Plusieurs choses avaient semblé se dérouler simultanément. Tout d'abord était venu le son, celui très reconnaissable d'une balle qui sifflait. Un coup puis deux. Suivi ensuite du boum caractéristique d'une grenade qui explosait. Le manoir en vieille essence d'if trembla violemment. Des volutes de poussières accumulées depuis des siècles tombèrent des plafonds. Loth s'était précipité juste à temps pour extraire Clover de son lit, juste au moment où une poutre se détachait du mur pour s'écraser bruyamment là où elle s'était trouvée deux secondes plutôt. Vautrés à l'horizontal, ils attendirent que le calme revienne. Des plaintes, des cris et des hurlements provenaient de partout dans le château. Quelqu'un avait ouvert les vannes de l'enfer.
Clover sur ses talons, Loth sortit et chercha à connaître la cause de cette apocalypse même s'il en avait déjà une bonne idée. Les ennemis invisibles qui en voulaient Ormad Coffee passaient à l'action. La rumeur des cris les menèrent directement au quatrième étage du manoir où se trouvaient les appartements de Joyce. La scène sous leurs yeux ressemblait proprement à celle d'un champ de bataille. Une partie de l'étage était en feu, sûrement dû à l'explosif employé. Des shrapnels de bois avaient volés dans tous les sens et tapissaient maintenant le sol-parquet. Des poutres, des cloisons éventrés pendaient lamentablement ici et là. Une étrange pluie de plume provenant des oreillers et du lit éviscérés de Joyce voletaient et tombaient lentement. Le temps semblait suspendu et le choc était encore trop grand pour ceux qui étaient présents à l'étage pour céder à une réelle panique.
Un petit son déphasé de la situation actuelle les interpella puis se révéla être Candy, le cochon nain de Joyce. L'animal se précipita sur une Clover toute hébétée.
- Qu'est-ce qu'ils ont fabriqué ? demanda Loth avec consternation en cherchant Joyce des yeux.
Il finit par repérer et extirper un corps sous les décombres à l'aide des garçons de ferme qui vivaient là. À son grand dam, il s'agissait d'une des servantes personnelles de Joyce. Elle était en mauvais état mais parvint tout de même à leur faire comprendre via des mots hachés que sa maîtresse avait été enlevée par des hommes. Elle indiquait de son index ensanglanté l'ouverture béante dans la cloison qui avait dû être celle d'une fenêtre.
Loth s'y hâta et repéra des traces de sang sur les murs en bois massifs. Les traces suintaient à la verticale, vers le vide, comme si quelqu'un s'était frotté contre les murs extérieurs en descendant en rappel. Sans réfléchir davantage parce qu'il n'y en avait pas lieu, il se rua dans les étages inférieurs direction la pelouse. Il l'atteignit en un rien de temps. De sa position, le quatrième étage était haut mais pas impossible à atteindre, plusieurs balcons disposés sur les étages en dessous pouvaient servir de relais et d'appui. Mais il fallait être sacrément costaud pour descendre quelqu'un de là, sans dommage. Il espéra de tout cœur que Joyce était encore en vie.
