se faisaient plus proches.
En guise de dernier doigt d'honneur, elle sourit.

- Origami, c'est bien vous, non ? Où est L'Omerta ?

- L'Omerta ? Jamais entendu parler. Sinon, oui, Origami, c'est moi... Ou pas. C'est peut-être toi aussi. Ou toi là-bas qui me tourne le dos, Oscar Dooz ! dit-elle d'une voix hachée et asthmatique, ponctuée de deux toux sanglantes.

- Ainsi donc, tu m'as reconnu, répondit le dénommé Dooz, toujours le dos tourné face à la femme agenouillée. Tu ne vas sûrement pas nous dire où se trouve L'Omerta n'est-ce pas ? Dans ce cas, il n'y a plus aucune raison de te laisser vivre plus longtemps. Adieu Origami !

- Kuweka imani !

Bang ! Bang ! Bang !

Tapi dans les hautes herbes qui entouraient le port, un témoin silencieux assista à la scène. Il étouffa un bruit d'horreur. Il ne pouvait pas se faire repérer maintenant où il subirait le même sort que l'autre. Intérieurement par contre, il bouillonnait, animé par l'envie quasi-irrépressible de faire quelque chose de dangereux, de se ruer sur ces hommes et de les massacrer un à un. Son discernement prit malgré tout le dessus et il se tassa du mieux qu'il put dans les herbes. Silencieusement, aussi discrètement que l'ombre qu'il était, il rampa et se rapprocha de la chose qui était tombée plus tôt, lancée par la femme qui n'était désormais plus qu'un cadavre.
Il referma sa poigne sur la chose, son cœur battant furieusement de rage et de douleur. Sans qu'il puisse s'en empêcher, des larmes dégoulinèrent sur ses joues. Ses lèvres remuèrent toutes seules.

- Kuweka imani. Gardons la foi, mon amie. Ton sacrifice ne sera vain.



Dernière édition par Loth Reich le Mer 6 Mai 2015 - 23:48, édité 2 fois
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North Blue
Tanuki
Loutry-in-bay
Avril 1619
- Dis m'man, il viendra pas, le fou, aujourd'hui ?

- Sûrement que si, ma chérie. Il est juste 8h30.

- Mais il a dit hier qu'il partirait vers la Grande Voie Rouge !

- Hahahaha, il dit ça depuis dix ans, Shirley. Mais il n'est jamais allé plus loin que ce rocher là-bas. Allez, dépêche toi de prendre ton p'tit dej', tu vas être en retard à l'école.

Dans ces communautés rurales un peu éloignées, il était parfois de ces habitants loufoques qui finissaient par faire partie du décor à force de tapage. Déo était de ceux-là. Voici une décennie déjà, que chaque jour que dieu faisait, il faisait le tour du petit village côtier de Loutry-in-bay en hurlant qu'un jour, il partirait à l'aventure au-delà des mers. Il avait semble-t-il commencé quand il avait dix ans, pour attirer l'attention sur lui. Ses parents avaient été tués, quelque mois plutôt dans l'incendie qui ravagea leur petite ferme. D'une manière ou d'une autre, les habitants de Loutry-in-bay avaient adopté le jeune orphelin. Ils lui faisaient parfois des misères, certains lui jetaient des tomates vertes, et d'autres l'aspergeaient d'eau quand son délire de vie d'aventurier se faisait plus bruyant. Mais au fond, ils l'aimaient bien.

Donc comme chaque matin, ce jour-là, Déo fit le tour du village en vociférant ses inepties et ses rêves habituels. Il croisa même la petite Shirley sur le chemin de l'école et lui hurla qu'un jour, il reviendrait quand elle sera en âge de se marier et ce jour-là, il la prendrait pour femme. À la petite rusée de rétorquer que pour revenir, il fallait déjà partir.
Déo suivit la courbe de l'île jusqu'à une petite jetée où sa barque était amarrée. Ce matin-là était différent des autres. Il regarda le rocher au loin, à quelque cinq cents mètres de la côte et se remémora tous ses échecs du passé. Inexplicablement, dès qu'il avait tenté de partir, ses radeaux de fortune successifs avaient fini par couler un peu avant ce rocher, comme si ce caillou émergeant des flots constituait une sorte de point de péremption à ses rêves d'aventures.

Et pourtant, aujourd'hui était un jour très différent. Il était prêt maintenant, il allait... Non, il devait partir. Dix ans à rouler sa bosse dans ce bled comptant plus de moutons que d'habitants. Tiens d'ailleurs maintenant, il y avait même plus de cochons que d'habitants depuis que la vieille Lauren Purple s'était mise à importer ces bestioles depuis Canaan.
Déo était préparé, il sentait la joie et l'excitation monter en lui. Sa barque était remplie de vivre, il avait une boussole, il avait des vêtements secs. Tout ça fournis par son généreux donateur qui l'encourageait à prendre la mer. Déo monta dans la barque et leva ses mains au ciel comme pour embrasser cette nouvelle vie qui se profilait à l'horizon.

C'était dans la nature des hommes de céder à l'appel du large.



Dernière édition par Loth Reich le Mar 19 Mai 2015 - 22:24, édité 1 fois
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North Blue
Tanuki
Loutry-in-bay
Mai 1619


La traversée fut plus ennuyante que pénible. Et quand Loth toucha enfin la terre ferme, il sentit des fourmillements dans ses muscles froissés par une semaine d'un voyage léthargique. Il était enfin sur Tanuki, dans la petite bourgade de Loutry-in-bay. Sa première pensée fut qu'il venait visiblement d'atterrir dans un autre monde encore plus paumé que l'île de Craie où il vivait. Devant lui, tout lui rappelait la campagne. Les maisons en bois dur aux toits de pailles et plus rarement de tuiles, ce fermier dans son champ coiffé de son chapeau de paille conique, les moutons qui paissaient nonchalamment dans les praires entourés de fils barbelés. La seule chose qui contrastait avec cette apparence de village reculé qu'affichait Loutry-in-bay, c'était son port. Il était grand, plutôt bien aménagé pour un village aussi rural. Des jetées servaient de rampes d'amarrage aux bateaux qui y mouillaient. Loth compta une trentaine en tout dont une dizaine grosses nefs. Il n'en fut pas étonné cependant, il savait que l'exportation du mouton, de sa viande et de sa fourrure surtout était le principal moteur de l'économie de Tanuki. Ces bateaux devaient appartenir à des royaumes ou à des corporations faisant dans le commerce du mouton.

Il se détourna du port et s'engagea sur la seule rue qui menait au cœur du village. Les étrangers étaient facilement repérables à cause de leurs vêtements qui tranchaient souvent avec la mode vestimentaire très simple de Loutry'. On les reconnaissait aussi à leurs teints. Pas qu'ils fussent noirs, jaunes ou blancs, mais Loth trouva que les ruraux avec un air étrangement sans couleur...
Il s'adressa à un natif, un vieil homme édenté assis au bord de la route dans sa chaise en bois et feuilles de bananiers tressées.

- Bonjour. Excusez-moi de vous déranger mais pourrais-je vous poser une question ?

- Tu viens d'en poser là comme ça sans demander la permission mon garçon, hahaha. Mais demande, demande toujours...

- Je cherche la ferme de Mme Purple. Sauriez-vous où je peux trouver cet endroit ?

Avec surprise, Loth vit la bienveillance du regard du vieil homme changer en une répulsion qui toisait la haine. Il cracha sur le sol et marmonna des imprécations inaudibles.

- Que le diable emporte cette vieille mégère ! fit-il en crachant de nouveau. J'aurais aimé n'avoir jamais entendu parler d'elle, ne l'avoir jamais rencontré. Suis la rue, mon garçon, et à la prochaine intersection, tu prendras la venelle de gauche, elle t’emmènera chez Purple. Fais attention cependant, la mort plane sur elle, les dieux de Tanuki l'ont jugée incapable de les servir... L'heure du châtiment a sonné... Son blasphème ne restera pas impuni... Garde tes distances mon garçon... Retourne chez toi...

Après cette entrevue plutôt étrange et curieuse, le vieil homme prit sa chaise sous le bras et s'en alla de sa démarche d'escargot, désireux de mettre la plus grande distance possible entre Purple et lui. Loth redressa ses lunettes en se demanda ce qu'il pouvait bien reprocher à la vieille Lauren Purple. D'après ses informations à lui, c'était elle la personne la plus importante du coin. Du moins, la plus riche. Loth se demanda aussi quel était ce "blasphème" qu'elle avait bien pu commettre pour offenser les dieux de Tanuki.
Il suivit la courbe décrite par le vieux et arriva chez Lauren Purple. La vieille vivait dans une sorte de vieux manoir à cinq étages qui tranchait radicalement avec l'architecture du coin. La bâtisse était vieille et même un profane pouvait identifier les signes visibles de travaux et de restauration. Le manoir devait avoir appartenu à une vieille noblesse, se dit Loth qui imaginait bien un vieux duc engraissé diriger son petit bourg depuis là en se prenant pour Dieu. Au-delà du manoir, derrière le parc boisé et fleuri qui l'entourait, on pouvait discerner d'autres constructions aux toits arrondies, tout en longueur comme des teckels ou des buches de Noël.
Un garde en tenue de marine à l'allure solennel pointa la lance qu'il tenait sur Loth quand celui-ci se rapprocha de la grande grille en fer forgé.

- Halte là ! Identifiez-vous ! Au nom de la loi !

- Euh... Loth Reich... Je suis attendu par Mme Purple. Annoncez-moi, elle saura.

Dévisageant Loth d'un œil suspicieux, il escargophona au manoir. Il invita Loth à rentrer à contrecœur après que son interlocutrice lui eût insulté sa stupidité et sa mémoire de poisson rouge. Dans un registre, tout près de lui se trouvait le nom des gens attendus et Loth figurait en première place.
Souriant sereinement à la barbe du marine, Loth rentra dans le hall du manoir et fut accueilli par une femme dans la trentaine au visage normal. Elle était blonde et ses cheveux tombaient drues sur ses épaules affaissées.

- Bonjour Frère Loth, merci d'être venu si rapidement, dit-elle d'une voix grave et peinée.

Loth remarqua les rides de fatigues qui encerclaient ses yeux et la couleur rouge de ses prunelles. Il se dit qu'elle avait dû verser toutes les larmes de son corps, plusieurs jours de suite... Pour quelle raison ? Il n'en savait rien mais se dit qu'il ne tarderait pas bientôt à faire la lumière dessus, les raisons de sa présence dans cette campagne lui étant toujours inconnues.

-Je suis Clover Coffee, la fille de Mme Purple. Maman est à l'étage, si vous voulez bien me suivre.

Lauren Purple était alité dans une chambre qui semblait occuper toute la superficie de l'étage. Loth fut impressionné par la quantité de médicaments qui croulaient dans une boite à pharmacie près du lit. Le mobilier, les peintures murales, la décoration, tout était d'époque mais transpirait l'aisance et la noblesse. Il ne connaissait pas grand-chose de Lauren Purple mais maintenant, c'était elle qu'il imaginait en Duchesse engraissée et dictatrice...  
L'arrivée de Loth sembla lui donner plus de force qu'elle n'en ait réellement. Tant bien que mal, soutenue par sa fille, elle parvint à s'asseoir et il put renseigner les détails de son apparence. Elle était veille, très. Si vieille que Loth eut l'impression qu'une simple piqure de moustique l'eut achevée. Une quantité impressionnante de peau ridée constellait son visage et renvoyait l'impression qu'une multitude d'araignées y avaient tissé leurs toiles. Loth remarqua qu'elle était très courte aussi ; assise, ses pieds effleuraient juste légèrement le sol. Il se préparait à tendre la tête pour entendre et comprendre ce qu'elle dirait mais quand elle articula, ce fut d'une voix claire et limpide qui étonna Loth.

- Bienvenue cher Frère, j'ai entendu parler de toi...

- En fait, je ne suis pas Frère, je ne suis qu'un aspirant moine et je n'ai pas l'intention d'en devenir un, précisa-t-il. Il y tenait. Pourquoi suis-je là ? Votre lettre n'était pas très claire.

- Il est des choses... des choses qui ne s'expliquent pas dans des lettres... Je voudrais que tu enquêtes pour moi.

- Enquêter ? répéta Loth qui se redressa dans sa chaise, il s'était attendu à tout sauf à ça.

- J'ai entendu parler de toi, le Grand Maître Michael m'a parlé de toi... Tu as mis fin aux agissements du jeune Doggy tout en identifiant un félon dans vos rangs. Tu as l'esprit... Tu as l'intuition et le flair... J'ai besoin que tu les mettes à mon service, mon fils...

Elle haletait, inspirait à chaque fin de phrase si bien que Loth s'attendait à la voir mourir à chaque mot. Elle souffrait d'un mal pulmonaire qui rendait son élocution hachée mais pas brouillée. Les faits qu'elle énonçait dataient de moins d'un mois. Sur l'île de Craie où vivaient Loth et sa communauté de moines mendiants, un tueur en série du passé, Dog Wildson, avait sévi alors que la quasi-totalité des religieux étaient partis pour leur cueillette mensuelle de dons. Loth avait débusqué le vrai tueur après une série de trois meurtres qui étaient tous saufs ce qu'ils paraissaient être.
Le Grand Maître Michael qui ne tarissait plus d'éloges sur lui en était même allé jusqu'à colporter l'histoire dans ce coin paumé de North Blue... Mais cela ne l'étonnait qu'à moitié, la vieille Purple était une des plus bienveillantes bienfaitrices des moines. Chaque mois, c'était une centaine de kilos de viande de mouton séchée, fumée, bouillie, grillée et salée qui prenaient la direction de l'île de Craie. Fin palet, Loth appréciait la qualité gustative de la viande produite dans les fermes Purple. Il n'avait pas à réfléchir, il ne pouvait qu'accepter la mission quelle qu'elle soit.

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- Sur quoi voudriez-vous que j'enquête, Mme Purple ?

- Sur la disparition de mon beau-fils... Ormad Coffee...

Coffee ? Loth jeta un regard de biais à Clover. Il avait pris le nom "Coffee" pour celui du mari de Mme Purple mais en fait non, c'était le nom du mari de Clover. Ce qui voulait dire que son nom de jeune fille était Clover Purple... Ce qui au final n'avait rien d'intéressant dans la situation actuelle. Loth chassa ses idées à rallonges inutiles et se concentra sur le présent.

- Disparition ? J'ai mis une semaine à venir, j'espère qu'il n'a pas disparu depuis le temps ?

- Si ! pleura Clover.

- Mais, j'ai vu un marine à la porte. Y a une caserne sur l'île non ? Personne ne l'a retrouvé ? C'est pour ça que vous m'avez fait appel ? Attendez...

Pendant qu'il parlait, son cerveau, comme à son habitude tissait des liens tout seul. La plupart étant farfelues et indignes d'intérêt. Mais dans cet imbroglio, il attrapa un mince fil d'Ariane, le seul qui semblait pouvoir jeter un éclairci sur les réelles raisons de sa présence.

- Il a disparu depuis une semaine, dites-vous ? Même si j'ai fait le même temps en traversée, je me suis mis en route le lendemain de la réception de la lettre, ce qui veut dire qu'il n'avait pas encore disparu quand vous l'avez envoyée. Vous me demandiez pour une autre raison. Je suppose que c'est ce qui vous menaçait et que vous vouliez que je démêle qui a causé la disparition de votre beau-fils ? Quelle malédiction avez-vous déclenché dans ce village, Mme Purple ? Comment avez-vous offensé les dieux de Tanuki ? ajouta-t-il en se souvenant des propos du vieil homme.  

- Il n'y a aucune malédiction qui tienne ! tonna-t-elle de la voix énergique de ses vingt ans. Ne te fie pas aux sornettes de ces vieux gâteux qui ne savent pas regarder vers l'avenir ! Ce que j'ai fait c'est donner du travail... Offrir de l'opportu...

Elle ne put continuer, elle fut prise d'une violente crise de quelque chose. D'asthme peut-être. Sa fille et une infirmière de maison de dépêchèrent de l'allonger et de lui remettre son masque à oxygène. Loth regretta de l'avoir piquée au vif en voyant quelle difficulté elle avait pour respirer. Chaque inspiration était profonde et accompagnée de son lot de râle qui ressemblait vaguement au bruit d'un évier débouché. Quant à l'expiration, elle venait au moment où on se disait qu'elle ne viendrait plus jamais...

- Maman est très affaiblie. Cette maladie la ronge depuis la naissance de ma sœur, reprit Clover sur la terrasse du deuxième étage, un lieu paisible pour une conversation à bâton rompu. Voilà le blasphème que nous avons commis, voilà pourquoi les "dieux de Tanuki" nous en veulent, dit-elle en montrant d'un index les constructions tout en longueur que Loth avait aperçu en arrivant.
Il y en avait plus d'une vingtaine.

- Qu'est-ce que c'est ? On dirait ces poulaillers industriels que j'ai vu à Luvneel.

- Presque. Au lieu de poules, ce sont des cochons qu'elles abritent. Un cheptel de trois milles têtes.

- Des cochons... murmura Loth en essayant d'imaginer ce en quoi cela pouvait bien être un blasphème. Une affaire de religion ? tenta-t-il.

- Non, une affaire d'imbéciles et d'arriérés ! ragea-t-elle, tout chagrin oublié. Regardez ce village, regardez cette relique du passé ! s'écria-elle les bras tendus, les paumes ouvertes. Je l'avais dit à maman que son projet de se lancer dans le cochon était insensé parce que les habitants de ce trou le sont ! Ils vivent tranquillement, s'attachant à leur passé, à leur histoire, à leurs moutons ! Des moutons qui se suivent, voilà ce qu'ils sont ! Trop bouchés, trop suiveurs, trop lobotomisés pour saisir l'occasion de tourner la page et d'embrasser le futur !

Si Loth n'avait pas levé un sourcil lourd d'interrogation, elle aurait continué sa diatribe. Il était évident qu'elle avait longtemps attendu le moment de cracher son venin sur les habitants de Loutry-in-bay et de Tanuki en général. Loth devina aisément que sa mère devait être l'une des choses qui la retenait dans ce trou.

_Sa mère, son mari ou encore l'argent... hinhinhin ! lui précisa la petite voix cynique qui faisait son apparition de temps en temps quelque part dans sa tête et que Loth haïssait tant.
Une autre manifestation de l'hyperactivité de son cerveau.

Mais elle n'avait pas tort. Assurément, Lauren Purple était immensément riche. Clover, Loth la passa en revue, était aussi simplement habillée que les servantes qu'il avait croisées dans le manoir. Il n'y avait aucune fioriture, aucun bijou pouvant prouver l'affirmation de la voix. Loth décida d'archiver cette information pour plus tard, il y avait d'autres chats à fouetter.
Ayant repris contenance, elle lui révéla que l'élevage et l'exploitation des cochons avait commencé depuis trois années, précédés d'un an de période test. Quatre années au total qu'avait commencé leur enfer. Durant la période de test, les habitants du village, en grande majorité les vieux s'étaient mobilisés pour manifester contre ce qu'ils considéraient comme une atteinte à leurs mœurs et coutumes. Ils avaient tellement fait de tapage que d'autres gens, d'autres communautés avaient grossi les rangs des mécontents. Toute négociation échoua et des actes de vandalisme en tout genre survinrent deux mois après le début du test. Sabotages, incendies volontaires, tentatives d’empoissonnement des cochons... Tout cela n'avait, selon Clover, fait que renforcer la foi de sa mère surtout que les démarches d'exportations avaient reçu l'aval d'un très important client.

- Le pays de Canaan, précisa-t-elle. Là-bas, manger du cochon c'est une seconde nature, un peu comme le mouton ici. L'offre ne répond pas à la demande, le marché à occuper est énorme. Notre client est l'un des plus gros distributeurs de viande de porc dans le pays. Il nous a permis de revoir à la hausse les perspectives de développement de la filière. Au lieu d'élever et de ventre les porcs en l'état, nous allions monter tout une chaine, de la nurserie à l’abatage puis au conditionnement de la viande. Dans le cochon, rien ne se perd, vous comprenez ? Ils allaient nous acheter 95% de notre production. Le reste, maman a insisté pour le proposer au marché local, pour essayer de changer leurs habitudes. Autant apprendre à un âne la docilité...

- Canaan, répéta Loth à voix basse, une main sous le menton. Ce n'est pas ce pays non loin d'ici où sévit une dictature implacable ? Un pays affilié au Gouvernement, mais juste ce qu'il faut pour ne pas être envahi ? Qui continue de mener une politique meurtrière et répressive envers sa population mais aussi ouvertement xénophobe ?

- Oui, c'est ça. Un problème ?

- Nan, aucun, juste que j'ai toujours voulu m'y rendre, je ne suis encore jamais allé dans un pays sous une dictature. Vous vous y êtes rendue ? Parce qu'on dit que pour avoir un visa, il faut compter trois ans.

- Oui, j'y étais, avec Ormad. Je suis la directrice management du groupe et Ormad c'est un peu le chargé de marketing et du contrôle qualité. Tous deux, nous avons aidé maman à moderniser ses affaires, ses activités attenantes au mouton, j'entends. Je n'étais pas d'accord avec cette nouvelle activité concernant le cochon, précisa-t-elle une nouvelle fois comme pour se laver des conséquences engendrées par la filière. Ormad aussi était contre, d'ailleurs.

