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Le calme avant le calme un peu moins calme






Luvneel ? Non, pour le moment, la haute mer. Mais pas loin.

Enfuis de Boréa, le groupe composé d’une vingtaine de révolutionnaires, d’Adam Lame, d’Alrahyr et de Yunna Kaltershaft – sa mère – vogue à bord d’un croiseur volé à la Marine, sur l’île gelée. Blessé à la taille par un débris de bois lors de la fuite, le jeune homme ne parvient pas à guérir. Il peut marcher, se déplacer sur le bâtiment de guerre, mais conserve sa main à sa taille, pris d’une douleur lancinante.

Et, même s’il a souvent été blessé par le passé, il n’arrive pas à se faire à celle-ci.

- Ouais, c’est bien infecté…

Adam n’est pas un expert en médecine, loin de là, mais personne n’est plus apte que ça à bord. Alors il en faut bien un qui se lance. Dès leur départ de Boréa, il a commencé à surveiller la plaie, dont la plupart des corps étrangers ont été enlevés. Lors de cette première observation, il avait émis l’inquiétude d’une infection, et a continué à vérifier ça régulièrement.

Et dès le début, il avait confirmé la destination : Luvneel. La raison ? Certainement le meilleur endroit qu’il connait pour soigner son ami.

- Adam, on n’aura pas la possibilité de s’attarder sur l’île, faut pas qu’on s’éternise sur les mers bleues…
- Comme tu veux… Mais dans ce cas, autant ne pas débarquer, on a tout ce qu’il faut avec nous pour Grand Line. J’ai même trouvé un Log dans la cabine de navigation.
- Super ça… Arhhh…

La douleur est bien présente et le relance régulièrement.

- Et si on ne débarque pas, faut qu’on fasse monter quelqu’un à bord.
- Tu penses à une personne en particulier ?
- Richard Bloody, tu te souviens ? Le batteur des Boréalins.
- Homerun ? Il est médecin ?
- Mieux, chirurgien.
- Euh… On parle bien du gars qui massacre tout à la batte de baseball ?
- On parle bien de lui. Figure-toi qu’à force de tout casser, il a pu en observer des choses dans le corps humain. Il connaît tout l’intérieur par cœur.
- Ok, mais niveau précision, il vaut quelque chose ?
- Alra, c’est pas parce qu’il se bat à la batte que c’est un boucher.
-
- Bon, Richard est un boucher, mais quand il fait de la chirurgie, c’est un professionnel. C’est un bon, je te dis.
- De toute manière, je vais te faire confiance, tu dois en être sûr si tu me proposes ça.
- Sûr à cent pourcent.

Alors va pour Richard Bloody.

- Capitaine ! Voile à l’horizon !

L’homme à la vigie hurle en direction du pont, suite à quoi Alrahyr saisit une longue vue pour mieux discerner la tache informe qui se profile au loin. Une voile d’une couleur délavée, pas de couleurs hissées : probablement des pirates en recherche d’une proie. Et, puisqu’ils vont à peu près dans la même direction que le navire révolutionnaire…

- Gonflez les voiles, rapprochons-nous de lui ! Barre à trente degrés devant lui !

Le bâtiment de guerre tangue légèrement suite aux manœuvres, puis accélère fortement. Il a une excellente prise au vent pour un croiseur, ce ne sera pas difficile de rattraper le navire présumé pirate.

L’œil sur l’étendue bleue, Alrahyr aperçoit une risée.

- Dix degrés par bâbord, prenez-moi ce vent !

Le navire avance ainsi en changeant progressivement et délicatement de cap pour conserver les vents les plus favorables à son avancée rapide. Peu à peu, les contours du navire se dessinent… et le jeune homme en reconnaît la forme.

- Il y a un truc qui va pas, Alra ?
- Je sais pas, j’ai déjà vu ce navire je crois… Mais je ne sais plus où…

Au fur et à mesure qu’ils se rapprochent, les révolutionnaires peuvent observer l’équipage d’en-face courir dans tous les sens et se donner du mal pour tenter de garder leurs distances. En vain.

- J’ai l’impression de connaître l’homme à la barre…

Effectivement. L’homme à la barre, ça n’est autre que le capitaine du bateau en question, et lorsqu’il se retourne vers le croiseur, Alrahyr revoit les images d’un passé pas si lointain que ça.

- Alessandro ! Alessandro de Gama !
- Qui ça ?
- Un capitaine pirate, que j’ai rencontré au Cimetière d’épaves, juste avant de venir pour la première fois à Luvneel !

Lui ? Ici ? Mais pourquoi ? Ne devait-il pas partir pour Grand Line, et tout faire pour rejoindre Armada ?

Mais le pirate n’a pas l’air de l’avoir reconnu. Tout ce qu’il voit, c’est un bâtiment de guerre de la Marine qui le prend en chasse depuis plusieurs heures, et qui va maintenant arriver à portée de tir. Alors il vire de bord, et ne tarde pas à se mettre en position de combat.

- Merde, mais cet abruti veut nous tirer dessus ?

