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Un tempo di attesa

- Relevez-vous Scorone.
- Non.
- Non n'est pas une réponse acceptable.
- C'est la mienne.
- Relevez-vous caporal.
- Pas envie.
- Vous n'avez pas le choix. Relevez-vous ou je n'attends pas.
- D'accord d'accord, je me lève. Pff... je suis fatiguée moi. J'ai mal partout.
- C'est le métier qui rentre.
- Il pourrait frapper avant d'entrer !
- C'est ce qu'il fait.
- Non, c'est vous.
- Scorone.
- Oui ?
- Debout !
- Oui lieutenant !

M'a fait sursauter ce vilain lieutenant. Et puis il parle de me taper quand j'suis à terre, mais à peine je suis debout qu'il vient pour me cogner. Je penche la tête pour éviter son poing avant de bondir en arrière pour prendre un peu d'espace. Il me laisse pas faire. Évidemment. Comme d'habitude. Avec lui, pas le temps de réfléchir. C'est pas plus mal remarque. Mais s'il pouvait éviter de me faire mal quand il me fiche une raclée, j'apprécierais mieux la leçon.
Les quelques marins qui dirigent le bateau passent à côté de nous, ils ont pris l'habitude de nous contourner. Depuis l'autre jour, où nous avons sauvé un équipage de marine, récupéré un navire pirate et quelques marines pour pouvoir le manœuvre et remorquer le voilier du lieutenant Ishumi, j'ai encore moins de temps pour me reposer qu'avant.
Avant, le sergent Taki me faisait aider à la bonne marche du navire, à la manœuvre, aux repas, ces trucs normaux quoi. Depuis qu'on a changé de transport, je bosse plus, je m’entraîne. Quoique, c'est toujours du boulot.

En temps normal, j'aurais apprécié, l’entraînement. J'aurais même trouvé ça sympa.
Mais voilà, mon entraîneur c'est le lieutenant Ishumi. Et malgré ce que je croyais, il n'est pas doué qu'avec ses fusils. Il est aussi plus fort que moi à la bagarre. Il s'est pas privé de me le faire savoir. J'ai mal partout, maintenant. Même à des endroits dont j'avais oublié l'existence.
Il m'épuise, j'arrive à peine à le toucher, il me fatigue, j'arrive pas à lui faire mal, on se bat toute la journée. Je peux même pas me reposer tous les soirs. Il me laisse partir que quand il n'y a plus de lumière, quand j'suis épuisée. Après ça, je vais directement dormir. Comme quand j'étais à l’entraînement de la marine d'élite, me voilà épuisée. Trop épuisée. Et quand je suis épuisée, je fais des rêves bizarres. Où je réfléchis. Et du coup ça me fatigue encore plus !
C'est clairement trop nul.

Le lieutenant me laisse pas l'espace dont j'ai besoin pour courir. Comme d'habitude. Il me laisse pas un instant pour reprendre mon souffle. Comme d'habitude. Il frappe surtout avec les poings. Comme les autres fois.
Je me baisse d'un coup, le pied gauche en avant, direction son tibia. Touché ! Lui se penche en avant et me colle une gifle avant que j'ai pu finir mon mouvement. Je tourne la tête, mais ça n'évite qu'à peine cette impression de chaud qui s'imprime sur ma joue d'un coup.

Il est largement meilleur que moi. Ça fait mal à mon ego, de subir ça. Moi qui avait vaincu tous mes précédents adversaires en duel depuis que je suis entrée dans la marine. Même avant, quand je vivais à Inu Town. Et lui, ce lieutenant, il arrive et me massacre sans que je n'arrive à rien faire.
D'accord, j'ai pas mes gants. Mais même s'ils sont en métal, même si j'suis habituée à les avoir avec moi, ça devrait pas ... la différence de niveau vient pas de l'absence de mes gants. Elle est trop importante. Si j'arrive à lui donner un coup, un second, j'arrive pas à donner le troisième qu'il s'est déjà dérobé. Moi qui croyais que je bougeais vite ... moi qui me bats justement en allant plus vite que les autres, je peux pas faire grand chose.
Et j'aime vraiment pas ça.

Je pivote sur moi-même, mon pied tentant de choper sa jambe pour le faire tomber. Il saute au-dessus comme si c'était une promenade, un caillou à enjamber. Pas question de le laisser jouer encore. Je peux pas faire grand-chose, je peux pas abîmer le navire, je peux pas être plus rapide que lui, mais je peux encore le surprendre. J'ai l'habitude de l'improvisation.
Il s'avance alors que je ramène ma jambe sous moi. Maintenant accroupie, je bondis sur lui. Dans mon saut, je sens un contact. Il a frappé mon bras, mais m'a pas dévié. J'arrive sur lui en même temps que la douleur de son coup m'arrive à moi. Il penche la tête en arrière pendant que je fais pareil. Il a eu la même idée que moi ?
Je commence à lever les mains quand il tente de me casser la tête avec son crâne. Mes mains amortissent le choc et je me sers du contact pour ramener mes jambes en avant. Mes genoux frappent son ventre, j'attrape ses cheveux, ramène mes pieds toujours bottés dans ses reins. Il grimace un peu, pour la première fois depuis plusieurs jours qu'on se bat. Depuis bien deux semaines voire un an.
Je le lâche, voyant pas ce que je peux faire pour enchaîner les coups, mes mains étant prises. Pis j'me laisse tomber accroupie au sol et bloque son pied qui vient me frapper. Le bloque pas assez, je finis sur les fesses, glissant sur le bois jusqu'à la balustrade. Qui cette fois casse pas. Tant mieux. Pas envie de finir encore à l'eau.

