North Blue, sur l'Usage Modéré de la Force, un ancien cuirassé de la marine, quelque part au large des eaux libre de Boréa.
On a bien fait de prendre des manteaux hein Amiral ?
Ouaip, ça c'est sur. On se gèle bien les miches. On est censé faire gaffe aux icebergs ?
Pas avec ces cuirassés la non, vous inquiétez pas. Sauf si on paye une ile de face évidemment. Mais pour les blocs flottant on est trop lourd et trop blindé, on passe au travers.
Bon bon? Ouvrez l’œil quand même.
A vos ordres Amiral !
Laissant l'homme chargé de relayer la vigie au niveau de l'homme de barre, je retourne dans l'habitacle. Dehors on se caille, il neige légèrement, les mouettes se planquent et un vent glacé vient parcourir le pont du cuirassé et geler tout ce qui dépasse des fourrures. Après les mers chaudes de ces derniers jours, le climat de North n'est pas vraiment une sinécure. Heureusement qu'Izya n'est pas venue. Et dire qu'un des marins venant du coin raconte a tout le monde qu'a cette époque de l'année le climat est plutôt doux pour North.
Bonjour l'angoisse.
A l'intérieur les poêles marchent à plein régime. Et on finit de se regrouper autour des cartes que nous a fournis Loth avant de cesser toute communication... Bizarre.
Bien, tout le monde est la ? Commençons. L'ile sur la carte porte le nom très original d'ile du croissant de Lune, pour des raisons parfaitement évidentes. Visiblement on a encore affaire a un fonctionnaire plein d'imagination. L'ile est a peu prés déserte a part notre objectif, ce qui nous facilite grandement la tache.
Désert ? Le mouillage a l'air pourtant parfait non ?
En fait non. Apparemment toute la zone centrale est pleine de hauts fonds, et bloquée par les glaces une bonne partie de l'année. Du coup sortie de la vue aérienne, le coin est nul pour jouer le radoubage.
Et parfait pour s'y installer pour peu qu'on trouve le temps de draguer la zone et d'y faire des mesures.
Précisément. Nos cibles ont visiblement délimités un chenal qui leur permet d'entrer et de sortir a leur guise.
Un chenal ? On a le tirant d'eau de ce coin ?
Trop bas pour nous. Impossible de rentrer la dedans avec les cuirassés. Mais heureusement ce n'est pas le plan. Nous allons les attendre en mer. Par ici. Notre contact sur place a confirmé les infos dont nous avons parlé l'autre jour. Nous avons affaire a une flotte d'une vingtaine de navires classiques. Ils devraient être armés léger, l’opération que nous allons contrer est essentiellement terrestre, ce qui veut dire que nous allons couler des transports.
S'ils s'attendent à débarquer tranquillement sur Boréa, tomber sur des cuirassés va leur faire un choc c'est sur.
Surtout maintenant qu'on a repeint aux couleurs marine.
Ce n'est qu'une précaution, il ne devrait pas y avoir de témoins extérieurs de l'affrontement, mais si c'est le cas, croire assister a une opération de la marine devrait limiter la diffusion des témoignages.
C'est sur, rapporter une opération de la marine a la marine, ce serait un peu passer pour un con.
Du coup on les coince à la sortie du goulot ?
C'est l'idée. On va stationner en mer et lâcher le dirigeable en reconnaissance. On a quasiment une journée d'avance avant qu'ils ne commencent a bouger. Dés qu'on les voit mettre les voiles et commencer à sortir de la baie à la queue leu leu, on se pointe et on donne du canon.
C'est le probléme des coins difficiles d’accès comme ça, ça fait vraiment des nasses formidables.
Ouaip. Des questions ? Non ? Parfait alors, je vous laisse vérifier que tout est au point.
On s'en occupe Amiral !
Et pendant que tout le monde se disperse pour s'occuper des mille truc qu'on fait sur des navires de cette taille avant une bataille, je regagne le pont d'observation avec une longue vue.
Loth aurait du donner des nouvelles et le silence du den den est parfaitement anormal. Lui ou Dena d'ailleurs. Un oubli ?
Ou une couille dans le potage..
Quinze par le fond
La seule bonne nouvelle, c'est que mon bras a arrêté de me faire souffrir. Du moins, de m'élancer comme si mille poignards s'y enfonçaient. Elle reste douloureuse au toucher mais au moins je peux la mouvoir, enfin je crois. Là, dans ma position, assis et enchaîné par les pieds, je tâte de la chose. Brûlure au second degré que c'est. Il est couvert de croûtes et de gros bulbes semblables à des furoncles. Bref, c'est moche.