Il est temps de réagir. Ne pas faire feu, mais tout faire pour ne pas se trouver dans sa ligne de tir avant d’être assez proche pour être reconnu.

- Amenez-moi notre navire hors de ses canons, passez par le devant ! Gardez la vitesse et anticipez ses manœuvres !

Alors les deux bateaux entament une danse en cercle, l’un essayant de se mettre en position de tir, l’autre faisant tout son possible pour rester en dehors de son champ d’action, alternant entre une position par devant ou par derrière, manœuvrant en même temps que lui pour ne pas laisser le temps à ses canonniers de faire feu. Quand on n’a pas la stabilité pour viser et qu’on n’a pas les capacités nécessaires, on ne tire pas.

Et c’est au bout d’une bonne demi-heure que le croiseur est assez proche pour qu’Alrahyr fasse de grands signes à Alessandro. Le capitaine pirate, qui s’étonne depuis déjà pas mal de temps que le bâtiment de guerre de la Marine ne lui ait pas encore défoncé la coque, reconnaît là son ancien second, qui n’a occupé cette place que quelques jours.

Rentrant ses canons et refermant ses sabords, il permet aux deux navires de se placer côte à côte, un peu méfiant mais rassuré par l’absence de soldats en uniforme sur le pont du croiseur. Alrahyr et Adam descendent sur le navire pirate, plus petit, avec l’accord de voix de son capitaine.

- Alessandro ! Haha, je me disais que j’avais reconnu ce navire !
- Alrahyr ? Mais je ne pensais pas te recroiser un jour ici ! Mais ça va ? T’as l’air blessé, à la taille…
- Oh t’en fais pas, ça se soignera un jour… En attendant ça me lance, mais je fais avec. Hé, moi non plus je ne m’attendais pas à te croiser ! Tu devais pas aller sur Grand Line ?
- Oh, ça… Pas pu ! Quand on y est allé, il y avait un bâtiment de la Marine qui venait de couler un navire pirate qui tentait de se diriger vers Reverse Mountain… Et voir ça, ça nous a refroidis… D’ailleurs, qu’est-ce que tu fiches à bord d’un croiseur ?
- Oh, ça ? Je l’ai volé à un Commandant, j’en avais besoin pour quitter une île !
- … Tu… tu voles souvent un bateau comme ça, à un officier toi ?
- Bah j’avais pas le choix.
- Certes certes…
- Ecoute, en te revoyant, et en écoutant ton histoire, il m’est venu une idée… Tu vois, j’ai besoin de partir d’ici en vitesse, des mers bleues.
- Tu veux aller vers Grand Line ?
- Ouais, tout à fait. Je commence à être trop connu dans le coin, j’ai fait quelques petites choses pas super bien vis-à-vis de la Marine, et ils ont une dent contre moi.
- Une ?
- Toute la dentition, à vrai dire…

Les deux hommes rient de bon cœur, même si le sujet est lourd.

- Et du coup ?
- Du coup faut que je me casse, pour être clair. Mais le souci, c’est qu’un croiseur, c’est très voyant, et j’ai pas spécialement envie de me faire remarquer…
- Me dit pas que…
- Si. Le Reconquista, ton navire, je sais qu’il est fait pour aller sur Grand Line. Il est petit, efficace, sans les couleurs de la Marine, et rapide.
- Ouais enfin, tu m’as rattrapé…
- T’as jamais su aller vite, Alessandro, t’es un explorateur, mais pas un rapide !
- Raaah arrête, j’ai jamais su rattraper une proie… Pour ça que je hisse pas le pavillon noir, faut que je les approche avant, sinon ils se barrent tous.
- Bref. Tu y tiens au Reconquista ?
- Bah un peu mais bon… J’l’ai construit quoi…
- Moi aussi, je te rappelle…
- Oui bon…
- Alessandro, un croiseur… Bâtiment de guerre… Plein de canons… Bien solide ! Avec ça, tu peux aller sur Grand Line, comme tu voulais !
- Aaah tu me tentes !
- Et tu te laisses tenter ?

Le capitaine pirate balaie du regard ses membres d’équipage, qui font des yeux ronds pleins d’espoir. L’espoir d’aller sur Grand Line. L’envie d’atteindre Armada.

- Allez ! Tope-là, ça me va !

Et, sur ces bonnes paroles, s’amorce une ronde de pirates et révolutionnaires qui débarquent et embarquent toutes leurs provisions respectives d’un navire à l’autre. Le croiseur contenait énormément de vivres, une joie pour l’équipage d’Alrahyr, ne prévoyant pas de s’arrêter à Luvneel – et n’ayant de toute manière pas d’argent à dépenser.

L’opération prend un certain temps. Mais petit à petit, tout ce petit monde s’installe dans ses nouveaux locaux. Le Reconquista, plus petit, est cependant très bien agencé et permet à la vingtaine de révolutionnaires de prendre ses aises d’une manière très agréable.

- Alors Alessandro, Grand Line ?
- Ouais, plus rapidement que jamais ! Et toi aussi ?
- Aussi ! Mais pas immédiatement, un passage à Luvneel à faire, une blessure à réparer. Mais juste après, ouais !
- Alors on s’y recroisera, j’espère !
- Peut-être, peut-être… J’essaierai de pas te faire peur héhé !
- Raaa arrête ! Allez, soigne toi hein !
- A la prochaine Alessandro !

