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Ordre 66




Tonio se mit sur la pointe des pieds pour regarder ce qui déclenchait les murmures et les petits sauts sur place de ses camarades. Ils étaient debout, en rang à côté de la porte de la salle de classe. Comme tous les matins, ils attendaient l’arrivée de leur professeur, un homme mystérieux au visage recouvert d’un casque qu’il appelait de ‘’motto’’. Une histoire de devise, Tonio ne comprenait pas bien. On lui avait dit que ce serait plus clair plus tard.

Enfin, le groupe d’orphelins de Kage Berg se calma à l’approche du professeur et d’un inconnu. C’était donc ça qui rendu curieux les copains ? Il jeta à peine un regard à leur tuteur pour se concentrer sur le nouvel arrivant. Une demi-tête de plus, les cheveux bruns un peu longs et un beau costume-cravate noir comme dans les histoires de gens importants. Et il marchait avec une mallette en cuir également noir à la main. Vraiment comme dans les histoires et comme dans le journal parfois !
Les enfants se turent pour la plupart, excepté le chuchotement occasionnel, regardant avec curiosité le duo approcher, leur pas claquant sur le parquet du couloir. La discussion des adultes s’arrêta également au moment où ils arrivèrent à côté des orphelins. Le professeur Bidh Ulhe les invita à entrer après avoir déverrouillé la salle de classe, sa posture indiquant confusément à Tonio une certaine raideur.

Le jeune garçon d’une dizaine d’année s’assit à sa place habituelle, au troisième rang à côté de la fenêtre. Les bavardages avaient bien entendu repris sitôt qu’ils avaient commencé à entrer, à s’asseoir, à ouvrir leurs cartables. Tous se demandaient qui était l’inconnu, pourquoi il était là, et ce qu’il allait se passer.
La réponse ne se fit pas attendre. Au signal quotidien de commencer à prêter attention, le professeur commença à parler, de sa voix grave et douce habituelle :
« Bonjour, les enfants. Avez-vous passé une bonne nuit ?
- Oui, s’écrièrent-ils tous en même temps comme leur voulait leur habitude.
- Tant mieux. Aujourd’hui, vous avez dû vous en rendre compte, c’est un peu particulier. Nous avons en effet parmi nous… Je vais le laisser se présenter.
- Oui, tout à fait. Bonjour à tous. Ahem… Je suis Albus D’Humberdoor. Je travaille au Service Mondial de Sécurité de l’Enfance. Je réalise actuellement un audit de toutes les structures d’accueil dans le cadre du CPOS, Contrôle Programmé des Orphelinats Subventionnés. »

Les enfants échangèrent des mines interrogatives, Alexia se préparant même à lever la main, encouragée par les regards de ses camarades. Alors que le professeur allait prendre la parole, Albus comprit et reprit la parole :
« Je viens m’assurer que l’orphelinat fonctionne bien et respecte les règles du Gouvernement Mondial. »
Bidh Ulhe acquiesca et ajouta :
« Monsieur D’Humberdoor assistera donc à cette journée, probablement à quelques autres également. Il sera au fond de la salle. Je compte sur vous, les enfants, pour être sages et attentifs. »

Et le cours commença.

D’abord, la plupart des enfants étaient tendus, jetant, comme leur professeur, de nombreux regards derrière eux. Monsieur D’Humberdoor était assis tout à l’arrière, sa mallette ouverte à côté de lui. Et il prenait des notes. Sur le cours, probablement. Sur la pédagogie, peut-être. Sur les locaux, il se pourrait bien. Ou peut-être qu’il faisait des dessins, comme Alexia. Tonio se promit d’aller voir.

Au bout d’une petite heure, les chuchotis et les petits messages sur papiers avaient suffisamment circulé. Tonio était prêt. Son arme était prête. Ses munitions étaient prêtes. Le signal de l’attaque atterrit finalement sur sa table, lancé par Charlie, le Général. Un papier roulé en boule sur lequel des stries rouges étaient nettement visibles.
Les yeux du jeune garçon se fixèrent sur Bidh Ulhe. Il était totalement immobile, paré pour passer à l’assaut. Ayant finalement achevé son explication présente, le professeur se tourna vers le tableau noir pour l’effacer et réécrire par-dessus à la craie. Sitôt qu’il tourna le dos, d’un mouvement souple poli par des heures d’entrainement, Tonio se prépara à faire feu…

Une avalanche de boulettes en papier atterrit sur Jack, deux rangs devant, qui se cacha la nuque derrière les mains, attendant que la pluie d’objets se termine. Mais l’ordre était de faire feu à volonté. Aussi, Tonio glissa ni une ni deux une autre boulette dans le stylo évidé qu’il utilisait comme sarbacane et tira une seconde salve.
L’attaque, d’une agressivité rare, leur apporterait la victoire pour la journée, les adversaires sûrement dépassés par cette embuscade aussi surprenante qu’éphémère.