- Je vois. Il semblerait qu'on puisse rentrer à Canaan avec le bon filon. Continuez, je vous prie. Comment ont réagi les habitants quand la véritable exploitation a commencé ? Avec plus de violence ?

- D'une certaine manière, non. Un mouvement s'est formé, ils se sont appelés "Le Front". Un front de défense des conneries consanguines de Tanuki, je suppose ? railla-t-elle. Ils ont incité les jeunes, tout le monde en fait, à ne pas travailler dans la nouvelle exploitation. Ils espéraient nous pousser à la faillite, comme s'ils y connaissaient quelque chose aux affaires. La filière était très juteuse et à fonction égale, les salaires étaient deux ou trois fois supérieurs à ceux du business du mouton. Vous m'étonnez que leurs tentatives de dénigrement n'ait pas marché. Les jeunes du village se sont rués vers nous à la recherche de boulot. Puis constatant leurs échecs, ils se sont mis à nous menacer directement. C'était il y a un an, ça. Des lettres de menaces de morts, des têtes de cochons sanguinolents plantés sur des piquets devant le manoir et que sais-je encore. C'est à partir de ce moment que nous avons décidé d'engager la marine.

- Engagé ?

- Vous avez vu celui qui est la porte non ? Ce sont des clones de celui-là qui sont dans la caserne. Seuls le commandant et son adjoint ont l'air d'avoir de la cervelle mais le premier a été rappelé à son QG depuis un mois et le second passe ses journées à dormir. Il n'a pas cru que les menaces physiques allaient être appliquées. Comme si nous devrions attendre de mourir avant. Donc pour inciter les marines désœuvrés à faire le guet à la porte, nous les avons payés. De la nourriture, des boissons, ce genre de petits encouragements. Ce n'était pas vraiment la protection que nous désirions mais bien l'image et le symbole de la marine nous protégeant.

- Mais ça n'a pas marché, c'est pour ça que vous m'avez fait appel ?

- Oui, hélas, soupira-t-elle, ses yeux à nouveaux embués de larmes. Deux jours avant que vous ne receviez votre lettre, il y a eu une tentative de meurtre sur maman ! Vous vous imaginez ?! S'en prendre à une vieille comme elle !

- Ah bon ? Dans son lit ?

- Non, elle était avec Ormad, heureusement ! Il a toujours été courageux. Il y avait de l'éclairci dans sa santé et maman voulait respirer l'air du dehors. Ormad est un homme si dévoué, un beau-fils si attentionné ! Il l'a soutenu à bout de bras pendant qu'elle faisait son petit chemin dans le verger à l'extérieur. Et ces lâches en ont profité pour attaquer. Il leur a donné une bonne correction ! Ah ça, oui ! Ils se sont enfuis.

- Mais après ça, c'est lui qu'ils ont pris pour cible.

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Loth essaya d'en savoir plus concernant les conditions de l'enlèvement d'Ormad Coffee.
Selon sa femme, il avait disparu, enlevé nuitamment alors qu'il faisait le tour des enclos de moutons. Toujours selon ses dires, des traces de luttes avaient été observées à l'endroit supposé de l'enlèvement, ce qu'aurait corroboré l'adjoint au commandant de la caserne de la marine. Loth décida d'aller le voir, mais pas avant de faire connaissance avec le reste de la famille et d'en apprendre un peu plus sur ses origines. La sœur cadette de Clover, Joyce Purple était absente, en voyage dans la capitale pour soigner son animal de compagnie malade, elle ne reviendrait que le lendemain. Loth eut droit à une photo d'Ormad Coffee. C'était, en tout, et pour tout un homme dans la force de l'âge, la trentaine passée, avec des cheveux couleurs pailles et des yeux moqueurs. Il semblait bien bâti et capable de se défendre. Il apprit aussi que les Purple, du moins, le mari de Lauren n'était pas originaire de Tanuki. C'était un aventurier, un marin qui faisait des allers-retours entre Tanuki et des ports éloignés, s'absentant parfois pendant des années. Il y vingt ans, il partit pour une île du nom de Little Garden sur Grand Line, dont il ne revint jamais. Sa tombe vide de son corps que Loth aperçut derrière des bosquets de fleurs indiquait que son deuil avait été fait depuis longtemps.

Parler aux domestiques des Purple fut plus instructif, surtout quand il s'attela à charmer les servantes et à encenser les serviteurs. Il apprit qu'il y avait une terrible rivalité entre les deux sœurs Clover et Joyce et que de leurs avis, Joyce n'était qu'une fille pourrie et gâtée à qui sa mère accordait mille et un vœu. Ils semblaient aimer Clover en qui ils reconnaissaient leurs conditions simples et modestes. On lui révéla aussi qu'Ormad Coffee le mari de Clover n'était pas originaire de Tanuki et qu'il s'était installé sur l'île six ans plus tôt en provenance de Luvneel. Les ragots à l'époque disaient qu'il ne s'intéressait à Clover Purple que pour son argent et qu'il aurait vite fait de déguerpir une fois qu'il aurait siphonné les comptes de la famille. À en croire les domestiques, la vieille Lauren avait tout fait pour empêcher leur union puis de guerre lasse, quand sa fille renonça à tout son héritage pour l'amour de son homme, elle consentit à leur donner une semi-bénédiction...
La vieille Purple n'était d'ailleurs pas aussi aimée que sa fille aînée, remarqua Loth. Les sentiments envers elle variaient de l'admiration de sa ténacité, de sa réussite, à une franche hostilité notamment en raison de sa nature tyrannique. À les en croire, la maladie qui l'avait clouée au lit était la meilleure chose qui pouvait arriver à son entourage, histoire d'avoir la paix. Mais encore, elle trouvait le moyen d'être pénible...

S'arrachant à ce flot de confessions et de ragots qu'il lui faudrait vérifier pour démêler le vrai du faux, Loth se rendit à la caserne de la marine. Le trajet fut long, la base se trouvant dans la capitale. Il y avait une cinquantaine de bornes à parcourir, et même à dos de cheval, l'affaire ne fut pas aisée à cause de la typographie montagnarde de l'île. Au moins, se dit Loth, ils acceptaient le cheval dans le coin et avaient eu le bon sens de ne pas monter des moutons...
Il clama sa bêtise quand il croisa en chemin des gens, jeunes comme vieux, arpenter les routes qui desservaient la capitale... à dos de moutons.

La caserne fut facile à trouver, elle se situait dans les faubourgs immédiats de la capitale de l'île, l'empêchant d'aller plus loin. C'était la première fois qu'il visitait un QG de la marine et il espérait vivement pour les populations du monde que les autres bases ne ressemblaient pas à celle de Tanuki. On y entrait comme dans un marché, on vous indiquait d'un doigt potelé le bureau du commandant adjoint quand vous demandiez à le voir tout en vous laissant la liberté de faire des détours si l'envie vous en prenait, on pouvait voir ici et là des soldats désoeuvrés jouant à des jeux divers, et enfin, on trouvait le commandant adjoint profondément endormi, assis sur une chaise, les pieds croisés sur la table, un livre sur le visage. Heureusement pour eux, se dit Loth, il n'avait pas le goût de l'anarchie sinon il aurait jeté quelques bombes ici et là, juste pour les voir remuer leurs derrière engraissés par l'inactivité.

Il toussa bruyamment pour signaler sa présence. Le commandant-adjoint, un homme grand et musclé dont les pectoraux saillaient sous sa chemise plaquée le dévisagea d'un œil gris ensommeillé. Une profonde estafilade courait de son arcade sourcilière droite jusqu'à son lobe d'oreille gauche, barrant ainsi son visage d'une cicatrice en diagonale. Il avait perdu son œil droit dans l'histoire. Loth admira la blessure et se dit qu'il n'avait pas pu se faire un truc pareil dans ce coin paumé.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il d'une voix pâteuse encore incertaine.

- Je suis... un détective privé, dit-il après avoir considéré la question. J'ai été engagé par Mme Purple pour enquêter sur la disparition de son fils. Du coup, j'aimerais bien connaitre vos pistes sur cette disparition.

La mention de détective sembla réveiller le commandant-adjoint au nom inconnu. Pas pour le meilleur, il le toisa d'un regard franchement hostile. Il se leva même et enfonça un doigt musclé et épais dans le torse de Loth.

- Un détective, donc un fouineur qui veut m'apprendre mon travail !

- Euh non, je vais mener ma propre enquête, mais je voulais connaitre vos pistes pour ne pas faire la même err...

- Erreur ? Erreur ? C'est ça que je n'aime pas chez des fouineurs comme vous autres les "détectives". Vous venez avec vos méthodes scientifiques ou vos flairs à la noix, vous vous la jouez, vous nous prenez pour des débutants... Tu ne vas faire aucune enquête dans ma juridiction, monsieur le détec...

- Bien sûr que je vais en faire, le coupa Loth qui ressentait maintenant de l'hostilité envers l'homme alors qu'il était parti d'un bon a priori.J'ai le droit de mener une enquête, j'ai le droit d'interroger qui je veux à condition qu'il consente à répondre, j'ai le droit de me défendre si je suis attaqué, j'ai le droit d'arrêter un criminel connu et prouvé quand la justice est défaillante et agonisante, dit-il en insistant sur la dernière partie de la phrase. Si je mets hors d'état de nuire celui ou ceux qui ont enlevé Ormad Coffee, ce sera de l'ordre du service rendu, un deuxième sur mon CV puisque j'ai déjà participé à l'arrestation de Dog Wildson. Renseignez-vous, si vous n'en avez pas entendu parler dans votre bled pourri. Un sergent de la marine d'élite, Lady Ombeline de son nom, m'avait aidé à démystifier le tueur et en a partagé la gloire avec moi. À vous de voir si vous voulez rester à l'écart, Monsieur le Grand Marine, ajouta-t-il d'un ton condescendant qui ne lui était pas du tout habituel.

- Pouapouapoua ! Tu as du cran petit ! Pouapoupaoua ! rigola l'adjoint en changeant d'humeur si brusquement que s'en était inquiétant. La plupart du temps, quand je beugle comme ça, tous ces pseudos Sherlock se tirent la queue entre les jambes. Bon bon bon, où en étions-nous ? reprit-il en tapotant l'épaule de Loth de façon paternaliste. La gloire, tu disais ? Elle ne m'intéresse pas, très peu de chose m'intéressent depuis qu'on m'a muté dans ce trou pour m'apprendre le calme. J'ai enquêté sur la disparition d'Ormad et je n'ai rien pu en tirer. Trois militants du Front ont été coffrés et bien qu'ils revendiquassent l'enlèvement, j'ai attribué ça à de la fanfaronnade, aucun ne pouvant me décrire la tête d'Ormad. Après cinq jours, sans demande de rançon, sans découverte de son corps, ce qui aurait dû être le cas si l'enlèvement était destiné à soutenir la cause du Front, j'en ai conclu qu'il avait, soit sciemment disparu, soit que ceux qui l'avaient enlevé voulaient purement et simplement le faire disparaître. Et en l'absence de preuve matérielle, je ne peux pas faire de miracle, du coup, l'enquête est toujours ouverte officiellement, mais morte officieusement par manque de pistes. Voilà, tu sais tout.

- Qui d'autre avait intérêt à le faire disparaître ?

- Ça, se sera à toi de le découvrir mon pote, dit-il en s'asseyant dans une position confortable pour piquer un nouveau somme. Cette famille a sûrement des linges sales qu'elle ne désire pas laver en public, il a peut-être détourné une importante somme d'argent et s'est taillé avec ? Il y a aussi l'histoire de son addiction aux jeux d'argent. Ah, tu l'ignorais celle-là hein ? J'ai creusé profond pour le savoir et découvert qu'Ormad Coffee était un habitué des casinos de la capitale, et je ne te parle pas de ceux qui paient leurs impôts. Les jeux clandestins, rajouta-t-il avec un air entendu.

- Ce sont là autant de pistes, pourquoi n'avez pas cherché dans ces directions ?

- Parce que j'ai la conviction qu'il s'est taillé en emportant avec lui une petite fortune pour échapper à ses créanciers, répondit-il en baillant. Tous les PV et comptes rendus sont dans la pièce Annexe N° 4, tu as quartier libre pour les consulter. Maintenant laisse moi dormir, petit.


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Il le laissa dormir et s'en alla consulter les PV et comptes rendus de l'enquête sur la disparition d'Ormad Coffee dans une pièce miteuse qui sentait le moisi. Il fit rapidement le tour de la chose, sa mémoire eidétique aidant. Force était de reconnaître que l'adjoint avait procédé méticuleusement et dans les règles. Ses méthodes d'enquête étaient teintées d'un certain formalisme que ne laissait pas supposer sa carrure de brute. Des témoins avaient été interrogés, une trentaine au total, principalement ceux connus comme étant activistes du Front. Et chacun semblait avoir un alibi solide pour l'heure et le jour de la disparition de Coffee. Tous, sauf leur chef, un certain Miguel Riori. Les documents mentionnaient qu'il s'était vanté d'être impliqué dans la disparition auprès de tiers mais l'adjoint avait conclu qu'il ne pouvait "physiquement pas enlever Coffee". Il n'y avait pas davantage de précision à propos sur ce qui le rendait inapte physiquement et Loth nota son adresse pour aller confirmer ça de visu.
Il reporta son attention sur la piste selon laquelle Coffee aurait disparu de son bon vouloir, principalement concernant le filon des jeux d'argents. Il imaginait mal une mafia dans ce coin paumé, il imaginait mal des jeux clandestins. Et pourtant, selon la documentation, la capitale et son air de gros village médiéval était un lieu idéal pour ce genre d'activité illégale, loin de tout, loin des représailles du gouvernement. Loth dessella de la pertinence dans l'analyse mais trouva Tanuki un peu trop perdu à son propre goût pour y installer quelque chose d'illégal. L'île était propice à une retraite paisible, un lieu pour ceux qui voulaient se faire oublier, pas pour ceux qui voulaient s'attirer des ennuis. Malgré tout, il nota aussi l'adresse du bar de la capitale où Coffee avait ses habitudes, histoire d'y faire un tour.

Il allait partir quand son regard fut attiré par une chemise à document dans le même carton à rangement qui contenait les dossiers sur Coffee. Sur le carton était marqué "Disparition", alors il se demanda si quelqu'un d'autre avait inexplicablement disparu dans ce bled. Sans hésiter, il jeta un œil dans la chemise. Il n'y avait qu'un simple formulaire, une déclaration de disparition remplie par une femme du nom de Corine Hugues, vendeuse de produits laitiers à Loutry-in-bay. Elle signalait la disparition d'un certain Déo Dorant. La fiche n'était pas plus explicite et à en juger par l'état de la documentation, personne ne semblait s'inquiéter pour ce Déo Dorant. Il avait disparu mi-avril près de deux semaines avant Coffee. Loth nota aussi ce fait qu'il trouvait intéressant et décida d'enquêter sur cette disparition également, les deux affaires pouvaient être liées.

- Pied au plancher, déclara Loth d'un air supérieur en avançant ses jetons au milieu de la table ronde.

Sa mise était de deux cents milles berry et ses adversaires avaient des sueurs froides à imaginer la main qu'il pouvait avoir pour prendre ce genre de risque. Impassible, Loth redressa ses lunettes qui croisèrent la lumière crue de la lampe à huile suspendu en lustre au-dessus d'eux. Momentanément, ses lunettes brillèrent d'une lueur blanc, opaque et aveugle. Une ombre dansa sur son visage le rendant inquiétant.
Et pourtant, il n'y avait pas de quoi, sa main n'avait rien de très glorieux, il bluffait et il pouvait déjà dire aux expressions de ses adversaires qu'il en impressionnait plus d'un. Tous en fait, sauf la blondine assise devant lui.
Cela se passait plus de trois heures après sa visite dans la base de la marine, Loth était toujours dans la capitale. Il avait trouvé le seul et unique "casino" clandestin, une cave en réalité, située sous un bar délabré. Après un ou deux verres au comptoir en clamant son ennui, le barman l'invita à se distraire dans le sous-sol en jouant. Comme il l'avait imaginé, cela n'avait vraiment rien de la grande criminalité organisée. Le tenant des lieux était un petit homme en costard qui se donnait des airs de parrains avec son cigare bon marché, ses lunettes de soleil et son gros bouledogue aux grandes canines. Du point de vue de Loth, c'était une petite frappe qui avait dû servir un temps une famille mafieuse puis s'en était allé créer son propre business et s'il avait jeté son dévolu sur cette île antique, c'était sûrement parce qu'il devait fuir quelque chose ou quelqu'un. Cela ne le rendait pas moins dangereux cela dit, rien n'était aussi inquiétant qu'un homme qui pétait plus haut que son cul. Il avait deux gardes du corps aux airs de chiens, tous originaires de Tanuki. De petites racailles trop blasées de leur vie dans cette cambrousse, qui se donnaient l'illusion d'être des durs et qui étaient sûrement prêts à le prouver en faisait une ou deux actions d'éclats et sanglantes. Décidément, le pot était bien pourri.
Les clients, parlons-en. C'étaient des touristes de passages en mal de sensation, c'étaient des jeunes du coin voulant dépenser autrement leurs petits gains du début du mois ou impressionner leurs copines en se prenant pour des caïds -parce que fricoter avec l'illégalité rapportait des points-, c'étaient aussi des habitués de longues dates.

- Je me couche.
- Je me couche.
- Je me couche.

Ils abandonnèrent les uns après les autres, sauf la jeune fille en face de lui. Loth ne savait pas dans quelle catégorie de joueur la placer mais de toute évidence, elle ne devait pas être loin de la fille à papa, élégamment habillée même si de toute évidence, elle désirait passer inaperçue. Cela donnait un mélange étrange, ses boucles d'oreilles d'or pur contrastant lourdement avec sa chemise de coton bon marché. Elle s'était aussi parée d'un voile noir qui cachait sa chevelure et la moitié de son visage dans une tentative de paraître plus vieille alors qu'elle devait à peine frôler la majorité. Elle dévisageait Loth de ses prunelles bleu océan avec une intensité rare. Un rictus naquit à la commissure de ses lèvres et elle avança ses jetons au centre de la table.

-  Je double ma mise, ce qui fait cinq cent mille Berry, dit-elle d'une voix déjà victorieuse, ce qui déclencha des sifflets de contentement.

Bon fallait passer aux grands moyens, se dit Loth quand elle retourna ses cartes en affichant l'une des meilleures mains possibles. Il n'était pas dans ses habitudes de tricher, il n'était même pas ses habitudes de jouer aux cartes mais là, il devait déclencher le courroux du boss, il devait leur donner le sentiment de s'être fait plumer. Aussi, d'un geste entrainé depuis des années, il plongea une main sous sa veste, en sortit une paire d'As, la meilleure main possible dans ce jeu de cartes, et les remplaça par la misérable main qu'il avait. Tout ça en moins d'un battement de cil, ni vu, ni connu. Il prit son temps, soigna la mise en scène et dévoila ses cartes avec un sourire moqueur qui ne lui était pas non plus habituel. En ricanant, il écarta les bras comme pour enlacer une vieille amie et tira vers lui les jetons à cinq cent mille de la fille sous son regard scandalisé et estomaqué. Elle n'était pas en reste, le reste du public n'en croyait pas ses yeux et les représailles ne tardèrent pas.

- Laisse ça et vide tes manches. Enlève tout même, on sait que tu as triché ! tonna la voix du boss pendant que deux de ses gorilles se collaient déjà contre Loth.

- Quoi ? Tricher ? Vous vous foutez de moi ? se défendit-il.

Ni une, ni deux, il fut soulevé de terre par le duo, plaqué contre un mur, puis dépossédé de sa veste. Ils n'eurent guère besoin d'aller plus loin, une multitude de cartes se déversaient déjà par terre. Leurs pires soupçons se confirmèrent.

- Vanupied !
- Voleur !
- Qu'on le pende !

- Silence ! Tu pensais venir ici, toi la bleusaille, dans l’empire de El Padre et le flouer ? El Padre sait tout, il voit tout, dit le boss après avoir expulsé une bouffé de cigare pour se donner des airs impressionnants. Tu veux savoir ce qu'on fait ici aux tricheurs, à ceux qui manquent de respect à El Padre ?

- Non... non... je voulais pas... désolé... pitié... fit Loth d'un faux ton suppliant qui ne demandait qu'à connaître les extrémités dont étaient capables ses pseudo mafieux du pays des moutons.

- Servez-lui le menu habituel et je ne veux surtout pas entendre ses cris ! lança-t-il d'un ton impérieux. Vous venez ma chère ? demanda-t-il ensuite à la fille en l'invitant à monter avec elle.

