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Petites manigances en eaux troubles


L'ambiance intime du resto de Bernie est toujours une aubaine pour ceux qui y sont accueillis avec les grâces du patron. Lumière tamisée qui filtre à travers les lamelles de la devanture, des pots pourris déposés sur le patchwork à carreaux bicolore des nappes cousus main par la femme du patron. Quelques cierges pour te rappeler que tu pénètres pas dans le gourbi comme dans un moulin avec tes basques dégueulasses et tes groles infâmes, la chaleur du chêne massif pour l'authenticité, sa profondeur, sa pureté, la régularité de ses lignes naturelles comme le vieux Bernie et ses méthodes vieille école que beaucoup raillent sans lui arriver à la cheville. Ca fait partie de la rançon de la gloire et Bernie le vit bien surtout depuis qu'il a posé la paluche sur l'oiseau rare, qu'il s'est entiché de la petite tête brune taiseuse qu'il a vu en moi, du genre de ceux qu'ont de la suite dans les idées et qu'ont suffisamment d'esprit pour écouter scrupuleusement avant de piper mot.

Je suis plutôt verni auprès de Bernie, son petit poulain, le petit protégé de la maison, l'aiglon du patron, je suis qu'un chiard qui veut palper des liasses dans la liesse mais il a le don fameux pour lire en moi comme dans un livre ouvert. Il me met sur un bon paquet de ses affaires, j'imagine qu'il me voit le seconder lorsqu'il aura assez de bouteille et qu'il sera temps pour lui de se mettre à l'ombre. Passer les rênes, c'est tout aussi important que de conduire le business, la passation emprunterait presque au mysticisme tant l'affaire s'étale et se codifie selon les usages et coutumes mafieuses avant de se conclure à huis clos, entre quatre yeux, entre le boss et son prétendant au trône, comme la tradition l'impose.

Chez Bernie, les clients savent tacitement qu'il faut pas prononcer un mot au dessus de l'autre, le patron tient à sa tranquillité, à la réputation de son enseigne mais surtout c'est un mélomane invétéré. Gâcher la douce mélopée que lui distille Mario au piano à queue, c'est comme glavioter dans son plat de pâtes fraiches et l'aimable clientèle se doute bien que cracher dans l'auge d'un des pontes de la pègre à Luvneel, c'est comme qui dirait signer son arrêt de mort. Cette atmosphère feutrée légèrement cosy t'intime à mesurer ton débit et le volume de décibels que tu déglutis.  

La salle est jamais comble d'ailleurs, par principe et même si on doit refuser du monde, l'étiquette veut que tu ne récures pas l'assiette à blanc, que t'en laisse un peu au creux de l'écuelle pour bien te différencier de tous ses beaufs qui iraient même jusqu'à becter à même le plat s'ils en avaient l'occasion. Bernie est comme à l'accoutumé dans l'arrière boutique, il aime le silence des murs et déguster le même menu qu'il engouffre depuis des décennies et qui contribue à la bedaine caractéristique d'un patron de sa prestance.  Juste ce qu'il faut de gras, de muscle et bien évidemment de poils drus pour paraître sérieux quand il fronce ses sourcils broussailleux.

Lorsque le battant de la porte s'ouvre en façade et que la clochette retentit, Bernie est même capable de te donner l'identité du zig qui se pointe au " Little Bernie " à l'écoute du nombre de fois où tinte la clochette et cette fois-ci, c'est Antoni & Claudio qui rappliquent voir le boss. Deux gars que le patron apprécie, des vieux de la vieille, des types de la première heure qui s'habillent avec de sapes sur mesures, toujours impeccables dans leurs ensembles sobres tirés à quatre épingles. Les voilà qui pénètrent dans l'arrière boutique et se présentent solennellement auprès du patron, la serviette harnaché autour du cou en losange, il vient de finir son Gaspacho.



Le temps de s'essuyer les mimines, de toiser ses deux ouailles au fond des prunelles, il s'émancipe de sa serviette qu'il laisse traîner sur le coin de la table et se dirige vers une baie vitrée au fond de la pièce, les pognes dans le dos. Rien n'est vrai, tout est sérieux, comme on dit dans le milieu.