- Relevez-vous Scorone.
- Oui oui. Je vous ai eu cette fois.
- Oui caporal, vous m'avez atteint.

Il se tait, ajoute après une pause.

- Vous vous améliorez. Peut-être arriverez-vous à quelque chose d'ici la fin de l'année.

N'empêche qu'après ce jour, il a monté le niveau et semble encore plus rapide que dans nos duels précédents. Il va pouvoir faire ça encore combien de fois ? Il doit bien y avoir moyen pour moi de le battre complètement et à la loyale un jour, quand même.
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Me voilà arrivée au qg d'East Blue, cette grande forteresse avec de grands canons et de grands bâtiments et une décoration absente. C'est pas très joli et il n'y a que des militaires ici. C'est ennuyant, y a même pas de restaurant ou de campagne ou ... c'est que des casernes et des terrains d’entraînement et des entrepôts et des trucs que je sais pas à quoi ils servent. Et des cantines militaires, donc pas excessivement délicieuses, pour pas dire pas bonnes du tout du tout.
Après, je vais pas aller dire que je m'ennuie, c'est pas possible de s'ennuyer par ici. Même si j'aurais bien aimé pouvoir me reposer, Ishumi me laisse pas tranquille une heure.

Entraînement au fusil, soit disant que je sais pas m'en servir correctement. Et c'est celui qui en tient un dans chaque main qui me dit ça. Allongée, accroupie, debout, en courant, il me fait tout faire. Même la tête en bas les jambes accrochées à une barre, il m’entraîne à recharger, viser, tirer.
Si ce n'était que ça, ça irait. C'est crevant, mais ça irait.

Car il y a aussi l'épée. Là c'est pas Ishumi qui s'en charge, mais le sergent Taki. Je savais déjà me servir d'une épée, j'ai appris pendant les longues formations que j'ai suivi pour devenir marine puis marine d'élite. Ça devrait se voir non ?
Comparée à elle, non, je suis une grosse débutante. Et ça m'énerve. J'ai du mal à croire qu'ils sont vraiment que lieutenant et sergent, ces deux-là. Ils sont vraiment largement trop au-dessus de moi, c'est embêtant. Quand je vois ça, je vois que ça va me prendre longtemps pour devenir la plus forte du monde.
Mais même s'ils sont meilleurs que moi et que je n'aime pas trop beaucoup ça, ça m'empêche pas de suivre leur entraînement. D'abord parce que je n'ai pas le choix. Ensuite parce que ça m'occupe sur cette île où il n'y a rien d'autre à faire. Puis quand même, aussi, parce que c'est important. Je peux pas devenir plus forte si je fais que me tourner les pouces. Et je peux quand même pas compter que sur des gens qui veulent me tuer pour progresser. À un moment ça va pas marcher comme méthode d’entraînement.

Alors nos lames s’entrechoquent, comme elles l'ont fait des dizaines, des centaines de fois. Une fois de plus, après quelques échanges je n'arrive plus à contrôler mon épée et elle la fait sauter hors de mes mains.
Alors je la ramasse et on recommence. Parfois j'attaque, parfois c'est le sergent. Au moins j'ai mes gants aux mains. Oui, je sens moins bien la poignée de l'épée, c'est évident, mais j'ai toujours mes gants sur moi en temps normal. Alors je vais pas les enlever si un jour je me retrouve à me battre avec une épée.
Évidemment, si je perds mes gants et que je me retrouve avec une épée ... mais ça n'arrivera pas.

De toute façon, pourquoi j'aurais une épée ? J'ai mes gants.

Il y a aussi le bâton et sa variante la lance. Ainsi que la chaise, le tabouret, qui peuvent toujours servir on sait jamais. Et d'autres machins sur lesquels on passe rapidement. Mais c'est surtout le fusil, l'épée et les couteaux, en plus de la bagarre simple et normale comme j'sais bien faire moi.

Ah oui, les couteaux. J'ai oublié d'en parler hein ? Bah, c'est des couteaux quoi. Y en a qui servent au corps-à-corps et y en a d'autres qui se tiennent un peu bizarrement et qui se lancent sur la cible ou les gens. Dans les deux cas, je suis quasi-obligée d'enlever mes gants. Quand c'est pour taper directement, si j'avais mes gants je m’embêterais sûrement pas avec un couteau. Donc ça sert à rien. Et quand il faut les lancer, c'est quand même pas moins pratique avec mes gants. Sans mes gants par contre, je tire super bien, ultra rapidement et tout. Maintenant, si j'arrivais à toucher la cible plus souvent .... En tout cas ça reste marrant de lancer des couteaux. Plus que les autres armes. Et plus que ces foutus fusils. C'est trop ... banal, un fusil. Tout le monde peut s'en servir. Et le fait. Je veux pas de la banalité moi. Si je suis banale, comment je vais être reconnue ?

- J'ai une question Sergent.
- Oui ?
- Pourquoi je dois les lancer un par un, ces couteaux ? Ça serait pas mieux d'en lancer deux à la fois ? Ou même dix ?
- Vous posez vraiment de ces questions ... bon, avec un seul, vous touchez souvent votre cible ?
- Ben non, justement. Avec dix, ça sera plus dur pour l'autre de les éviter.
- Et plus dur pour vous de les tenir et ne pas les envoyer n'importe où. En fait, si vous voulez essayer de vous planter un couteau dans le bras par vous-même, n'hésitez pas à essayer.
- Euh ...
- N'essayez pas Scorone. Ce n'est pas une chose à faire.
- J'le savais !
- Humhum.
- Non mais le truc c'est qu'en les lançant comme ça, ils vont se disperser et être plus dur à esquiver, voyez ?
- Vous tenez vraiment à cette idée dangereuse ?