Sur ces entrefaites, Bidh Ulhe se retourna vivement, alerté par le bruissement. Mais la classe était calme, tout le monde regardait attentivement le tableau. Il ne manqua cependant pas de remarquer, malgré la visière du casque qui obscurcissait son champ de vision, les nombreuses boulettes de papier autour de Jack. Mais il ne dit mot, n’adressant qu’un bref coup d’œil à l’inspecteur, espérant qu’il n’avait rien remarqué. Ce dernier, penché sur ses notes, les contemplait pensivement.

***

Le temps de la récréation sonna enfin. Les enfants se levèrent tous en cœur. Il y aurait des vengeances et d’autres plans. La guerre amicale que se livraient les deux factions de l’orphelinat continuerait. D’un côté, les Protecteurs d’Elemiah, dirigés par Charlie, l’équipe de Tonio. De l’autre, les Soldats du Royaume, de Jack.
Tonio fut le dernier à sortir, fermant la porte derrière lui. Il ferma les yeux et inspira profondément. Maintenant commençait son rôle d’Espion des Protecteurs. L’information, c’était le pouvoir, avait coutume de dire Charlie. Il l’avait lu quelque part et avait fait de cette maxime sa devise.

Silencieusement, l’Espion se colla au battant de la porte, puis appliqua son œil sur le trou de la serrure, suffisamment large pour lui permettre de distinguer l’intérieur. De même, les murs étaient suffisamment fins pour lui permettre de comprendre les mots échangés.
Il put donc voir Albus entrer dans son champ de vision et s’asseoir sur une table à côté du bureau de Bidh Uhle.
« Un premier avis sur le cours ? Ou peut-être gardez-vous vos conclusions pour le rapport, monsieur D’Humberdoor ?
- Hum, non, bien sûr, je peux vous en parler. Le cours était bon, je n’ai rien à dire dessus. Surtout des questions, hum…
- Qui sont ? Je peux sûrement vous répondre.
- Bien entendu, bien entendu… Comment gérez-vous la différence d’âge entre les différents élèves ? Le plus âgé devrait avoir quinze ans, d’après mes informations, et le plus jeune huit, n’est-ce pas ?
- Ah oui. Je gère ça à l’arrivée. Je fais des sessions de rattrapages aux plus jeunes, et rapidement ils reviennent à niveau. Cela leur demande beaucoup de travail, évidemment, mais ils sont motivés, et leurs camarades les aident également.
- Je vois, je vois. Une bonne ambiance de franche camaraderie et d’entraide, donc.
- C’est tout à fait ça. »

La voix de l’inspecteur baissa d’un ton, Tonio devant désormais coller son oreille contre le trou de la serrure pour entendre la suite de la conversation.
« Et la bataille de boulettes de papier ?
- Ah, ça… C’est totalement innocent. Je vais vous expliquer. Tout a commencé avec une partie de balle au prisonnier. Les deux équipes ont été constituées puis des revanches ont été jouées, des belles, aussi. Progressivement, la rivalité amicale s’est étendue à d’autres secteurs, y compris celui des études. Evidemment, je jugule tout cela pour ne pas que ça dérape.
- Parce que cela a déjà dérapé ?
- Non. Et cela n’arrivera pas. Ces enfants sont très malins, vous savez, ils jouent mais comprennent bien les limites du jeu, et qu’en dépassant ces limites, ils ne feraient qu’escalader le jeu au point de me forcer à intervenir, ce qui n’est dans l’intérêt de personne.
- J’en prends note.
- Et sinon… »

Avec le sentiment d’avoir écouté quelque chose qu’il n’aurait pas dû entendre, Tonio s’écarta doucement de la porte puis partit en courant dans les cours. Après tout, après le Conseil Stratégique auquel il n’avait pas pu assister, un duel de billes était prévu entre Alexia et Jack !