Et les deux navires se quittent, menés par de nouveaux équipages.


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Et enfin, Luvneel est en vue.

Enfin, parce que l’état d’Alrahyr s’aggrave de jour en jour. Désormais, il reste des heures durant alité dans sa cabine, ne sortant que quelques instants régulièrement pour goûter au bon air marin qu’il dit assainissant. Soutenu par sa mère qui passe le plus clair de son temps à son chevet, à lui éponger la sueur qui trempe son visage à l’aide d’un tissu frais, le jeune homme souffre de l’infection croissante de sa blessure à la taille.

Depuis l’inaptitude de son capitaine à mener le Reconquista, c’est Adam Lame qui a pris les commandes du fier cotre. Se frayant un chemin à vive allure à travers les eaux de North Blue, l’embarcation vogue le plus rapidement possible vers sa destination.

Luvneel.

Sans étendard et mouillant à l’entrée du port de la ville marchande, le Reconquista passe pour un navire de commerce. Adam a débarqué personnellement en chaloupe, accompagné de quelques hommes. Avant de quitter le cotre, il a clairement exprimé la possibilité que chaque membre d’équipage a de descendre à terre pour ne pas remonter à bord, si l’aventure vers Grand Line leur posait problème.

Mais apparemment, tous ceux présents rêvent d’un futur plus prometteur que les mers bleues, aux côtés d’Alrahyr Kaltershaft. Après tout, tous sont Boréalins, et le jeune forgeron, par sa famille et ses actions, représente bien le soulèvement de l’île. Non pas que quoi que ce soit ait été un succès, mais ce n’est pas faute d’avoir essayé. De la mauvaise manière, certes, mais au moins…

Alors, ceux qui débarquent avec Adam ne font que l’accompagner. Ils remonteront, c’est certain.

Connaissant les lieux comme sa poche, l’homme n’a pas eu de mal à retourner dans les quartiers cachés de la révolution, à y trouver Richard Bloody, à lui expliquer le problème, les projets d’avenir et l’urgence, et ainsi à le convaincre de monter à bord du Reconquista, accompagné d’une demi-douzaine d’hommes volontaires et motivés qui ont la confiance du batteur.

Et de cette manière, les voilà tous sur le pont du navire, regroupés pour un même objectif, une même cause, une même personne.

- Il est où ?
- Dans la cabine du capitaine, viens.

Richard ne perd pas une seconde. Il dépose sa batte et ses affaires emballées dans l’urgence dans un coin de la pièce, se précipitant sur le corps transpirant de son ancien – et futur – coéquipier.

- Ah… Homerun… Te voilà… ça va ?
- On va passer les formules de politesse si ça t’embête pas Alh’.
- Ouais t’as certainement raison…

Il a déjà commencé à examiner la plaie, sans perdre plus de temps.

- Mais t’as fait ça comment ?
- Un débris de bois… Suite à un tir de canon… Aïe ! Aaaarrrrhhh…
- Pardon, mais faut que je regarde s’il reste des bouts dedans.
- Ok vas-y…
- Prêt ?
- Prêt.
- A trois… Un.
- Aaaaaaaaah putaaaain ! Raaaaahhhhhh…

Dans un bruit visceral, Richard extrait un morceau de bois d’au moins deux centimètres de long.

- T’avais ça dans le corps, regarde.
- Merde, j’m’en tape je veux pas le voir, rebouche moi ça, ça coule !

Effectivement, la plaie à moitié cicatrisée s’est rouverte et laisse s’échapper un fin filet de sang qui vient se répandre au sol dans un « plic plic » régulier.

- Non, je dois vérifier qu’il n’y a rien d’autre…

Et la séance continue ainsi. Entre deux râles, le nouveau chirurgien enlève à nouveau un débris, puis un autre, et encore un autre. De minuscules bouts de bois qui perforaient la peau d’Alrahyr sous la surface, l’empêchant de guérir correctement. Les fragments s’éparpillaient sous l’épiderme et les croutes de sang les forçaient à rester.

Et dans de pareilles circonstances, il faut fouiller. Et quand on fouille dans votre corps, même à quelques centimètres de profondeur, ça fait un mal de chien. Parce que là, pas d’anesthésie évidemment.

- Je crois que c’est bon, je vais pouvoir refermer.

S’aidant de ses instruments récupérés dans son paquetage, Richard termine son travail méthodiquement, sous les yeux hagards d’Adam, de Yunna et de deux révolutionnaires restés là en cas de besoin.

- Tu peux te reposer Alh’, t’en as bien besoin.

Et, comme répondant au regard inquiet de son capitaine, Adam s’empresse d’ajouter :

- On va lever les voiles, je m’occupe de tout.

Et, alors qu’il sombre rapidement dans un sommeil réparateur, Alrahyr entend au loin les ordres de son ami. Des voiles levées, une prise de vent, un doux tangage du Reconquista…

Au revoir, Luvneel.



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