Il n'empêche que de tout ça, je préfère mes gants largement et de loin. Alors même si je me débrouille bien avec ces couteaux, c'est pas quelque chose que j'utiliserais souvent je pense. Parce que ça sert à rien. C'est comme si j'apprenais à me battre avec ... j'sais pas moi, un canard. C'est très classe, mais aussi douée que je sois avec, c'est pas souvent utile. Déjà, il faudrait que j'ai un canard sous la main. Est-ce que j'ai un canard sous la main là maintenant ? Non, j'ai pas de canard sous la main. Donc par exemple maintenant, si on m'attaquait, je pourrais pas me battre avec un canard.
Alors que mes gants, je les ai toujours. Eux risquent pas de me faire coincoin ... de me faire manquer, j'veux dire.

Il y a d'autres gens, d'autres marines, qui viennent et qui repartent, le temps d'un ou deux entraînements donnés par l'un de mes deux chefs. Moi, je suis présente à tous. Je n'ai pas trop le choix. Je pourrais sans doute en éviter quelques-uns, je sais pas comment, mais de toute façon ... pour faire quoi ?
Rien. Y a rien à faire sur cette île. Que s’entraîner, en attendant de repartir.
Parfois Ishumi s'en va quelques temps. Je sais pas pourquoi. Sans doute pour aller chasser des pirates. Mais moi je suis coincée ici. Le sergent Taki aussi elle est coincée ici. Mais elle elle a l'air de s'en ficher. Elle s'occupe de remplacer Ishumi quand il n'est pas là, donc ça doit lui faire plus de travail, mais à part ça ...
Je sais pas ce qu'elle fabrique dans son temps libre. Elle en a, au moins ?
Je suis même pas sûre.
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Ce soir, repos. Le lieutenant est occupé, le sergent est avec lui. Alors moi je suis tranquille et je suis toute seule. Et comme je n'ai pas envie de lire un livre et que je n'ai pas plus envie que ça de partir faire la bagarre, je pousse la porte de ce ... bar ? Bistrot ? Cantine ? Je sais pas trop. Une odeur d'alcool m'envahit les narines. Ça sent la sueur, aussi. C'est bruyant, il y a du monde déjà. Il faut bien que les marines puissent de relaxer de temps en temps. On peut pas toujours être en service tout le temps. Et je parie que certains quittent pas l'île de l'année.

Ça explique pourquoi l'endroit est assez plein de gens qui font la fête. L'ambiance reste très militaire, quand même. La décoration est je crois chaleureuse même si je l'aime pas trop, en tout cas c'est pas des murs tout blancs tout ennuyant. Et puis, je vais pas faire la tête et râler sur tous les détails non plus. Pour une fois que j'ai du temps à moi, je vais en profiter.

Pour ce qui est d'en profiter, j'en profite. Depuis que j'ai quitté Shell Town, j'ai plus eu possibilité de boire quoi que ce soit d'alcoolisé. Pas même du rhum ou une petite bière. Je vais pas me plaindre, dire que c'était bien nul et tout ça, mais je suis contente d'avoir l'occasion de boire un peu ce soir. Parce que ça faisait longtemps et que ça peut pas faire de mal et que c'est bon tant qu'on en prend pas trop ni trop souvent.


- Msieur barman, une dernière bière si ... si .. vous plaît.
- Il est temps d'aller vous coucher caporal. Vous avez déjà bu suffisamment d'alcool.
- Euh ... mais ... n'importe quoi d'abord. D'où vous savez que je suis caporal da ... d'abord ?
- Les marques sur votre manteau ?
- Ah ... ah oui tiens, je l'ai amené avec moi. J'avais oublié. Mais tout de même c'est pas ..... parce que je suis caporal ... que je peux plus boire.
- Effectivement non. Mais si vous buvez plus vous ne retrouverez pas vos baraquements.
- Et et alors ? Je me débrouille très ... me débrouille très bien quand je veuuuuux .... bière !
- N'insistez pas.
- Mais allez ...
- Ben quoi Nelson, tu veux pas servir d'alcool à la gamine ?

Le type qui s'incruste dans notre conversation, c'est un marine. Mais attention, c'pas n'importe quel marine. Il a un graaaaand .. Verre. Pt-être de l'eau vu la couleur mais qui c'en est sans doute pas à l'odeur. L'verre tenu par sa grande paluche, une moustache à faire frémir un barbier de terreur, des cheveux noirs comme un gros morceau de charbon et une dent en or qu'on voit quand il parle. Direct il me plaît pas. En plus, il m'a traité de gamine.

- Je suis pas une gamine d'abord ! J'ai dix-huit ans ! Et j'ai pas bu trop d'alcool !
- Pas encore. Mais un verre de plus, c'est un de trop. Le règlement de la base  l'interdit.
- Héhéhé, dans ce cas gamine, t'as qu'à goûter ça. Tu m'en diras des nouvelles.

Le moustachu me file son verre à moitié vide.

- Je suppose que je ne peux pas vous empêcher de faire les idiots ?
- Ah ça non ! Je suis Gallena Scorone et c'est pas de l'eau qui sent fort l'alcool qui va me faire peur !