Le bateau tangue sous la houle. Au-dessus de moi, j'entends les hommes qui manœuvrent, j'entends les ordres beuglés à tort et à travers. Nous avons quitté l'île de Croissant Lunaire depuis plus d'une heure déjà et d'après la direction, nous nous dirigeons vers le nord-ouest, sûrement, dans l'esprit de s'éloigner le plus possible de la côte, de contourner Boréa et d'arriver à Lavallière par le nord. J'ai un sentiment de malaise qui n'a rien à voir avec l'odeur de foin de la cale miteuse dans laquelle je suis enfermé. J'ai le sentiment d'avoir échoué. Mon plan si bien ficelé était tombé à l'eau face à la puissance d'Ashura. Mes compagnons ont tous trouvé la mort dans cette tentative de destruction de la flotte à quai. Tashiele Shan, Ludo Pall, Avada Kedavra. Pour être plus précis, j'ignore ce qu'ils sont devenus. Je les présume morts mais je n'ai vu le corps d'aucun d'entre eux. Le dernier rescapé de l'opération foireuse, à part moi, c'est l'anarchiste Jonathan Nivel. Il est là avec moi dans cette cale, il n'est pas beau à voir. Il a été bien rétamé comme il faut quand il s'est fait capturer. Le nez cassé, le front ensanglanté, une longue balafre sur le torse, ouais, il avait raison de tirer une sale tronche.
Quand je dis que j'ai échoué, relativisons. J'ai échoué à moitié, mais le plan central a marché. J'avais prévu que j'échouerais. C'est la raison pour laquelle, j'ai contracté une assurance tout-risque nommé Red. Je savais que je ne pourrais pas empêcher la flotte d'Ashura de prendre la mer. Au moins, j'ai réduit de moitié le nombre de ses vaisseaux. Le principal souci maintenant c'est de communiquer ma position à Red parce qu'à ce rythme, à moins qu'on ne leur tombe dessus par hasard en pleine mer, on risque de se manquer. Ils vont débarquer sur Boréa et tout saccager, ils vont exécuter le jeune roi et j'aurais l'air fin après.
- Alors, Nivel, des idées ? Faut qu'on sorte d'ici.
- Merci, je n'aurais pas pu le deviner tout seul, répondit-il de sa voix pincée.
- Si tu pouvais arrêter le sarcasme et m'aider à réfléchir. Nous sommes à un niveau en dessous du pont là. Au niveau intermédiaire. Ce qu'il nous faut c'est contacter Red pour lui dire où nous sommes.
- Et tu comptes l'en informer comment ? Par télépathie ? Et même si tu réussissais, que lui diras-tu ? Que nous nous trouvons près de l'Iceberg à gauche après le virage à droite au croisement de l'allée des manchots Empereurs et de la voie de migration des phoques ? On est au milieu de nulle part mec !
- J'ai une solution pour les deux points, figures-toi. Le den den pour le contacter, il est là, fis-je en désignant de la périphérie de l’œil mes cheveux noués en chignon. L'escargot est dans la boule de mèches, je l'ai mis là avant de m'attaquer à Levasseur, je savais que ça tournerait en ma défaveur. Tiens-le, dis-je en lui tendant le mini-escargophone coiffé d'un chapeau rouge. Pour connaitre notre position, il suffit d'aller sur le pont et de se rapprocher du gouvernail. Y a une grosse boussole encastrée dans le bois dont se sert le navigateur. Je l'ai remarquée quand nous étions attachés au mat. Et pour se rendre sur le pont, faut se faire inviter par Levasseur et pour se faire, faut juste le pousser à bout. Ce qui n'est pas très compliqué vu qu'on lui a fait perdre la moitié de sa flotte. Il rêve de revoir ma gueule.
- Il va te torturer par le feu, encore.
- Affûte tes oreilles et n'en rate pas une. Retiens les chiffres et la première lettre du premier nom d'animal que je prononcerais après. Les phrases seront courtes. Par exemple, "j'ai tué 12 Singes" voudra dire, "12° Sud". Je ferai du blabla avant d'énoncer la longitude, seconde partie des coordonnés. Mais si j'enchaine dans le genre "J'ai tué 12 Singes et Élans", ça voudra dire 12° Sud-Est.