Il était presque minuit à présent, mais la ferme grouillait d'activité due l'attentat, et des badauds nocturnes commençaient à s'attrouper. Sur le sol herbeux, Loth repéra ce qu'il cherchait, de petits épanchements de sang. Ce n'était pas compliqué, c'était une nuit éclatante de pleine lune où des milliers d'étoiles constellaient la voute céleste. Dans la nuit fraiche, il s'élança à la poursuite des ravisseurs, s'arrêtant de temps à autre pour chercher la piste du sang goutté. Il courut pendant quinze minutes environ, ses pistes l'emmenant vers l'ouest. Chemin faisant, son cerveau bouillonnait de suppositions quant aux raisons de cet acte. Ils avaient Coffee, pourquoi s'en prendre à Joyce ? Il aurait été un poil plus logique de s'attaquer à sa femme, à Clover. Coffee avait-il confié à la jeune femme des secrets ? Non, sûrement pas, se dit Loth, il avait vu le désarroi dans ses yeux quant à il avait insinué qu'Ormad lui cachait bien des choses. Elle n'était au courant de rien, Joyce. En tout cas, pas volontairement. Coffee lui aurait-il donné quelque chose à son insu ? Ou même planqué dans sa chambre par exemple, les preuves de sa mission ? Oui, oui, c'était possible, se disait Loth, les espions agissaient souvent comme cela pour ne pas compromettre leur couverture. Ne jamais rien avoir sur soi, toujours les planquer sur les autres... Du moins, c'est ce qu'il avait lu dans les bouquins, c'était la première fois qu'il avait à faire avec ce monde de l'ombre. Donc en définitive, soit Joyce avait quelque chose sur elle à son insu qui justifierait qu'on l'enlève, soit, elle avait été enlevée pour faire pression sur Coffee parce qu'il ne coopérait pas. Cette dernière hypothèse impliquait que ses ravisseurs aient été au courant de sa relation avec la jeune fille et tablaient sur le fait qu'elle soit assez importante pour lui faire cracher le morceau. Plus importante que sa femme en tout cas pour ne pas se donner la peine de l'enlever.
La nuit fraiche vira radicalement à l'ère glaciaire quand Loth approcha des chutes d'eau. On les entendait vrombir au loin, Tanuki regorgeait de centaines de ces cascades. Loth remarqua enfin qu'il s'était depuis tout ce temps dirigé vers l'ouest. Vers la partie de l'île où Clover lui avait indiqué quelques heures plus tôt l'emplacement des grottes de Frogel. L'ennemi emmenait Joyce dans sa tanière et lui Loth, le prenait en chasse. De la pure folie que de se jeter ainsi dans la gueule du loup mais il n'avait pas le choix, la vie de Joyce ne tenait qu'à un mince fil. Il s'inquiétait d'autant plus que les gouttes de sang s'étaient transformées en de véritables flaques par endroit, indiquant que la personne continuait de saigner et qu'elle s'arrêtait de temps à autre pour s'écrouler dans l'herbe. À la faveur d'une côte escarpée particulièrement raide, Loth entraperçut quatre silhouettes dans la nuit. Trois hommes et une femme à en juger par leurs allures. Avec un soupir de soulagement, il vit que Joyce se portait relativement bien et que le sang qui suintait appartenait à l'un de ses trois ravisseurs.
Après deux jours d'enquête sur ces hommes dans l'ombre, il était temps de leur parler dans le blanc de l’œil. L'heure n'était plus aux déductions.
Loth passa à l'assaut, rapide, leste et agile comme le singe dont il imitait les mouvements. À quatre pattes sur le sol rocailleux, il fusa, zigzagua, en approche fulgurante sur le groupe qu'il prit de court. Sa main droite épousa la forme d'une tête de serpent dressée qu'il darda ensuite vers le premier des hommes qu'il cibla, celui à l'extrême gauche du groupe, celui qui retenait captif Joyce. Sa main endurcie par le Style du Serpent s'écrasa sur la gorge du ravisseur. Loth sentit sa trachée se tordre sous l'impact. Il sentit ses mains se recouvrir d'un liquide poisseux et chaud. Sa victime expectora du sang avant de valdinguer sur le sol. Son élan l'emmena au bord du précipice puis le fit passer par-dessus. C'en était fini pour lui.
- Planquez-vous, à plat ventre ! hurla-t-il à Joyce pendant que ses deux ravisseurs restants dégainaient armes blanches et à feu. Gruidae, Envol
Loth imita la grue et s'envola dans la nuit étoilée. Assez haut pour éviter de se faire scalper pour le katana de son adversaire le plus à droite de lui. Assez bas pour se retourner dans les airs et lui envoyer un tourbillon de coup de pied qu'il para successivement avec le plat de sa lame. Il cisailla l'air encore une fois et Loth dû recourir au Style du Singe pour se contorsionner efficacement et esquiver les coups rapides et secs de son adversaire. Il contrait chaque attaque de Loth et ripostait promptement. L'autre ravisseur était trop blessé pour participer au combat et sans que personne ne l'eût touché, il s'effondra dans l'herbe avec un gémissement de douleur. Il avait perdu trop de sang.