Et pour le prouver, je commence à boire ce verre tombé du ciel ou plutôt offert par une moustache géante. Je bois une gorgée. Mouaif, c'pas très bon. Une autre pour être sûre ? Oui, c'est clairement pas bon. Trop fort. Beaucoup trop fort. Allez, une dernière pour la route. ... Une tite dernière après la dernière.
J'lui rend sa boisson. Ah ben zut, je l'ai fini en fait.

- Merci mais je n'aime pas trop ce goût ... je vous la rend ... du coup.
- Eh ben alors fillette, on tient pas l'alcool ? On veut faire la grande mais quand y s'agit de boire y a plus personne.
- Jöel, cherche pas les ennuis.
- On fait que discuter Nelson, t'inquiètes. De toute façon en deux coups je l'envoie à terre cette gamine.

Pour le coup, c'est mon poing qui le percute et l'envoie à terre, ce gros rigolo. Plutôt, c'est ce que j'ai essayé de faire. Il a ... bougé ... mais vraiment bouger et du coup je l'ai raté. Il rigole pendant que je me lève de mon tabouret et m'éloigne un peu du comptoir. En y repensant maintenant, j'aurais dû commencer par ça.

- Je ... j'suis pas une gamine d'a-d'abord.
- Ahahahah ! Ah ! Ahah !
- Prends çaaaa ... ah !

Je charge. Sauf que je m'emmêle les pieds je sais pas trop comment c'est possible et je trébuche. Jöel à la vilaine moustache géante continue de rigoler.
Pendant que j'me relève, il finit son verre et se lève lui aussi de son tabouret. Il brandit son poing derrière lui et le ramène devant d'un coup, paf, pour me frapper. Mais comme je l'ai vu venir, je suis pas surprise et j'esquive son attaque. J'hésite un peu sur comment poser mes pieds pour reprendre mon équilibre, lui n'a pas ce problème. Je lève les bras en croix pour me protéger de son attaque, mais ils mettent trop longtemps à venir en place, je recule de trois mètres. Peut-être même trois et demi.

Je crois que le barman du bar a raison, j'ai un peu trop bu. Mais un tout petit peu hein. Tout petit petit peu. Beuh.

C'est pas super de me bagarrer quand j'ai trop bu. Après j'ai mal au ventre et tout ce genre de choses. M'arrive même de vomir ma boisson. Mes boissons. Parce qu'il y en avait plusieurs. C'est compliqué. Non, c'est simple. Mais pas compliqué. Mais simple. Et je ...
Pause. Calme. Je suis en train de m'embrouiller.
Tout ce qui compte surtout au moment de ce début de bagarre, c'est que lui, il est moins beurré que moi. Ou alors comme il est plus gros, il peut en boire plus. Ou alors il a plus l'habitude. Ou alors ... je sais pas.

Il est temps d'improviser.
Je propulse mes mains en avant, les poignets se rejoignent et je crie dans le même mouvement une attaque spéciale :
- Takishikendo !

Le marine Jöel qui venait vers moi s'arrête un instant, levant un bras pour se protéger. Mais il se prend aucune attaque. De mon côté, je comprends pas qu'il se passe rien. Peut-être que c'est une attaque à retardement ? Pourtant la nuit dernière dans mon rêve ça marchait immédiatement et ... attends attends. Y a un détail important-là.

Pas le temps de mettre la main dessus car le moustacheux vient vers moi. Non, chu. - Moustachu.
- Elle dit quoi la gamine ?
- Caporal, Lieutenant-Colonel, sortez de mon établissement sur-le-champ !
- Zai. J'ai dit moustachu.
- Mais t'inquiètes pas Nelson, on va rien pas se battre la gamine et moi. Elle tient même pas debout.
- Même que ... même que ... si d'abord.
- Non, tu tombes.

Il me fout une gifle, une beigne, une grande claque dans la tronche. Je me baisse pour l'éviter, mais pas assez tôt. Il me frappe le crâne. Ça fait mal zut-quoi.
Pas question de rester à terre. D'une acrobatie, je me relève et ratterris sur mes pieds. Enfin c'est l'idée, parce qu'au final je retombe surtout sur une table et me cogne le dos.

Moustachu-Jöel tend sa main vers moi. Sa main ? Ses mains ? Pourquoi j'en vois deux qui tournent maintenant ? Mince, il a dû vraiment cogner fort pour que j'ai des problèmes avec mes yeux. En désespoir de cause, vu qu'apparemment mes pieds sont passés dans le camp ennemi, je remet mes mains comme avant, les poignets joints et m'écrie :

- Takishikendo !

Il fait même pas mine de se protéger. Il m'attrape et me pose en travers de son épaule. C'est vraiment pas digne comme position.

- Allez gamine, je te ramène chez toi. Où c'est qu'tu crèches ?

Tout en râlant, je lui donne le chemin. De toute façon, je suis trop pas en forme pour assez me défendre maintenant. Je me vengerais plus tard.
Pour l'instant, c'est dodo.
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J'me réveille dans mon lit. Ça arrive. J'ai une belle gueule de bois. Une du genre qui va passer, mais qui pour l'instant fait sonner son gong à chaque bruit trop fort. J'tente de me souvenir ce qu'y m'est arrivé. L'alcool et la gifle. Et que je tenais pas debout. Et je l'ai vaincu. Oui non, je l'ai pas battu. Hier soir, j'étais pas en état de gagner. Je pense pas l'être ce matin, en état. Mal à la tête, l'alcool sans doute.