Dernière édition par Alric Rinwald le Jeu 16 Avr - 17:10, édité 1 fois
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A la pause suivante, tous les enfants s’attroupèrent autour de la chaise d’Albus, pendant qu’il rangeait ses affaires dans sa mallette. Comme hypnotisé, Tonio tendit la main et effleura le cuir noir, sous les regards d’abord surpris puis rapidement jaloux de ses camarades. Il ne put s’empêcher de s’exclamer :
« C’est tout doux ! »
Dès lors, ça se bouscula gentiment. Les plus proches en profitèrent pour glisser la main sur l’objet, tandis que ceux qui étaient trop loin essayaient avec une subtilité toute enfantine de se rapprocher. Albus avait l’air un peu surpassé par les événements, sur le coup, mettant la main sur ses documents. Il tendit le bras vers la mallette d’un geste vif pour la récupérer, la refermer, la mettre à l’abri. Puis suspendit son mouvement en plein air.

Tonio se dit qu’il fallait faire diversion. Il entendait déjà les pas du professeur Bidh Ulhe derrière eux, malgré le bruit ambiant. Ils étaient sûrs de se faire gentiment gronder à cause de cet écart de conduite. Il s’exclama :
« M’sieur D’Humberdoor, vous venez d’où ?
- Hein ? Hum, de Marie-joie.
- La capitale ? Woah…
- … et c’est comment là-bas ? Y’a…
- … Des immeubles ?
- … Des nobles ?
- … Les amiraux ?
- … Des cachalions ? »

Ulhe se racla la gorge derrière le groupe d’enfants, qui rétractèrent aussitôt leurs mains et raidirent leurs dos pour quelques secondes avant de se détendre. Ils comprirent en effet rapidement qu’il fallait qu’ils attendent les réponses du mariejoan avant de poser d’autres questions. Albus sourit :
« Marie-joie se trouve au bout de Grand Line, la Route de Tous les Périls ! Mais, évidemment, pour les gens nés là-bas, et qui y habitent quand ils ne sont pas en déplacement professionnel, comme moi par exemple, c’est simplement là que se trouve la maison. Car je vous le dis, votre maison se trouve là où vous le décidez !
- Et les amiraux ?
- Les amiraux sont très peu souvent là, mais j’ai pu en croiser plusieurs, notamment la fois où je faisais mon marché et que j’ai croisé Thunderbird. J’ai été tellement surpris que j’en ai fait tomber mes tomates par terre, et il m’a même aidé à les ramasser !
- Ah, il est gentil alors !
- Bien sûr qu’il est gentil, il est de la Marine ! Les nobles, on en voit très peu en ville. En général, la circulation est bouchée et on ne peut pas s’approcher à moins de deux cent mètres.
- Et vous êtes venu par Calm Belt ? Face aux gros monstres marins ?
- Hum, euh, non, pas du tout ! Je suis passé par la Flaque, qui permet de relier le réseau Mariejoan au reste des blues. Vous ne l’avez pas vu en cours de géographie ?
- Pas encore !
- Je vois, je vois… Non, bien sûr, ce n’est pas un problème, c’est normal que ce soit abordé… plus tard dans les programmes.
- Et les cachalions ?
- Les cachalions ?
- Ce sont des rois des mers !
- Ah euh… Jamais entendu parler…
- Une fusion entre un immeeeeeeense cachalot et un grooooooos lion !
- Un lion des mers ? Un morse ?
- Ah, non. Un lion tout court.
- Ah. Ha. »

Ulhe décida que c’était le bon moment pour intervenir et distraire l’attention en annonçant que le déjeuner était prêt. Albus soupira discrètement et essuya la sueur de son front. Il n’était vraiment pas si à l’aise que cela avec les enfants, pour un fonctionnaire spécialisé là-dedans.


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Pfiou, la journée éreintante était terminée ! Finie ! Et demain, ptet bien rebelote… Dans ma chambre de taverne moyenne gamme du port de Kage Berg, j’me passe de l’eau sur la tronche et dans la nuque. J’peux pas dire que j’sois particulièrement à l’aise avec les chiards, alors devoir en surveiller un paquet toute la journée, ça m’épuise plus que d’suriner du révolutionnaire.

En parlant de révolutionnaire, c’bien pour ça que j’suis là. Après tout, l’orphelinat que j’inspecte est financé par Ivan de Cimitiero, le très fameux. Celui qui, après divers actes pour la Révolution, a tourné les talons, sa veste et p’tet plus encore en vendant Costa Bravo et tous ses petits copains contre une place dans la Marine, un salaire et la fin des hostilités à son encontre…
Officiellement. Tout aussi officiellement, l’était surveillé comme le lait sur le feu, et il a en plus fait le malin. J’crois qu’il se rendait pas bien compte de ce dans quoi il s’était engagé, et l’importance de l’obéissance aux ordres chez les chienchiens de la Mouette.