" La cargaison hebdomadaire d'opium a été réceptionné dans nos entrepôts hier après-midi. Francelli s'est occupé de la mettre aux frais dans la chambre froide des pêcheries Wilkins. Je suis d'ores et déjà rentré au contact avec le vieux Peach qui m'a dégoté un de ses meilleurs contrebandiers pour s'occuper du convoi. Un certain Morneplume qu'il se fait appeler, la petite quarantaine, les traits durs et tirés, au demeurant un peu abrupt. M'étonnerait pas qu'il ait le verbe un tantinet acrimonieux le Morneplume, Peach doit faire faire les trois huit à sa flottille, vorace comme il est. Je veux que vous aussi fassiez le voyage avec Lefty et lui montriez les ficelles d'une opération de cette envergure. Assurez vous que la marchandise arrive en bonne et due forme à Manshon, je connais Peach, il va mettre d'autres lascars sur l'affaire et j'ai le sale pressentiment que les rentrées d'argent commence à lui faire avoir les mirettes plus grosses que la panse. "

D'un signe de la main, il me fait signe de m'introduire, j'essaye de garder la moue dure, figé comme on s'évertue à tous la garder quelque soient les circonstances. De pied de grue, je passe à l'assistance dans le trafic d'opium, je pense pas à la promotion qu'il m'accorde mais plutôt au surplus de billets vers que je vais récolter lorsque l'affaire sera clafté. Jeune et con, ce qui me parle c'est la mitraille que j'ai dans les poches qui me fait gamberger, l'orgueil c'est notre vice commun.  

Antoni et Claudio acquiescent de concert tandis qu'on se retire silencieusement comme l'entend le code mafieux. Bernie a d'autres chat à fouetter et d'autres félins à mater, un homme de sa carrure délègue à des hommes de confiance et le triumvirat que nous sommes bénéficions de sa confiance toute relative.

Le temps de se diriger vers le rade de Luvneel et de son immense cale, le crépuscule affleure à l'horizon, un temps propice pour embarquer et fendre l'onde sans éveiller sans éveiller les soupçons.


Dernière édition par Lefty Fields le Sam 10 Oct 2015 - 11:20, édité 4 fois
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Spoiler:

C'est assez pour t'convaincre de m'rendre service, ça, Morny ?
'm'appelle pas comme ça.
On est pas des amis ? J'croyais qu'on s'serrait les coudes toi et moi, qu'on grimperait ensemble.
J'te l'ai dit Sharp, j'fais ces boulots simplement pour continuer d'naviguer sans trop d'problèmes financiers. Histoire d'avoir un fond l'jour où j'vais m'poser.
Ha ! Fais pas d'histoire, Morny, on sait tous les deux qu'ce boulot tu meurs en l'faisant et c'est tout. Personne s'en sort.
Allez, c'est quoi cette fois ?
Les soutifs d'la princesse.
Non sérieux.
Trois cent kilos en opium d'Hungeria pour mes potes de Manshon.
Raah... Putain Sharp…
Quoi ? Oh Morny tu peux pas m'laisser tomber pour celle-là hein !
Hm. Non. Rien. J'vais l'faire ton boulot, de toute'.