Au moins j'ai dormi toute la nuit, pas un rêve n'est venu pour me déranger. Au point que je suis assise, les fesses sur le matelas, lorsque le Sergent Taki vient me chercher pour les exercices du jour. La lumière entre à peine par les volets, il doit être encore tôt. Trop tôt. Soleil qui ment, comme il ment tout le temps. Mais que je sois réveillée ou non, ils m'auraient fait sortir. Au moins j'suis déjà habillée, ça gagne du temps.

La brune tellement meilleure que moi toque à la porte.
- C'est ouvert.

Le Sergent d’Élite Taki entre dans ma chambre, me regarde non, m'observe, moi, petite Gallena à l'air misérable avec sa gueule de bois. Sauf que si je me sens petite, je le suis pas devenue par enchantement pendant la nuit, sinon je l'aurais remarqué en m'habillant. Et je sais pas trop si j'ai vraiment l'air misérable.

Sans doute que si. Elle hésite, ma sergent. Elle décide de s'installer à côté de moi, sur mon lit. Je continue à contempler le plancher. Je préfère les sols en bois que ceux en pierre, on risque de se planter une écharde dans les pieds mais ils sont plus chauds habituellement et leurs motifs sont plus intéressants.

- Vous voulez parler ?

Je commence à me lever de mon lit.

- Non c'est bon, allons-y. On va être en r'tard sinon.

Une main me retient par le poignet, elle me tire doucement en arrière. Au mieux elle pouvait juste me faire tourner sur place, mais je préfère suivre le mouvement, je laisse tomber mes fesses sur le matelas.

- Il vous est arrivé quelque chose ?
- Non. Rien du tout.
- Pourtant ...
- J'ai trop bu, c'est tout.
- C'est vraiment tout ?
- Ça et j'ai essayé de m'battre avec une moustache qui m'insultait et qui se moquait de moi.
- Et vous n'avez pas fini la nuit à fond de cale ?
- A quoi ?
- Aux arrêts.
- Ah. Une pause. Non.
- Mais pourquoi, Scorone ?
- M'a ramené ici.
- Un acte de bonté, en faveur de cette moustache. Vous connaissez son nom ?
- Euh ... je ... 'tendez ... non. Mais le type du bar le connaissait, je crois. Et c'était un officier. Colonel ou lieutenant, je sais plus. Un régulier.
- Scorone, cela change quelque chose pour vous, que cet homme ne soit pas de l'Elite ? Ce n'est qu'un mot. Houlà, comme elle le dit. Je ferais mieux de surveiller mes mots, mais c'pas dans mes habitudes.
- C'est la honte quand même.
- De quoi ? Vous être battue contre un autre marine, de surcroît possiblement un officier, devant témoins et en état d'ébriété ? Vous avez raison d'avoir honte, mais ayez honte pour les bonnes raisons.
- Eh .. mais ... je ...
- Vous n'avez pas d'excuse, Caporal.
- Mais c'est lui qui m'a donné l'alcool.

Elle me regarde dans les yeux, ce sergent qui me dispute. Sous ce regard qui me presse, je marmonne en croisant les bras.

- Parce que le barman voulait plus me servir.
- Vous auriez dû l'écouter, au lieu de vous couvrir de ridicule comme vous l'avez fait. Vous auriez dû refuser cet alcool, vous n'auriez pas dû vous battre. Il aurait été même plus sage de ne pas boire d'alcool.
- Mais ... oui sergent.
- Je comprends que vous ressentiez le besoin de vous détendre, Scorone. Mais il va falloir apprendre à vous contrôler. Mieux qu'aujourd'hui.
- Oui Sergent.
- Pour en revenir à cette histoire de "réguliers" et d' "élites", faites-moi le plaisir d'effacer cette idée idiote de votre tête. Pourquoi vous êtes-vous engagée dans la marine, caporal ?
- Euh ... Je m'attendais pas à cette question, je dois dire. Du coup je bafouille. Faire respecter l'ordre et la justice ... attraper les méchants ... et voyager, aussi. Mais je suis trop nulle.
- Et vous croyez vraiment que les autres marines ne sont pas comme vous, même s'ils ne le diront peut-être pas ? S'ils voulaient de l'argent facile ou une vie tranquille, ils ne se seraient pas engagés dans la marine. Ils seraient devenus banquiers prêtres ou pêcheurs, pas soldats. Entrez-vous ça bien dans le crâne, Caporal. Il n'y a pas "d'élite" ni de "régulière". Il n'y a que des marines, tous autant qu'ils sont. Est-ce que vous m'avez bien compris ?
- Oui Sergent Takishigawa.
- Qu'est-ce que cette histoire d'être trop nulle, Caporal ?
- Ben ... c'est vrai quand même. Comparée à vous ou au Lieutenant, je fais pas le poids.
- Et ça vous surprend ? Elle fait les gros yeux. C'est clair, elle elle est suprise.
- Ben j'ai pas l'habitude. Elle met une main sur son front. J'espère qu'elle n'a pas de fièvre.
- Vous êtes ... non, bien sûr que vous êtes sérieuse. Il ne vous est pas venu à l'idée que peut-être les années d'expériences et d’entraînement que nous avons derrière nous, le Lieutenant et moi-même, eh bien ... comment le dire, n'auraient servi à rien ?
- Non. Mais ... j'ai pas l'habitude de tomber sur des gens plus forts.
- Et ça suffit pour vous dire que vous êtes nulle ?
- Voui ...
- Le lieutenant est bien au-dessus du niveau d'un commandant d'Elite fraîchement promu, ne me dites pas que vous ne vous en êtes pas rendue compte ?!
- Si si mais ... pouvez parler moins fort s'il vous plait, j'ai mal à la tête encore ... euh ... en fait ... non, j'ai pas réalisé.
- Vous n'êtes pas croyable ...
- Eh ! S'il est si fort, pourquoi il est que Lieutenant d'abord ?
- Il ne désire pas augmenter sa charge de travail.
- C'est une blague, hein Sergent ?
- J'ai l'air de blaguer, Scorone ?
- Non ... mais du coup, vous, pourquoi vous êtes que Sergent ?
- Je ne vais pas laisser Ish tout seul, il ne ferait pas la distinction entre sa droite et sa gauche. Il faut quelqu'un pour le tenir en ordre.
- Ish ?
- Oh ... Elle est un peu rouge, je sais pas pourquoi. Quoiqu'à force de s'échauffer contre moi, la température dans la pièce doit avoir un peu monté. Ou alors ... oooh oh oh. Ih ih ih, même. Le Lieutenant, je voulais dire.
- Ah d'accord.
- Kofkof. Donc, pour en revenir au sujet ...
- Oui ?
- Vous n'êtes pas trop nulle, mais ça ne change pas qu'il reste de nombreuses personnes au-dessus de vous.
- Ça je le sais. Même que je dois devenir plus forte pour pouvoir les vaincre et que c'est mon but. Devenir plus forte.
- Voilà Caporal, fixez-vous un but et travaillez dur pour l'atteindre. Vous avez les capacités pour le faire et la volonté pour y arriver. Si seulement vous arriviez à concentrer suffisamment longtemps les énergies de votre petite caboche. C'est pas très gentil, mais je vois ce qu'elle veut dire.
- D'accord Sergent. Bien sûr Sergent, même.
- Eh bien voilà. Dorénavant, je ne veux plus vous voir faire cette tête, ni vous battre contre d'autres marines pour une histoire aussi bête.
- Oui Sergent.
- Maintenant debout, je commence à avoir faim, pas vous ?
- Oh si Sergent !