Loth eut juste le temps de penser à un "Hé ! Elle n’est pas majeure ! C’est sale !" quand un coup de poing mastoc embrassa sa tempe droite. Il entendit un bruit semblable à un barrissement d'éléphant, il vit des étoiles danser devant ses yeux alors que ses lunettes tombaient, il chancela, perdit l'équilibre et au moment de s'effondrer, un uppercut de dieu le souleva à la verticale et l'envoya cogner le plafond. Des étoiles, il en vit d'autres, et même quelques bonshommes verts. Il tomba sur le sol en terre battue en un petit tas informe en soulevant de la poussière. La cave s'était vidée des joueurs, l'argent sur la table, y compris sa mise, avait disparu. Il ne restait plus que ses deux bourreaux et lui. Sonné, il parvint quand même à se demander si c'était là, "le menu habituel". Doucement, très lentement, il se releva, la lumière vacillante de la lampe à huile se découpant sur lui et renvoyant contre le mur sa silhouette flippante et bossue. Il ramassa ses lunettes, les épousseta et les remis sur son nez. Verres blancs, aveugles. Ses bourreaux repassèrent à l'attaque. Cette fois-ci, Loth décida de leur servir son propre menu.


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- Donc, El Padre vous a bien envoyé traquer Ormad Coffee ?

- Oui m'sieur. N..nous l'av..vons trouvé.
- Et vous lui avez servi votre menu ?
- Oui... ! Stop ! Siouplait !

- Mais ne soyez pas si impatient, mon menu à moi n'en est qu'à l'entrée et vous êtes déjà repu ? Par exemple, ce bout-là, peut être particulièrement sensible, dit Loth d'une voix sadique en approchant une torche du petit bout en question. Si on le fait bien flamber, ça peut donner l'illusion que c'est une saucisse. De porc bien évidement, pas de mouton.

- Noooon ! Pitié ! beugla aux larmes l'un de ses ex-bourreaux.

- Combien devait Ormad Coffee à El padre ?

- Trois millions de Berry.

- Millions ? demanda Loth qui s'arrêta dans sa menace de cramer le petit bout. Trois millions ? Juste en jouant aux cartes où ils trempaient dans une affaire plus louche ?  

- Il v'nait ici à chaque fois, trois, quatre fois par s'maine, il dépensait mais parfois, n'avait pas d'quoi payer. L'blé s'est accumulé. Il ne réglait plus alors nous l'avons corrigé.

- Et tuer ?

- Non, non, 'sieur. Le boss v'lait qu'il paie. Mort, sa thune était perdue, ça servait à rien d'l'tuer. Il v'lait lui foutre les pétoches, l'menacer pour qu'il aboule l'fric.

- Donc, vous me dites que vous n'y êtes pour rien dans sa disparition soudaine ?

- Bah... hésita-t-il. L'boss a pensé qu'il s'tait tiré la queue entre l'jambes pou'pas payer quoi. Il pense que sa biatch sait où il s'trouve.

- Il projette de servir son menu à Clover Coffee ?

- ... Oui.

- Je vous le déconseille.

- ... Oui... oui, b'sur. C'vous l'boss maint'nant, héhéhé, fit-il d'un rire jaune crispé, sans joie.  

- D'ailleurs, je devrais lui en toucher deux mots à ce Padre. Je reviens. Restez dans le coin, dit-il aux deux gusses attachés à des chaises, en tenue d'Adam.

Quatre à quatre, il monta les escaliers qui le ramenaient à l’étage supérieur. Le bar se situant au rez-de-chaussée, il continua et atteignit le premier et repéra facilement le bureau du Padre parce qu'un écriteau épinglé dessus le disait. Loth fit claquer ses gants élastiques qui produisirent un petit bruit sec. Il tourna le poignet et s'apprêta à servir son menu au Padre. Du saucisson frit en l’occurrence, comme pour ses hommes.

- Mince alors... En voilà un qui n'aura pas besoin de s'inquiéter pour son petit bout... murmura Loth en découvrant le spectacle sanglant qu'offrait le bureau du Padre.


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- Résumons. Donc, je suis assez généreux pour te donner une de mes pistes histoire que tu me laisses tranquillement dormir et tu me ramènes du boulot en plus ?! vociféra le commandant adjoint des marines de Tanuki d'une voix sonore.

Une heure s'était écoulée depuis que Loth avait ouvert le bureau de El Padre et découvert son corps sans vie, maculé et baignant dans son propre sang. Du moins, c'est ce qu'il pensait jusqu'à ce que les marines alertés découvrent qu'il était mort d'un coup de lame dans la poitrine et que ses blessures lui avaient été infligées post mortem. Il y avait beaucoup de sang, ça sautait aux yeux. Le surplus pouvait provenir du cochon dont la tête était posée bien en évidence sur le mobilier-bureau du défunt Padre. Loth n'était pas tout à fait d'accord avec les conclusions de l'expert.

- Comment savez-vous que les blessures ont été faites post mortem ? demanda-t-il en ignorant le commandant adjoint.

- Parce c'est évident, répondit l'homme d'un air buté. La blessure au cœur est la plus saignante, celle qui l'a évidé. Donc, il était vivant quand ça s'est passé.

- Bien sûr qu'il était vivant avant que son cœur ne s'arrête. Cette conclusion est un pléonasme...

- Du coup ! reprit le doc d'une voix tonitruante, les autres blessures ont moins saigné parce que son cœur touché avait déjà expulsé tout le jus ! Le tueur l'a ensuite aspergé du sang du cochon pour donner l'illusion que s'était son propre sang et qu'il l'avait saigné comme un porc ! finit-il avec une expression se voulant impressionnante en balayant de son regard le public qui l'écoutait, à savoir Loth, le commandant adjoint et quelques marines prélevant des preuves. Du moins, ils essayaient.

- Ça se tient, déclara l'adjoint.

- Ah bon ?

- Celui ou ceux qui ont fait ça, le Front, veut se donner une image d'un groupe de jusqu'au-boutistes. Poignarder un homme d'un coup sec à la poitrine c'est plus facile que de torturer. En maquillant les preuves ainsi, on a d'abord cru qu'il avait été torturé. Combien de coups de couteaux il y a ?

- Vingt-huit.

- Vingt-huit fois, quelqu'un l'aurait entendu. En nous vendant l'image de leur fanatisme, ils vendent la terreur.

- Parce que tuer un homme n'est pas déjà un signe de radicalisation ?

- Si, mais pas autant que celui de torturer. Cela dit, c'est un meurtre et moi, l'Adjoint, je dois enquêter ! Fais chier !

- C'est quoi votre nom, qu'on arrête de vous appeler adjoint ?

- Mais je m'appelle Adjoint. Ad Joint.

- Ah bon ? Ok.

- Perdons pas de vue l'essentiel, monsieur le détective, que diable faisais-tu pensais qu'on le tuait ?

- J'étais en bas avec les deux là-bas, ils vous le confirmeront. On jouait aux cartes, mentit-il en jetant un regard lourd de significations à ses témoins qui se hâtèrent de confirmer, avec un peu trop d'entrain. Je les faisais parler, je mettais de l'eau dans leur vin. Puis ils m'ont confirmé vos soupçons comme quoi Coffee était un habitué des lieux, je suis monté lui en toucher deux mots et je l'ai trouvé là.

- Qui d'autres étaient présents ?

Des six personnes présentes dans la cave avant le mort de Padre, seule la fille manquait à l'appel. Deux d'entre eux pouvaient être disculpé sans mal puisque qu'ils étaient captifs de Loth. Les quatre autres comprenaient les deux hommes âgés travaillant à la marie de la capitale qui avaient joué vec Loth, une vieille harpie desséchée qui avait habitude de dépenser sa maigre retraite dans les jeux d'argents et le barman, un jeune homme un peu plus maigrelet que Loth avec des dents de lapin. Ils étaient tous garants les uns des autres. D'après leur version, ils étaient tous au bar entrain de boire un coup et d'imaginer le menu qui serait servi au tricheur.  
Ils furent formels aussi, Padre était bien vivant après le départ de la fille voilée de noir, il l'avait raccompagnée à la sortie en arborant un air satisfait.
L'adjoint et Loth firent le tour de la maison. C'était une bâtisse à un étage avec un rez qui servait de bar. On pouvait y entrer par deux portes, celle qui donnait sur le bar et une autre dans l'arrière cour condamnée depuis des siècles. Les verrous de la porte étaient toujours en place mais grâce à la poussière accumulée sur le sol, ils purent voir que quelqu'un avait marché là. Les empreintes étaient fraiches et allait directement vers la porte qui donnait sur la cage d'escalier. On pouvait entrer, faire sa besogne et ressortir. Les empreintes ne livrèrent rien de très significatifs, c'étaient sûrement des sandales en bois traditionnel.

- Il y a deux séries d'empreintes. Il est rentré, il est sorti. Il ou elle. Qui diable était cette fille voilée de noire ?

- Aucune idée, répondit le barman de sa voix sifflante. C'était la première fois qu'elle venait jouer. Mais El Padre la connaissait, lui.

- Donc, c'était sa première fois et elle a claqué cinq cent mille Berry ? Je me demande combien de filles à peine majeure dans ce pays sont capables d'en faire autant.

- Pas beaucoup, se dit Loth qui devinait déjà l'identité de la fille en question et se demanda pourquoi ne l'avait-il pas reconnue plus tôt. Va falloir faire le tour de tous les riches de la capitale, dit-il en essayant d'aiguiller l'adjoint sur une fausse piste.

- Parce que tu penses qu'ils tiennent un registre de leurs fonds ? Tu seras étonné de voir combien habitent dans des huttes en paille puis de savoir qu'ils sont aussi riches que Lauren Purple. Les gens d'ici aiment la simplicité, c'est dans leurs gènes. Faire un tour de ceux qui exhibent leurs fortunes ne va pas beaucoup m'aider... mais se sera ça déjà de fait.
Et toi là-bas ! Demi-portion ! Sergent, c'est ça. Prends une douzaine d'hommes, prend des chevaux et fais moi le tour du bled et de ses grands noms. Évoquez un recensement des mineurs presque majeurs en vue d'une étude démographique sur la populace de North Blue. Ramenez-moi une liste des richards connus comme cachés et de leurs mioches. Et que ça saute !


- Ça devrait leur prendre un jour ou deux ça. Pour en revenir à El padre, quel lien avait-il avec Lauren Purple et son business du cochon ?  Pourquoi le Front l'a-t-il pris pour cible, pourquoi ont-ils laissé une tête de porc ici ?

- C'est simple. El Padre contrôlait le marché du cochon dans la capitale. Jambons, saucisson, gras, côtelettes, pâté, il en fournissait à des clients pas très désireux de montrer publiquement leurs amours du cochon. C'était un marché parfaitement légal, précisa l'adjoint.

- Donc le Front passe aux choses sérieuses ? Après Ormad Coffee, ils s'en sont pris au premier distributeur des dérivés du cochon dans la capitale ?
Dans ce cas, je dois rentrer à Loutry-in-bay. La famille Purple est en danger.


- Bonne route.

- Vous ne venez pas ? demanda Loth, perplexe.
Même s'il espérait que l'adjoint ne lui emmêle pas les pinceaux et piétine ses pistes, il avait besoin de lui s'il voulait procéder à des arrestations et des interrogatoires. Il voulait éviter si possible de menacer, de torturer ou de faire semblant de le faire.

- Ma devise de marine c'est : Une justice hibernante. Comme elle, je dors la plupart du temps mais quand je me réveille, j'ai faim, et je dévore tout sur mon passage pour rattraper le temps perdu. Pouapouapouapoua

- Mouais, c'est ça...

- Alors, je te dis à bientôt, petit, rendez-vous à Loutry-in-bay. Et ne t'avises pas d'empiéter sur mon travail, pouapoupouapoua.

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Sur le chemin du retour, Loth eut tout le temps de réfléchir à ce nouveau rebondissement. Il n'arrivait pas à croire qu'une simple histoire d'élevage de cochons puisse aboutir à de tels embranchements. Une disparition, un meurtre. Dans la nouvelle donne apportée par le meurtre d'El Padre, il avait même oublié d'interroger l'adjoint sur la disparition de ce Déo Dorant. Pour l'instant rien ne laissait présager que les deux affaires puissent être liées, mais on n'était jamais trop prudent.
Il pensait aussi aux conclusions du médecin légiste autoproclamé de la marine et il n'était pas du tout d'accord avec lui. Des similis de tortures, disait-il ? Des blessures post mortem pour faire croire au jusqu'au-boutisme du Front ? Possible. Mais si ce n'était pas le cas ? Se demanda-t-il. Si El Padre avait bel et bien été torturé, à quel point cela changerait-il la donne ? L'absence de cris de douleurs audibles dans toute la maisonnette pouvait facilement s'expliquer par un bâillon que l'assassin aurait emporté ensuite avec lui.

Globalement, la torture pouvait revêtir deux explications. Le sadisme ou la quête d'information. Si El Padre avait été torturé par pur plaisir ou par vengeance, alors l'équation était plus simple, même si ça laissait entendre que l'ennemi était un poil psychopathe.
La seconde option, Loth lui-même l'avait appliquée. Il avait torturé, juste ce qu'il fallait et plus psychologiquement que physiquement, les hommes d'El Padre pour qu'ils lui révèlent leurs liens avec Ormad Coffee. Si quelqu'un avait réellement torturé le boss, de quelle genre d'information souhaitait-il avoir connaissance ? Et si cette piste était vraie, cela voudrait dire que, contrairement à ce que pensait le doc de la marine, le sang de cochon était destiné à dissimuler les traces de torture et à aiguiller les pistes dans le sens de la fausse torture. Autrement dit, quelqu'un se serait donné beaucoup de mal pour faire croire que les blessures étaient post mortem. Donc quelqu'un chercherait à dissimuler son empreinte.

- Nan, pas possible, susurra Loth en ajustant son écharpe alors que son cheval galopait à vive allure à travers les landes de Tanuki. J'ai du mal à croire que les gens du Front puisse être aussi sophistiqués et puis, si vraiment quelqu'un cherchait à dissimuler les traces de tortures, il aurait d'abord cherché à effacer ses traces de pas dans la poussière, pour qu'on pense que le tueur était l'une des personnes présentes, fit-il en continuant son monologue.

La piste de la torture menait à une impasse, il ne voyait pas pourquoi quelqu'un aurait torturé l'homme, il ne voyait pas très bien quel secret El Padre aurait pu détenir. Par tous les diables, quel secret pouvait bien se cacher derrière un commerce de cochon ? Se demanda-t-il. C'était peut-être en rapport avec le passé de mafieux du boss, mais le corps ne comportait aucune des signatures laissées d'habitude par les membres de la pègre en mission de vengeance. La seule signature était la tête de cochon laissée, ce qui renvoyait en boucle au Front, toujours ce Front.
Mais qu'en était-il de la fille voilée de noire ? Aurait-elle pu se faire accompagner par El Padre à la sortie pour que tout le monde lui serve de témoin puis revenir par l'arrière cour et le saigner ? Possible, très possible même. Il avait une idée de ce qui aurait pu la pousser à faire ça. Heureusement que l'adjoint avait du retard sur lui, autant géographique qu'intuitif, il en profiterait pour interroger la fille en question. Son identité n'était plus un mystère.
Avec un claquement sec, il fouetta l'arrière train de son cheval pour lui imprégner plus de vitesse. L'heure était grave, les choses allaient de mal en pi, il fallait dénicher la vérité.

________________________________

- C'donc toi qui a refroidi El Padre, hein, Lady ? demanda avec désinvolture l'adjoint.

- Peut-être que oui, peut-être que non, lui répondit de façon énigmatique la jeune femme.

Elle était assise sur une chaise posée sur la table où les pieds de l'adjoint reposaient habituellement quand il piquait son somme. En revenant des lieux qui avaient vu mourir El Padre, il l'avait trouvée là, en train de l'attendre. Comme à son habitude, Lady Ombeline était très peu vêtue. Un pagne bleu aux motifs floraux noué autour de la taille, juste en dessus d'un nombril percé d'une chainette d'où pendouillait un pendentif à l'effigie de la mouette Marine, un soutien-gorge bleu à poids blanc pour ceinturer sa poitrine généreuse, un chapeau de paille conique qui dissimulait la moitié de son visage ne laissant voir qu'un sourire énigmatique. Un sourire de tueuse, pensa l'adjoint qui n'avait pas oublié le malaise que provoquait en lui celle qui a pendant cinq années servi sous ses ordres quand il était encore dans l’Élite.

- Joli ton bled, Ad. Tu t'ennuies pas trop, j'espère ?

- J'ai appris à ne plus m'ennuyer. Que fais-tu ici ? Et je veux la vérité.

- Je suis dans une mission free-lance, que dis-je, sous-traitée. Moi aussi je m'ennuie, du coup, je prends ce qu'on me propose et ça m'a conduit jusqu'ici.

- Tu sous-traite pour qui ? Réponds pas. Cipher Pol ? Ça pue le CP à des kilomètres à la ronde cette histoire. Pourquoi tu nettoies la merde de ces caméléons ?

- C'est une grosse merde en l’occurrence. L'affaire nécessitait la présence de l’Élite pour des frappes chirurgicales, on m'a déléguée dessus. Et depuis un mois, je me suis bien éclatée. Aujourd'hui, je suis là. Et les ordres sont de laisser Reich mener son enquête.

- Les ordres ? Revérifie tes galons avant que je ne t'en colle une.

- Pas les miens, Ad. Tu trouveras le sceau du donneur d'ordre dans cette missive, lui dit-elle en lui donnant un rouleau de parchemin scellé à la cire.  

-Toujours aussi loquace ce type... Mais ce truc n'explique rien et surtout ne justifie pas un meurtre et un enlèvement.

- Ce n'est pas moi qui ait faire taire Padre. Accompagne-moi à Loutry-in-bay, tout se passera là-bas, les choses vont prendre une tournure super intéressante. Fais en sorte de suivre et d'aider du mieux que tu pourras Reich dans son enquête. Il doit continuer à croire que l'affaire est en rapport avec le Front et la filière du cochon.

- Parce que ça ne l'est pas ?

- Si, tout a un lien avec cette filière, mais pas de la manière dont il le pense et c'est primordial qui se tienne éloigné du vrai sujet. J'ai élucidé une affaire avec lui et j'ai peur de ce qu'il pourrait découvrir. Les autres CP qui sont avec moi, et ils viendront sous peu à Tanuki, sont des Nettoyeurs. Ils ont le permis de tuer les gêneurs et ceux qui en savent trop sans y être autorisés.

- Et tu ne veux pas que ton petit copain se fasse trucider ? Mais dis-moi, quelle est cette autre affaire si importante qu'elle mobilise une équipe hétéroclite de CP et de Marines de l'élite ? Que cherchez-vous ? Qui cherchez-vous ?

- L'Omerta.

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Le retour de Loth à Loutry-in-bay se fit sous un ciel rougissant des dernières lueurs crépusculaires du soleil. La bourgade était paisible et la nouvelle de la mort d'El Padre ne semblait pas encore avoir l'atteinte. Si tant est que quelqu'un ici se préoccupât de ça ou même si quelqu'un, jamais, avait entendu parler de cet homme. Au manoir des Purple, l'ambiance était normale, il trouva Clover Coffee attablée, prête à prendre son dîner. Il se fit inviter et elle entama la conversation, avide d'infos.

- Alors, ça s'est bien passé dans la capitale ? Vous avez appris quelque chose sur Ormad ?

- J'ai appris beaucoup, oui. Mais si je comprends mieux, non. Celui qui se faisait appeler El Padre a été tué cet après-midi. D'après la signature laissée, il s'agirait du Front, lança-t-il à Clover.

- Ils... ils l'ont eu ? demanda-t-elle avec horreur après avoir failli s'étouffer avec un morceau de jambon.

- Et pas qu'un peu. C'est à lui que votre mère réservait les 5% de la production qu'elle tenait à écouler sur Tanuki ?

- À lui et à d'autres. Ils sont quatre en tout, des grossistes qui tiennent des supérettes ou des caravanes nomades de commerce. Ils se chargent d'écouler la production à l'intérieur des terres. Padre était le seul qui s'affichait publiquement. Les autres distribuent les produits en les faisant passer pour autre chose. Ils ont trop peur des représailles. Mon Dieu, c'est horrible !

- N'en reste que trois alors. S'ils se cachent, alors ils devraient être en sécurité. Ou du moins, ils organiseront leur sécurité en apprenant le sort qui a été réservé à El Padre. Vous dînez seule ? demanda-t-il en changeant brusquement de sujet.

- Euh... oui. 'fin, Joyce ne devrait plus tarder. D'ailleurs la voici, acheva-t-elle d'une voix froide.

- Nous y voilà, murmura Loth du coin des lèvres en se levant pour saluer la nouvelle arrivante. La grande joueuse de poker de ce midi. La route du retour a été bonne, Miss ?

Le teint hâlé de Joyce Purple vira à l'exsangue en un instant. Elle écarquilla les yeux, visiblement troublée et prise de panique en reconnaissant Loth. Clover promena son regard de l'un vers l'autre, de Loth serein et souriant à Joyce choquée. Elle chercha à connaître leur lien et sans omettre un détail, Loth lui raconta les circonstances de leur rencontre. Clover parut de plus en plus horrifiée puis s'éloigna de sa sœur et alla se réfugier derrière Loth, écœurée et tombant des nues.

- Tu as... tu as... Tu as tué Padre ?!

- Ne tirons pas de conclusions hâtives, intervint Loth.

- Sois pas ridicule, répondit Joyce d'une voix froide et hautaine qui avait retrouvé sa contenance.