Les échanges entre Loth et son adversaire semblaient ne jamais vouloir s’interrompre tant ils se battaient avec détermination et hargne. Il était d'un bon niveau et Loth sentait bien qu'il serait bientôt obligé de donner le meilleur de lui-même pour gagner. Aussi, fit il appelle au Style du Tigre, le plus puissant dans sa panoplie d'imitations animales. Il abandonna toute souplesse, toute esquive rusée, se concentra uniquement sur l'attaque, toute vitesse également oubliée. Le tigre était puissant et expéditif. Sa poigne redoutable se referma sur le poignet au katana de son adversaire qu'il immobilisa par sa seule force. Avant qu'il n'ait pu correctement réagir, stupéfait par ce changement radical de style, la paume gauche de Loth vint lui fracasser le buffet avec une force étonnante, le propulsant à travers la lande de Tanuki. Il n'aimait pas le Style du Tigre, Loth, il aimait combattre en finesse pas en pure force. Et ce qu'il détestait encore plus que d'avoir recours à la force comme une brute, c'était qu'une autre brute écervelée se mêle de ses combats.
Là en l'occurrence, il s'agissait de Ad Joint, le musculeux adjoint du commandant de la garnison de Boréa. Il débarqua des cieux, littéralement, atterrit avec une force insensée qui fit vibrer le sol et avant que Loth ne put lui intimer un quelconque stop, il fondit sur le ravisseur au katana, toujours debout après le coup de la Paume du Tigre. Ne se décontenançant pas face au nouvel arrivant, il scinda l'air avec sa lame qu'il dirigea prestement vers le cou de Ad Joint. Ce dernier ne prit même pas la peine de l'esquiver, la lame s’écrasa sur ses vertèbres cervicales dans un bruit mat. Ad avait-il du fer à la place des muscles ?
- On n'me la fait pas gamin, sourit sauvagement le marine borgne avant d'écraser son poing de la taille d'un couvercle de poubelle sur le front de son vis-à-vis.
Son crâne explosa littéralement sous le choc en éclaboussant l'adjoint de vermillon. Loth lâcha une complainte semblable à celle d'un animal blessé dans la nuit. Il se rua sur celui qui fut un adversaire de valeur mais qui n'était plus maintenant qu'un amas sanguinolent de chair. Il était mort sur le coup. Loth était à deux doigts d'exploser sa rage contre ce coup en traître de Ad Joint quand son côté rationnel lui signifia qu'il avait plus à gagner en étant serein. Aussi, inspira-t-il, puis expira, répéta le mouvement successivement pour reprendre son contrôle.
Il le savait, et le regard de Ad ne l'y trompait pas, il n'avait pas besoin de tuer son adversaire, ce coup mortel était délibéré. Lui, Loth, avait involontairement tué le premier des ravisseurs quand son coup le précipita dans le ravin à côté, le second s'était écroulé mort d'exsanguination à cause d'une blessure surement due à l'explosion qu'il avait provoqué au quatrième étage mais le dernier, c'était son espoir d'avoir des réponses, de voir clair dans cette affaire. Il n'avait pas l'intention de le tuer, il ne voulait pas.
- Pourquoi le tuer ? Vous pouviez l'immobiliser, j'avais des questions à lui poser.
- Han ? C'est pas de ma faute s'il a le crâne fragile. Je ne voulais pas le tuer non plus, le coup était trop fort, c'est tout. Et puis quelle question ? C'est le Front. J'ai mis Miguel Riori et toute sa clique au frais.