"J'ai mangé 17 Sangliers, Serpentaires et Oies.
- 17° Sud-sud-ouest. Écrases, j'ai compris, me soûle pas. Vas-y.
- Tu disais aussi avoir compris le plan d'attaque de l'île du Croissant Lunaire. Regarde dans quelle merde nucléaire nous sommes par ta faute.
Pique gratuite mais véridique. C'est à cause de lui si la majeure partie du plan a foiré, c'est en tentant de le sauver que j'ai été fait captif. Je lui en veux, un peu, beaucoup, à la folie, mais je laisse couler, je ruminerai ça plus tard.
Sur le coup, je traîne ma carcasse squelettique jusqu'à la porte de la cellule où nous sommes prisonniers. Un gorille est derrière, il nous garde. Je martèle la porte, je beugle des insultes, je fais du bruit. Il fait mine de m'ignorer deux minutes, avant d'ouvrir la porte à la volée, ulcéré, le visage rouge de colère. Il baragouine quelque chose, il me menace de l'habituel. Décapitation, éventration, écartèlement, émasculation. Moi je ne le menace pas, j'agis. Un uppercut de ma main valide, la droite, se charge de lui fermer son clapet. Du moins, j'essaie de lui en coller une parce que je le rate de peu. Mes chaînes sont trop courtes, mon champ d'action, même avec mes long-bras est réduit, il est hors de portée pour un millimètre. Mais ma tentative de rébellion lui fait encore plus mal que s'il avait reçu mon coup. Son genou fend l'air et me caresse au torse. Mon souffle est coupée, la douleur est écœurante, j'avais oublié que j'avais aussi des brûlures sur le buffet. Maudit Levasseur et sa manie du feu. Je me recroqueville dans l'attente d'autres coups qui ne viennent pas. Il m'empoigne, me soulage de mes chaines, non, que dis-je, il les enlève seulement de leur ancre dans la pièce. Je suis toujours bien saucissonné par les pieds. Je me sens trainé, il réagit exactement comme je le voulais, Levasseur l'avait prévenu de lui emmener le premier à être assez con pour se révolter. J'ai gagné le gros lot.
Manu militari, je suis trimballé dans les couloirs de la nef, on me conspue sur mon passage, on me donne même des coups au passage. Normal, beaucoup des leurs sont morts dans l'explosion de l'un des deux ports de l'île. On rejoint bientôt le pont. Le ciel sans soleil, je l'accueille avec sourire. Je souris moins quand ma tête heurte lourdement le plancher quand le gorille me lâche. Il fait un salut militaire à Benjamin Levasseur et se retire. Il est devant moi, celui qui se fait surnommer La Braise. Il me dévisage de son regard gris froid, je sais que son envie de me tuer est en conflit acharné avec ses pulsions qui lui chuchotent de me faire cramer à feu doux. Mon regard insolent n'aide pas ma situation. C'est suicidaire mais il le faut, je suis trop loin du gouvernail, je dois être balloté, je dois planer. Je suis frappé d'horreur quand il ne daigne pas me toucher, comme une pucelle violemment éconduite.
- Pourquoi est-il là ?
- Z'aviez dit d'vous l’amener s'il se...
- Je sais ce que j'ai dit. J'ai pas le temps pour le menu fretin, j'ai un important ami à accueillir. Éloignez-le de ma vue ! Non, en fait, attachez le, là, mon ami aura peut-être envie de le voir.
"Là", ne m'arrange pas, je dois agir. Et ce n'est pas facile quand, comme à son habitude, mon cerveau explose en une multitude d'hypothèses sur le truc intéressant que je viens d'apprendre. Avec un effort difficilement quantifiable, je m'extirpe de cet imbroglio de suppositions et je réussis à caler mon attention sur le présent.
Je dois me rapprocher du gouvernail.