Pas qu’on respecte pas les ordres au Cipher Pol. On a juste davantage de latitude pour les exécuter, loin du très Marin ‘’Ennemis là-bas. Taper.’’.

Il est encore tôt, mais j’descends vite fait dans la salle commune me prendre un p’tit casse-dalle qui s’avère ensuite tout à fait édible avant de remonter dans ma piaule, puis d’m’allonger sur mon pieu. C’est qu’il faut faire un p’tit somme avant d’aller bosser. En bras de chemise mais tout habillé, j’m’endors d’un sommeil sans rêve…

… Qui est interrompu par le discret appel de mon biorythme me signalant tranquillement que c’est l’heure. Et par ma vessie, aussi. J’me redresse en pandiculant, et j’m’équipe de mes couteaux : lancers, surins, planteurs, j’ai tout ce qu’il me faut. Une fois n’est pas coutume, j’prends deux grenades. C’est qu’les explosifs, comme j’en ai vus à Goa, ça peut être vachement utile. Dangereux mais utile.

Un coup d’œil par la fenêtre me confirme ce que j’savais déjà, à savoir qu’il fait nuit. J’me débats quelques secondes avec la fenêtre avant de réussir à l’ouvrir, puis à la coincer pour qu’elle se ferme pas à cause d’un simple coup de vent. Heureusement que j’suis qu’au premier étage. Dans la rue, en tout cas, y’a pas un chat. J’atterris en souplesse, comme un félin, puis j’pars vers l’orphelinat.

Franchement, plus louche qu’un type qui cache son visage sous un casque ? Un type qui cache son visage sous deux casques ?

J’me glisse comme une ombre sur les quelques lieux qui me séparent de l’orphelinat. Une fois là, j’profite du repérage que j’ai fait en arrivant, officiellement. J’connais la disposition de toutes les pièces, et j’ai fait l’effort de m’en souvenir. J’les ai aussi gribouillées pendant le cours que j’ai à peine écouté. Si j’ai fini l’école, c’est pas pour m’taper des bonus pour le plaisir.
Nan, j’suis là pour l’boulot. J’fais à pas feutrés le tour du bâtiment. Vu l’heure avancée, pas loin de minuit, j’me doute que j’vais croiser personne. Ils doivent tous gentiment être en train de pioncer. Les quartiers du professeur donnent directement sur la forêt, et j’manque plusieurs fois de m’viander sur des racines qui dépassent : la lueur de la demi-lune vient juste d’être auscultée par une poignée de nuages.

Pas d’quoi s’en plaindre, à part que j’verrai que dalle. Mais, après tout, c’sera le cas des autres aussi, les gamins qui vont faire leur pause pipi et le prof qui pionce du sommeil du juste.

J’identifie une fenêtre un peu isolée, sur laquelle personne n’a réellement de point de vue de l’intérieur du bâtiment. Exactement celle que j’avais repérée tout à l’heure. D’une poche, j’sors mes outils, enroulés dans du tissu pour pas qu’ils cliquètent à tout bout d’champs. Ca m’pose pas réellement problème, à peine une minute plus tard j’suis à l’intérieur. Il fait noir comme dans un four, maintenant que la lune éclaire plus.

Mes pupilles déjà habituées à l’obscurité ne distinguent que vaguement des formes plus noires que les autres. Du coup, pas l’choix, j’avance à tâtons. Si j’me plante pas –ce qui est évidemment le cas, j’dois être dans la remise. La porte devrait se situer… un peu plus… sur la droite… voilà !
J’arrive au pied des escaliers, dans un large couloir. C’est vachement plus éclairé, ici, par une lumière qui vient d’en haut. Le dortoir des gamins. Ils doivent utiliser une veilleuse. Le professeur, lui, est au rez-de-chaussée, de l’autre côté de la porte juste en face de moi. Une dizaine de mètres, somme toute, à parcourir. Mais le parquet avait pas mal craqué à l’aller, lors de la visite. On note les p’tits détails comme ça, quand on est consciencieux.