Elle dévisagea Loth et sa sœur avec une expression d'une infinie condescendance comme si elle ne les jugeait pas digne d'être en sa présence. À présent, Loth comprenait pourquoi les employés de la maison détestaient Joyce. La fille, tout juste majeur, dégageait quelque chose, une aura qui empestait l'enfant trop choyé et placé au-dessus de l'immondice qu'étaient les autres habitants du monde. Elle était d'une tête plus courte que Loth, ses cheveux blonds et frisés tombaient en spirale sur ses épaules. Il n'y avait aucune ressemblance physique entre Clover et elle et Loth en devina aisément la cause. La disparition du père de Clover datait de vingt ans et Joyce était née après deux ans après ça. Elle ne pouvait pas être sa fille, Clover et elles étaient des demi-sœurs. Cela pouvait expliquer en partie l'animosité qu'il y avait entre elles. Loth sentait aussi que cette situation entre les deux sœurs pouvait avoir une incidence clé sur l'affaire, mais à quel niveau, il l'ignorait. D'autres questions devaient trouver réponses.

- Que faisiez-vous dans la capitale ?

- Qui êtes-vous d'abord pour oser m'interroger, moi, Joyce Purple ? dit-elle d’une voix qui n’aurait pas été différente si elle leur avait annoncé qu’elle était la fille du maître suprême de l’univers.

- C'est Loth Reich, le moine détective sollicité par maman. Je croyais que tu allais dans la capitale pour faire soigner Candy ? demanda Clover d'une voix sèche.

- Et alors ? Je l'ai soignée et j'ai décidé de jouer un peu. Tu veux me surveiller ? Que je te rende des comptes ?

Loth allait demander qui était Candy quand quelque chose lui frôla le pied. Il pensa d'abord à un chien de salon puis se rendit compte que c'était un cochon. Un cochon nain attifé de vêtements sur-mesure. Il émit des petits cris perçants puis sa maîtresse la prit avec amour dans ses bras comme si c'était un bébé.

- Qu'avait votre animal ?

- Des douleurs à l'estomac, d'après le vétérinaire. Il m'a donné des solutions pour la déparasiter. Alors monsieur le détective, vous avez trouvé quelque chose sur la disparition de mon beau-frère ?

- Non, rien pour l'instant. Mais je crois que vous en savez plus que moi, non ? C'est pour ça que vous étiez allée voir Padre. N'est-ce pas ?

Il fallut ensuite expliquer à Clover que son mari était adepte des jeux d'argents, ce qu'elle ignorait, et que Padre avait été soupçonné d'implication dans sa disparition. Il se retint cependant de lui dire qu'on soupçonnait Ormad Coffee d'avoir orchestré lui-même sa disparition. Bien sûr, Clover était dans le déni total.

- Non, impossible. Je l'au..aurais su. Il... il n'a jamais pris d'argent... Tous les comptes... réglos... Pas...m...moyen.

- S'il ne détournait pas l'argent de la ferme, ça expliquerait alors pourquoi il avait des dettes, parce qu'avec tout votre pognon, il aurait pu éponger tout ça en un clin d'œil. Alors, Joyce, vous saviez ?

- Non ! fit-elle d'un air buté. Je suis allée là-bas pour jouer, c'est tout !

- Si tu sais quelque chose de sa disparition, dit le tout de suite, petite garce !  hurla Clover qui commençait à perdre contenance obligeant Loth à se mettre entre sa sœur et elle.

- Mais après, Padre et vous êtes allés en entrevue, en tête en tête, dit Loth qui se rappela s'être dit à ce moment que c'était sale, ce vieux cinquantenaire et cette fille à peine majeure...
Mais là qu'il apprenait à connaître Joyce Purple, il jugea totalement impossible qu'il ait pu avoir quelque chose entre eux. Il jugea même peu probable que Joyce puisse être en relation avec un autre humain. Sûrement se multipliera-t-elle dans un avenir proche par scission cellulaire, par clonage ou réincarnation…

- Il voulait de ma participation, il avait le projet d'ouvrir un vrai casino sur l'île. Il m'exposait son plan d'affaire, il voulait que je convainque maman de le financer, voilà tout, lança-t-elle. S'il est mort après mon départ, je n'ai rien à voir dedans. Vous devriez interroger les gens du Front au lieu de perdre votre temps avec moi, monsieur le moine. Et si vous n’en n'êtes pas capable, priez au moins pour le repos de l’âme de Padre, ajouta-elle avant de s'éloigner d'un pas raide et digne, le nez en l'air.

- Elle cache quelque chose...

- Je la hais, je la hais, je la hais ! ragea Clover qui grinçait tellement des dents que ça en devenait audible.

Loth resta convaincu que Joyce Purple lui cachait quelque chose. Il était aussi certain que sa présence chez El Padre avait tout à voir avec la disparition d'Ormad Coffee. Enfin, il était aussi sûr qu'elle savait pour l'addiction au jeu de son beau-frère, ce qu'ignorait sa femme. Aurait-elle fait ce déplacement pour les mêmes raisons que lui ? Pour mesurer le degré d'implication de Padre dans ce forfait ou au contraire s'assurer... S'assurer que le job avait été fait ?
Un sentiment de malaise emplit Loth quand il se souvint de ce que lui avait dit un des gardes de Padre sous la contrainte. Qu'avait-il dit déjà ?
« - Bah... L'boss a pensé qu'il s'tait tiré la queue entre l'jambes pou'pas payer quoi. Il pense que sa biatch sait où il s'trouve.
- Il projette de servir son menu à Clover Coffee ?
- ... Oui. »


El Padre projetait de s'en prendre à Clover Coffee pour la forcer à couvrir les dettes de son mari. S'en prendre à elle, physiquement ? Sur le moment, Loth avait trouvé le raisonnement assez logique pour un mafieux mais maintenant qu'il savait que Padre était un associé des Purple dans le commerce du cochon, il trouvait ça un peu capillotracté. Il n'imaginait pas El Padre s'en prendre à la fille ainée de celle qui lui donnait de quoi faire des affaires juteuses -parce que la filière du cochon rapportait un max-. Pas pour trois misérables millions de Berry, cet argent n'était rien pour cette famille, ils devaient s'en servir comme de papier toilette...
Mais le gorille avait été formel, il avait envisagé de s'en prendre à Clover. Et si ça n'avait rien à avoir avec les dettes de son mari ? Et s'il avait dit ça à ses hommes alors qu'une autre raison se dissimulait derrière ? Et si cette raison se nommait Joyce Purple ? Et si la jeune dame, trop ulcérée par la haine réciproque que se vouaient sa sœur et elle, avait décidé de la faire disparaître pour rester la seule fille ? Et si au final, Padre avait quelque chose à avoir avec la disparition de Coffee ? L'homme, Padre, avait été un exécutant d’une famille mafieuse de Luvneel, donc il aurait pu se charger du cas de Coffee seul sans ses deux gorilles, à la demande de Joyce voulant faire disparaître tout ce qui avait un trait avec sa sœur. Mais si pour une raison ou une autre, Padre ne voulait plus du contrat ? Alors, la froide et calculatrice Joyce Purple l’aurait éliminé, effaçant ainsi un témoin gênant…

Ouais, ça le faisait, ce n’était pas capillotracté, ça avait sa dose de bon sens.
Sans conscience réelle de ce qu'il faisait, Loth se mit à faire les cents pas dans la salle à manger pendant que Clover sanglotait sur sa chaise.

_Une adolescente qui planifie la mort de sa sœur et de son beau-frère, puis saigne celui qu'elle a mandaté pour le faire ? Et qui maquille tout ça pour faire croire que le Front est derrière ? Une ado ayant grandi choyée et gâtée dans ce bled pourri, pas à Las Camp, pas dans le cimetière d'épave ? C'est pas un ninja, ressaisis-toi mon pote, hinhinhinhin, réagit la petite voix dans le cerveau de Loth qui faisait son apparition de temps à autre pour le narguer, apportant souvent son lot de lumière quand Loth s'enflammait trop sur une hypothèse.  

Loth s'arrêta dans ses va-et-vient et soupesa les thèses et les antithèses. Y avait des arguments pour de chaque côté et il ne savait plus quoi en penser. Mais il était sûr d'une chose, des circonstances comme les présentes étaient toujours un pain béni pour un opportuniste de premier ordre. Il l'avait appris à ses dépens durant l'affaire du Boucher des Highlands quand la venue du tueur en série Dog Wildson avait servi de couverture à un autre tueur pour perpétrer une vengeance vieille de quinze ans en volant sous les radars. Alors, que Joyce se serve de la situation actuelle avec le Front pour assouvir de sombres desseins ne lui paraissait pas absurde. Cela dit, la voix avait raison, Joyce était un poil trop B.C.B.G pour correspondre au profil qu'il lui dressait. Il devait comprendre la relation qui liait les deux sœurs, il devait comprendre les raisons de cette haine mutuelle.
Il posa la question à Clover mais prit le soin de prendre avec les pincettes sa version des faits.

Elle parla ainsi pendant des heures, retraçant le fil de sa vie et Loth, bon public écoutait sans l'interrompre. Probablement se dit-il, elle n'avait jamais raconté ça à personne. Et lui, Loth, ne savait pas comment il avait réussi à la convaincre de lui déballer ce qu'elle garda scellé au fond de son cœur pendant de si longues années. Une rancœur contre sa mère qui la traitait avec indifférence, qui lui reprochait en quelque sorte la disparition de son père. Une mère pour qui elle était un boulet, une figure non pas de l'homme qu'elle avait aimé mais de celui qui l'avait abandonnée. Selon Clover, pour Lauren Purple, son mari n'était pas mort durant son voyage vers Little Garden, non, pour elle, il était en vie et avait juste fait sa vie ailleurs, sur Grand Line. La pierre tombale marquant sa disparition n'était que purement administratif. Le déclarer mort permettait de prononcer le divorce avec tout ce que cela impliquait. Ensuite, était venue Joyce, née de l'union de Lauren et d'un riche homme d'affaire de Saint-Uréa mort prématurément d'une maladie foudroyante. Au moins, avait dit Clover avec ironie, lui était mort, y avait le corps pour le prouver. Aussi, sa mère se chargea de chérir Joyce comme la prunelle de ses yeux parce qu'elle était la preuve qu'un homme l'avait réellement aimée. Et Joyce grandissant dans cet environnement où sa sœur ainée était lésée en profita, lui fit mille et une misère, essayant de lui enlever tout ce qu'elle possédait, tout ce qu'elle considérait comme sien, détruisant ce qu'elle ne pouvait pas lui arracher en allant pleurer dans les jupes de leur mère. Une haine réciproque naquit et perdura ainsi entre elles.

Clover finit sa confession la poitrine imbibée de larmes et Loth dut la soutenir pour la porter dans son lit.
Accoudé à la rambarde de la terrasse de sa chambre, Loth réfléchissait à toute cette affaire qui était plus compliquée qu'elle ne le paraissait vraiment. Le Front, Padre, une sale ambiance familiale. Quelque chose d'autre encore pourrait-il se profiler à l'horizon ? Et comment était-il censé mener cette enquête quand il soupçonnait la fille chérie de sa mandatrice d'être la cause de tout ça. Lauren Purple supporterait-elle d'entendre ça ? N’allait-elle pas mourir  sous le choc ? Ou bien, était-elle au courant du plan de sa fille ?
Non, non, impossible. Elle reprochait peut-être à Clover l'absence de son père mais elle restait toujours une mère, Loth ne croyait pas qu'elle aurait pu cautionner un plan aussi machiavélique. Lauren Purple n'avait-elle pas plié et consenti à accorder sa bénédiction au mariage de Clover quand cette dernière décida de partir et d'abandonner son héritage ? C'était la preuve qu'elle tenait toujours à sa fille ainée.

Quant à la suite de son enquête, il décida de laissa Joyce de côté pour le moment tout en gardant un œil sur elle. Il devait suivre les autres pistes qu’il avait à savoir Miguel Riori le chef du Front, Corine Hugues celle qui avait déclaré la disparition du dénommé Déo Dorant. Il aurait aussi à composer avec l’Adjoint qui devrait venir le lendemain.
Il verrait tout ça au lever du jour, là, il devait dormir. Il espéra que la nuit lui porterait conseil.

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Toc ! Toc Toc !

- Oui, c'est pourquoi ?

- Je souhaiterais parler à Miguel Riori.

- Et vous êtes ?

- Un journaliste d'investigation, étudiant de l'université internationale de Jalabert sis à Boréa. J'enquête sur le choc social et culturel de l'introduction de l'élevage des cochons à Tanuki. Mes sources m'ont informé que monsieur Riori était le chef d'un groupe d'activistes défenseur des us et coutumes de Tanuki alors j'aimerais l'interviewer.

- Non.

-  Laisse-le rentrer ! tonna une sorte de râpage de voix au moment où la femme s'apprêtait à claquer la porte au visage de Loth.

Il ne se fit pas prier davantage, il se glissa dans la maisonnette et la vieille femme aux airs de vautour qui faillit l'éconduire ferma la porte d'un claquement sec. L'intérieur ressemblait vaguement à ce qu'aurait pu être un musée de souvenirs pour ancien soldat. Partout où Loth posait son visage, il voyait des photos, représentant en grande partie un même homme à de différents stades de sa vie. Un homme de toute évidence très fier de son passé militaire. Loth pouvait affirmer qu'il avait servi dans la Marine régulière, principalement à Logue Town avant d'être muté sur une base qu'il reconnaissait -uniquement parce qu'il l'avait vue illustrée dans une revue- comme étant la base de la division scientifique de Bulgemore. Il pouvait aussi affirmer de par les photographies que l'homme était un sniper, il trimballait toujours avec lui un fusil de précision. Enfin, cet homme c'était sûrement Miguel Riori.

Il vint à lui, Miguel Riori, dans un vieux bruit de ferraille grinçant. Loth fut surpris de la voir là, vieux, ridé, assis dans son fauteuil roulant. Au dossier du fauteuil était soudé une barre de fer verticale à laquelle étaient suspendu un flacon à perfusion remplie d'une solution jaunâtre ressemblant à de la pisse. Un tube filiforme reliait le flacon à une veine sur le bras du vieil homme. Loth venait de comprendre ce qu'insinuait l'adjoint en déclarant que Riori n'était pas "physiquement capable d'enlever Coffee". Si son physique dépérissait, sa langue restait acérée. Aussitôt que Loth lui posa la première question sur cette histoire d'élevage de cochon, le vieil homme cracha son venin. Sa diatribe contre les Purple, en définitive, correspondait à l'idée que Loth se faisait de l'idéologie des gens du front. Il n'apprit rien de nouveau, du moins jusqu'à ce qu'il entame la partie des disparitions.

- J'ai entendu dire qu'un grossiste de la capitale a été tué hier et qu'une tête de cochon avait été déposée près du corps. Ça en plus de la disparition du beau-fils de Lauren Purple semble désigner le Front. Je ne vous accuse pas hein, mais vous avez signé plusieurs vandalismes par une tête de porc du coup...

- Ils l'ont bien cherché ! Je vous dis moi que les dieux de Tanuki poursuivront et damneront tous les hérétiques qui oseront détruire notre mode de vie ! Et tant mieux si ça passe par le Front ! Nous ne sommes que les instruments des dieux ! cracha Miguel Riori de sa voix faible et tuberculeuse.

- Vous avez la loi de votre côté et sans preuve, difficile de vous incarcérer pour ça. Vous comptez poursuivre vos actions jusqu'à ce que les Purple renoncent à cette exploitation ?

-  Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de Purple !

- Vous comptez éliminer toute la famille ?! Ce n'est pas un peu extrême ?

- Vous perdez votre temps jeune homme ! tonna la vieille. Dans quinze minutes, il ne souviendra même pas vous avoir parlé. Il était plus vigoureux y a trois ans quand il a fondé le Front mais après son accident vasculaire cérébral il n'est plus que l'ombre de lui-même.

- Dans ce cas, qui dirige le Front ?  

- Parce qu'il y a besoin que quelqu'un le dirige, mon fils ? Il n'y a pas besoin d'un chef pour se révolter quand il y a une atteinte à ce que vous considérez comme votre identité. Et puis, vous êtes mal informé, le Front, ajouta-elle d'une voix lourde de désapprobation, n'est plus qu'un nom.

- Tais toi Évelyne ! On t'a rien demandé ! Le Front est éternel ! cracha Riori en lançant un regard noir à sa femme.

- Je crois que notre entrevue est terminée mon garçon. Veuillez partir, il a besoin de repos.

- Je vais te montrer moi que le Front n'est qu'un nom ! Tu as perdu la f...

Évelyne Riori claqua la porte une fois Loth sorti, étouffant ainsi le reste de la fureur de son mari. Loth se dirigea vers la demeure de Corinne Hugues en notant ce qu'il venait d'entendre. Naturellement son cerveau bouillonnait et ses soupçons depuis le début commencèrent à se confirmer. Il sentait bien que cette affaire était beaucoup trop compliquée pour une simple histoire de fronde sociale. Il se disait qu'il revivait d'une certaine manière ce qui s'était passé sur l'île de Craie durant l'affaire du boucher des Highlands. C'était le même schéma, il le pressentait. Une affaire principale, une autre en annexe qui se servait de la principale pour commettre son forfait.
Là typiquement, les suspects tout désignés ne semblaient pas en être. Il ne s'attendait pas à voir Miguel Riori, le fer de lance du Front si diminué, si paralysé. Bien sûr, l'organisation avait d'autres membres plus valides qui auraient pu commettre ce dont on les accusait mais d'après la femme de Riori, qui d'ailleurs semblait la désapprouver, l'organisation était sur la sellette. Elle n'était qu'un "nom", avait-elle dit. Loth en déduisit que le Front n'était pas aussi actif que ça, qu'il était même moribond et que sa célébrité n'était due qu'à ses coups d'éclats dans ses premières années d'exercice, quand Miguel Riori avait encore toute sa santé.
Alors, si l'organisation était aussi mourante que son créateur, qui agissait en son nom ? Qui avait tenté d'agresser Lauren Purple ? Qui était responsable de la disparition d'Ormad Coffee (en supposant qu'il ne l'ait pas mis en scène lui-même) et qui avait tué El Padre ? Et pour quelle raison ?

Joyce Purple faisait déjà office de premier suspect, sa haine envers sa sœur pouvant expliquer cette horrible machination. En faisant porter le chapeau au Front, elle faisait d'une pierre deux coups. Mais Loth ne s'expliquait pas pourquoi elle aurait envoyé des gens attaquer sa mère puisque c'est par là qu'avait commencé l'agression physique sur les membres de la famille. Sa mère lui accordait tout ce qu'elle voulait, cela n'avait aucun sens. À moins que... Qu'avait dit Clover déjà ?
« Il y avait de l'éclairci dans sa santé et maman voulait respirer l'air du dehors. Ormad est un homme si dévoué, un beau-fils si attentionné ! Il l'a soutenue à bout de bras pendant qu'elle faisait son petit chemin dans le verger à l'extérieur. Et ces lâches en ont profité pour attaquer. Il leur a donné une bonne correction ! Ah ça, oui ! Ils se sont enfuis. »
C'était possible que Joyce, via El Padre, ait délégué des hommes pour enlever et faire disparaître Coffee sans pour autant indiquer une date et une heure précise. Ainsi, quand ils sont passés à l'action, ce dernier était en compagnie de sa belle-mère. Et puis, Coffee et Lauren étant les seuls témoins, il pouvait aisément prétendre que les assaillants voulaient s'en prendre à la vieille et ainsi faisant, il dédouanait tout soupçon sur lui.
Ouais, c'était surement ça, pensa Loth, certain de tenir une partie de la vérité. Joyce Purple avait surement envoyé des hommes éliminer son beau-frère mu par cette haine corrosive envers sa sœur mais Ormad Coffee aura réussi à les repousser. Et pourtant, au lieu de dire la vérité sur les circonstances de l'attaque et l'identité des agresseurs, il avait préféré mentir, parce qu'admettre que les hommes de El Padre l'avaient attaqué, c'était avouer qu'il avait des dettes de jeu, sans se douter qu'ils étaient là pour une mission bien plus sinistre que de recouvrer des dettes.

Bien entendu, pour Miguel Riori, incapacité par sa maladie, c'était du pain béni. Loth imagina aisément qu'il se targue de ces actions même s'il n'en connaissait pas les auteurs. L'homme était un chauvin et fanatique, il l'avait vu. Il se serait accusé de n'importe quoi, si tant est que ça fasse avancer la cause du Front. Sa stratégie de communication pouvait se résumer en ces termes : Mieux il y avait du tapage autour du Front et mieux c'était.

Il pensa qu'il devait communiquer ses conclusions, sans preuves fallait-il le préciser, à l'Adjoint pour qu'ils décident de la marche à suivre même si Loth douta fortement que ses aspirations coïncident avec les siennes. La tête pleine de questions et doutes, c'est machinalement que les jambes de Loth le portèrent jusqu'à la boutique de produits laitiers que tenait Corinne Hugues. Il se fit inviter, se présenta comme un détective privé et commença à parler avec la femme. Une jeune mère célibataire en dessous de la trentaine, mince, sans forme et courbes.

