La marchande et le pirate

Las Camp, une île où on fait des affaires. Une île où le principal échange est ta vie contre ta bourse. Oui, un deal intéressant, mais je n'aimerais pas qu'on me le propose. Je fouette mon cheval et le fais avancer dans la rue. Une rue un peu ensoleillée, chose rare pour cette partie de la ville, la rue semble avoir été nettoyée il n'y a pas longtemps et des marines trainent ici et là, veillant sur les simples citoyens comme moi. Les brigands semblent s'être cachés, évitant de se faire arrêter, et ils ont raison, car selon les affiches que distribue chaque marine un prince, ou un noble du genre, ne va pas tarder à venir... Enfin bon, pas mon problème. Je continue d'avancer jusqu'à me trouver un endroit où garer mon chariot et commence à poser mes affaires. Avant de finir d'ouvrir, je jette un œil à l'extérieur. Du monde commençait à se presser sur la place, pas beaucoup, mais suffisamment, comme nous sommes un jour de marché, certains posent des draps pour vendre leur marchandise volée. Les rumeurs enflent lentement, la population un peu plus aisée de Las Camp est enfin là et les affaires commencent. On échange par ici, on vend par là... Pourtant, le principal objet recherché reste l'information, par conséquent, on interroge, on questionne, amusant manège que j'aime voir. Il ne me reste plus qu'à ouvrir à mon tour, pour mes premiers clients, je les laisse payer en informations, ça me donne des choses à vendre et j'écoule mon stock de marchandises de très base qualité. Ainsi, j'apprends que le noble est censé passer dans l'après-midi, qu'il veut voir de ses propres yeux cette bourgade. Intéressant, j'espère pouvoir li vendre des choses chères. Finalement, les premiers berrys tombent, je commence à vendre un peu d'alcool, trois quatre vêtements et un peu de nourriture. Tout va bien et je me demande ce qui pourrait gâcher ma journée...

-Moi, je vous le dis ma petite dame, on voit de plus en plus de pirates trainer ici, me dit un petit vieux qui voulait m'acheter une bouteille.

-Allons, tant que ça ?

-Oh oui, de plus en plus. Méfiez-vous, tous des voleurs. Combien pour cette bouteille ?

-999 berrys.

-Pfff, à ce prix-là, c'est vous la voleuse.

Il me donne finalement les sous et s'en va en grognant. Dans le fond, il a peut-être raison... Je vois de plus en plus de gens avec des armes, mais pas d'uniforme. Enfin, après tout, nous sommes à Las Camp, la gangrène de West Blue. Je soupire et remets bien en vue les produits presque écoulés, espérons que je finisse par tout vendre.

-La moins chère ?

Je ne peux retenir un rictus. Je déteste qu'on me demande ce qui coûte le moins cher dans ma boutique, ça a le don de m'énerver. Enfin bon, je force sur un sourire et le regarde. Il est plus jeune que moi à vue de nez, mais plus grand pas contre. Des traces de blessures sur le visage, un look que je qualifierais d'usé, oui, c'est le mot. Des couleurs plutôt ternes à part pour un foulard rouge sanglant qu'il porte autour du cou, vraiment cela attire l'œil.

-La moins chère est aussi la moins bonne cher client. Elle vous coûtera 50 berrys et encore, je suis généreuse. Elle m'en a coûté 100, mais je vois bien que vous êtes sans le sous, je vous fais donc un prix.

Un mensonge, un simple mensonge pour attirer un nouveau pigeon. Je rentre dans mon chariot, tout en jetant de fréquents coups d'œil pour être sûr que l'on ne me vole rien, je me penche et récupère une bouteille poussiéreuse. Elle m'a été offerte cette bouteille et vu l'odeur, cela ne m'étonnerait pas qu'il y ait une bête crevée à l'intérieur. Enfin bon, il a demandé la moins chère et pas la meilleure qualité, tant pis pour lui. Je reviens et tends la main pour récupérer mon dû, puis lui tend la bouteille et j'en profite pour essayer de pêcher quelques informations.

-Alors ? Que faites-vous à Las Camp ? Ce n'est pas un bon endroit pour faire du tourisme, je me trompe ?

Je pose ces questions avec un léger sourire, enlevant mon chapeau pour l'épousseter un peu, regardant au-dessus de son l'épaule. Je tente de chercher d'autres informations en même temps, j'entends beaucoup parler du prince, ou de ce noble, autour de mon chariot. Je me pose donc de plus en plus de questions. Des gens bougent autour de nous, ça s'affole un peu, j'ai l'impression, quelque chose a dû arriver. Enfin bon, il m'a semblé qu'il vient de parler, je me re concentre sur mon interlocuteur.

Il se vante, un jour ta tête sera placardée sur les murs ? Amusant, si c'est le cas, tu auras une prime ou alors tu seras un homme politique, peut être devrais-je garder un œil sur toi... Si tu peux me rapporter des sous, c'est toujours ça. Oh, ainsi, il sait que je lui ai donné mon pire alcool pour un prix énorme ? Amusant, amusant. Je lui souris encore une fois.