J’longe le mur, là où c’est le moins susceptible de me trahir. Et à part quelques craquements qui pourraient tout aussi bien être le fait du bâtiment, des changements de température ou du vent, j’pense avoir été discret. Maintenant vient le gros morceau. A priori, il fait noir dans la chambre de Bidh Ulhe, mais ça veut pas dire qu’il dort pour autant.
J’appuie doucement sur la poignée, et pousse tout aussi précautionneusement la porte. Les gonds ont été huilés, pasqu’elle fait pas un bruit. Puis j’me fige dehors. J’calme les battements de mon cœur et j’essaie de les supprimer, ainsi que l’bruit de ma respiration. Pour m’concentrer sur ce qui vient de la chambre à coucher.

Ca fait cliché, mais j’entends que des ronflements. A croupetons, j’rentre dans la pièce. J’ai pas pu la repérer, donc aucune idée de la disposition du mobilité. J’explore tout doucement, bras tendus, avançant centimètre par centimètre jusqu’à sentir le contact du drap et la texture du matelas. Là, j’me redresse et j’me rapproche de la tête du lit.

Et j’allume mon briquet tout en cachant de ma main pour éviter d’éclairer trop brusquement ses pupilles.

Evidemment, personne ne dort avec un casque. Donc j’analyse le visage de Bidh Ulhe : un front haut et dégarni, quelques restes bruns de cheveux, un nez busqué et un menton à fossette. Et une lippe humide, épaisse, baveuse. Tout ça pour une quarantaine d’années bien sonnées. Enfin bref, on est loin du prix de beauté, pas étonnant qu’il se cache. J’fixe sa tronche dans mon esprit, dans mes yeux, puis j’jette un rapide coup d’œil au mobilier.

J’laisse le feu s’éteindre et j’tire ma révérence, silencieux comme une putain d’ombre.



Dernière édition par Alric Rinwald le Ven 17 Avr - 6:46, édité 2 fois
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Une poignée d’heures plus tard, dans ma chambre d’auberge, j’contemple mon escargophone. J’ai envoyé le signalement de mon homme au Cipher Pol, j’ai feuilleté le dernier Bingo Book, sans rien trouver.

Pulu Pulu !

J’décroche aussitôt.
« Oui ?
- Albus D’Humberdoor, CPOS ? »
Au moins, au CP, on sait respecter les fausses identités, pas comme les butors de la Marine d’élite…
« C’est moi-même.
- Pour la description que vous nous avez communiquée, nous avons trois candidats.
- Je vous écoute.
- Premier : Hubert José. Quarante-sept ans aujourd’hui. Sorti de prison il y a six mois, il…
- Oubliez, le mien est dehors depuis plus longtemps que ça.
- Deuxième : Jonas Charlan. Quarante-quatre ans. Ancien prédicateur anarcho-révolutionnaire. A fait des études pour être professeur avant de rejoindre une cellule estudiantine de Luvneel. Disparu des radars depuis cinq ans. Primé cinq millions.
- Et le dernier ?
- Troisième : Carolin Clingon. Trente-huit ans. Membre du grand banditisme à Manshon. Supposé mort dans un affrontement des cartels il y a quatre mois. Primé un million et demi.
- Merci beaucoup.
- Ravi de vous avoir été utile. Bonne nuit.
- Bonne nuit à vous. »

Alric reposa l’escargophone quelques instants avant de le récupérer et de composer un numéro :
« Henri ?
- Oui, c’est pour quoi ?
- J’suis chez les vaches, et le taureau a l’air gris.
- Gris gris ?
- Dur à dire, que j’grogne. Plutôt gris repenti, ou plutôt passé sous le radar, vole au ras des pâquerettes, quoi. M’étonnerait qu’il se soit refait, vu le passif du personnage.
- Gris, c’est l’application des mesures habituelles. Et pas de corrida, hein. C’était tout ? Parce que c’était vraiment pas la pei…
- Et les veaux ?
- Les veaux ?
- Ben oui, les veaux, tiens. Ceux élevés par le taureau.
- Ah. Vous savez ce qu’on dit. Quand le taureau est boiteux, les veaux se mettent à boiter aussi. Direct chez l’équarisseur, du coup.
- Euh… Tous, comme ça ?
- Oui, comme ça. C’est la procédure 66.
- Okay, va pour la procédure 66 alors. »

Y’a un léger silence.