Secret professionnel, impossible de lui souffler que j'embarque déjà la cargaison du vieux Bernie. Ça r'viendrait à m'retrouver troué d'toute part au fond d'un caniveau dès d'main matin. Si j'ai survécu sur les mers si longtemps, c'parce que j'ai su pas faire chier ceux qui avaient l'pouvoir d'me couper rapidement d'ma liberté. Qui ? La Marine et La Mafia. Les deux instances d'North Blue avec lesquelles tu préfères pas trop t'ambitionner. J'ai trouvé l'juste milieu pour m'éviter des emmerdes avec l'une comme l'autre, v'là un peu plus d'dix ans : contrebandier. Invisible sous les radars gouvernementaux, indispensable à l'underground local, le meilleur des deux mondes, héh. Le v'là, le Morneplume moderne. L'homme de loi en surface, brave marin sous des airs d'aventurier et d'explorateur. Un mec clean qui fait la navette entre des îles, transporte des passagers ou des marchandises, 'dépend des fois. L'excuse parfaite pour parcourir la mer, cette belle compagne, qui garde mon business à flot et qui m'garde sur les flots depuis presque quinze ans. Et sous tous ces beaux attraits, voilà Morneplume le contrebandier, l'homme invisible. Mec fiable et subtil capable de faire passer c'que tu veux jusque dans les caves du QG d'la Marine, jamais trop taché, jamais attrapé, petite légende du milieu qui s'mouille jamais trop.

Jamais le crime n'aura si bien servi.

L'argent dans la main d'Black Mask tombe dans l'une des poches d'mes braies. Héh. Bien fait. Ce sacré Sharp a jamais fini de m'fournir en boulot, toujours plus secrèt'ment qu'd'autres. P'tit entrepreneur souterrain, le Black Mask, très ou trop ambitieux, je sais pas encore, mais j'me suis toujours réservé de trop m'embarquer dans ses folies. Qui sait, p't'être qu'un jour il se retrouv'ra à la tête du Syndic', mais pour l'instant j'préfère me tenir loin d'ses projets et me concentrer sur des valeurs sûres comme le vieux Bernie, un mec qui tient ses promesses et qu'a toujours des boulots payants à fournir. "Mords pas la main d'celui qui pourrait t'foutre une claque en pleine gueule" dit toujours le vieux Peach Wilkins, mon employeur, quand on parle d'Bernie et d'son empire. Il a pas tors, quoiqu'on doit toujours faire gaffe, sur North, parce qu'à trop bosser d'un côté, on fini par s'attirer les foudres d'un autre. Les mafias d'l'océan du Nord ont jamais fini de s'en jouer des mauvaises à chaque jour, j'préfère pas devenir la cible des Sept Familles de Manshon parce que j'ai rendu un service de trop aux baroudeurs d'Luvneel. Pour la peine, je bosserai pour le Gila dès qu'j'aurais apporté cette sacrée cargaison d'opium sur les docks de Manshon.

Alors. Marché conclu ?
T'inquiètes, ton opium s'ra entreposé direct dans les hangars que Peach a acheté là-bas. Il est sûr, les patrouilles du coin s'font payer tous les mardis pour pas aller y foutre le nez.
Je savais qu'j'pouvais compter sur toi Morny, héhé.
'm'appelle pas comme ça j'te dis !
Oh, allez, c'pas avec cette attitude que tu vas t'tirer du milieu. Ça veut s'poser mais c'est pas avec cette gueule que ça se trouvera une jolie d'moiselle.
Pfff, et tu t'es vu le squelette ?
Crève.

Y m'brusque, j'lui saisi les pognes et l'repousse avec un sourire narquois. Qu'il s'y essaye, le Sharp. J'ai bossé assez longtemps sur la mer pour apprendre à m'défendre contre les pirates… et à buter des clients pas trop coopératifs, underground oblige. La vérité que Sharp connait pas, c'est qu'y a déjà une fille qui m'attend là-bas, d'l'autre côté d'l'océan, directement à Manshon. Elsa. Les yeux comme des boules de feu, la toison comme le ciel quand l'soleil plonge vers l'horizon. Une déesse qui a la verve aussi puissante que les parfums des fleurs qu'elle vend. Ouais, elle est fleuriste sur Manshon. Rien d'illégal, juste fleuriste. Et c'est un peu ça le problème. 'plus d'un an qu'on se connait, et j'ai pas trouvé comment lui dire que je bossais dans l'marché noir avant y'a deux s'maines. Elle était furax, horrible et immense. Elle était Calypso pendant deux jours. Après j'suis parti, le boulot qui m'appelait.