- Ah bon ? Parce que pour vous, ces hommes entraînés ressemblent à des paysans de Tanuki ?
- Non, ce sont des mercenaires, évidement, répondit Ad en regardant vers le ciel. Le Front a engagé des mercenaires pour ses opérations coup de poings, j'ai les aveux écrits et signés de Miguel Riori, je te dis. Si tu veux les interroger, vas-y... Hey, où vas-tu ?
- Prendre l'air, répondit Loth machinalement en s'éloignant.
- À minuit passée ? Et nous sommes déjà en plein air...
- Cet air est vicié par les effluves de sang et des cadavres. Je compte sur vous pour ramener Joyce Purple chez elle.
Il aurait voulu interroger Joyce sur le moment mais impossible avec Ad Joint qui traînait dans les parages. Des mercenaires... C'était sa dernière trouvaille pour camoufler ce qui se passait. Flânant vers l'ouest, il s'enfonça dans la nuit profonde en s'assurant que personne ne le suivait. Avec un peu de chance, Ad Joint ne seraient pas parvenu aux mêmes conclusions que Loth et ignorerait que l'ennemi s'étaient basé quelque part dans les grottes de Frogel. Il espérait aussi que les hommes envoyés pour kidnapper Joyce n'avaient été que des sous-fifres. C'était à la fois excitant et inquiétant parce qu'au vu du niveau du sabreur de l'équipe, si lui n'était qu'un sous-fifre, cela laissait les possibilités de victoire de Loth face à leur chef bien maigres.
D'ailleurs en parlant de chef, se dit Loth, Ad Joint devait en avoir aussi. Ad n'était pas naturellement fourbe, il ne parvenait même pas à le regarder droit dans les yeux en mentant. Quelqu'un dans l'ombre lui dictait sa conduite...
Les Glaces Éternelles de Frogel portaient bien leur nom. Elles s'étalaient, inébranlables, tapissant les moindres recoins de la grotte, elle-même aussi vaste qu'un terrain d'équitation. Aussi loin que les yeux de Loth pouvaient le porter, les veinures de Frogel s'enfonçaient à des centaines de mètres sous la surface. La température avoisinait le zéro degré. Loth posa un pied précautionneux, l'un après l'autre, se déplaçant furtivement sur la glace, aussi bien pour ne pas faire un faux pas et chuter que pour étouffer ses bruits de pas. Il avança ainsi pendant ce qu'il lui sembla des heures, grelotant, frigorifié jusqu'à ce que des voix lui parvinrent à la croisée de trois venelles. Osant à peine respirer de peur que son souffle trahisse sa position, Loth se recroquevilla sous une stalagmite de glace plus haute que lui et épia ceux qui parlaient. C'étaient trois personnes, un homme et deux femmes. Ils faisaient dos à Loth mais ce dernier pouvait déjà renseigner quelques détails. La silhouette la plus singulière était la masculine. Tout de blanc vêtu, on aurait dit une brindille humaine, un bâton de craie, effilée comme si quelqu'un s'était évertué à la tirer par la tête et les pieds. L'homme devait faire plus de trois mètres de haut mais était aussi squelettique qu'un gamin atteint du kwashiorkor. Si mince que Loth soupçonna qu'un coup de vent trop brutal l'eut emporté. Une cascade de cheveux hirsutes lui tombait jusqu'à la taille. Des ailes blanches caractéristiques des habitants des îles célestes émergeaient de ce fouillis capillaire. Bien qu'il ne vît pas encore son visage de l'homme, Loth eut la vague et très mauvaise impression d'avoir déjà entendu parler de quelqu'un de sa description auparavant. Mais où ? Il ne s'en souvenait plus.
Les deux femmes entouraient l'ange de chaque côté, en arc de cercle, tous rassemblés autour d'un autre individu attaché à une chaise. De toute évidence, ils le torturaient pour avoir des informations. Ce n'était pas Ormad Coffee, c'était un homme coiffé d'une crête iroquoise bleu flashy avec un nez en pointe. Son visage saignait, dû au couteau que tenait la femme la plus proche de lui.