- Qui est Déo Dorant ? demanda Loth. Vous avez déclaré sa disparition au QG des marines et moi j'enquête sur la disparition d'un autre homme, Ormad Coffee. Si je viens à vous, c'est parce que les deux affaires peuvent être liées.

- Oh ! s'exclama-t-elle d'une petite voix flûtée. Je...je ne pense pas qu'il s'agisse de la même chose.

- Pourquoi ça ?

- Ben... comment dire. Déo Dorant c'était un peu le fauteur de trouble de service dans le village. Un jeune orphelin, toujours tête en l'air, un peu l'image du garçon qui criait aux loups, vous voyez ? Il racontait à qui voulait l'entendre ou pas, qu'un jour, il finirait par partir vivre de formidables aventures sur les mers. Il a plusieurs fois essayé mais ses radeaux ont toujours rapidement coulé et il revenait toujours à la nage. Je l'apercevais d'ici, dit-elle en montrant du doigt la jetée visible depuis la fenêtre de sa boutique. Depuis trois semaines, il ne fait plus le tour du village, personne ne l'a plus vu, donc j'ai cru bon de signaler sa disparition, même si personne ne croit qu'il lui soit arrivé quelque chose de fâcheux.

- Personne à part vous ?

- Bah.... hésita-elle, c'est un peu ma fille -Shirley, elle a sept ans- qui m'a harcelée pour que j'aille en parler à la marine. En l'amenant à l'école chaque matin, on le croisait et il lui disait qu'il l'épouserait quand elle sera grande, ça la faisait beaucoup rire. Du coup, il est devenu une partie de son quotidien, vous voyez ?
Moi, je pense, comme les autres habitants du village, qu'il a fini par partir comme il le disait si souvent.


- Mais savait-il naviguer ? Avait-il un bateau ?

- S'il savait naviguer... j'en doute fortement. Un bateau, non, toutes les fois où il a essayé de partir, c'était à partir d'embarcation de sa fabrication. Mais rien n'empêche qu'il en ait trouvé une de bonne et qu'il soit parti.

- La marine a enquêté ?

- Oui, ils sont allés chez lui mais tout était en ordre, sauf son dressing vide, tous ses effets personnels disparus. Il est parti, il a tout emballé avant. Et puis, personne ne lui voudrait du mal, c'est l'enfant adoptif du village en quelque sorte. Ses parents étaient des gens biens et quand ils sont morts, les habitants ont de concert pris soin de lui en lui donnant de la nourriture, de l'argent. Tout le monde aimait Déo.

- Quel age a-t-il ?

- 20 ans.

- Je vois, murmura Loth une main sous le menton. Vous auriez une photo de lui ?

- Une photo ? Non, désolé. Mais sa maison se trouve à l'autre bout de la rue, vous ne pourrez pas la rater, elle a une forme cylindrique. Il y aura peut-être des photos qui trainent. Mais sincèrement, je pense que vous perdez votre temps, monsieur le détective.

- On verra bien. Décrivez-le moi, cela dit, au cas où je ne trouverai aucune image de lui.

- Il est grand, presque le mètre quatre-vingt, des cheveux blonds ternes. Il boite un peu.

- Euh, merci... balbutia Loth peu convaincu par cette description tout en se demandant s'il ne perdait pas son temps. Merci beaucoup Mlle, je vais prendre congé.

Il était presque neuf heures ce matin-là. Il en était à sa seconde journée d'enquête sur Tanuki. Il demandait la route et remerciait Corinne Hugues pour son hospitalité quand son escargophone se mit à pleurer. Instinctivement, il sut qu'il apportait une mauvaise nouvelle. Quand il décrocha, ce fut la voix secouée de sanglot de Clover Coffee qui bégaya.

- On..on... a trouvé... Ormad. Il est... m..mort.



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Ormad Coffee mort, Loth s'y attendait un peu. Une semaine après sa disparition, la nouvelle leur pendait au nez. Au moins, cela confirmait qu'il n'avait pas disparu de son propre gré. Quelqu'un œuvrait dans l'ombre, restait à déterminer son identité. Cela voulait dire aussi que sa mission principale avait été un échec, c'était pour retrouver Coffee vivant qu'il avait été appelé...
Même s'il était désolé pour Clover Coffee -Il commençait à apprécier la femme-, Loth fut enchanté d'avoir une nouvelle piste. Aussi, bondit-il littéralement jusqu'à au manoir des Purple pour avoir plus de détail. À son arrivée, comme il s'y attendait, l'ambiance était funèbre, lourde et larmoyante. Il ne s'attendait pas par contre à tomber sur l'adjoint et tout un détachement de Marines. Ils étaient déployés partout sur la propriété, certains côte à côte, épaule contre épaule, cherchant le plus infime indice. Ce déploiement de force laissait Loth bien perplexe et curieux.
Il trouva, dans le salon, une Clover effondrée, une Joyce impassible, et Ad Joint le visage grave.

- Mes condoléances... balbutia-t-il à Clover avant qu'elle ne lui saute au cou pour déverser sur ses épaules un torrent de larmes.
Ça va, ça va, dit-il en lui donnant de petite tape dans le dos en demandant de l'aide du regard à deux servantes occupées elles aussi à pleurer.
Où a été découvert le corps ? demanda-t-il quinze minutes plus tard.

- Dans une étable à porc. Un employé a découvert ses restes en changeant la litière.

- Des restes ?

- Vaux mieux que tu viennes voir, dit Ad d'une voix compatissante pendant que Clover éclatait de nouveau en sanglot.

En sortant du salon, Loth passa devant Joyce et la regarda droit dans ses yeux gris sur amande. Elle gardait toujours cet air indéchiffrable et énigmatique qui ne laissait en rien deviner ses pensées. Il fut entrainé vers les "étables à cochon", ces longs bâtiments tout en longueur que Loth avait comparé la veille à des poulaillers industriels. Des bâtiments sur paille ou sur litière plus précisément, tel était le nom de ce système d'élevage qui consistait à élever les cochons dans des bâtiments aux sols bétonnés et recouverts de paille.
Curieux, Loth avait demandé de plus amples détails sur l'élevage des cochons en intérieur auxquels Clover répondit sans détours. Il apprit entre autre que contrairement aux idées reçues, le cochon était un animal aimant la propreté et que de ce fait, la litière en paille qui tapissait le sol des bâtiments devait être changée tous les deux jours pour évacuer les déjections et autres saletés. Cette information représentait déjà un indice crucial.

- C'est ici, dans le bâtiment N°4. Les cadenas ont été forcés puis soigneusement remis en place. Coffee a été découvert il y a vingt minutes, ça coïncidait avec mon arrivée. Il n'en reste pas grand chose.

Loth se boucha le nez avec un mouchoir pour atténuer l'attaque des effluves du corps en décomposition mêlée à l'odeur persistance de déjections animales et d’ammoniac. Ce qui restait d'Ormad Coffee était pitoyablement éparpillé sur dix mètres carré environ. Un bras indubitablement masculin esseulé par ici, une jambe droite solitaire par là, un amas sanguinolent de ce que Loth pris -avec une envie de vomir- pour un cuir chevelu scalpé décoré de cheveux blonds. Il ne s'attarda par sur les entrailles dispersés ici et là. L'adjoint lui indiqua un autre imbroglio sanglant d'esquilles d'os et de chair qu'il présenta comme le crane de la victime. Ils sortirent ensuite pour discuter en plein air, leurs nez protestant férocement contre ce traitement olfactif.

- Ça pourrait être n'importe qui là, fit observer Loth en inspirant une bonne bouffée d'air frais.

- Non, c'est Coffee. T'as vu le bras gauche ? T'as vu son annulaire ?

- Même remarque. Une alliance ça peut s'enlever et se mettre sur un autre bras. Me parlez pas non plus des mèches blondes sur le scalpe, des blonds, c'est pas ce qu'il y a de plus rare au monde. Ce que je constate moi, c'est qu'on s'est donné beaucoup de mal pour rendre ce corps méconnaissable, ce qui ne fait qu'accentuer mes suspicions.

- T'es difficile, monsieur le détective. Mais c'est plus simple que ça et tu te trompes sur le dernier point. On n'a pas voulu rendre le corps méconnaissable, on a voulu le faire disparaitre. Intégralement. Cette découverte est un accident de parcours.

- Le faire disparaître ? Dans un étable à cochon... ?! commença Loth avant de s'interrompre frappé par l’écœurante vérité qui se dessinait sous ses yeux.

- Et ouais Sherlock ! fit Ad Joint manifestement content que Loth comprenne. Les cochons sont omnivores et leur dentition leur permet d'arracher et de broyer n'importe quoi, même un crane humain. Tu as vu le peu qu'on a retrouvé de lui ? On l'aurait laissé là encore deux ou trois heures qu'on aurait même pas su qu'un corps humain était passé par là. À mon sens, c'est mieux que l'acide, ça prend moins de temps.
Donc oui, tout porte à croire que c'est Ormad Coffee, que quelqu'un a voulu le faire disparaître pour que cette affaire reste à jamais irrésolue. Note aussi l'ironie de la chose. Se faire dévorer par des cochons. À coup sûr, c'est le Front.
Je vais faire une razzia dans les rangs de ses partisans connus, et cette fois, je les secouerai jusqu'à ce qu'ils me révèlent ce qu'ils savent. Je te garantie qu'après ça, ils n'auront qu'une seule envie, dire oui.


- Je reviens, murmura Loth en se dirigeant vers le bâtiment N°4. J'ai quelque chose à confirmer.

[...]

- Alors ?

- Il semblerait que l'individu corresponde aux descriptions d'Ormad Coffee, reconnut Loth en rangeant son mètre-ruban. Je viens de mesurer la jambe restante, la cuisse pour être exact. Il existe une formule mathématique pour déterminer avec une probabilité de 95% la stature d'un individu, du moins l'intervalle dans laquelle elle se trouverait, à partir d'un des os majeurs de son squelette. Là, le fémur mesure 50.5 cm, ce qui -je vous épargne la formule- impliquerait que l'individu mesurait entre 176.2 cm et 185.3 cm.

- Ormad Coffee faisait 1m78 d'après sa femme. Bien joué quand même, j'ignorais qu'il existait une telle formule. Quand le corps à été trouvé, Clover Coffee a été appelée, elle a reconnu le bras de son mari. Une alliance peut être permutée pour sûr, mais tu vas pas me faire croire qu'elle ne reconnait pas la main de son mari ? Après six ans de vie commune ? Et pour finir, il y avait ce tatouage sur l'avant-bras, dit Ad en lui tendant une photographie prise sur le morceau de bras.  
Ormad Coffee arborait ce tatouage sur son poignet gauche, tout le monde dans la ferme en avait connaissance. C'est l'élément premier qui a permis à celui qui a découvert le corps de l'identifier. Cela prouve sans l'ombre d'un doute que ces restes sont ceux d'Ormad Coffee.

- D'accord, d'accord, marmonna Loth qui s'avoua vaincu. Vous avez parlé à celui qui a découvert le corps ? J'aimerais le faire.

- Non, je t'attendais pour.

- Hmmm, grogna-t-il, de plus en plus certains qu'un truc pas net se tramait.

Après la mort de Padre, sa priorité avait été de piquer un somme, alors ce regain d'intérêt de l'adjoint pour l'affaire lui sembla plus que suspect. Loth ne dit rien cependant et se laissa guider vers le jeune garçon de ferme secoué qui avait découvert le corps.  
Sa déposition fut claire et limpide, ils n'eurent envers lui aucun soupçon. Le garçon de ferme leur confirma ce qui avait été dit à Loth, à savoir que la litière était changée chaque deux jours. La dernière fois étant le jour précédant la veille, vers dix heures du matin. Par contre, les cochons recevaient à manger deux fois par jour mais il n'était pas nécessaire d'entrer dans le bâtiment, une longue trappe horizontale aménagée dans la cloison permettait de leur envoyer de la nourriture.  

- Vu que tu pouvais nourrir les bêtes depuis l'extérieur, tu n'as pas remarqué que les cadenas avaient été sciés jusqu'à ce que tu entreprennes d'ouvrir les portes pour nettoyer, c'est ça ?

- Oui, m'sieur.

- Donc en définitive, il peut être là depuis deux jours.

- Tu peux partir gamin, mais restes dans le coin, se peut que j'ai d'autres questions.

- Tiens voilà, ce cher médecin légiste autoproclamé, dit Loth plein d'ironie quelques minutes après le départ du garçon de ferme.
Le souvenir de leurs divergences d'opinions concernant la nature des vingt-huit coups de couteaux sur le corps d'El Padre (Ante mortem ou Post mortem ?) était toujours vif dans leurs mémoires.

- Moi au moins, j'ai un diplôme de médecine. C'est toujours mieux qu'un charlatan qui a lu quelques aventures de Dr House et de Sherlock, satirisa-t-il en réponse à Loth.

- Il suffit. T'as du nouveau, Sergent ?

- Oui, mon Lieutenant-Colonel. Je vous ai entendu en approchant. Même s'il a été déposé là dans un canevas de deux jours, d'avant-hier à aujourd'hui, la mort date de bien plus longtemps. Le stade de développement des larves de mouches m'indique que la mort est survenue depuis au moins une semaine. La décomposition est à un niveau avancé.

- Depuis une semaine ? répéta Loth, toujours méfiant.
Ça voudrait dire qu'il a été tué peu après son enlèvement. Vous en êtes sûrs ?

- J'ai totalement confiance en lui. S'il dit qu'il est mort y a une semaine, c'est que c'est vrai, coupa Ad Joint pour couper court à la réponse cinglante que s'apprêtait à cracher le toubib. Donc, le Front n'a pas perdu de temps pour le tuer... Et après, ils ont tué Padre...

- C'est étonnant quand même qu'ils aient gardé le corps si longtemps. Qu'est-ce qu'ils pouvaient bien faire avec si leur besogne était déjà accomplie ?  

- Ça on le saura en allant les interroger. Tu viens, le détective ? Je vais tous les coffrer.

- Euh non, allez-y tout seul. J'ai une autre piste à suivre.

Etait-ce son imagination où en l'espace d'un clin d’œil, l'adjoint fronça si violemment des sourcils qu'ils ne formèrent qu'une seule ligne ? Il se rattrapa dans la même seconde en affichant un visage plus curieux qu'étonné ou contrarié. Quand il parla, ce fut d'une voix dégagée qui ne fit que renforcer les soupçons de Loth.  

- Il sait quelque chose. Beaucoup plus qu'il n'oserait l'admettre, pensa Loth qui arborait aussi un regard totalement impassible.

- Quelle piste ?

- Une autre disparition qui pourrait avoir un lien avec celle de Coffee, celle d'un dénommé Déo Dorant, dit Loth après s'être demandé s'il devait lui dire la vérité.

- Déo ?! Le petit fou ?! s'exclama Ad -et Loth fut sûr qu'il ne l'imaginait pas cette fois-ci- avec soulagement. Il est sûrement parti à l'aventure mais si tu veux enquêter, vas-y, vas-y. Moi je vais arrêter les gens du Front. À plus.

- Mouais, il me cache quelque chose, se dit Loth en le regardant partir les mains profondément enfouies dans les poches de son manteau d'officier.
Il avait l'air soulagé quand je lui ai parlé de Déo, donc cette piste n'a rien à voir avec ce qu'il me cache. Le plus étrange c'est qu'il n'avait pas cette attitude hier, même pas après le meurtre de Padre.
Quelque chose s'est passé après et ça m'échappe...


________________________________

Quelque part à Loutry-in-Bay, au sommet d'un pic rocheux...

- Oh, oh, Ad se fait un peu trop entreprenant là... murmura Lady Ombeline, un œil collé contre un télescope de visée. J'ai fait une connerie en lui disant la vérité, il n'a jamais su jouer la comédie.
Je connais ce regard, Loth se doute déjà de quelque chose... Et merde...


- Je vais l'éliminer, ya, trancha une voix masculine derrière Lady.

- Non ! tonna Lady. Je n'ai jamais dit qu'il soupçonnait quelque chose sur notre affaire, alors, fais moi plaisir et tiens-toi à carreaux tu veux ? Tu es peut-être un CP mais vu que l'agent Cygnus a été appelé ailleurs, c'est à moi que revient le commandement de cette mission. Si ça ne te plait pas, c'est la même chose.

- Très bien, ya. Madame. dit-il de mauvaise grâce.

- Que nous dit Ad ?

- Que les restes sont bien ceux de Coffee, ya. Qu'est-ce qu'on doit en conclure ? Qu'ils ont réussi à l'avoir, ya ?
Ya, ya, ya, qu'Oscar Dooz a réussi à mettre la main sur L'Omerta ?


- Possible, même si j'ai espoir que Coffee l'ait mis en sécurité avant de tomber en leurs mains. Autrement, reprendre L'Omerta à Dooz risque de finir en carnage. Pour nous et pour ce village entier.
Ce n'est pas pour rien qu'on l'a surnommé l'Ange Hérétique.




Dernière édition par Loth Reich le Mar 19 Mai 2015 - 22:37, édité 1 fois
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Même si la réaction de l'adjoint portait à croire que le filon sur Déo ne mènerait à rien, à rien de ce qu'il semblait lui cacher en tout cas, Loth entreprit quand même d'aller fouiller du côté de la maison du disparu. Il la trouva rapidement en suivant les indications de Corinne Hugues. La "maison en forme cylindrique" dont avait parlé la jeune femme ressemblait plus, du point de vue de Loth, à une espèce de gros igloo en bois. Loth entra sans forcer la porte qui n'était pas bouclée. De toute évidence, Déo n'avait aucun des syndromes du célibataire solitaire et endurci, la maison était dans un ordre impeccable, à l’exception de l'épaisse couche de poussière qui s'était accumulée depuis les trois semaines de son départ. Loth se déplaça précautionneusement entre la table basse et les fauteuils en rotin, chacun de ses pas soulevant une petite touffe de poussière.

- Hmmm, il semblait obsédé par la mer... murmura Loth dans un monologue en contemplant une série de dessin collé au mur représentant un individu maigrichon cheveux au vent, debout une épée à la main sur la figure de proue de différents navires.

La grande bibliothèque croulant sous une centaine d'ouvrages consacrée à la navigation et à la météorologie lui confirma ses observations. Il remarqua aussi que les livres étaient méticuleusement rangés par ordre alphabétique. Cette observation se trouva confirmée à son tour quand il fit un tour dans la cuisine. Les couverts, les ustensiles de cuisine, absolument tout en fait, était dans un ordre et une symétrie impeccable. Une dizaine de gibiers à plumes faisandés pendaient tristement au plafond de la cuisine. Loth déroula son mètre-ruban et mesura l'intervalle qui les séparait.

- Cinq centimètres exactement séparent chaque volaille de l'autre. Ce n'est pas normal ça, susurra Loth en redressant machinalement ses lunettes. Déo était surement atteint d'une forme de trouble obsessionnel compulsif. Il ne supportait ni le désordre, ni la dyssymétrie...

Il alla inspecter la chambre de Déo qui était dans le même état d'ordre maladif que le reste de la maison. L'armoire était vide en effet, tout avait été emporté en vue du voyage. Les éventuelles photos de famille aussi avaient disparu. Normal en somme pour quelqu'un qui envisageait de partir loin. De guerre lasse, Loth s'assit sur le matelas poussiéreux et se mit à parcourir les livres que Déo avait déposé au chevet de son lit. Il y en avait une dizaine là et tous ou presque traitaient de navigation, d'océanographie ou encore de charpenterie. En dessous de la pile, il dénicha deux petits volumes dont les thèmes différaient assez des autres pour l'intriguer. Ils traitaient de philosophie et de thérapie. Loth lut : « Smile : Introduction à la thérapie par le sourire, Smile II : Le pouvoir d'illuminer votre monde ».

- Une thérapie du sourire ? se demanda-t-il piqué au vif par la curiosité.

Sa mémoire eidétique aidant, il parcourut en quelque minute les deux volumes. L'auteur traitait de l'éloge du sourire, du remède qu'il était contre la plainte, le malheur et la douleur. Loth trouva cela instructif, dans la mesure où il savait que Déo avait perdu ses parents à dix ans. Il ne devait s'en être jamais remis et se dissimulait derrière une fausse bonne humeur, ou du moins un sourire et une joie de vivre éclatants pour ne plus y penser. Si le premier volume parlait de l'effet du sourire contre l'adversité et la perte des proches, le second lui s'intéressait plus à son effet contre l'isolationnisme de la maladie et son impact sur le monde. L'auteur insistait sur la "positive attitude" du sourire qui à elle seule permettait déjà de faire un pas dans le sens de la guérison.
« Et si vous souriez et pensez que la maladie est très loin, alors vous influencerez également votre entourage. S'ils vous croient guéri alors vous l'êtes. C'est le pouvoir de la pensée, c'est le pouvoir du sourire » avait conclu l'auteur en fin d'un chapitre.
De nombreux passages de ce volume avaient été entourés ou indexés comme si Déo avait voulu revenir dessus ou en méditer les vers.