Ouille ... ma tête. Ça résonne un peu trop fort. Parle moins fort Gallena, moins fort.
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Au menu après le ptit déjeuner, tir avec carabine. Le fusil calé sur l'épaule, mon crâne résonne à chaque tir. C'est plus dur pour m'concentrer. Plus dur pour bien viser. Mais je fais de mon mieux. Même si mon crâne m'aime pas ce matin, je l'ignore qui gueule. C'est ça aussi, être dans la marine et y être sérieusement. C'est ça, vouloir se battre pour s'améliorer. Devenir plus forte. Je choisirais pas toujours ce qui m'arrive. Ni mes adversaires. Un jour, pt-être, c'est eux qui me trouveront, assise sur les toilettes le pantalon baissé et du vomi dans les cheveux. Mais ça m'est jamais arrivé pour l'instant et c'est tant mieux.

Taki et Ishumi discutent, à côté. Un peu trop loin pour que je les entende, avec les coups de fusils des autres à l’entraînement. Comme d'habitude. Au moins ils jouent pas aux cartes pendant qu'ils sont censés nous surveiller cette fois. J'veux dire, qu'ils nous donnent des leçons et tout.

Je me demande quand c'est qu'on va enfin partir. Ça commence à faire longtemps qu'on est ici. Très longtemps. Trop longtemps. C'est trop répétitif. Je m'ennuie, moi. Y a que quand je me bat avec quelqu'un que c'est intéressant. Avec Taki, Ishumi et quelques autres. La plupart sont trop nuls, trop pas intéressants. Seuls contre moi, ils perdent. A deux contre moi, j'ai plus de mal mais ils perdent. Même plus nombreux, j'suis trop rapide pour eux, je les surprend et les assomme.

On m'a interdit de viser certains points faibles. Soit disant qu'on les veut capables de marcher encore demain. Mon œil, alors pourquoi j'ai toujours le droit de leur péter le tibia ? Je dis pas que je veux leur péter le tibia, mais on me l'a pas interdit explicitement, le tibia. Je pourrais.
Moi, je dis qu'ils réfléchissent pas trop quand ils donnent des consignes. Ça s'voit qu'ils me connaissent pas. Pas encore assez. Hihihi.

N'empêche, je me demande de quoi ils causent. J'espère que ce qui s'est passé cette nuit va pas me causer des ennuis. Ça serait vraiment pas juste.


- Mais ce n'était pas ... ce n'était envisagé je croyais.
- Non bien sûr Taki, mais puisque c'est lui qui demande, je ne vois pas comment refuser maintenant.
- Et pourquoi faudrait-il que nous quittions East Blue pour le nouveau monde, donc ?
- Il ne me l'a pas dit, il s'est contenté d'insister sur ma présence à ses côtés. Il craignait que la liaise ne soit écoutée.
- Vraiment ? Un escargophone de la marine, compromis ?
- Vous savez comme il est.
- Il ne livre aucn détail et nous invite ainsi à un barbecue dans son jardin ? Je sais, oui.
- Voyons, le Colonel n'est pas comme ça.
- Il l'a déjà fait, Lieutenant.
- C'est exact Taki. Mais il n'habite pas dans le nouveau monde, nous n'avons donc pas à craindre de visiter son jardin cette fois.
- Il pourrait avoir déménager.
- Ahahah. Bon, soyons sérieux deux minutes, je doute qu'il demande mon aide pour une chose aussi mineure. Allons Sergent, je sais que vous ne l'aimez pas, mais vous n'êtes pas obligée de venir.
- Et vous laisser partir seul ? Et puis quoi encore ?
- Et laisser Scorone seule ici ?
- Ah oui zut ... elle peut se débrouiller.
- Elle peut ?
- Oui. On n'aura pas eu le temps de la finir, mais elle se débrouillera toute seule.
- Et pour le commandement ? Je ne lui confierais pas un chien pour lui donner des ordres, alors une unité ...
- Elle préfère combattre seule, de toute façon. D'ici à ce qu'elle dirige des hommes, elle aura progressé.
- C'est vraiment un vœu pieu.
- De toute façon Lieutenant, vous n'avez pas le choix. Il est hors de question que je vous laisse partir seul.
- D'accord Taki d'accord. C'est vrai que je risque de m'ennuyer sans vous pendant le long voyage qui m'attend. Qui nous attend, donc.
Et que faisons-nous du Caporal Scorone alors ?