-Allons, allons, mon bon monsieur, je ne suis qu'une simple marchande... Pourquoi tenter d'arnaquer mes clients ? Je leur donne simplement ce qu'il demande. Après tout, c'est eux qui décident du prix qu'ils sont près à débourser. Tout se négocie, tout s'achète et tout se vend.

Je me baisse pour récupérer des produits que je range, ceux-là ne se vendront plus alors autant en sortir d'autre. Je continue de l'écouter pendant que je sors des vêtements pour femmes et différents costumes chics. Je jette encore un œil sur les passants, ils semblent plus riches que ceux de ce matin... Je modifie donc mes prix en les augmentant de quelques berrys et rejette un coup d'œil au pirate, enfin à mon interlocuteur.

-Vous y allez fort. Je ne suis pas une escroc, juste une honnête marchande qui s'adapte à sa clientèle et qui tente de gagner honnêtement sa vie. Mais pour répondre à votre question, je m'occupe de vendre et d'acheter. Je vends des objets, j'achète des informations que je revends contre de l'argent.

Les plus riches regardent vers ma boutique, je commence à conseiller une autre cliente et parviens à lui vendre une robe de soirée. Je remarque qu'il est toujours là, je m'approche de lui.

-Alors, vous l'avez fini cette bouteille ? Et bien, vous buvez vite.

J'entends soudain la personne, à qui j'ai vendu la robe, parler avec une autre femme.

-Oui, mais je te le jure.

-Non, sérieusement ?

-Oui, le prince serait là pour conclure une affaire. Apparemment, des bandits lui auraient volé son collier et il serait prêt à tout débourser pour le récupérer !!

Je flaire l'excellente affaire, ma journée va devenir extrêmement rentable, mais pour cela, j'ai besoin d'information sur le collier. Je regarde mon client.

-Si je vous offre une bouteille de meilleure qualité, vous accepteriez de m'aider à retrouver le collier ?

Je le regardais assez déçu. Un repas complet ? Sérieusement ? Mais cela me coûtera bien trop... Quoique... Si j'arrive à fuir avant de payer, sachant que si on lui ramène son collier, nous pouvons négocier avec le noble une bonne récompense. Oui, je devrais rentrer dans mon budget. Je serre la main avec un léger sourire aux lèvres.

-Parfait marché conclu et pour la récompense, on fait 50/50 donc.

Je suis obligé de lui laisser ça au moins, je suis juste une honnête marchande, rien de plus. Je ferme mon chariot et le laisse sous le regard des quelques marins présents. Je ne m'inquiète pas trop, j'ai mes sous sur moi et mes objets les plus chers sont bien cachés. Je garde mes clés et ma bourse à ma ceinture puis je me dirige dans Las Camp, accompagnée du poivrot à qui j'ai donné la bouteille. Nous interrogeons les passants pour essayer de trouver où est ce fichu noble. Finalement, nous le trouvons alors qu'il marche sur une place, entouré de marines.

-Mon collier !! Retrouvez-le !! Je vous payerais si vous le trouvez !! Il est en or et a une émeraude pure au médaillon. Je vous en supplie.

Il gesticule comme un patin dont le marionnettiste aurait emmêlé les fils. Ses cheveux noirs et longs tombent en cascade sur ses épaules quand ils ne sont pas en train de voler dans tous les sens. Il chiale comme un gamin et frappe les marines en les accusant de négligence. Je reste persuadé que l'ordre de le protéger vient de plus haut... Sinon ils l'auraient déjà frappé à mort.

-J'étais dans le sud de la ville quand un individu de très grande taille me l'a arraché.

En plus, il ne donne quasiment aucun détail... Tout cela va très vite me compliquer la vie. Je me tourne vers le poivrot.

-Bon, c'est quoi ton nom déjà ? Quoique le poivrot ça t'ira très bien. J'espère que tu connais des gens à Las Camp... Car avec aussi peu de détails, on va devoir, faire traîner nos oreilles. Allez, amène-toi.

Je l'écoute d'une oreille distraite, en commençant à marcher, mais l'attendant quand même, après tout... Je préférais avoir un allié avant de cogner.

Je me réveille, la nuque douloureuse et les mains libres. Je suis dans une salle noire… Mais je ne pense pas être seule. Non il y a du bruit sur ma droite, un ou… Oui, deux individus. Je n’ose pas parler pour l’instant. Déjà, je dois me remettre les idées en place. De quoi je me souviens ?