Un sourire ne coûte rien et produit beaucoup.
Il enrichit celui qui le reçoit sans appauvrir celui qui le donne.
Il ne dure qu’un instant, mais son souvenir est parfois éternel.
Personne n’est assez riche pour s’en passer.
Personne n’est assez pauvre pour ne pas le mériter.
Il crée le bonheur au foyer, soutient les affaires.
Il est le signe sensible de l’amitié.
Un sourire donne du repos à l’être fatigué, donne du courage au plus découragé.
Il ne peut ni s’acheter, ni se prêter, ni se voler.
Car c’est une chose qui n’a de valeur qu’à partir du moment où il se donne.
Et si, toutefois, vous rencontrez quelqu’un qui ne sait plus sourire, soyez généreux, donnez-lui le vôtre.
Car nul n’a autant besoin d’un sourire que celui qui ne peut en donner aux autres…

- Éloquent... On dirait que notre orphelin souffrait de quelque chose d'autre que sa solitude...

Loth se souvint alors que Corinne Hugues lui avait dit que Déo boitait.
Il était venu dans sa maison à la recherche de ce genre de détail qui aurait pu échapper au commun des habitants de Tanuki. Une différence de thème d'un bouquin à un autre, le genre d'infime détail qui échapperait à même à un œil aguerri. Mais, lui, Loth, avait l'habitude des doubles sens, d'aller au-delà de l'évidence. Le diable se cachait dans les détails. Déo se forçait à sourire au quotidien, à contaminer son entourage avec un rire. C'est pour ça qu'il faisait le tour du village en hurlant son envie de partir, c'est pour cela qu'il avait fait le pitre pendant dix longues années. Un moyen d'attirer l'attention sur lui ? Pas vraiment, se dit Loth. Un moyen d'oublier son quotidien de solitude et sûrement de douleur ? Très probablement. Et cela était passé sous le radar de tout le monde. Mais son mal, quel qu’il fût, nécessitait sûrement un traitement quelconque.
Aussi, sans cérémonie, se mit-il à quatre pattes et retourna la chambre de fond en comble en cherchant une cachette secrète ou n'importe quoi qui pourrait lui donner un indice sur la nature des maux dont souffrait le jeune homme. Il frappa aux cloisons qui séparaient les différentes pièces en espérant entendre un bruit creux qui trahirait la présence d'une trappe. Après quinze minutes de furetage, la chance lui sourit sous la tête de lit. Il poussa le pucier et examina cette partie de la cloison en contreplaqué. Il jubila, elle était creuse, et quelque chose y était dissimulée.
Elle était là et c'était une boîte à pharmacie.

- Bon, je vais avoir besoin d'aide, se dit-il.

Les médicaments, et il y en avait plus d'une trentaine, étaient principalement faits d'herbes médicinales, de potions et de mixtures étranges dans des bocaux de verre, si bien qu'il lui fut impossible de deviner ce qu'ils soignaient. Heureusement, ils portaient tous le même sceau, une espèce de copyright apposé sur leurs emballages. Tous en bas, en petits caractères, figuraient les initiales O.B, sûrement celles du médecin traitant.
Toujours dans cet état d'excitation sans grand motif, Loth quitta les lieux et se rendit au cœur du village et demanda de plus amples renseignements (en faisant tout pour éviter les marines) sur les initiales en question. On lui signifia rapidement qu'il s'agissait de celles d'Oli Banga, un des deux tradipraticien de Loutry-in-bay.
Avide de réponses, il se rendit en hâte chez le guérisseur mais dû attendre plus de trois heures à cause du nombre élevé de patients en attente. Quand il fut enfin reçut, ce fut dans une pièce saturée de plus de vapeur qu'un fumoir. Des poufs étaient disposés sur le sol, les murs ornés de tapisseries traditionnels évoquant les arts traditionnels de Tanuki. Quelques cierges d'une horrible couleur sang brulaient, posées dans les orbites de quelques crânes de chèvres. Cultivant le mystère, Oli Banga émergea révéla sa peau basanée, son visage plat, ses Dreadlocks décorés d'un crâne et de plumes d'oiseaux de proie. Il ouvrit l'entretien d'une voix se voulant mystique.


- De quoi vous souffrez, fils ?

- Euh... Comment dois-je vous appeler ? Docteur ? Guérisseur ? ou Charlatan ? demanda Loth sans préambule, d'une voix d'où perçait un léger sarcasme.

- Je vois. Encore un sceptique. Je suis un guérisseur traditionnel, répondit-il paisiblement en ajustant autour de son cou son collier fait d'os de rongeurs. Mais, je suis aussi un "vrai docteur". Diplômé de diagnostic différentiel et de chirurgie orthopédique à l'académie de Drum, ajouta-t-il, non sans fierté, en désignant deux gros parchemins frappés d'un sceau à l'air officiel. J'associe à la médecine "normale et conventionnelle", la pratique traditionnelle et la science des herbes. Mais vous n'êtes pas venu ici pour consulter, je me trompe ?

- Non, Docteur. répondit Loth un peu plus en confiance en sachant que l'homme avait fait des études dignes de ce nom. Je suis un détective privé qui enquête sur une série de disparitions. Je sais que vous soigniez le jeune Déo Dorant. J'aimerais savoir de quoi.

- Secret professionnel. Il ne veut pas que ça se sache.

- Et moi j'enquête sur sa disparition et les informations que vous avez pourraient m'être cruciales.

- Disparition ? Ben non, il a quitté l'île, pour de bon cette fois. Il m'a averti deux jours avant son départ.

- Dans ce cas, vous ne verrez pas de mal à me les donner, vu qu'il est parti ? J'ai juste une sorte de mauvaise intuition à ce propos que j'aimerais éclairer. Un autre homme a disparu et on vient de le retrouver mort, il y a quelques heures. Déo clamait partout qu'il allait partir. C'est le profil type de l'individu qu'on enlève sans attirer l'attention.

- Wow, vous me faites flipper. Qui sur cette terre voudrait du mal à Déo et pour quelle raison ?

- Ça, c'est mon rayon docteur, à chacun son boulot. Je vous promets de traiter avec le plus grand respect les informations que vous me confierez. Mais, j'insiste, je dois les avoir, d'autres vies en dépendent, dit Loth, le visage grave. Sa maladie avait-elle un rapport avec sa légère infirmité dont on m'a parlé ?

- D'accord, d'accord, balbutia Oli Banga après un temps d'hésitation. Il y a cinq ans, il a fait une terrible chute à cheval qui lui a brisé la cuisse droite. Malheureusement, le médecin qui l'a pris en charge -il est décédé depuis- ne l'a pas bien traité, l'os s'est mal soudé. Si mal qu'il a entrainé des complications graves telle que la formation de caillot de sang dans les veines de la cuisse. Il y a eu anévrisme puis infarctus musculaire du quadriceps fémoral gauche. Je vous épargne les détails techniques mais en un mot, un muscle de la cuisse est mort et il souffrait mille douleurs. J'ai fait de mon mieux compte tenu de l'environnement.

- L'environnement ?

- Nous sommes à Tanuki, pas à Drum ni à Marijoa. Je l'ai opéré, j'ai enlevé le muscle nécrosé. Je lui ai sauvé la vie mais les séquelles furent lourdes. Il avait mal, une douleur constante qu'il conservera sûrement toute sa vie. Et pour l'atténuer un maximum, il devait suivre un traitement lourds composé d'une dizaine de médicaments par jour. Sa vie était devenue encore plus pénible, mais ce garçon ne s'est pas plaint une seule fois, il continuait à sourire. Toujours.

- Je vois. C'est exactement ce genre de chose que j'attendais. C'est la cuisse droite qu'il s'est cassé, vous dites ?

- Oui.

- Parfait. Merci, Docteur, ça va beaucoup m'aider. Mais, j'aurais encore besoin de vos services.
Il y a une jambe droite esseulée que j'aimerais que vous examiniez.



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- Une contre-expertise ? Pourquoi ?

Le crépuscule jetait le rideau sur sa deuxième journée d'enquête sur Tanuki. À l'abri d'un citronnier dans le verger des Purple, loin des oreilles indiscrètes, Loth, suivi du Dr Oli Banga, s'entretenait avec Clover Coffee. Ses yeux étaient plus bouffis de chagrin que jamais.

- Et bien... hésita Loth qui savait la question délicate, je pense que nous devrions confirmer les conclusions du médecin légiste de la marine. Je n'ai pas confiance en ses qualités.

- Que cherchez-vous de plus ? J'ai moi-même identifié le corps, la main et le tatouage, dit-elle d'une petite voix enrhumée.

- Euh... un tatouage, ça s'imite et puis, après une semaine de décomposition, comment pouvez-vous en être sûre ?

- Le corps n'était pas si décomposé que ça. C'était sa main, j'en suis sûre. Attendez ! Qu'est-ce que vous insinuez ? Que ces restes ne sont pas ceux d'Ormad ?! demanda-t-elle en un souffle, le visage luisant d'espoir.

- Je ne sais pas ce que je cherche et je ne suis pas sûr de mes soupçons, déclara fermement Loth qui ne voulait pas lui faire miroiter de faux espoirs. Je veux juste que vous nous donniez, au Dr Banga et moi, l'autorisation d'accès aux restes, histoire de faire une contre-analyse. Nous serons fixés après, mais en l'état, je ne peux jurer de rien.

- D'a.. d'accord. Allez-y.

- Mais gardez ça pour vous. La marine vous a remis le corps, alors elle n'a pas besoin de savoir ce qu'on en a fait après. N'en dites pas un mot à quiconque. Ni à votre sœur, ni à votre mère. D'ailleurs, comment va Mme Purple ? demanda Loth en se rendant compte qu'il ne l'avait pas vu de la journée à cause des évènements.

- Mal. Elle avait fini par aimer Ormad, répondit Clover dont les yeux s'embuèrent aussitôt faisant regretter à Loth d'avoir posé sa question.

[...]

- Alors ? demanda Loth avec empressement dans l'atmosphère fétide de la pièce qu'ils avaient requestionnée pour l'autopsie de ce qui restait du corps trouvé dans l'étable N°4.

- Doucement, jeune homme, ce n'est pas une course de fond. Les tissus sont très dégradés, et les larves s'y donnent déjà à cœur joie, mais en moindre nombre et taille que ce qu'ils auraient dû être après une semaine.

- Comment ? Le médecin de la marine a raté quelque chose ? Je savais qu'il ne valait rien.

- Regardez. Ce sont des larves de Calliphora vicina, la mouche bleue. Et elles font 6mm, ce qui correspond à leur stade de développement cinq jours après la mort de l'organisme.

- Donc, cet homme a été tué il y a cinq jours ? Pas une semaine ?

- Non, c'est possible qu'il ait été tué il y a une semaine. C'est même très probable. Prenez cette loupe et regardez cette partie du bras. Vous voyez ces cellules éclatées ? Ce n'est pas un signe de décomposition mais de cristallogenèse.

- Le corps aurait été conservé dans un endroit froid ? Pendant deux ou trois jours avant de l'exposer à l'air libre pour que le processus de décomposition suive son cours ?

- C'est ça. Vous comprenez rapidement, jeune détective. Maintenant observez cette section, dit-il en attirant l'attention de Loth sur l'arrière-bras. Vous voyez ? Malgré que la chair ait été entamée par les cochons, l'os est intact et vous voyez cette entaille nette et régulière ? Cette inclinaison parfaite ? Aucune dentition de cochon ne laisse ce genre d’empreinte, c'est soit l’œuvre d'un sabre, soit d'une technique tranchante.

- Le bras aurait été sectionné ? Pas détaché par les animaux ? Intéressant.

- Les coupables ont peut-être démembré la victime avant de la jeter dans le bâtiment aux porcs. Et pour finir, cette main est atteinte d'onychomycose autrement dit, la mycose des ongles. Ce qui n'était pas le cas de Déo Dorant.

- Vous êtes sûr ? demanda Loth très déçu.

Pour une raison ou une autre, il avait été certain que le corps démembré était celui de Déo Dorant. Tous les indices concordaient, il avait eu le temps d'y réfléchir. D'après Corinne Hugues, le jeune homme faisait 1m80 alors qu'Ormad Coffee en faisait 1m78. Tous deux se situaient donc dans l'intervalle de confiance 1m76 à 1m85 qu'avait calculée Loth à partir de la taille du fémur droit de la jambe solitaire trouvée. Ensuite, sur les photos qu'il avait de lui, Ormad Coffee avait les cheveux couleur paille. Déo avait la chevelure d'un blond terne. Le scalpe retrouvé parmi les restes arborait aussi des mèches blondes.
Loth était certain que le profil "en partance" de Déo Dorant faisait de lui une victime de substitution de choix.

- Bon, c'est dommage. Mauvaise pioche, mauvaise piste. C'est inutile de continuer...

- Qu'est-ce que... ?! Seigneur tout puissant, non, non... Déo ! marmonna-t-il, les yeux écarquillés.

- Quoi Déo ? Où ça ? demanda avidement Loth.

Sous la visière-loupe du docteur, se trouvait la jambe esseulée. Même l’œil amateur de Loth pouvait affirmer qu'il lui manquait une bonne partie de la cuisse. Cela ne semblait pas dû à la décomposition, ni au travail des dents de cochons. La partie en question était cicatrisée depuis bien longtemps et formait une sorte de dépression sur un côté de la cuisse. L'endroit où le muscle nécrosé avait été enlevé...

- C'est sa jambe, je n'ai aucun doute... balbutia le docteur pris d'épouvante. C'est la jambe que j'ai soignée. C'est Déo.

- Mais vous venez de dire que ce bras gauche n'est pas le sien...

- Et je confirme.

- Vous voulez dire.. qu'il y a deux victimes ? bégaya Loth qui sentait monter en lui l'habituelle excitation qui précédait les découvertes clés durant une enquête.

Le Docteur Oli Banga ne répondit pas de suite et continua son examen. Après la jambe, il passa au cuir chevelu puis au crane complètement broyé trouvé dans l'étable. Une grande minutie aiguillait ses gestes mais Loth sentait malgré tout son désarroi. Compréhensible, l'homme examinait peut-être les restes de quelqu'un qu'il avait connu depuis l'enfance. Il acheva son analyse puis sortit de la pièce pour prendre l'air d'un air très affligé. Loth le suivit.

- Le bilan est simple, le calcul à faire aussi.
Il y a un crâne humain écrasé, donc une victime certaine. Il y a une jambe et un bras qui n'appartiennent pas au même individu. La jambe ayant été retrouvée en intégralité, déchiquetée et arrachée au reste du corps au niveau du bassin, j'aurais tendance à affirmer que l'individu auquel elle appartenait n'a pas pu survivre à une telle blessure. Je pense que la jambe et la tête écrasée appartiennent à la même personne. Vu le travail des cochons autour de la jambe, je pense que c'est le corps en entier qui a été offert aux omnivores. L'état du crâne me fait dire que la victime est tombée d'une falaise ou du moins que quelque chose de très lourd lui a écrasé la boite crânienne la réduisant en granulé.


- Donc si la jambe appartenait à Déo, ça voudrait dire qu'il est mort ?

- Sûrement, affirma-t-il en crispant des yeux. Le bras, par contre, comme on l'a vu, a été sectionné à la moitié de l’humérus. C'est une blessure grave mais pas forcément mortelle. Et comme les cochons ont tout dévoré, deux possibilités s'offrent à nous. Soit il y avait juste le corps de Déo en sus de ce bras appartenant à Ormad Coffee, ce qui voudrait dire que ce dernier a des chances d'être encore en vie, soit il y avait deux corps, celui de Déo et de Coffee.

- Je pense que la première option est la meilleure. Après une semaine de disparition, que le corps réapparaisse avec des signes d'altérations volontaires et extérieures du visage m'a tout de suite mis la puce à l'oreille. Je m'attendais à ce que le corps ne soit pas celui de Coffee mais là... C'est au-delà de mes espérances les plus folles et ça ne fait que confirmer ce que je soupçonne depuis le début. Cette affaire n'est pas juste une simple histoire de fronde sociale. Il y a volonté de maquillage et de couverture.

- Qu'est-ce que ça veut dire ?

- Ça veut dire, et je le crains, que Déo Dorant n'ait été qu'une victime de substitution destinée à faire croire au monde qu'Ormad Coffee était mort. Ceux qui sont derrière ça ont été jusqu'à couper le bras du véritable Coffee pour que sa femme le reconnaisse.
Ad Joint disait que le coupable voulait se débarrasser du corps en le jetant en pâture aux cochons, mais c'est faux, il voulait qu'on le trouve ainsi. Il a sûrement fait deux passages. En premier, il y a deux jours, juste après le nettoyage de la litière, pour jeter le corps de Déo histoire que les cochons s'en repaissent ; puis il est revenu très tôt ce matin pour ajouter le bras gauche, qui lui était destiné à être découvert. Il savait que le bâtiment serait nettoyé tôt. Sûrement avait-il espéré que les cochons soient trop repus pour s'attaquer à ce morceau. Ce morceau était le clou du montage, il ne devait pas être mangé, il devait être laissé intact, parce qu'il y avait le tatouage dessus en plus de l'alliance. Clover Coffee devait le reconnaître, c'était impératif pour le coupable.


Sans prendre conscience qu'il pensait à voix haute, Loth continua d'émettre des hypothèses sur la nature exacte de cette affaire. Il n'en doutait pas, le Front ne pouvait pas mettre en œuvre une opération aussi sophistiquée.
Qu'en était-il de Joyce Purple qui était son premier suspect ? Cette jeune fille ayant grandi chouchoutée et cajolée aurait-elle pu manigancer une opération aussi efficace et morbide ?
Non, se dit-il, il fallait voir au-delà, cette intrigue outrepassait largement le cadre d'une haine fraternelle.

C'était déjà une chose que de tuer un innocent, de défigurer son cadavre et de le faire passer pour un autre. Mais c'en était une autre, et à un niveau bien plus élevé, de conjuguer un faux cadavre et un membre de la personne qu'on souhaitait faire passer pour morte de façon à ne laisser aucun soupçon durant l'authentification. Ormad Coffee était et demeurait la cible d'un groupe entraîné qui souhaitait le faire disparaître. En l'état actuel de ses conclusions, Loth se disait qu'il était fort probable que Coffee soit encore en vie, prisonnier quelque part.
Tout à coup, les différents morceaux du puzzle s'assemblèrent dans le cerveau de Loth. Il comprenait mieux à présent !
Il avait eu raison de penser qu'El Padre avait été torturé Antemortem. Quelqu'un lui avait infligé des blessures pour lui faire avouer des informations et l'avait tué après. La tête de cochon servait à semer la fausse piste du Front. Il avait aussi eu raison de penser que la vieille Lauren Purple n'était pas visé durant la toute première attaque attribuée au Front. Ils voulaient s'en prendre à Coffee mais ce dernier réussit à les repousser ce jour-là. Malheureusement pour lui, leur seconde tentative fut plus fructueuse et aujourd'hui, il était prisonnier de ces ennemis invisibles, en plus d'être maintenant manchot.

Mais qui diable était, ou est cet ennemi ? se demanda Loth en pensée. L'organisation, le professionnalisme, la minutie de l'opération était militaire, à n'en pas douter. La marine ? Était-ce pour cela qu’Ad Joint semblait lui cacher quelque chose ? C'était probable, il devait en savoir un rayon sur l'affaire mais la discrétion des frappes et le désir manifeste de ne rien ébruiter semblait désigner un autre groupe plus entraîné que la marine à ces opérations de l'ombre.
Le Cipher Pol.
S'il avait raison, se serait la première fois qu'il aurait affaire aux services secrets du Gouvernement et loin de l'apeurer, cette perspective l'excitait. Démettre l’inextricable et percer les voiles de ces hommes de l'ombre, que du plaisir à venir ! Mais, il lui fallait désormais être prudent, il connaissait la réputation de ces agents. S'ils n'avaient eu aucun scrupule à éliminer un jeune garçon épris d'aventure pour couvrir un enlèvement, ils n'auraient pas davantage de cas de conscience à l'éliminer lui, le gêneur, le fouineur.

Donc, reprit-il toujours en pleine gymnastique intellectuelle, Ormad Coffee était la cible du Cipher Pol. Supposons.
Coffee s'était installé sur Tanuki depuis six ans auparavant en provenance de Luvneel. Du moins, c'est ce qu'il avait raconté aux villageois. Était-il un agent félon ? Un révolutionnaire ? Et El Padre était-il de mèche avec lui ?
Pour analyser la situation, il lui fallait se baser sur des faits et non des hypothèses fumeuses.
Que savait-il d'autre sur Coffee ?
L'homme était le chargé de marketing et du contrôle qualité de la nouvelle filière. Avec sa femme, ils géraient le business du cochon. Des cochons qui provenaient de ...

- Canaan ! beugla Loth, soudain frappé par une vérité voilée. Ils importaient une race de cochon endémique de Canaan qu'ils élevaient, puis abattaient ensuite pour leur revendre sous forme de produits finis ! Tout commence et fini à Canaan !

- Pardon ?

- Hein ? Ah euh, rien, je réfléchis tout seul, faites pas attention, marmonna-t-il en se rendant compte qu'il avait totalement oublié la présence du Dr Oli Banga.