- Pourquoi le Cipher Pol est sur Tanuki ? demanda la voix aiguë de la femme tortionnaire.
- Ya, ya, ya. Vous savez c'qu'on dit. Les ennemis d'mes ennemis sont mes amis.
- Ça ne veux rien dire du tout !
- Ya, ya, bien sûr qu'si. Réfléchissez. Mes contacts m'ont averti, je suis l'seul agent paumé ici, m'voyez, ya ? J'ai flairé l'révo', et ça m'fout d'l'urticaire à cent kilomètres à ronde. Mais après une p'tite enquête, j'ai flairé les Frères de Fer, ya. Et eux, j'les blaire encore moins que nos révos. Du coup, j'vous ai attendu, me suis dit que si l'ANR était dans l'coup, y avait moyen de coopérer. De s'entraider entre frère, ya ? J'ne vous espionnais pas, j'cherchais à vous contacter. Faut dire qu'vous n'avez pas été facile à trouver. Bonne cachette, Frogel, peu de Tanukiens viennent y rouler leur bosse. Pas besoin d'me foutre à l'envers, j'parle. L'ANR et le CP, de vieux potes, nous sommes. On peut s'arranger. Ya. Héhéhéhé.
Le captif avait fini son discours sur un rire épouvanté. Il avait déjà dégusté pas mal, l'ennemi était du genre à attaquer d'abord puis à poser les questions ensuite. Donc lui, il était du Cipher Pol, avait percé Ormad Coffe à jour (Loth se réjouit d'avoir vu juste, il appartenait bien aux Frères de Fer), et proposait à ce trio de "s'arranger". Était-ce lui qui donnait des ordres à Ad Joint ?
Le trio, quant à lui, faisait donc parti de l'ANR, comprenez, l'Agence Nationale de Renseignement, les puissants services secrets de Canaan, soutien indéfectible du régime totalitaire. Leur spécialité, c'était les assassinats en tout genre, la rumeur disait d'eux qu'ils ne faisaient jamais de captif. Jamais longtemps en tout cas.
- Où est Ormad Coffee alors, toi qui semble si bien renseigné et prompt à parler.
- Ya, quoi ? Coffee ? Mais il mange les pissenlits par la racine, vous lui avez réglé son compte illico presto non ? Vous l'avez envoyé nourrir les cochons. Artistique, ironique, j'ai adoré.... Aaaarrrgrhhhh !
- Reste concentré sur le sujet, lui intima la femme qui venait de lui assener un coup de manche à la tête pour le faire taire. Nous n'avons pas tué Coffee, il nous a échappé y a une semaine quand nous avons tenté de lui mettre la main dessus. Oscar lui a coupé un bras dans la bagarre mais il a réussi à s'enfuir et même à prendre son bras avec lui. Depuis, nous le cherchons.
- Ya ? Vous m'envoyez navré. J'pensais qu'vous lui avez cassé sa pipe, sa femme a reconnu le corps.
- Elle a reconnu un bras ! Celui qu'Oscar lui a coupé. Le reste du corps trouvé là, c'est celui d'un autre. Coffee n'a pas son pareil pour disparaître, c'est ce qu'il a fait.
- Dans c'cas il s'est tiré ? Il a mis les voiles, ya ?
- Il est toujours là, bien planqué sur l'île. Une semaine lui auront suffi pour guérir de sa blessure. Hier, il a semé cette piste de faux cadavre pour nous faire croire qu'il était mort, justement.
- Le CP a raison, il peut partir. S'il est en état de traîner un autre corps pour le jeter aux cochons, il peut naviguer. Ça fait déjà une heure que l'équipe de Ron est partie. S'ils ne sont pas là c'est qu'ils ont échoué, qu'ils ont été éliminés. Ad Joint est dans le village.
Qu'est-ce qu'on fait maintenant, Oscar ? demanda l'autre femme.