J'arrête pas d'penser à elle depuis. À comment j'vais m'excuser, à comment j'vais tout laisser tomber pour elle. Ce boulot là, si ça s'trouve, ce s'ra mon dernier. Le Sharp le sait pas, Wilkins et Bernie non plus. Au cours des dernières années j'me suis accumulé un sacré pactole, à force de faire des mauvaises choses pour des mauvaises personnes. Au final, p't'être qu'un truc bien en sortira. J'pensais garder mon navire, le Bengali, et prendre la mer avec Elsa, foutre le camp d'North Blue et d'ses problèmes pour filer direct par-dessus Red Line. Une belle maison sur une île sans nom où on pourrait avoir des enfants et plus jamais penser aux sales trucs que j'ai fait. J'serais pêcheur, histoire de garder contact avec la mer, mon deuxième amour, et elle s'rait encore fleuriste. On aurait un gars, une fille, la fille plus vieille. On m'retracerait pas, on m'retrouverait pas, j'serais trop loin. J'en ai parlé à personne, pour être sûr.

Ouais, c'est décidé, c'cargo d'opium s'ra mon dernier.

Le Bengali, c'est une belle goélette toute découpée et stylée, qui passe n'importe où, peu importe le temps. Plus subtil qu'elle c'est une barque volante invisible, croyez-moi. Un double fond dans la cale pour y stocker des trucs illicites, des renfoncements dans la charpente pour y glisser des passagers clandestins ou des trucs compliqués à expliquer, l'Bengali est une cachette flottante. C'est l'temple du secret. Jamais percé à jour, ma belle embarcation qu'a fêté son dixième anniversaire v'là pas trop longtemps. Que de belles réussites qu'j'ai eu ave ce bel esquif, quand même… et c'pas la fin de nos déboires, héhé. Les hommes de Peach doivent l'charger avec les cargaisons d'opium, et puis après ils rajouteront des stocks de morues et d'patates, deux produits très luvneeliens qu'aucun p'tit officier d'surveillance ou qu'aucun fonctionnaire véreux r'mettrait en question.

Bon, allez, 'faut qu'j'aille mettre ton stock à bord. C'est l'vieux Peach qui doit s'demander c'que j'glande, j'pars dans une heure à peine.

L'Sharp s'replace l'imper et s'rajuste le col de ch'mise. Il sourit un peu, un genre d'éclat malsain dans les yeux. Putain qu'il est flippant, le Black Mask. Un des mecs dont j'm'ennuierai pas trop l'temps du départ venu.

À plus Morny. Tâche de pas tout foutre en l'air.
Téh ! Pour qui tu m'prends… à bientôt…
'tain, ça sonnait faux.

Black Mask se tire de la ruelle, quitte probablement c'coin du port pour r'tourner sur son territoire.  Au-dessus des bâtisses, le ciel s'garnit d'teintes fauves, ciel clair qui f'ra pas d'mal pour une navigation nocturne. Tranquillement, j'm'appuie contre le mur de la ruelle. J'vais profiter des quelques minutes de calme qu'il me reste avant l'voyage vers Manshon. J'm'allume une tige, les yeux dans l'vide, puis j'tire la photo d'Elsa d'sous ma veste rapiécée.




Un dernier boulot ma chérie. Ensuite y'aura plus qu'nous deux.
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Spoiler:


Les talons de nos mocassins propres comme des sous-neufs battent le pavé dans une cadence mécanique, machinale, qui emprunterait presque au défilé martial des pignoufs de la marine. Le pas ferme et régulier, la foulée gorgée de l'aplomb de ceux qui peuvent tenir la dragée haute voire de dessouder sans sourciller tous les zouaves noctambules qui n'aspirent qu'à te faucher ton blé, le triumvirat dévora dare-dare la distance qui les séparait de l'embarcadère où avait mouillé l'ancre de notre fameux passeur et contrebandier. J'ai toujours aimé faire un brin de ronde nocturne, Bernie déclame souvent à qui veut bien prêter l'oreille qu'il n'y a pas de meilleur digestif pour faire passer la barbaque bien arrosée. Le froid requinque ce qu'il te faut de neurones pour cogiter en bonne et due forme et moi j'en profite pour mettre à plat ce qui me titille l'encéphale et passer en revue les réjouissances du lendemain, parce que demain, c'est loin comme on dit dans le milieu. J'ai bien senti que le vieux Bernie avait des aigreurs d'estomac et qu'il avait pas l'air totalement dans son assiette lorsqu'il nous a mis sur le coup, pas tant que le boss est un expansif invétéré avec nous autres mais que bien souvent ses mimiques font office à elles seules de baromètre de ses humeurs du moment.