En fait, je ne les ai pas vraiment entendu. Du coup, je ne sais pas si c'est exactement ce qu'ils se sont dits. Mais ça me parait pas improbable, pour ce que je connais d'eux. Et je sais qu'il y avait un colonel dans l'histoire et le nouveau monde, c'est ce qu'on m'a dit en temps voulu.

Alors j'en rajoute peut-être un peu, j'ai peut-être raté un détail ou l'autre, mais qu'est-ce qu'on s'en moque. C'est pas important, ce qui compte c'est le fond de la discussion. Même que si la forme est mauvaise, c'est peut-être moins joli mais ça ne change pas le fond et de toute façon je vois pas pourquoi la forme serait mauvaise alors que c'est moi qui l'a formule. Je suis géniale, c'est aussi simple que ça. Quand est-ce que les gens voudront bien le comprendre ?
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Dernier affrontement avec le Lieutenant Ishumi, deux jours plus tard. Taki est assise un peu plus loin à nous observer. Elle est pas seule, y a d'autres marines autour. Beaucoup. Il faut croire que me voir mettre sa pâtée à Ishumi attire les foules. Ils partent demain matin en me laissant ici. Soi-disant que c'est trop dangereux dans le nouveau monde et que je ferais pas long feu là-bas. Moi, je dis qu'on peut pas savoir tant qu'on a pas essayé, mais ils veulent pas. Dommage.
Et donc on va se battre, et donc on va se maraver, et donc il va gagner. Fin ça, si c'est si je fais confiance aux résultats de nos euh ... cent mille précédents combats. Plus ou moins trois. Mais je serais pas moi, Gallena Scorone, caporal d'Elite de la marine, si je perdais du temps et de la confiance à faire confiance aux résultats passés. Ce qui compte, c'est m'améliorer pour faire mieux cette fois. Pour faire mieux que lui.
J'vais le défoncer !

J'ai pas mes gants, ils sont posés avec mon manteaucape. J'suis en tenue de combat, mes bottes aux pieds bien propres. Ça va pas durer, mais autant faire bonne impression pour le début. Les apparences, ça compte aussi.
Lorsqu'il est prêt, lui aussi désarmé, on se met l'un en face de l'autre, un grand terrain est dégagé autour de nous. Mieux vaut que les spectateurs voient mal que on en blesse un, je suppose.
De toute façon c'est pas le moment de me poser ces questions, parce que ça commence. Il me connaît. Pas la peine de ruser avec cet homme, ça marche pas en général. J'pourrais charger, j'pourrais attendre qu'il vienne. Mais je suis plus à l'aise quand j'ai l'initiative et lui ça le dérange pas de me la laisser. Ça le dérange pas d'attaquer non plus. Y a pas grand chose qui le dérange.

- Vous pouvez commencer.

Et que ça crie fort des trucs dans les tribunes. On a même pas encore commencé les gens, zut quoi.


Je fonce sur lui. Son poing se dirige vers l'avant pour briser ma course. Je m'en fiche, déjà baissée pour passer sous sa garde. Pas tout droit, je vais me prendre son genou. Non, je passe sur sa gauche. Me baissant encore plus, je file un coup de pied dans son genou avant de partir en roulade pour m'éloigner de lui.
Le coup l'a ... pas surpris, il sait toujours tout, mais eu. Le Lieutenant plie la jambe quand il se prend mon coup. Le temps de se relever et de se replacer je vais ... non, il se relève pas, il amplifie la chute et fait comme moi, roulade et relève. Retour à la position de départ. Mais c'est moi qui ai porté le premier coup, cette fois.

Je profite de ma victoire, parce que ça va pas durer. Ishumi bouge. Moi aussi. Il est sur moi en un instant. Je suis sur lui ... oui bon voilà. Je donne des coups de poings qu'il bloque, pare et dévie. J'accélère pour tenter de le prendre de vitesse, ça ne marche pas. Évidemment. Il reste plus rapide que moi. Moins agile, mais plus rapide. Avec Ishumi, c'est pas contradictoire.
Je frappe, je frappe, je frappe mais ça passe pas. Quand il est comme ça, ça passe jamais. La seule chose que je peux faire, c'est le prendre par surprise, encore et encore.