« J’ai dormi à l’auberge deux nuits d’affilée. Faudrait pas que ça rejaillisse sur le GM, cette histoire. Qu’on limite les dégâts.
- Des idées ? »
Quelques minutes de réflexion.
« Alors voilà ce qu’on va faire… »


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Tonio était tapi sur le pallier. Juste à côté de lui, la porte de son dortoir était fermée. Il savait que son clan attendait son signal. Ils ne bougeraient pas avant. Depuis l’embuscade de ce matin, ils avaient essuyé une riposte brutale en fin d’après-midi, mais les activités de soirée avaient automatiquement mis le frein à toute contre-attaque.
Evidemment, les Protecteurs avaient mis le contretemps à profit pour mettre au point l’attaque nocturne qui allait avoir lieu d’ici une dizaine de minutes. En temps qu’Espion, Tonio remplissait également le rôle d’Eclaireur.

L’enfant raffermit sa prise sur son arme, se concentra une dizaine de secondes en calmant son souffle puis avança à petits pas glissés vers la chambre du dortoir des Soldats du Royaume. Quelque chose lui semblait louche.
Il plissa les yeux sur une forme un peu plus sombre à côté de l’escalier. Ainsi, les Royalistes préparaient eux aussi une attaque ? Il devait mettre hors d’état de nuire suivant les règles du jeu cet éclaireur adverse avant d’aller faire son rapport au plus vite.

Brusquement, Tonio bondit et se prépara à assener un grand coup de polochon….


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… un grand coup de surin droit dans la gorge totalement ouverte du type qu’a essayé de m’agresser. Dans l’obscurité, j’sais juste qu’il s’agit d’un des gamins, et à tâtons il semble uniquement armé d’un polochon. Il est tombé avec un bruit sourd qu’aura ptet attiré l’attention des chiards.

Ha. Putain.

Maintenant que ça a commencé… Le premier dortoir est juste en face de moi. Celui-là venait de l’autre. Ca doit être leurs compétitions entre clans. A tous les coups, cela fait partie d’un entrainement Révolutionnaire pour les préparer à la guerre contre le Gouvernement Mondial. Et ils sont encouragés par Bidh Ulhe, ex-anar révolutionnaire planqué sous son masque.
Bidh Ulhe, qui baigne maintenant dans la piscine de sang qu’est devenu son lit après que j’lui aie proprement fait un second sourire sous le premier. Bidh Ulhe. Bartimeus Uron. Mêmes initiales, tiens.

Pas d’doute, l’infection révo a dû trouver racine ici. Et le souci, c’est que même avec les meilleurs psys du monde, c’est compliqué d’éradiquer la mauvaise graine jusqu’au bout. Et le Cipher Pol n’a manifestement pas les meilleurs psys du monde, vu le taux de traitres qu’on se ramasse.
Les envoyer dans une prison ? Et qu’ils continuent à répandre le Chaos ? Boah, ça n’en vaut pas la peine. Puis la perte sèche logistique… Et ça demanderait de faire appel à des Marines pour le transport, et tout le monde sait que les Marines ont trop tendance à faire appel à leurs sentiments pour exécuter leur devoir.

Nan, mieux valait régler les choses proprement.

Proprement.

J’laisse le cadavre encore chaud là et j’pousse la porte du dortoir. Devant moi, des rangées de lits superposés, à gauche et à droite. Ca va être fastidieux. J’commence par la dextre et, matelas par matelas, j’lève et j’abaisse mécaniquement mon arme. Au cinquième lit, j’ai le costard et la main baignée d’hémoglobine chaude. Poisseuse, la menotte.
J’suis au milieu de la rangée de gauche quand j’entends un bruit au bout. Un gamin valdingue de son plumard et court en trébuchant vers la porte encore ouverte. Ah. J’aurais dû la fermer. D’une rapide détente en changeant mes appuis vers l’avant, j’lance un couteau qui s’enfonce en plein milieu de son dos. Il glisse dans le couloir, se vautre violemment contre la balustrade avant de se viander bruyamment dans les marches.

Un boucan de tous les diables. Chiasserie.

Ca s’agite dans mon dortoir, alors j’boucle mon boulot rapidement. Pas l’temps pour les remords que j’avais déjà modérément, faut c’qu’il faut. Second dortoir, bientôt la fin. J’me rappelle que j’dois me grouiller. J’ai jusqu’à l’aube pour revenir en ville, sinon j’vais être à la bourre.

A la porte de la dernière chambre, j’ouvre doucement en priant pour que tout le monde soit parti se coucher. Entre le vacarme et la probable guerre des clans qui devait se faire, ils doivent être éveillés. J’me prépare au pire. Mais quand j’jette un œil à l’intérieur, rien. Des rangées de lits, pas un bruit, pas un mouvement.
J’ai à peine passé l’embrasure de la porte que celle-ci me revient en plein dans la gueule, me poussant en arrière avec suffisamment de force et de surprise pour que j’tombe sur le fion. J’note quand même des formes qui filent dans le couloir, s’égaillant dans toutes les directions, me filant des taloches au passage. J’en aligne quand même deux, faut pas déconner.