Je me rebelle encore une fois, je charge mon gorille, de l'épaule, je lui rentre dedans. Touché cette fois. Avec la tête parce que j'avais amorcé un mouvement de course en oubliant que j'étais entravé par les chevilles. Du coup, je m'étale de tout mon long en lui donnant un coup de boule dans le buffet au passage. Il lâche une exclamation de fureur, se ressaisit et me gifle de sa main aussi grosse qu'un couvercle de benne à ordure. Je sens voleter les étoiles, je me sens sortir de mon corps. Je me sens rentré, encore tête la première, dans un truc dur. Le mat surement, bonjour la commotion. La bonne nouvelle avec toutes ces blessures, ces douleurs, c'est que je ne sens presque pas le froid polaire qui nous environne. J'ai toujours aimé le froid cela dit. Sur le pont, ils se sont tous figés pour nous regarder, Levasseur parait même amusé. Pour baisser encore plus leur attention, je joue au clown, je lance des poings dans le vide à la manière d'un boxeur qui s’échauffe, j'harangue la foule, je défie le gorille de me soulager de mes menottes pédestres -ça se dit pas ? Tant pis- Je suis chaud, je suis dans la peau d'un autre, je joue un rôle, donc je peux inventer des expressions. Les matelots oublient le programme de la journée, rapidement, un halo humain se forme autour de nous, ils tapent des mains, ils encensent leurs champions, mais je suis toujours enchainé. Du coup, je sautille pour m'échauffer, le cercle s'adapte à mes gains d'espace, il recule quand je recule, il avance quand j'avance. Bande de moutons, qu'ils sont tous. Pour ne pas paraitre trop fanfarons, j'attaque, je prends appui sur mes pieds joints malgré eux et je fonce. Mon bras douloureux au second degré fend l'air, le gorille l'esquive, il m'éjecte d'un coup de paume qui me comprime la poitrine. Douleur mais merci. Je donne plus recul qu'il n'en faut à mon éjection, je titube comme un vieux soulard, la foule s'écarte un moment puis resserre les rangs quand je menace de m'écraser sur la barre de navigation. Au plus près de la boussole. La foule m’accueille de ses innombrables bras puis m'éjecte au centre du ring virtuel. C'est parfait, j'ai pu lire le compas. 25° Nord-Ouest 88° Ouest. Il est temps de formuler ma trouvaille et de la transmettre à Nivel.
- T'as déjà entendu parler des météores de Pégase ? L'attaque à vitesse Mach 1 ? beuglai-je. La dernière fois, j'ai dégommé 25 Narvals et Orangs-outans d'un seul coup avec. Tu vas tellement le sentir passé. Ah tiens, je t'ai déjà dit qu'une fois j'avais saigné 88 Ornithorynques lors d'une partie de chasse ?
- T'es quoi, un boucher ?
Mon message est communiqué, il a saisi, j'en suis sûr. Du coup, ce spectacle n'a plus lieu d'être, mais je suis embêté, je ne peux pas juste abandonner comme ça, ça semblerait suspect. Heureusement, la veine sur la tempe de La Braise est au bord de la rupture, il en a assez de mes singeries et de la bêtise de son équipage. Un éclair de feu traverse l'air et tout le monde se met au gardez-vous. On m'administre un coup à l'arrière du cou, je m'écroule puis suis jeté comme une merde contre le bastingage.
Pour la première fois, j'ai une vue d'ensemble sur la flotte, et elle semble impressionnante dans sa formation en diamant. Autant que je puisse en juger, le bateau sur lequel je suis, l'amiral, est au centre de la formation. Une formation qui se brise à tribord pour laisser passer un autre navire qui coupe perpendiculairement les rangs. Il est plus grand qu'une caravelle classique, il semble aussi plus évolué technologiquement. Déjà, il navigue à la vapeur, pas à la voile. Des hommes sont à bord, ils lancent une corde qui passe par-dessus la rambarde et manque de me fouetter le visage. Je me traine à quatre pattes pour m'éloigner. Ça y est, ils sont amarrés à notre bateau, ils se laissent guidés par Le Magma. C'est le nom de ce bateau.
Je me demande bien quel genre de monstre sacré est le nouvel arrivant. Sûrement pas le boss d'Ashura. Un "ami" avait dit Levasseur. Mouais. Un client peut-être, un fournisseur, à n'en pas douter. Je pensais déjà qu'avec quinze navires et mille trois cents hommes, Ashura ne pouvait pas espérer prendre un pays aussi grand que Boréa. Pas dans si le réseau projette une opération rapide et efficace comme j'ai pu le constater en m’infiltrant dans leur conseil de guerre sur l'île du Croissant. Avec mille trois cent hommes, y a juste de quoi prendre une ville et donner le temps aux autres de former des groupes d'auto-défenses et bonjour la guerre civile. Le nouvel arrivant doit être quelqu'un qui doit leur donner les armes pour frapper un coup décisif sur Boréa. Un fournisseur d'armes peut-être, le chef d'une guilde de mercenaires, qu'en sais-je.
