Aujourd’hui, je pars en chasse, et mon terrain de jeu est aussi vaste que dangereux. Le Royaume de Luvneel, une grande première pour moi. De ce que j'en sais, c'est le plus grand qui existe sur les quatre mers bleues. Refermé sur lui-même, comme je sais l'être, et qui commence à sentir la poussière, au fur et à mesure que les années passent. Vieillissant, mais qui n'a pas encore perdu toute sa grandeur, comme j'ai pu le remarquer dès mon arrivée. Le navire marine qui me transportait m'a déposé au port de Norland, et après avoir ramassé une claque devant les quelques navires de guerre dont il dispose encore, je me suis mis en marche vers la ville de Luvneelgraad. J'ai la mission en tête, j'ai eu assez de temps pour ruminer dans mon coin à quel point elle était merdique, et désormais je n'ai plus qu'un objectif en tête, trouver l'Enfourneur.
Je crache sur son pseudonyme, à c'tte raclure de bidet ancestral. Je ne connais pas sa véritable identité et je m'en cogne le sauciflard. Ce que je sais de lui me suffit à le détester, déjà que je n'aime pas grand monde, celui-ci est haut placé dans la liste. Vous avez une idée de pourquoi on le surnomme de c'tte façon ? Figurez-vous que cet enfoiré enlève les gens lorsque la nuit vient, les ramène à sa planque et là, les balance dans un four et prend un plaisir malsain à les regarder brûler. Saleté de psychopathe qui aurait jamais dû voir le jour. C'est sa dixième victimes en deux semaines, dix de trop. Ce type, je vais le traquer, le trouver, et le dégoutter à vie de ce qui touche de près ou de loin aux flammes. J'ai été envoyé en solitaire, avec carte blanche pour le déroulement de l'opération et les méthodes employées.
C'est comme cela que j'aime bosser, sans limite imposée, de seuil à ne pas dépasser. Je vais rester quelques temps dans la capitale, et je sens déjà que cela va me gonfler. J'aime pas le coin. Y'a trop de bruit, de cris, et ce surplus de joie de vivre qui me donne envie de gerber. Ce que je peux détester quand les gens affichent à ce point leur bonne humeur. Ici, c'est une véritable épidémie. Tous avec le sourire sur la trombine, sur qui on pourrait croire que le malheur n'a pas d'emprise. Ce qui ne manque pas non plus, ce sont les commerces, les attractions et autres conneries dans le genre. Le genre de lieu qu'on apprécie de fréquenter quand la gaîté nous inonde le cœur. Et dire que c'est ici que je vais mener la chasse... C'est con à penser, mais d'une certaine manière, pas étonnant que l'autre zigue pioche ici ses victimes.
Il est cinq heures de l'après-midi, la journée va à peine entamer sa fin et je vais devoir patienter que l'obscurité prenne le relais pour avoir une chance de vois apparaître ma cible. J'ai juste pas envie de me mêler à la foule, et encore moins d'aller me changer les idées au bar. Par contre, pioncer et me couper de l'ambiance est une perspective qui me séduit, et à laquelle je succombe. Mieux encore, je vais en profiter pour plonger dans une pseudo-couverture. Joué le faux clochard, le gars fauché qui dort dans la rue. J'en ai la tronche et l'odeur qu'on me dit souvent, autant mettre ces avantages à contribution. Dans l’ordre de mission, il était mentionné les lieux de prédilection du tueur, une information qu'on tient des forces de l'ordre sur place. On m'a d'ailleurs conseillé d'aller me présenter à eux, histoire d'être épaulé dans l'affaire, mais ça me tente pas.
Devoir supporter des guignols pas foutu de coincer un criminel, que je vais devoir surveiller comme des mioches pour éviter qu'ils crèvent stupidement, ça me fait chier. D'autant qu'on est pas à l'abri de tomber sur de belles têtes de cons dans le lot. Non vraiment, bosser en solo c'est bien. Ce qu'a l'air de chercher notre Enfourneur, c'est les enlèvements faciles et discrets. Il se tient à l'affût dans l'ombre, et quand il a trouvé la proie qui lui plaît, il s'en empare en un temps si bref qu'il ne se fait jamais remarquer. J'ai déjà croisé un illuminé qui agissait de la sorte, ou presque. Le taré se prenait pour une chauve-souris, et sortait la nuit arpenter la ville à la recherche de crimes en cours. Il se déplaçait de toit en toit, se planquait dans l'ombre et tombait sur les malfrats avec une vivacité et une efficacité affolante.
Bonus de peur en prime, puisqu'il se trimbalait en un costume noir flippant de l'animal qu'il incarnait. Alors oui, ici le style et les motivations ne sont pas les mêmes, mais dans la façon d'opérer, y'a des similitudes troublantes. D'autant que le justicier chauve-souris, j'ai jamais pu le coincer. J'pose mon cul dans une ruelle lugubre à l'angle d'un monument historique dédié à l'histoire de Luvneelpraad. 'Paraît que c'est important de se souvenir, conneries. Le coin trouvé, bras croisés, fatigué, j'me laisse sombrer dans l'sommeil...