Putain !

Rageusement, pour m’être fait avoir comme un bleu, j’balance ma grenade dans la chambre et j’claque la porte. Après l’explosion, j’ouvre, j’inspecte rapidement. Aussi crade que Goa, que n’importe quelle zone de guerre. Les narines pincées, j’ressors et j’ferme la porte, histoire que l’odeur se répande pas trop.

Et le cache-cache commence. Le plus impatient des trois tente de s’barrer en courant par la cour. J’sors mon pistolet, m’penche à le fenêtre. Un clair de lune de bon aloi éclaire suffisamment ma cible pour que j’lui loge une balle là où il faut. J’irai confirmer plus tard.
J’descends silencieusement les escaliers. La courbure naturelle des marches m’a permis d’apercevoir, quelques secondes plus tôt, un gamin d’une huitaine d’années fermer une porte derrière lui. J’espère que j’vais pas louper le troisième. Sinon, ça sera vraiment chiant. Enfin ça gênera pas plus que ça ma porte de sortie… Ca fera juste pas très propre.

Un gros coup d’savate la fait claquer contre le mur derrière. Hum, pas derrière la porte ce coup-ci. Une fois mais pas deux. Dans le noir, j’avance dans la pièce. Un grand lit à baldaquin, une immense coiffeuse et une colossale armoire. Pas d’doute, c’est une chambre destinée à une femme. Mais c’est vide et ça schlingue la poussière.
Première étape, l’armoire. Vivement, j’regarde à l’intérieur. Personne. Vu la pièce, il reste pas trois cent endroits où s’planquer. Dans une poche… Il doit bien en rester un… Voilà ! A l’intérieur de mon veston, j’exhume un bonbon promotionnel de la Chourik’o bonbons. J’le jette par terre devant le lit. P’tet que le gamin va sortir de là-dessous.

D’un autre côté, le truc est un peu moisi, depuis le temps qu’il traine dans mes affaires. J’peux pas dire que j’sois surpris quand rien ne bouge. J’m’attendais pas spécialement non plus à… Enfin c’est des enfants, pas des animaux.
Pas des enfants, des ennemis de l’Ordre et du Gouvernement Mondial. Pourriture révolutionnaire. J’me baisse, j’arme mon pistolet, et j’tire dans la forme sombre qui criaille, piaille et spasme avant de se figer. J’vide mon chargeur pour faire bonne mesure. Il en reste un, et le bruit a dû lui signaler que j’étais ailleurs.

Et on connaît la chanson. Quand le CP est ailleurs, les révolutionnaires dansent.

Depuis l’temps, il doit être dehors, numéro trois. J’saute par la fenêtre sans m’emmerder à faire le tour. Le type que j’ai aligné dans la cour est toujours là. Boah, autant m’en occuper maintenant, à la limite…

Du coin du clignotant, j’loupe pas une forme qui file se mettre à l’abri derrière le coin du bâtiment. Ah-ha. Un regard vers le ciel m’indique que le temps est vraiment compté maintenant. Plus la peine de s’emmerder à être discret. Un Soru m’projette dans la bonne ligne de mire, et j’vais pour lancer un couteau quand l’mouflet disparaît dans un renfoncement de la baraque.
Un second Soru m’amène devant un p’tit escalier discret qui descend vers un entresol ou une cave que j’avais jamais remarqué avant. L’enfant, une p’tite fille, tiens, essaie vainement d’ouvrir la porte. A chaque pas que j’fais dans les marches, elle crie un ton plus aigu, jusqu’à ce que ça me vrille sérieusement les oreilles. J’murmure un ‘’Ta gueule, putain !’’ en la plantant droit dans le cœur en écartant sans forcer ses bras tendus pour m’empêcher d’approcher.

N’empêche, la porte m’intrigue. Elle est vachement plus blindée que les autres, y compris celle de l’entrée, c’qui est bien con. A moins d’y cacher quelque chose. Mon briquet allumé dans une main, un crochet fin dans l’autre, j’m’échine cinq bonnes minutes sur la serrure avant d’réussir à entrer. Une vraie serrure qui tient l’choc. J’suis encore plus curieux.
J’enfile un étroit et court couloir jusqu’à une salle aux murs de pierre nue. Une table en bois mal équarri au centre, et un coffret en bois normal sur une commode dans un coin. C’est ce dernier qui me fait le plus de l’œil. Quand j’l’ouvre, j’vois des liasses entières de billets. Du genre que j’ai jamais vu autant d’fric avant rassemblé en une seule fois, de mémoire.