Était-ce ça la clé ? Canaan "Le Pays de Fer" ?
Dès le moment où Clover Coffee lui en avait parlé, Loth avait été intéressé. Il voulait s'y rendre, il voulait savoir ce que c'était que de vivre dans un pays dont le régime menait une politique répressive contre sa population et tous les dissidents férus de liberté. Il savait aussi qu'un mouvement révolutionnaire -bien entendu réprimé dans le sang- nommé les Frères de Fer sévissait toujours dans le pays, faisant parler de lui de temps en temps par des coups d'éclats. Même si Canaan était membre du Gouvernement, il aurait tout aussi pu ne pas l'être, tellement la xénophobie était cultivée par le régime. Loth imaginait aisément le Gouvernement Mondial comploter pour faire tomber les dirigeants de Canaan et mettre le pays sous sa propre coupe.

Si Ormad Coffee n'était pas un révolutionnaire anti-Gouvernement mondial, s'il n'était pas un traitre du Cipher Pol, alors était-il un dissident de Canaan ? Son gouvernement despotique lui avait-il donné la chasse ici même à Tanuki ? Le Gouvernement Mondial avait-il eut vent de l'affaire et ordre avait-il été donné à Ad Joint de retrouver et de protéger Coffee ? Ou encore, Coffee était-il un agent du Cipher Pol qui s'infiltrait souvent à Canaan et dont la couverture avait été compromise ?
Le cerveau de Loth tourbillonnait de suppositions tentaculaires.

Sûrement, pensa-t-il, que la mise en place de la filière du cochon n'était pas du tout un fait du hasard ou de l'opportunité d'affaire. Il poserait la question à Lauren Purple mais il était déjà certain qu'Ormad Coffee devait en être pour beaucoup dans le lancement de cette entreprise. Cette affaire lui permettait de se rendre en toute légalité à Canaan, peut-être pour rencontrer un contact qui lui fournissait des informations ? Oui, se dit Loth, c'était probablement ça. Mais si Coffee pouvait se rendre périodiquement dans le pays, cela excluait qu'il ait été un dissident actif au grand jour.

Bon, conclut Loth, il était inutile de se perdre en conjectures, il devait parler de ses conclusions à quelqu'un. À Clover Coffee qui pourrait l'éclairer davantage. À Lauren Purple pour savoir comment lui était venue l'idée de l’élevage du cochon. Il prit congé en remerciant infiniment le Dr Oli Banga tout en lui recommandant fermement de ne parler à personne de ses découvertes. Il lui précisa, si besoin était, que les gens qui agissaient dans l'ombre ne s'alarmaient pas de dommages collatéraux.
Déo en était la triste preuve.

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Une vieille pendule de grand-mère sonnait sept heures du soir quand Loth se présenta chez les Purple, enrichi par cette soirée de travail. Il devait parler à la mère et à sa fille aînée. Son choix se porta sur la maternelle. Il demanda donc à s'entretenir avec la matriarche de la famille, seul à seule, malgré les objections de ses filles. Clover voulait de suite savoir ce qu'avait découvert Loth durant la contre-autopsie, et pour une raison inconnue, Joyce Purple, de son air suffisant, voulait obligatoirement être présente durant l'entretien. Même si Loth avait fini par conclure qu'elle n'avait pas l'étoffe pour monter cette affaire, il ne put s’empêcher de penser qu'elle tenait à cacher quelque chose. Donc, après quelques protestations, des insultes crues échangées, un début de bagarre entre sœurs, la voix de la reine-mère tonna et s'abattit comme un couperet, ce qui ramena les deux sœurs à l'ordre. Avec un plaisir malin, Loth leur claqua la porte au visage, les laissant pantoises et enragées dans le couloir.

- Je les ai trop gâtées ! déclara Lauren d'une voix énergique.
Elle semblait s'être remise de son malaise de la veille.
Toi dégage de là, ne va pas faire tes cochonneries sur mon lit !

Elle gesticula vers un coin de sa tête de lit, et quelque chose de vivant émergea des draps. Un cochon nain rosé habillé et stylisé, le même que Loth avait vu dans les bras de Joyce la veille. L'animal émit un son perçant, sauta du lit et tenta de filer mais on aurait dit qu'il avait du mal à avancer.

- Elle est pleine ? demanda Loth qui s'y connaissait bien en animaux, ayant passé ses sept dernière années à s'occuper des bestiaux de l'île de Craie.

- Dieu, qu'est-ce que j'en sais ?! Joyce l'a emmenée voir un vétérinaire hier. Il pense qu'elle a des ballonnements. Quelle idée d'avoir un cochon pour animal de compagnie... marmonna-t-elle en voyant la créature de la taille d'un chat s'engouffrer dans une trappe aménagée dans la porte pour rejoindre sa maîtresse. Que voulais-tu me demander qui nécessite un aparté, fils ? C'est en rapport avec la mort tragique de mon beau-fils ?

- Oui. Je vais directement aller au but vu qu'il n'y a pas de temps à perdre et j'aimerais que vous soyez aussi franche avec moi. C'est lui qui vous a donné l'idée de vous lancer dans ce commerce ? Clover m'a dit qu'elle n'était pas en accord avec ce projet, à ses débuts.
C'est très important pour la suite,
précisa-t-il sous le regard inquisiteur de la vieille.

- C'est important de savoir pourquoi je me suis lancée dedans, maintenant qu'un membre de ma famille est mort ?
Si tu tiens à le savoir, Ormad n'a rien à voir dedans. Il était lui aussi contre cette idée, comme sa femme, ma fille aînée. Seule Joyce m'a apporté son soutien, c'est elle qui m'a soufflé l'idée alors que j'explorais les pistes pour diversifier mes activités. Au début, ça m'a paru farfelu, une simple idée de gamine mais en fait, je me suis rendue compte que la filière était d'or une fois les premières prospections terminées. Malheureusement bien sûr, y a eu cette opposition fâcheuse qui a causé tous ses malheurs...


- Joyce ? répéta Loth très étonné.

Joyce ? Non, quelque chose avait dû lui échapper dans cet imbroglio de suppositions. Joyce qu'il avait soupçonné d'avoir fait voulu disparaitre son beau-frère puis forcé de revoir sa position par la force des évènements ? Mais il y avait encore deux minutes, il avait ce sentiment qu'elle tenait une clé importante, qu'elle lui cachait quelque chose...
Était-ce de ça que son instinct voulait le prévenir ?
Il n'attendait pas une telle réponse, il était sûr que Lauren dirait que la nouvelle filière était une idée de Coffee. Filière dont il se servait sûrement pour faire ce qu'il avait à faire à Canaan, si ses suppositions étaient bonnes. Que venait faire Joyce Purple dans cette histoire ?

- Votre fille, Joyce, a-t-elle toujours grandi ici ? demanda-t-il malgré lui, pour éclaircir les aptitudes de la cadette de la famille, une fois pour toute.

- Oui toujours. Bien sûr elle a été en vacance sur d'autres îles mais c'était y a longtemps. Elle a la santé fragile, hérité de son père. Les villes grandes ne lui réussissent pas, ni les climats trop tempérés ou froid. En fait, seul l'air de Tanuki lui convient.

- Donc elle ne fait pas des déplacements d'affaire comme sa sœur ? Elle ne se rend pas à Canaan ? demanda Loth.
C'était son dernier espoir de trouver un sens à cette affaire.

Lauren Purple répondit par la négative rendant Loth plus confus que jamais. Si Joyce ne quittait quasiment pas l'île, aucune chance qu'elle ait pu faire partie d'une quelconque faction d'un groupe tout aussi quelconque. Le lien entre cette affaire de cochon et Canaan, Loth refusait de croire qu'il puisse s'agir d'une simple coïncidence. Si elle ne partait pas en vadrouille, alors, ce seraient les vadrouilles qui seraient venues la trouver à Tanuki ? Pourquoi pas.
Il resta silencieux des minutes durant, sous le regard inquisiteur de la vieille qui semblait vouloir lire ses pensées, faisant de savantes gymnastiques intellectuelles. Au dehors, quelque part dans le salon, il entendit Joyce hurler après Clover qui répondit par un beuglement encore plus fort. Elles se disputaient. C'était toujours ainsi, depuis la naissance de Joyce, depuis qu'elle savait parler, tout le monde l'avait confirmé. Comme un poison, les mots de leur dispute commencèrent à imprégner Loth et à l'entourer comme une camisole. Il voyait maintenant certains détails sous des jours nouveaux. Il leva les yeux vers leur mère. C'était elle la coupable, c'était elle qui avait monté les filles l'une contre l'autre, poussée par la haine qu'elle avait pour le père de Clover. Un ressentiment qui avait fini par déteindre sur Clover. Loth se souvint alors, de leur discussion de la veille, de ce qu'elle lui avait dit sous les larmes. Un détail en particulier vibra plus fort que tout le reste.

- Joyce a toujours envié Clover n'est-ce ?

- Quoi ? aboya la vieille. Mais non, c'étaient des enfants, ça se comprend. Elle prenait sa sœur pour modèle c'est normal qu'elle...

- Je vous ai déjà dit de ne pas tourner autour du pot, madame. Vous m'avez appelé ici alors je compte bien faire le travail jusqu'au bout, vous en déplaise. Je ne compte pas vous juger, mais le fait est qu'en autorisant et en confortant Joyce dans ses caprices depuis l'enfance, elle a développé envers sa sœur, une attitude semblable à celle de la pie ou de la corneille. Attirée par tout ce qui brillait, par tout ce que possédait sa sœur. C'est étrange d'ailleurs vu que c'est elle, votre préférée et sa sœur, la délaissée. Étrange mais pas contradictoire, Joyce veut et voulait plus que ce que vous lui montriez. Elle ne voulait pas être votre préférée, elle voulait être la seule fille.

- Qu'est-ce que tu insinues... ?

- Qu'au fil des années, la haine par procuration que vous infligiez à votre aînée a diminué. Au point que vous vous soyez opposée à son mariage, soucieuse que l'homme qu'elle choisissait ne soit en fait qu'un escroc. Joyce aurait sûrement été plus heureuse si vous les aviez reniés tous les deux, mais vous avez plié quand Clover a fait ses bagages pour partir avec son homme. Là, vous avez tout gâché, Joyce a vu qu'en dessous de cette couche de méchanceté de jadis, vous teniez à votre aînée. Qu’elle, Joyce, n'était pas si unique dans votre cœur qu'elle le pensait.
Je suis certain qu'elle a pensé à se débarrasser de sa sœur, plusieurs fois même, mais elle n'en a jamais eu le courage. Du coup, après cet évènement qu'elle a dû considérer comme une trahison de votre part, elle a ravalé sa fierté et à opter pour le plan B, celui qu'elle choisissait toujours elle ne pouvait pas avoir ce que sa sœur possédait. Je ne me trompe pas qu'au cours de leur enfance puis adolescence, vous avez fermé les yeux sur de petits méfaits de Joyce ? Une poupée éventrée, une collection unique de brosse à cheveux appartenant à Clover mystérieusement disparue, peut-être ?
demanda Loth, sans pitié, sous le regard de plus en plus horrifié de Lauren Purple. Il avait l'impression de lire l'histoire de la famille comme si le livre était ouvert devant lui.

- En ne la punissant pas, vous avez autorisé Joyce à déposséder sa sœur de ce qu'elle ne pouvait pas avoir en doublon pour l'égaler. Donc naturellement, cette aptitude à refait surface quand elle s'est mariée. Elle ne pouvait pas avoir le mari de sa sœur en doublon, et un homme, ça ne s’achète pas au marché... Mais un homme, ça se séduit... C'était le meilleur moyen de détruire le bonheur nouveau de sa sœur. S'accaparer son mari.

- Non ! pleura Lauren prise soudain de sa crise respiratoire, sous le choc des conclusions dures de Loth. Elle n'aurait jamais pu... jamais... Quelle preuve...

- La preuve, vous me l'avez apportée. C'est elle qui vous soufflé de vous lancer dans ce commerce, c'est ce que vous avez dit. Ce que vous ignorez, c'est ce que cette activité n'était destinée qu'à couvrir une opération secrète d'espionnage et il n'y a aucun moyen pour que Joyce y ait été mêlée si quelqu'un, Ormad Coffee j'en suis sûr, ne lui en avait pas parlé. Et pour qu'il ait réussi à la convaincre de vous soumettre ce projet, ils devaient être proche, ce qui ne pouvait pas se faire normalement ou naturellement, d'un beau-frère à une belle-sœur au vu de la haine réciproque que se vouent les filles. Vous me suivez, madame ? Suffit de faire un plus un.
Et, si besoin est, en guise d'autre preuve et j'avoue m'être gouré dessus hier, j'ai vu Joyce chez El Padre avant sa mort. Hier, je pensais qu'elle y était pour commanditer l'enlèvement de son beau-frère pour faire souffrir sa sœur, mais avec ces nouveaux éléments, je pense plutôt qu'elle y était pour les mêmes raisons que moi, pour savoir et explorer les pistes concernant sa disparition. Et si j'ai raison sur ce point alors ça ne voudrait dire qu'une chose, Joyce est tombée dans son propre piège et a fini par tomber amoureuse du mari de sa sœur à force de vouloir le séduire.
Non, pardon, je rectifie. Elle aussi n'est qu'une victime, elle ne savait pas, et Clover non plus, à qui elles avaient affaire. Ormad Coffee est un serpent, il s'est donné les moyens de ne pas faillir à sa mission. En épousant votre fille ainée, il s'assurait d'être impliqué dans les affaires de la famille, en ayant une liaison avec la cadette, il s'assurait d'avoir quelqu'un qui puisse vous murmurer dans les oreilles. C'est ainsi que vous avez monté le commerce porcin. C'est ainsi qu'il a eu sa couverture pour aller sur Canaan.
Maintenant, veuillez m'excuser, je dois aller parler à Joyce, dit-il en sortant de la chambre, laissant la vieille dans un état de confusion avancée, secouée de sanglots.


Loth s'en fichait éperdument. C'était de la faute de cette vieille mégère. Lui qui avait été esclave pendant onze années de sa vie ne supportait pas l'idée qu'on puisse monter ses enfants les uns contre les autres de cette manière. L'atmosphère conflictuelle qu'avait instaurée Lauren Purple avait permis à ce reptile d'Ormad Coffee de se jouer de la famille. À l'égard de l'homme, Loth ne ressentait maintenant que de l'irritation et de la colère, bien dissimulée et maîtrisée. Il ne voulait plus le retrouver pour lui sauver la vie mais pour lui coller son poing dans la figure pour s'être ainsi moqué et avoir exposé cette famille à des dangers extrêmes.
Peu lui importait aussi la nature ou la noblesse de sa mission et de ses activités sur Canaan.

[...]

- C'est inutile de monter sur vos grands chevaux, tout aussi inutile de nier. Je sais tout, acheva Loth d'une voix sans réplique.

Il était assis dans un sofa rembourré tout rose dans la chambre de Joyce, toute rose aussi. Avec minutie, il lui avait détaillé les moindres plis de ses conclusions pendant que Candy, le cochon nain grognait en sautillant partout. Volontairement, Loth omit de révéler qu'Ormad était probablement vivant. Joyce l'avait écouté, impassible, totalement de marbre. Loth ressentit pour la première fois de l'empathie pour elle, pour ce qui était de ne rien laisser paraître de leurs sentiments, ils se ressemblaient.

- Vous avez vu juste, répondit-elle d'une demi voix moins haute qu'un murmure. Oui, je sortais avec Ormad, c'est pour ça que je me suis rendue dans la capitale pour voir Padre. Il m'avait dit qu'ils avaient eu des démêlés pour une histoire de jeu d'argent. Je ne le soupçonnais pas, je requerrais son aide, c'était un homme puissant ici, il avait peut-être entendu des choses.

- Ah, donc finalement, Candy n'était pas malade ?

- Hein ? demanda-t-elle étonnée par ce soudain changement de sujet. Bien sûr que si, son estomac la fait toujours souffrir répondit-elle en serrant la créature dans ses bras.

- D'accord, passons. C'est aussi Ormad qui vous a demandé de diriger votre mère dans le commerce du cochon, n'est-ce pas ?

- Oui. Il était très intelligent, il voyait à des kilomètres les choses que les gens comme nous ne verrons même, si elles étaient sous notre nez.

- Nous ? Vous surement. Moi, certainement pas. Enfin, donc, vous ignorez toujours ce qui se cache derrière cette filière ? Bien sûr, il n'a été honnête avec personne, ça aurait été de la folie...

- Comment ça ce qui se cache derrière ? Il me disait tout, tout ! dit-elle en élevant la voix, trahissant pour la première fois, des signes d'anxiété. Il me disait les choses qu'il cachait à cette courge de Clover. C'est moi qu'il aimait le plus !

- C'est le propre de tout bon vendeur de dire à ses clients ce qu'ils ont envie d'entendre, ma chère. Votre sœur, comme vous-même, n'étiez que des pions sur l'échiquier de cet homme. Il ne mérite, ni votre amour, ni votre dévotion et surtout pas celui de votre sœur qui est mille fois une meilleure personne que vous, dit-il en regardant Joyce avec une sorte de pitié mélangée à du dégoût. Vous êtes encore un enfant, j'espère que vous grandirez en mieux.
Et il sortit de la chambre en claquant la porte.

[...]

Il lui arrivait très rarement de sortir de ses gonds, et ce jour était de ceux-là. Il s'évertuait toujours pour ne pas laisser ses sentiments l'aveugler mais ce qu'il découvrait ne le laissait pas aussi indifférent qu'il l'aurait voulu. Le meurtre gratuit de Déo et toute la puanteur familiale des Purple qui aura permis à cette langue de serpent d'Ormad Coffee de s'installer.
Il était près de vingt-deux heures quand il exposa en partie ses conclusions à une Clover dans le total déni. Il lui révéla la liaison de son mari mais se garda de lui dire qu'il était sûrement en vie. Il lui expliqua par contre ce qu'il pensait se cacher en dessous de l'exploitation porcine, du probable travail d'espion de Coffee, ce qui aura conduit des hommes très dangereux à s'en prendre à lui. Elle en resta si hébétée qu'elle ne put pleurer.

- La main de Coffee portait des signes de conservation par température basse. Avez-vous une chaine de froid pour conserver la viande de porc ?

- Une... une c..chaine de f..froid ? bégaya Clover encore sous les chocs successifs. N..Non. La viande est séchée, salée ou fumée après l'abattage.

- Si vous n'avez pas de chaine de froid alors qui ? Comment se débrouille la morgue pour conserver les cadavres par exemple ?

- Avec des b..barres de glaces, je crois.

- Qui viennent d'où ?

- De Frogel. C'est une grotte à l'ouest du village. Elle regorge de ce que les habitants d'ici appellent les Glaces Éternelles parce qu'elles sont là toute l'année et depuis des siècles.

- Ça semble parfait pour conserver un corps. Je note, je vais aller inspecter ça demain.
Maintenant dites-moi, quand vous vous rendiez à Canaan, comment procédiez-vous ? Vous suiviez Ormad partout ? Où se rendait-il ? A qui parlait-il ?


- Aucun de nous n'avait la liberté des mouvements, hein. Les étrangers avec un visa d'affaires sont cantonnés au quartier du port et durant le séjour, deux agents de la garde impériale par personne nous suivaient comme des chiens. Durant les négociations, les ventes, tout, tout.

- Si vous étiez constamment surveillés, alors c'est que son contact et lui se transmettaient les informations par un autre moyen. Les espions peuvent se montrer très imaginatifs.

- C..c'est démentiel. V..Vous êtes sûr qu'Ormad ... ?

- Certain, coupa Loth d'une voix tranchante. C'était un espion doublé d'un infidèle, d'un manipulateur et sûrement d'un tueur. Faites-vous une raison, ça vaudra mieux que....

BANG ! BANG ! BOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOUUUUUUUM ! ! !

- Nom d'une pipe ! Qu'est-ce qui se passe encore ?!


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Plusieurs choses avaient semblé se dérouler simultanément. Tout d'abord était venu le son, celui très reconnaissable d'une balle qui sifflait. Un coup puis deux. Suivi ensuite du boum caractéristique d'une grenade qui explosait. Le manoir en vieille essence d'if trembla violemment. Des volutes de poussières accumulées depuis des siècles tombèrent des plafonds. Loth s'était précipité juste à temps pour extraire Clover de son lit, juste au moment où une poutre se détachait du mur pour s'écraser bruyamment là où elle s'était trouvée deux secondes plutôt. Vautrés à l'horizontal, ils attendirent que le calme revienne. Des plaintes, des cris et des hurlements provenaient de partout dans le château. Quelqu'un avait ouvert les vannes de l'enfer.
Clover sur ses talons, Loth sortit et chercha à connaître la cause de cette apocalypse même s'il en avait déjà une bonne idée. Les ennemis invisibles qui en voulaient Ormad Coffee passaient à l'action. La rumeur des cris les menèrent directement au quatrième étage du manoir où se trouvaient les appartements de Joyce. La scène sous leurs yeux ressemblait proprement à celle d'un champ de bataille. Une partie de l'étage était en feu, sûrement dû à l'explosif employé. Des shrapnels de bois avaient volés dans tous les sens et tapissaient maintenant le sol-parquet. Des poutres, des cloisons éventrés pendaient lamentablement ici et là. Une étrange pluie de plume provenant des oreillers et du lit éviscérés de Joyce voletaient et tombaient lentement. Le temps semblait suspendu et le choc était encore trop grand pour ceux qui étaient présents à l'étage pour céder à une réelle panique.
Un petit son déphasé de la situation actuelle les interpella puis se révéla être Candy, le cochon nain de Joyce. L'animal se précipita sur une Clover toute hébétée.

