ROUND I
Tentative de Détente
Tentative de Détente
[D'ICI] Las Camp, le paradis des déchets humains, l’enfer pour les enfants de chœur et l’Eldorado pour les chasseurs de primes. Dans cette ville cancéreuse où abondaient des criminels en tous genres, un chasseur de primes ne connaissait pas le chômage et devait savoir se reposer au risque de clamser à force de trop travailler. Ici, il pouvait devenir riche rapidement, s’il ne se la jouait pas fainéant, mais il pouvait aussi connaître la mort rapidement s’il devenait trop gourmand. Ici, il devait bien choisir sa cible car un mauvais choix pourrait signifier la signature de son arrêt de mort. La Danseuse du vent ne contredirait pas ce dernier raisonnement après avoir vécu, tout juste hier, l’expérience d’avoir pris pour cible un criminel dont la puissance a été sous-estimée. Si son adversaire n’avait pas eu un faible pour sa personne, qu’elle avait su alors exploiter pour s’extirper de la délicate situation dans laquelle elle était tombée, aujourd’hui elle ne serait pas en train de savourer des pommes tout en s’offrant le luxe d’admirer un panorama banal mais qui n’était pas à la portée de tous. Aujourd’hui était sa dernière journée, enfin elle l’espérait, dans cette ville avec laquelle elle n’avait aucune affinité et elle avait choisi de la passer loin de confrontation avec ses semblables. Pour preuve de sa volonté, elle avait même laissé son équipement de chasseuse à l'auberge. Une journée à marquer dans les annales donc car il était rare de la voir sans rien faire. Pour elle, ordinairement, cela n’était pas synonyme de détente mais plutôt un sujet d’ennui. Les seuls moments où elle se permettait de rester longuement inactive c’était lorsqu’elle était endormie; chose qu’elle ne faisait que la nuit. La sieste, elle la laissait volontiers aux personnes âgées et aux nombreux fainéants de ce monde. Les rares fois où on la voyait allongée dans la journée, c’était parce que son état ne lui permettait plus de se tenir autrement. Pourquoi alors une telle décision, si cela allait à l'encontre de ses habitudes ? Parce que pour une fois, elle avait décidé d'être raisonnable. Après ce qu’elle avait vécu la veille, elle n’avait pas réussi à fermer l’œil de la nuit. Ses corps et esprit ne s'étaient toujours pas remis des épreuves qu'elle avait dû endurer. Elle avait donc décidé de les reposer mais il était hors de question de rester allongée toute la journée. Après avoir fait un arrêt chez un marchand de quatre-saisons pas trop suspect, pour acheter quelques pommes qu’elle avait demandées à être nettoyé devant ses yeux, la chasseuse de primes avait visité la ville par la hauteur, tout en dégustant ses fruits. Elle avait évité les quartiers les plus sensibles. Précaution qui ne lui avait pas épargné des scènes de violence qui rythmait la vie à Las Camp mais elle s’était abstenue d’intervenir car elle n’était pas une justicière et aujourd’hui elle était une chasseuse de primes en repos. La jeune borgne avait utilisé les toits des bâtiments comme ruelle. Chose inhabituelle chez le commun des mortels mais tout à fait normal pour la Danseuse du vent qui se sentait bien mieux en étant en équilibre dans le vide que d’avoir les deux pieds en stabilité sur terre. Après plus d’une heure d’avancée tranquille, le sac de sa provision qui se vidait petit à petit serré contre sa poitrine, la jeune femme avait décidé de faire une halte en haut d’un bâtiment dans un des rares quartiers pas trop pourris de cette grande pomme rongée par des vers. Loin des tumultes qui rythmaient la vie quotidienne de la place dominée par sa vue, elle savourait la douce brise qui venait faire danser sa chevelure et caresser son corps un peu las. Elle pourrait s’allonger pour tenter de mieux se reposer mais elle savait que là ne ferait qu’éveiller son impatience alors elle avait décidé de rester assise. Les jambes pliées, le buste en arrière soutenu par ses bras écartés de chaque côté, elle regardait les mouvements de la foule en bas. Quelques minutes seulement s’étaient écoulées qu’elle commençait déjà à trépigner d’impatiente. Son corps lui disait de bouger mais décidée à ne pas lui obéir, elle se contenta de ramener ses bras autour de ses jambes tout en reposant son menton sur ses genoux. Une position qui invitait à l’esprit à vagabonder mais elle se retint de le faire ne souhaitant pas rechasser des souvenirs qui pourraient nuire sa détente. Plus de dix minutes plus tard, une agitation au loin attira son attention. Deux hommes commençaient à en découdre mais l'arrivée d'une troupe de la Marine les obligea à s'interrompre pour prendre la fuite. Les agents ne les poursuivirent pas mais se contentèrent de suivre leur direction tranquillement. Sans doute pensaient-ils qu'une poursuite serait vaine ou était sans intérêt. En tout cas, pour une fois, ils étaient arrivés à temps. Plus de trente minutes après son arrêt sur le toit, une nouvelle scène de violence se manifesta mais cette fois-ci juste en dessous du toit où la jeune borgne avait décidé de se poser. Un jeune garçon se faisait malmener par une bande de mauvaises graines à peine sorties de l'adolescence. - Rends-le-moi ou je te vide de tes boyaux s'pèce de bâtard ! - Je t'ai dit que je ne l'ai plus ! L'agresseur attrapa violemment l'adolescent par son haut pour le ramener vers lui tout en lui offrant un violent coup de poing dans le ventre. La cible se plia mais l'assaillant l'empêcha de s'écrouler. Il la força à relever la tête puis accueillit son visage par un nouveau coup de poing. Le nez du pauvre être, qui semblait être à moitié sonné, se mit à saigner mais le bagarreur ne semblait pas être satisfait car il s'apprêta à refaire son action mais un violent coup de coude(1) dans le dos, interrompit son geste et le força à lâcher sa victime. Un ange qui avait décidé de rompre son repos était venu au secours de l'agneau en détresse. Malgré sa décision de faire une pause, la jeune borgne à la chevelure blanche n'avait pas pu rester indifférente face à la maltraitance qui avait lieu sous son nez ...
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