Alors… J’étais avec le vieil alcoolo, on a commencé à explorer et se renseigner sur les gangs qui auraient pu voler le collier. Oui, ça s’est sûr et véridique. Ensuite, alors que nous explorions les ruelles, des gens, nous sont tombés dessus et j’ai été assommée. Ouais… Maintenant, la question est : où suis-je ? Et qui est avec moi ? Je me relève alors que mes yeux s’habituent enfin à la lumière…

Ils sont bel et bien deux personnes, un homme d’au moins deux mètres. Cheveux blancs, barbe blanche, un regard effrayant allant avec son costard sali et sa silhouette musclée. L’autre personne est une femme qui semble avoir à peine vingt ans, cheveux blonds, yeux bleus… Elle semble assez fragile et délicate, mais ses yeux et sa manière de se tenir aussi droite me fait penser que je me trompe.

-Ah, elle est réveillée, chéri, dit la blonde.

-Madame ?

Le géant ajoute une inclinaison du torse avant de continuer à parler.

-Vous avez été capturé tout comme nous. Sachez que vous êtes tombé sur un des nombreux gangs au nom risible de Las Camp. Ils capturent des gens, les enferment et puis vont demander des récompenses.

-… Ouais… Et donc comment on sort de là ?, leur demandais-je

Ils se reculent et s’assoient sur des tonneaux qui occupent une bonne partie de l’espace. La blonde soupire avant de reprendre.

-Ils ouvrent tous les jours à midi, pour donner le repas. Ils viennent souvent à quatre et ils sont armés. Si tu veux tenter ta chance, c’est à ce moment-là… J’ai bien un plan, mais il est risqué… Vu à quoi tu ressembles, tu es encore une gamine, mais si tu veux tenter le coup…

-Dis donc la jeunette, j’ai bientôt trente ans, je te signale !!!

-Et moi, j’approche de mes 80 ans… Alors gamine, tu te tais et tu écoutes tes ainés !

Je m’offusque, mais le géant me fait signe de ne pas argumenter alors que la jeunette me regarde de son air triomphant. Finalement, je ne dis rien et on se présente. Julie et Fred Von Leetch, majordome et dame de compagnie depuis de nombreuses années et kidnappé pour tenter de faire chanter leur maître actuel. Ils sont dans cette cave depuis une semaine et ils cherchent à s’évader. Malheureusement, ils sont assez surveillés et ils avaient besoin de quelqu’un pour faire l’appât.

-Attendez… Je dois me sacrifier pour vous ? , laissais-je échapper.

-Je n’appellerais pas ça un sacrifice… Je dirais plutôt… La fougue de la jeunesse qui l’oblige à passer devant ses ainés, malgré le respect qu’elle leur doit, me réplique la blonde.

-Disons que nous avons besoin que vous attiriez l’attention, le temps que ma femme les attache en vitesse…

-Et avec quoi, Magic Blondie, va attacher des gens qui me tireront certainement dessus dès que j’approcherais ?

Un bruit de bois qui s’arrache. Je regarde Julie un peu mieux… C’est moi ou ses cheveux bougent ? En plus, elle tient un morceau de bois, certainement arraché d’un des tonneaux et le réduit en charpie en moins de trois minutes. De deux choses, l’une, ou le bois est vermoulu, ou elle est bien plus forte que ce que je crois. Vu son regard assassin, je pense que la deuxième possibilité est entièrement valable.

Je me sens soulevée, je ne contrôle plus mon corps et je me déplace vers le tonneau.

-Que… Que se passe-t-il ?? Attendez !!! Vous faites quoi ?!!

-C’est juste une petite partie du plan mademoiselle, vous devez paraitre ivre, ne buvez pas par contre.

-Attends le vieux… C’est quoi comme…

PLOUF

Je me noie ! Je bois la tasse, mais… Ce n’est pas du vin… C’est de l’eau !! Je secoue les bras et tente de frapper tout ce qui vient à portée, mais je ne rencontre que du vide. Finalement, on me sort et je vomis.

-Je… Vous hais !!

-Ah… C’était de l’eau ? Désolé, on essaye un autre tonneau !

-Attendez, je ne suis pas…

SCRATCH PLAM

… Des pommes… Je viens de faire de la purée de pommes avant de me heurter d’autres fruits du même genre, mais bien plus résistants. Putain de connasse !!! Je parviens à contrer la force étrange et je me relève, crachant pépins, purée et jus autant par le nez que par la bouche. Julie semble beaucoup rire, mais Fred me jette des regards affreusement gênés.

-Excusez-la… Dites-vous que c’est pour notre bien à tous…

-Je vous emmerde, parviens-je à articuler malgré les morceaux de fruit entravant ma bouche.

-Mais oui, allez, la troisième est souvent la bonne !!

Et je plonge de nouveau, poupée obéissante sous cet étrange pouvoir. Bon… Au moins, le vin est bon en bouche et je me permets une petite gorgée… Pas mal… Enfin bons, ils me ressortent et je me remets des chocs que j’ai subis… Ils me donnent la fin du plan et je peux prendre place. Je pue les pommes et le vin, ils me croiront bourrée à tous les coups. Aller… Venez ouvrir cette trappe !