Surtout qu'à force de frapper, je commence à me fatiguer des bras. Je ralentis un instant, pas fait exprès, pas volontaire. Quand même une mauvaise idée. Lui, il peut tenir la vitesse encore longtemps.
Les poings d'Ishumi m'atteignent, je peux plus attaquer, que me défendre. Et encore. Je tente pas de le bloquer, je suis trop lente pour ça. Je me contente de dévier ce que je peux. Ce que je peux pas ... je le prends dans le ventre. La poitrine. La tête. Les épaules. Comme massacrée par des tas de petits marteaux. Et je sais bien que si ça dure, j'vais encore fatiguer, plus de coups vont m'toucher et défaite assurée. Je fais style je me baisse. Il modifie la direction de ses coups de poings. Ces foutus coups de poings super rapides qui me laissent pas respirer. Qu'il donne juste pas assez fort pour m'envoyer voler à travers le terrain.

Mais j'ai un avantage sur lui. C'est pas un gros avantage, surtout avec Ishumi. L'est pas très facile à employer, en plus. Mais c'est un vrai avantage. Ses jambes lui servent qu'à se déplacer. Alors oui, équilibre parfait, rapidité incroyable, bons réflexes et tout. Mais moi, j'ai pas que deux poings et une tête pour cogner. J'ai aussi mes pieds.

Pas question de sauter, sinon le Lieutenant va me défoncer avec ses poings. Pas possible de me baisser. Feinter ? A la rigueur.
Je fais mine de partir sur la droite, puis à gauche. Un pas en arrière, je plie les jambes. Dévie deux coups et bloque un troisième. Je lâche pas sa main, je saute en me servant de cet appui qui se retire. Pas pour la totalité de mon saut, juste pour ajuster ma trajectoire. C'est pas de la pensée, c'est de l'instinct. Un "oooh" s'élève du public tandis que je m'élève dans les airs, un bref instant. Je retombe en vrille sur Ishumi, les pieds vers lui. Il peut pas me bloquer facilement, il peut pas attraper mes pieds pour me jeter au sol simplement. Alors mon adversaire s'écarte. Mes bottes poussiéreuses frappent le sol brutalement. Je conserve mon équilibre et repasse à l'assaut.

Des coups sont échangés encore un moment. Mais j'ai atteint ma limite. Limite de coups donnés, limite de coups reçus. A la fin, je fais un grand saut en arrière, manquant de trébucher à l'arrivée. J'allais déclarer que j'avais perdu, mais pas eu le temps. Il me lâche pas, il est déjà à côté de moi. Je dévie un coup, deux coups. En reçoit trois.

Et puis zut, perdu pour perdu, je vais pas me laisser faire sans rien dire. Souvenir de Gallena pour Ishumilézard ! Je me jette sur lui, encaissant les coups. Je vais moins rigoler demain. Les jours qui suivent aussi, je parie. Je m'accroche à lui, jambes, bras, tout. Tiens donc, il s'attendait pas à ça ? Tu m'étonnes John. Je serre fort. Pas pour l'écraser, évidemment. Je saurais pas faire.

- Scorone ?
- Oui ? que je lui réponds d'une voix tout à fait pas innocente.
- Vous faites quoi-là ?
- Seconde.

Coup de tête !!
Dans son menton.
J'aurais préféré le nez, mais dans ma position, c'est trop haut.
Je relâche le Lieutenant alors qu'il râle.

- J'ai perdu, vous avez gagné.

Je m'écarte un peu quand même, des fois qu'il voudrait me frapper un dernier coup. Pour avoir le dernier mot ou je sais pas.
Il se contente de se masser la mâchoire.

- Forfait du Caporal Scorone. Victoire du Lieutenant Ishumi.
La voix du Sergent Taki achève le duel. Fin de partie, vous avez mal à la mâchoire j'ai mal ... à peu près partout. Ce qu'il me faudrait maintenant, c'est un bon bain chaud, mais ici, au qg de la marine ? Je suis pas sûre que ça se trouve.
Je vais passer à l'infirmerie, ils doivent savoir eux. Ou alors ils auront une crème à m'étaler ou quelque chose. Pour que les marques rouges partent plus vite. L'adrénaline redescend doucement, pendant que je reprends mon souffle. Mais même si j'ai mal aujourd'hui, je sais que si je fais rien ... demain, j'aurais encore plus mal. Mal au point de même plus pouvoir me lever de mon lit.
Peut-être que j'exagère un peu. Mais pas beaucoup, je parie.
Verrais demain.


Les spectateurs viennent nous rejoindre. Ils viennent en marchant, tous. Ils doivent plus avoir d'énergie à force de crier, je parie. Alors, ils ont apprécié le spectacle ? Ça a l'air. Mais pourquoi ils ont l'air de plus féliciter le lieutenant que moi ? J'ai bien tenu quand même, j'ai même réussi à lui donner ce gros coup à la fin.
Alors oui il a gagné et oui c'est lui le plus haut gradé. N'empêche que je trouve pas ça très juste.

Taki lui donne quelque chose qu'elle tenait dans sa main, c'est trop petit pour que je vois ce que c'est. Maintenant ils viennent tous les deux vers moi, l'air ultra sérieux. C'est quoi cette embrouille, j'ai vraiment rien fait ces derniers temps. J'ai même pas fait de bagarre ou autre.
Je suis innocente. Même que je ne sais pas de quoi on parle.

Ishumi s'arrête devant moi et tend sa main, poing fermé la paume vers le bas. J'hésite un peu, mais je mets ma propre main sous la sienne. Paume ouverte, moi.

- Prenez vos écussons ... Sergent d’Élite Scorone.

Et il les fait tomber dans ma main. J'y crois pas mes oreilles et mes yeux. Et mon toucher. Ni le reste. Moi, Sergent ?

- C'est trop cool !!!
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