- Qu'est-ce qu'ils ont fabriqué ? demanda Loth avec consternation en cherchant Joyce des yeux.

Il finit par repérer et extirper un corps sous les décombres à l'aide des garçons de ferme qui vivaient là. À son grand dam, il s'agissait d'une des servantes personnelles de Joyce. Elle était en mauvais état mais parvint tout de même à leur faire comprendre via des mots hachés que sa maîtresse avait été enlevée par des hommes. Elle indiquait de son index ensanglanté l'ouverture béante dans la cloison qui avait dû être celle d'une fenêtre.
Loth s'y hâta et repéra des traces de sang sur les murs en bois massifs. Les traces suintaient à la verticale, vers le vide, comme si quelqu'un s'était frotté contre les murs extérieurs en descendant en rappel. Sans réfléchir davantage parce qu'il n'y en avait pas lieu, il se rua dans les étages inférieurs direction la pelouse. Il l'atteignit en un rien de temps. De sa position, le quatrième étage était haut mais pas impossible à atteindre, plusieurs balcons disposés sur les étages en dessous pouvaient servir de relais et d'appui. Mais il fallait être sacrément costaud pour descendre quelqu'un de là, sans dommage. Il espéra de tout cœur que Joyce était encore en vie.

Il était presque minuit à présent, mais la ferme grouillait d'activité due l'attentat, et des badauds nocturnes commençaient à s'attrouper. Sur le sol herbeux, Loth repéra ce qu'il cherchait, de petits épanchements de sang. Ce n'était pas compliqué, c'était une nuit éclatante de pleine lune où des milliers d'étoiles constellaient la voute céleste. Dans la nuit fraiche, il s'élança à la poursuite des ravisseurs, s'arrêtant de temps à autre pour chercher la piste du sang goutté. Il courut pendant quinze minutes environ, ses pistes l'emmenant vers l'ouest. Chemin faisant, son cerveau bouillonnait de suppositions quant aux raisons de cet acte. Ils avaient Coffee, pourquoi s'en prendre à Joyce ? Il aurait été un poil plus logique de s'attaquer à sa femme, à Clover. Coffee avait-il confié à la jeune femme des secrets ? Non, sûrement pas, se dit Loth, il avait vu le désarroi dans ses yeux quant à il avait insinué qu'Ormad lui cachait bien des choses. Elle n'était au courant de rien, Joyce. En tout cas, pas volontairement. Coffee lui aurait-il donné quelque chose à son insu ? Ou même planqué dans sa chambre par exemple, les preuves de sa mission ? Oui, oui, c'était possible, se disait Loth, les espions agissaient souvent comme cela pour ne pas compromettre leur couverture. Ne jamais rien avoir sur soi, toujours les planquer sur les autres... Du moins, c'est ce qu'il avait lu dans les bouquins, c'était la première fois qu'il avait à faire avec ce monde de l'ombre. Donc en définitive, soit Joyce avait quelque chose sur elle à son insu qui justifierait qu'on l'enlève, soit, elle avait été enlevée pour faire pression sur Coffee parce qu'il ne coopérait pas. Cette dernière hypothèse impliquait que ses ravisseurs aient été au courant de sa relation avec la jeune fille et tablaient sur le fait qu'elle soit assez importante pour lui faire cracher le morceau. Plus importante que sa femme en tout cas pour ne pas se donner la peine de l'enlever.

La nuit fraiche vira radicalement à l'ère glaciaire quand Loth approcha des chutes d'eau. On les entendait vrombir au loin, Tanuki regorgeait de centaines de ces cascades. Loth remarqua enfin qu'il s'était depuis tout ce temps dirigé vers l'ouest. Vers la partie de l'île où Clover lui avait indiqué quelques heures plus tôt l'emplacement des grottes de Frogel. L'ennemi emmenait Joyce dans sa tanière et lui Loth, le prenait en chasse. De la pure folie que de se jeter ainsi dans la gueule du loup mais il n'avait pas le choix, la vie de Joyce ne tenait qu'à un mince fil. Il s'inquiétait d'autant plus que les gouttes de sang s'étaient transformées en de véritables flaques par endroit, indiquant que la personne continuait de saigner et qu'elle s'arrêtait de temps à autre pour s'écrouler dans l'herbe. À la faveur d'une côte escarpée particulièrement raide, Loth entraperçut quatre silhouettes dans la nuit. Trois hommes et une femme à en juger par leurs allures. Avec un soupir de soulagement, il vit que Joyce se portait relativement bien et que le sang qui suintait appartenait à l'un de ses trois ravisseurs.
Après deux jours d'enquête sur ces hommes dans l'ombre, il était temps de leur parler dans le blanc de l’œil. L'heure n'était plus aux déductions.

Loth passa à l'assaut, rapide, leste et agile comme le singe dont il imitait les mouvements. À quatre pattes sur le sol rocailleux, il fusa, zigzagua, en approche fulgurante sur le groupe qu'il prit de court. Sa main droite épousa la forme d'une tête de serpent dressée qu'il darda ensuite vers le premier des hommes qu'il cibla, celui à l'extrême gauche du groupe, celui qui retenait captif Joyce. Sa main endurcie par le Style du Serpent s'écrasa sur la gorge du ravisseur. Loth sentit sa trachée se tordre sous l'impact. Il sentit ses mains se recouvrir d'un liquide poisseux et chaud. Sa victime expectora du sang avant de valdinguer sur le sol. Son élan l'emmena au bord du précipice puis le fit passer par-dessus. C'en était fini pour lui.

- Planquez-vous, à plat ventre ! hurla-t-il à Joyce pendant que ses deux ravisseurs restants dégainaient armes blanches et à feu. Gruidae, Envol

Loth imita la grue et s'envola dans la nuit étoilée. Assez haut pour éviter de se faire scalper pour le katana de son adversaire le plus à droite de lui. Assez bas pour se retourner dans les airs et lui envoyer un tourbillon de coup de pied qu'il para successivement avec le plat de sa lame. Il cisailla l'air encore une fois et Loth dû recourir au Style du Singe pour se contorsionner efficacement et esquiver les coups rapides et secs de son adversaire. Il contrait chaque attaque de Loth et ripostait promptement. L'autre ravisseur était trop blessé pour participer au combat et sans que personne ne l'eût touché, il s'effondra dans l'herbe avec un gémissement de douleur. Il avait perdu trop de sang.
Les échanges entre Loth et son adversaire semblaient ne jamais vouloir s’interrompre tant ils se battaient avec détermination et hargne. Il était d'un bon niveau et Loth sentait bien qu'il serait bientôt obligé de donner le meilleur de lui-même pour gagner. Aussi, fit il appelle au Style du Tigre, le plus puissant dans sa panoplie d'imitations animales. Il abandonna toute souplesse, toute esquive rusée, se concentra uniquement sur l'attaque, toute vitesse également oubliée. Le tigre était puissant et expéditif. Sa poigne redoutable se referma sur le poignet au katana de son adversaire qu'il immobilisa par sa seule force. Avant qu'il n'ait pu correctement réagir, stupéfait par ce changement radical de style, la paume gauche de Loth vint lui fracasser le buffet avec une force étonnante, le propulsant à travers la lande de Tanuki. Il n'aimait pas le Style du Tigre, Loth, il aimait combattre en finesse pas en pure force. Et ce qu'il détestait encore plus que d'avoir recours à la force comme une brute, c'était qu'une autre brute écervelée se mêle de ses combats.

Là en l'occurrence, il s'agissait de Ad Joint, le musculeux adjoint du commandant de la garnison de Boréa. Il débarqua des cieux, littéralement, atterrit avec une force insensée qui fit vibrer le sol et avant que Loth ne put lui intimer un quelconque stop, il fondit sur le ravisseur au katana, toujours debout après le coup de la Paume du Tigre. Ne se décontenançant pas face au nouvel arrivant, il scinda l'air avec sa lame qu'il dirigea prestement vers le cou de Ad Joint. Ce dernier ne prit même pas la peine de l'esquiver, la lame s’écrasa sur ses vertèbres cervicales dans un bruit mat. Ad avait-il du fer à la place des muscles ?

- On n'me la fait pas gamin, sourit sauvagement le marine borgne avant d'écraser son poing de la taille d'un couvercle de poubelle sur le front de son vis-à-vis.

Son crâne explosa littéralement sous le choc en éclaboussant l'adjoint de vermillon. Loth lâcha une complainte semblable à celle d'un animal blessé dans la nuit. Il se rua sur celui qui fut un adversaire de valeur mais qui n'était plus maintenant qu'un amas sanguinolent de chair. Il était mort sur le coup. Loth était à deux doigts d'exploser sa rage contre ce coup en traître de Ad Joint quand son côté rationnel lui signifia qu'il avait plus à gagner en étant serein. Aussi, inspira-t-il, puis expira, répéta le mouvement successivement pour reprendre son contrôle.
Il le savait, et le regard de Ad ne l'y trompait pas, il n'avait pas besoin de tuer son adversaire, ce coup mortel était délibéré. Lui, Loth, avait involontairement tué le premier des ravisseurs quand son coup le précipita dans le ravin à côté, le second s'était écroulé mort d'exsanguination à cause d'une blessure surement due à l'explosion qu'il avait provoqué au quatrième étage mais le dernier, c'était son espoir d'avoir des réponses, de voir clair dans cette affaire. Il n'avait pas l'intention de le tuer, il ne voulait pas.

- Pourquoi le tuer ? Vous pouviez l'immobiliser, j'avais des questions à lui poser.

- Han ? C'est pas de ma faute s'il a le crâne fragile. Je ne voulais pas le tuer non plus, le coup était trop fort, c'est tout. Et puis quelle question ? C'est le Front. J'ai mis Miguel Riori et toute sa clique au frais.

- Ah bon ? Parce que pour vous, ces hommes entraînés ressemblent à des paysans de Tanuki ?

- Non, ce sont des mercenaires, évidement, répondit Ad en regardant vers le ciel. Le Front a engagé des mercenaires pour ses opérations coup de poings, j'ai les aveux écrits et signés de Miguel Riori, je te dis. Si tu veux les interroger, vas-y... Hey, où vas-tu ?

- Prendre l'air, répondit Loth machinalement en s'éloignant.

- À minuit passée ? Et nous sommes déjà en plein air...

- Cet air est vicié par les effluves de sang et des cadavres. Je compte sur vous pour ramener Joyce Purple chez elle.

Il aurait voulu interroger Joyce sur le moment mais impossible avec Ad Joint qui traînait dans les parages. Des mercenaires... C'était sa dernière trouvaille pour camoufler ce qui se passait. Flânant vers l'ouest, il s'enfonça dans la nuit profonde en s'assurant que personne ne le suivait. Avec un peu de chance, Ad Joint ne seraient pas parvenu aux mêmes conclusions que Loth et ignorerait que l'ennemi s'étaient basé quelque part dans les grottes de Frogel. Il espérait aussi que les hommes envoyés pour kidnapper Joyce n'avaient été que des sous-fifres. C'était à la fois excitant et inquiétant parce qu'au vu du niveau du sabreur de l'équipe, si lui n'était qu'un sous-fifre, cela laissait les possibilités de victoire de Loth face à leur chef bien maigres.
D'ailleurs en parlant de chef, se dit Loth, Ad Joint devait en avoir aussi. Ad n'était pas naturellement fourbe, il ne parvenait même pas à le regarder droit dans les yeux en mentant. Quelqu'un dans l'ombre lui dictait sa conduite...

Les Glaces Éternelles de Frogel portaient bien leur nom. Elles s'étalaient, inébranlables, tapissant les moindres recoins de la grotte, elle-même aussi vaste qu'un terrain d'équitation. Aussi loin que les yeux de Loth pouvaient le porter, les veinures de Frogel s'enfonçaient à des centaines de mètres sous la surface. La température avoisinait le zéro degré. Loth posa un pied précautionneux, l'un après l'autre, se déplaçant furtivement sur la glace, aussi bien pour ne pas faire un faux pas et chuter que pour étouffer ses bruits de pas. Il avança ainsi pendant ce qu'il lui sembla des heures, grelotant, frigorifié jusqu'à ce que des voix lui parvinrent à la croisée de trois venelles. Osant à peine respirer de peur que son souffle trahisse sa position, Loth se recroquevilla sous une stalagmite de glace plus haute que lui et épia ceux qui parlaient. C'étaient trois personnes, un homme et deux femmes. Ils faisaient dos à Loth mais ce dernier pouvait déjà renseigner quelques détails. La silhouette la plus singulière était la masculine. Tout de blanc vêtu, on aurait dit une brindille humaine, un bâton de craie, effilée comme si quelqu'un s'était évertué à la tirer par la tête et les pieds. L'homme devait faire plus de trois mètres de haut mais était aussi squelettique qu'un gamin atteint du kwashiorkor. Si mince que Loth soupçonna qu'un coup de vent trop brutal l'eut emporté. Une cascade de cheveux hirsutes lui tombait jusqu'à la taille. Des ailes blanches caractéristiques des habitants des îles célestes émergeaient de ce fouillis capillaire. Bien qu'il ne vît pas encore son visage de l'homme, Loth eut la vague et très mauvaise impression d'avoir déjà entendu parler de quelqu'un de sa description auparavant. Mais où ? Il ne s'en souvenait plus.
Les deux femmes entouraient l'ange de chaque côté, en arc de cercle, tous rassemblés autour d'un autre individu attaché à une chaise. De toute évidence, ils le torturaient pour avoir des informations. Ce n'était pas Ormad Coffee, c'était un homme coiffé d'une crête iroquoise bleu flashy avec un nez en pointe. Son visage saignait, dû au couteau que tenait la femme la plus proche de lui.

- Pourquoi le Cipher Pol est sur Tanuki ? demanda la voix aiguë de la femme tortionnaire.

- Ya, ya, ya. Vous savez c'qu'on dit. Les ennemis d'mes ennemis sont mes amis.

- Ça ne veux rien dire du tout !

- Ya, ya, bien sûr qu'si. Réfléchissez. Mes contacts m'ont averti, je suis l'seul agent paumé ici, m'voyez, ya ? J'ai flairé l'révo', et ça m'fout d'l'urticaire à cent kilomètres à ronde. Mais après une p'tite enquête, j'ai flairé les Frères de Fer, ya. Et eux, j'les blaire encore moins que nos révos. Du coup, j'vous ai attendu, me suis dit que si l'ANR était dans l'coup, y avait moyen de coopérer. De s'entraider entre frère, ya ? J'ne vous espionnais pas, j'cherchais à vous contacter. Faut dire qu'vous n'avez pas été facile à trouver. Bonne cachette, Frogel, peu de Tanukiens viennent y rouler leur bosse. Pas besoin d'me foutre à l'envers, j'parle. L'ANR et le CP, de vieux potes, nous sommes. On peut s'arranger. Ya. Héhéhéhé.

Le captif avait fini son discours sur un rire épouvanté. Il avait déjà dégusté pas mal, l'ennemi était du genre à attaquer d'abord puis à poser les questions ensuite. Donc lui, il était du Cipher Pol, avait percé Ormad Coffe à jour (Loth se réjouit d'avoir vu juste, il appartenait bien aux Frères de Fer), et proposait à ce trio de "s'arranger". Était-ce lui qui donnait des ordres à Ad Joint ?
Le trio, quant à lui, faisait donc parti de l'ANR, comprenez, l'Agence Nationale de Renseignement, les puissants services secrets de Canaan, soutien indéfectible du régime totalitaire. Leur spécialité, c'était les assassinats en tout genre, la rumeur disait d'eux qu'ils ne faisaient jamais de captif. Jamais longtemps en tout cas.

- Où est Ormad Coffee alors, toi qui semble si bien renseigné et prompt à parler.

- Ya, quoi ? Coffee ? Mais il mange les pissenlits par la racine, vous lui avez réglé son compte illico presto non ? Vous l'avez envoyé nourrir les cochons. Artistique, ironique, j'ai adoré.... Aaaarrrgrhhhh !

- Reste concentré sur le sujet, lui intima la femme qui venait de lui assener un coup de manche à la tête pour le faire taire. Nous n'avons pas tué Coffee, il nous a échappé y a une semaine quand nous avons tenté de lui mettre la main dessus. Oscar lui a coupé un bras dans la bagarre mais il a réussi à s'enfuir et même à prendre son bras avec lui. Depuis, nous le cherchons.

- Ya ? Vous m'envoyez navré. J'pensais qu'vous lui avez cassé sa pipe, sa femme a reconnu le corps.

- Elle a reconnu un bras ! Celui qu'Oscar lui a coupé. Le reste du corps trouvé là, c'est celui d'un autre. Coffee n'a pas son pareil pour disparaître, c'est ce qu'il a fait.

- Dans c'cas il s'est tiré ? Il a mis les voiles, ya ?

- Il est toujours là, bien planqué sur l'île. Une semaine lui auront suffi pour guérir de sa blessure. Hier, il a semé cette piste de faux cadavre pour nous faire croire qu'il était mort, justement.

- Le CP a raison, il peut partir. S'il est en état de traîner un autre corps pour le jeter aux cochons, il peut naviguer. Ça fait déjà une heure que l'équipe de Ron est partie. S'ils ne sont pas là c'est qu'ils ont échoué, qu'ils ont été éliminés. Ad Joint est dans le village.
Qu'est-ce qu'on fait maintenant, Oscar ?
demanda l'autre femme.

Le dénommé Oscar ne répondit pas tout de suite et garda sa posture, les mains profondément enfouies dans les poches de son manteau blanc. Cela permit à Loth d'analyser une nouvelle fois la situation. Décidément, il s'était trompé sur bien de chose dans cette affaire. Ce n'étaient pas les ennemis de Coffee qui voulaient faire croire qu'il était mort, ils ne l'avaient même pas capturé. Coffee avait mis en scène sa propre mort. Ce qui voulait dire que c'était lui le meurtrier de Déo Dorant. La disparition de Déo datant d'une semaine avant la sienne, Loth sut que Coffee avait préparé sa fuite. Il se savait menacé, alors, il avait capturé le jeune orphelin à cause de leur ressemblance physique. Il avait prémédité de le tuer pour couvrir ses traces. Ce type était le diable... un fanatique prêt à tout pour remplir sa mission.
Tout à coup, le fait de penser au diable raviva un souvenir dans l'esprit de Loth. Il savait maintenant où il avait entendu parler d'un homme ressemblant trait pour trait à celui qui se tenait à quelques encablures de lui. D'un ange filiforme responsable du génocide d'une tribu de Cornus sur la lointaine île de Nubie de Grand Line où les deux peuples cohabitaient depuis des siècles. Oscar Dooz, l'Ange Hérétique. Primé à 50 millions de Berry. Ayant fui Grand Line, il s'était installé sur North Blue depuis des années déjà où il s'était fait un nom tristement célèbre de mercenaire.

- Ils ont échoué, déclara Dooz d'une voix étrangement douce et chantante pour un homme de sa carrure. Incapables de capturer une gamine ? Je comprends pourquoi l'ANR a besoin de recruter un homme de ma trempe, vous êtes des bons à rien ! Mais ça tombe bien, s'ils ont foiré, c'est une bonne occasion de vraiment se montrer, j'en ai marre de rester prudent !

Le CP captif vola soudain dans les airs, propulsé par une force mystérieuse et s'en alla s'écraser lourdement au plafond de la grotte. La gravité le fit tomber tout aussi durement sur le sol gelé. Son front s'était ouvert et teintait le blanc neige d'écarlate. Il était malgré tout encore conscient.
C'est quand Dooz reposa son pied par terre que Loth comprit seulement qu'il lui avait décoché un coup de pied. Il avait juste été trop rapide pour que ses yeux saisissent ses mouvements.

- Toi, ne penses pas que tes bobards ont marché. Tu vas me dire la vérité cette fois, la vraie. Ne sous-estime pas le plaisir que j'aurai à sortir et à couper tes tripes centimètres par centimètres. Tu n'es sûrement pas seul, et je veux savoir ce que vous savez exactement de Coffee. Tu as déjà entendu parler de l'Omerta n'est-ce pas ?

- L'O..Omer..ta ? Ya. Ja...mais. Pit..ié, n.nous som..mes po..tes. Arrrgghhhhhhh !

Il en avait assez entendu, il en avait assez vu. Il fallait décider de se retirer paisiblement ou d'intervenir. Cette dernière solution semblait purement suicidaire. Cette histoire était une affaire entre espions, il n'était pas sûr de ressentir de l'empathie pour l'agent du Cipher Pol entrain d'être torturé.
Loth n'avait pas encore décidé de la marche à suivre quand une main douce se posa sur ses lèvres de sorte à le bâillonner. Sur sa jugulaire, il sentit le froid d'une lame de katana. Il sentit aussi un parfum floral qu'il n'oubliera jamais, une senteur qui avait le don de faire naître en lui un sentiment de mort imminente. Un parfum qu'il avait qualifié d'Essence de la Mort la première et dernière fois qu'il l'avait senti. Le parfum du Sergent de la Marine d’Élite, Lady Ombeline. Très doucement, elle chuchota à l'oreille de Loth.

- Viens. Suis-moi.


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