Le dénommé Oscar ne répondit pas tout de suite et garda sa posture, les mains profondément enfouies dans les poches de son manteau blanc. Cela permit à Loth d'analyser une nouvelle fois la situation. Décidément, il s'était trompé sur bien de chose dans cette affaire. Ce n'étaient pas les ennemis de Coffee qui voulaient faire croire qu'il était mort, ils ne l'avaient même pas capturé. Coffee avait mis en scène sa propre mort. Ce qui voulait dire que c'était lui le meurtrier de Déo Dorant. La disparition de Déo datant d'une semaine avant la sienne, Loth sut que Coffee avait préparé sa fuite. Il se savait menacé, alors, il avait capturé le jeune orphelin à cause de leur ressemblance physique. Il avait prémédité de le tuer pour couvrir ses traces. Ce type était le diable... un fanatique prêt à tout pour remplir sa mission.
Tout à coup, le fait de penser au diable raviva un souvenir dans l'esprit de Loth. Il savait maintenant où il avait entendu parler d'un homme ressemblant trait pour trait à celui qui se tenait à quelques encablures de lui. D'un ange filiforme responsable du génocide d'une tribu de Cornus sur la lointaine île de Nubie de Grand Line où les deux peuples cohabitaient depuis des siècles. Oscar Dooz, l'Ange Hérétique. Primé à 50 millions de Berry. Ayant fui Grand Line, il s'était installé sur North Blue depuis des années déjà où il s'était fait un nom tristement célèbre de mercenaire.
- Ils ont échoué, déclara Dooz d'une voix étrangement douce et chantante pour un homme de sa carrure. Incapables de capturer une gamine ? Je comprends pourquoi l'ANR a besoin de recruter un homme de ma trempe, vous êtes des bons à rien ! Mais ça tombe bien, s'ils ont foiré, c'est une bonne occasion de vraiment se montrer, j'en ai marre de rester prudent !
Le CP captif vola soudain dans les airs, propulsé par une force mystérieuse et s'en alla s'écraser lourdement au plafond de la grotte. La gravité le fit tomber tout aussi durement sur le sol gelé. Son front s'était ouvert et teintait le blanc neige d'écarlate. Il était malgré tout encore conscient.
C'est quand Dooz reposa son pied par terre que Loth comprit seulement qu'il lui avait décoché un coup de pied. Il avait juste été trop rapide pour que ses yeux saisissent ses mouvements.
- Toi, ne penses pas que tes bobards ont marché. Tu vas me dire la vérité cette fois, la vraie. Ne sous-estime pas le plaisir que j'aurai à sortir et à couper tes tripes centimètres par centimètres. Tu n'es sûrement pas seul, et je veux savoir ce que vous savez exactement de Coffee. Tu as déjà entendu parler de l'Omerta n'est-ce pas ?
- L'O..Omer..ta ? Ya. Ja...mais. Pit..ié, n.nous som..mes po..tes. Arrrgghhhhhhh !
Il en avait assez entendu, il en avait assez vu. Il fallait décider de se retirer paisiblement ou d'intervenir. Cette dernière solution semblait purement suicidaire. Cette histoire était une affaire entre espions, il n'était pas sûr de ressentir de l'empathie pour l'agent du Cipher Pol entrain d'être torturé.
Loth n'avait pas encore décidé de la marche à suivre quand une main douce se posa sur ses lèvres de sorte à le bâillonner. Sur sa jugulaire, il sentit le froid d'une lame de katana. Il sentit aussi un parfum floral qu'il n'oubliera jamais, une senteur qui avait le don de faire naître en lui un sentiment de mort imminente. Un parfum qu'il avait qualifié d'Essence de la Mort la première et dernière fois qu'il l'avait senti. Le parfum du Sergent de la Marine d’Élite, Lady Ombeline. Très doucement, elle chuchota à l'oreille de Loth.
- Viens. Suis-moi.