La gueule de trois pis de long qu'il tirait suffisait à en dire long sur ses états d'âme et ce que lui susurrait son flair légendaire. Luvneel a son lot de truand pas net, de tous ses petits scélérats naïfs qui s'improvisent gangster de profession parce qu'ils l'ont mise à l'envers à un simplet de passage dans le patelin, toutes ces petites frappes qui clament être des grosses foudres et qui en ont autant au creux des guiboles que la vierge d'acier et sa misandrie. Le palmarès d'une huitre au tableau de chasse et ca veut se figurer jouer sur le ter-ter des gros bestiaux du bled, du genre de ceux qui ont assez d'air chaud dans le bocal que Morneplume serait enclin à prendre et qui pourrait faire capoter toute une opération et compromettre les affaires de Bernie. Le sixième sens de Bernie est aussi vif et acéré que les harpons des chasseurs de baleine de North, je m'y réfère comme au livre Saint et lorsque le patron nous a intimé d'ouvrir l'œil et de marquer au croupion Morneplume et la cargaison, je me doute bien qu'il va falloir que je lui cautérise la couenne au fer rouge.

Amarré le long de la cale, le Bengali tangue au gré des vaguelettes qui s'engouffrent sous sa houpe tandis que son capitaine trône devant son bastingage , l'oeil hagard, à zieuter un papelard qu'il tient du bout des phalanges. Tu m'en diras tant beau brun, le regard torve qui parcourt ce que je crois distinguer comme une photographie. Morneplume est le prototype des éphèbes affables que compte les mouettes et toutes les chiures qui gravitent autour de la nébuleuse de la sacro sainte marine. Tu m'en fais un sacré de contrebandier avec ta belle gueule de jeune premier, tes petites prunelles d'azur et ta petite brosse joliment taillé, c'est qu'il doit être un tantinet fleur bleu et avoir son jolie brin de femme qui l'attend au bercail pour qu'il se pomponne de la sorte tout commandant de navire qu'il est. Encore un a qui on a appris très tôt à astiquer fiévreusement les cuivres des vaisseaux et qui doit pas demander son reste lorsqu'il est corvée de chiottes, je m'attendais à croiser un vieux briscard radoteur en fin de vie et je tombe sur un jeune fringant qui n'a encore sans doute pas jeté sa gourme, bonne pioche Lefty.  

Pour autant, j'irais pas jusqu'à me foutre le gus à dos, c'est un peu l'une des poules aux œufs d'or du boss et l'un des rares qui ne nous a encore jamais fait défaut ou qui est allé vidé son sac aux autorités. Connaissait le vieux Peach, il doit pas se faire prier pour le chambrer plus souvent qu'à son tour dans les tavernes de Luvneel. Morneplume a beau ressembler à un jeune perdreau, il est pas pour autant siphonné du ciboulot, il se doute bien qu'il a bien plus à perdre qu'à gagner s'il va cafter et faire sa petite mijaurée, Bernie le respecte et empêchera quiconque d'assez couillu de lui faire bouffer les pissenlits par la racine. Je toise le zig sous toutes ses coutures, de haut en bas mais surtout de biais en réalité. Morneplume apparaît soucieux et lorsque je crois entrapercevoir une belle plante sur le document qu'il se fourre prestement dans sa poche de veston lorsqu'il nous mire, je comprends bien vite qu'il a pas l'esprit tranquille et qu'il risque pas de s'épancher sur ce qui lui titille les burettes dans son futal étroit.  