Doit y avoir entre quatre-vingt et cent cinquante millions. Putain. C’est le Scorpio qui va être content. J’réfléchis à comment embarquer tout ça. Les sacs à dos des gamins ! J’repars dare-dare les chercher, puis les remplir.
Trois sacs pleins à mes pieds, figé dans la cour, j’me fige. J’ai oublié un truc. J’suis sûr j’ai oublié un truc. J’cligne des yeux. Une fortune à côté de moi. Ca prouve bien qu’ils étaient pas nets, ceux-là. L’aube, c’est bientôt l’aube. C’est ça que j’aurais oublié ?

Les trois sacs bourrés jusqu’à la gueule sur le dos, j’fonce vers le port.


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L’Agent Harry posa pied à terre avec l’air pressé de ceux qui ont une mission capitale. Sa cinquantaine bien tassée, sa carrure athlétique et sa moustache blanche bien fournie étaient autant d’éléments qui attiraient la confiance et la sympathie des gens. Sa calvitie naissante ne faisait que contribuer à l’impression d’expérience véhiculée par les pattes d’oie aux coins de ses yeux. Sa bouche restait généralement figée en un pli sévère mais juste. Autrement dit, les gens l’aimaient bien, d’eux-mêmes. Et il le leur rendait bien, pour peu qu’on ne lui mette pas des bâtons dans les roues.

Aujourd’hui, c’était une bonne journée, il n’avait rien de bien important à faire aujourd’hui. Il en voulait davantage, des jours comme celui-là. Enfin, tout devrait se passer comme prévu, et lui jouerait son rôle tranquillement.
Il s’arrêta devant une certaine auberge du port qu’on lui avait chaudement recommandé et accentua son air d’urgence. Vu l’heure, l’aubergiste serait forcément levé. Ca ne dormait jamais vraiment, ces bêtes-là. Il sortit de sa valise un magnifique portrait-robot tout neuf qui avait été fabriqué la nuit précédente et entra.

« Aubergiste !
- Bonjour, Monsieur. C’est pour une chambre ?
- Division des enquêteurs, fit Harry en montrant son insigne. Avez-vous cet homme ?
- Cet homme ? Euh… Non, je ne crois pas…
- Ressemble-t-il à quelqu’un que vous connaissez ?
- Un de mes clients, peut-être… Mais…
- Mais pas exactement, c’est ça ? Dites-moi les différences, je vous prie.
- Le nez. Il est plus fin. Les yeux… moins globuleux, je dirais. La bouche fermée, pas ouverte. Un peu plus grand que moi, aussi.
- Je vois. Cet individu est-il encore là ?
- Normalement, il est dans sa chambre.
- Allons-y. Vite. »

Les deux hommes se dépêchèrent de grimper l’escalier menant au premier étage. Harry, bien que son expression reflétât l’urgence du moment, ricanait mesquinement en dedans. Quand l’aubergiste utilisa son double de clefs pour ouvrir la porte, dévoilant une chambre vide à la fenêtre ouverte, l’agent s’écria :
« Ventrebleu ! Il s’est enfui !
- Mais qui ? Qui s’est enfui ?!
- L’individu que je recherche. Un dangereux criminel. C’est un as du déguisement, ce qui explique que la description que vous m’en faites soit légèrement différente. Il parvient, grâce à des injections chimiques complexes, à altérer son visage. Sa véritable apparence est celle que je vous ai montrée.
- Cri… Criminel ?
- Un tueur psychopathe n’hésitant pas à s’en prendre à des enfants, grinça Harry.
- Oh mon dieu !
- Je ne vous le fais pas dire. Il faut absolument alerter la Marine, mais j’ai bien peur que nous arrivions trop tard… »

L’aubergiste avala bruyamment sa salive, sa pomme d’Adam faisant l’ascenseur. L’Agent Harry était satisfait. Pour le moment, tout se passait comme prévu. Le temps que quiconque réagisse correctement, il aurait fini de vendre son portrait-robot bidon et l’autre agent qu’il couvrait serait loin, sur un voilier une place.

Une journée calme au Cipher Pol, assurément.


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