Que dis-je, je le saurai bientôt, le voilà, je l'entends qui escalade l'échelle en corde qui lui a été envoyée par-dessus la rambarde. Sa main se fige sur le garde-fou en bois de hêtre. Une main pâle et sertie de pierres précieuse.
J'ai joué ma partition, j'espère que Nivel va contacter Red, j'espère qu'il ne fera pas de gaffe cette fois-ci. Putain de Niveleur.
Dernière édition par Loth Reich le Lun 4 Mai 2015 - 19:52, édité 1 fois
Chef ! Den den !
Loth ?
Non, un autre. Nivel ?
Nivel ? Bon. Passe le moi !
Il ne faut pas longtemps pour que le binôme de Loth me trace les grandes lignes de la dèche dans lesquels ils sont plantés. Loth a les couilles coincés dans les ronces et il doit prier très fort pour que je vienne le sortir de la sans douleur. Bref, ça chie grave et le plan donne déjà de la gite. Parce que Loth est gentil mais qu'il est hors de question que je joue les sauveurs de Boréa en me lançant dans un débarquement en ville et une guerre civile à terre.
Cela dit, comme aimait à le rappeler l'instructeur, si le plan se passe exactement comme vous le prévoyez, c'est que l'ennemi est au courant et vous tend un piège. Pour ça au moins, on est fixé.
Et si Loth est assez coriace pour ne pas avoir grillé son Joker il mérite qu'on fasse quelques efforts pour venir le sauver.
Changement de programme, virez moi cette carte pour une plus grande. Et que quelqu'un me pointe ces coordonnées dessus.
Une minute chef !
Alors, c'est ou ?
Juste la !
Pas foutu de respecter un horaire, je déteste les gens qui arrivent en avance aux rendez vous. On est ou nous ?
Ici !
Ok. Ils vont a Boréa et on a une position. Baker, une trajectoire pour l'homme de barre et on vire en vitesse. Prévenez les machines de faire cracher plein pot, je veux sentir la chaleur des chaudières jusqu'ici. Lachez le dirigeable tout de suite pour qu'il joue l'éclaireur.
C'est parti !
Et faites moi bouger les tourelles, je vois le gel d'ici et j'aime pas ça. Baker, combien de temps ?
Au moins une heure, pas plus de deux.
Tiens, transmet à Nivel. Et garde le en ligne jusqu'a ce que l'éclaireur les trouve, qu'on ait pas de mauvaises surprises. T'as qu'a essayer de lui faire cracher ce qu'il sait sur la flotte. Je retourne dehors.
[...]
Amiral ! Le dirigeable les a !
Pas de doutes ?
Aucun ! Le nombre est bon, la trajectoire aussi.
Parfait, alors que la danse commence. Passe moi le den den.
Messieurs,ici le capitaine Red, notre cible est en vue ! BRANLE BAS DE COMBAT !
L'invité est d'une pâleur mortelle. Il a quelque chose de vampirique. Peut-être ce teint exsangue, émaciée et crayeux. Il débarque sur le pont sous bonne garde de deux gorilles musclés. Il pose un regard intrigué sur moi, je vois ses sourcils fléchir de suspicion. Je détaille les plis de son apparence, je lance un scan dans mon cerveau mais nada, je ne le trouve nulle part. Je ne connais pas ce mec, du coup je suis intrigué. Fournisseur ou client ?
La tignasse rousse de Levasseur s'approche de lui, ils s’enlacent comme de vieux amis puis sans préambule, le nouvel homme se renseigne sur mon identité. Faut dire qu'enchainé par les pieds et arborant mille et une blessures, je fais tâche sur le pont. Sans laisser le temps au rouquin répondre, il enchaine en lui demandant la raison de son empressement à avancer le plan. Il se demande aussi si la flotte ne devrait pas être deux fois plus grande en nombre.
Là, tu vois l'amertume sur le visage de La Braise, tu vois qu'il a mal, tu vois qu'il ne digère pas l’hippopotame coincé dans sa gorge. Il déglutie, tourne un œil meurtrier vers moi, puis sans crier gare, je plane une nouvelle fois. Faudrait qu'ils arrêtent de me prendre pour un sac de frappe, ça suffit maintenant. Il en avait eu assez de mon regard suffisant, il sait ce que lui a coûté mon ingérence dans ses affaires. Moi, je m'écrase une énième fois sur le parquet, je morfle mais je ne lâche aucun gémissement de douleur, j'encaisse, je me redresse avec cet éternel sourire narquois. Je sais que je vais finir par y passer si je continue à le défier.