Antonio et Claudio nous épargne les amabilités d'usage et se contentent d'une poignée de main franche et dure avec Morneplume, la moue inflexible si ce n'est le sourire fallacieux de coutume, celui qui te prend légèrement pour un abruti et qui ne fait plus illusion pour le quidam de passage mais qu'on continue à afficher par souci de formalisme.  

"Eh bien, messieurs, on dirait bien que je n'attends plus que vous pour embarquer ! Peach m'a refilé la marchandise, tout est en ordre, vous pouvez vérifier."

"Bien Morneplume, vous êtes un homme de parole. Ne perdons pas plus de temps, voulez-vous "



"C'est que faudrait pas qu'on se fasse gauler ce soir. Moi, passe encore, je sortirai blanchi, toi tu pourrais croupir en taule et tourner au pain dur et à la flotte pendant un bout de temps héhé. J'en connais une qui serait susceptible de pas s'en remettre."

"Pour sûr que si t'allais au mitard, toi tu manquerais à personne."


Claudio a jamais été une lumière, il cumule gaffes et bévues à son actif mais Bernie ne peut se résoudre à le foutre sur le carreau, question de sang mêlé à ce qu'on dit si bien que le boss lui passe les frasques que cet abruti dépose dans son sillage. Ce coup-ci, il ira même jusqu'à se fendre d'une réplique cinglante sur Morneplume. Le venin craché, l'abruti congénital se fait recadrer brutalement par Antonio qui le replace dans ses gonds et lui fait rabattre son caquet. Antonio a carte blanche en la matière pour régler les déboires du fardeau que représente Claudio et son arrogance prononcé, lui le petit présomptueux bas du front qui ne cesse de balancer ce qu'il présume être des traits d'esprit, lui le petit péteux qui ne cesse de rouler des mécaniques et de jouer des coudes pour combler le vide lacunaire qui fait mine de s'agiter au coin de sa boîte crânienne qui sonne pourtant creux depuis des lustres.

Morneplume a assez de jugeote et de présence d'esprit pour pas lui faire sa tête au carré ou le clouer au pilori, il se contente de lui cracher silencieusement la fumée de sa clope en plein dans la trombine du grand brun ténébreux. L'un se figure d'emblée le duel d'ego tandis que l'autre se contente de lui livrer toute son indifférence acerbe doublé d'un regard incisif l'intimant à pas réitérer la manœuvre.

Derrière, les mecs de Peach viennent de charger les dernières caisses de marchandises pour le compte d'un autre truand local je présume. Pas mal de volume et de tonnage, la curiosité m'interpelle sur la nature de la cargaison et l'oseille que Morneplume doit palper pour ses petites escapades au clair de lune. Son navire payait pas de mine de prime abord, juste ce qu'il faut de vélocité et de taille pour bourlinguer sans être inquiété et éviter les avaries les plus comaques sur l'océan.

On s'empresse bientôt de mettre pied sur la goélette du contrebandier avant que celui-ci ne largue les amarres et coupe les lampes à huiles pour naviguer tous feux éteints dans les ténèbres du rade. Jamais aimé sentir les embruns du grand large, ils s'incrustent dans les sapes et me rappelle de trop près la sous-race à branchies qui ondulent sous nos pieds et qui s'estiment être nos égaux. La poiscaille, on la préfère dans nos assiettes plutôt que dans nos cœurs et la quincaillerie qu'on se trimballe dans nos futals suffira à faire passer l'envie aux plus audacieux de ces catins de vouloir aborder le rafiot en loucedé.

Morneplume tient la barre comme le preux et fier marin qu'il est, il connait le coin comme sa poche, l'emplacement des récifs, des bancs de sables et les courants qui parsèment la zone, le vent barde la toile et gonfle la voile tandis que la goélette prend subitement le large vers le lointain avec à son bord un bouquet garni de macaronis qu'ont autant le pied marin qu'un soiffard faisant irruption au thé quotidien des fameux pète-sec étoilés qui nous chient dessus sur le toit du monde.
 
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