Rapidement et non sans honte et douleur, il explique à son pote que j'ai détruit la moitié de sa flotte et que j'ai refusé de parler sous la torture du feu. Et comme ils ne savent pas jusqu'où remontent mes liens, ils doivent précipiter le plan. Ils ne peuvent pas prendre le risque de voir Boréa rassembler ses hommes valides, ils ne peuvent pas prendre le risque de laisser au gouvernement le soin de se réinstaller. Ils doivent attaquer plus tôt quitte à faire une coupe transversale dans le plan.
- Mais et les Autres ? Je croyais qu'on allait avoir leur appui ? s'enquit le mec.
- On ne peut pas les attendre, ils sont sur Grand Line là. Ils ne doivent pas venir dans le nord avant le début du mois prochain. D'ici là, nous tenterons de prendre Boréa. En tenant les principales villes, on peut faire de la résistance, les Autres viendront nous apporter la puissance nécessaire pour écraser la Marine et le reste de la résistance, s'il y a lieu.
Bah voilà, je savais bien qu'ils étaient en partenariat avec d'autres organisations d'envergure. Les Autres... Putain, j'en ai entendu parler. On les surnomme aussi la Cavalerie Sans Bannière. Un groupe de mercenaires qui ne vit que de la guerre. Une armée privée, terriblement efficace comme on n'en fait plus. Des dizaines de milliers d'hommes la composent. J'expire en imaginant la merde dans laquelle j'aurais été si j'avais retardé mon attaque sur Ashura. Lavoisier, le chef du réseau veut vraiment mettre les petits plats dans les grands. Heureusement, quand ces gens de la Cavalerie seront prêts à lui donner un coup de main, il sera déjà déchu de son trône. Et je m'y assoirai. Peut-être aurais-je l'occasion de parler d'égal à égal avec le chef des Autres, cette pointure volant au-dessus de la centaine de million de primes.
L'invité ne semble pas très chaud pour ce plan précipité, il redoute l'enlisement, sa voix porte ses opinions. Bah casse-toi, pensai-je. Mais il hésite, turlupine, soupèse le pour et le contre. Clairement quelque chose le retient, lui donne encore foi dans la possibilité de victoire. J'essaie d'évaluer ce que c'est, je lis dans la posture de Levasseur, une confiance solide. Pas de condescendance, du coup, j'en conclus qu'il ne tient pas l'autre par les couilles, leur relation reste de l’ordre du partenariat, l'autre peut se casser quand il veut. Donc, ils lui ont promis quelque chose, c'est sûr, et ça doit être du lourd s'il envisage toujours de fournir son aide à Ashura malgré que le plan soit bien amoché.
Mais en quoi, lui, les aide-t-il ?
- 45%, fait-il après un moment de réflexion.
- Sois pas ridicule, répond tranquillement Levasseur les bras croisés. On avait tablé sur 20%.
- On avait aussi tablé sur la présence des Autres, sur la surprise de l'attaque. Là apparemment, des gens le savent, les Autres sont pas là, et même votre force de frappe est diminuée. Les risques ne sont plus les même, le prix augmente.
- 30% et on en parle plus. Prendre les mines va être plus compliqué que de prendre Lavallière ou Bourgeoys. Il y a une teigne là-bas nommée Phineas Holle. C'est lui qui contrôle les mines, il en a fait une véritable fourmilière. C'est son territoire, va falloir l'en déloger. Trente pour cent et tu nous apportes ton aide en plus. Je vais négocier ça avec le Boss, il devrait accepter.
- Un boss que je n'ai jamais vu.
- Que tu ne verras jamais, tu n'as pas besoin de son poster sur ton mur pour nous fournir de l'aide. Alors, ces armes ?
Il doit donc leur fournir des armes contre une rémunération en titres de propriété. Trente pour cent des mines de Boyettes, si j'ai bien compris. Mais ce n'est pas l'info la plus intéressante, oh que non. J'en tremble d'excitation, si c'est bien ce que je crois, je viens de découvrir l'identité d'une nouvelle Lune.
Récapitulons. Les Lunes de Boréa, y en a cinq en tout, des gens la plupart du temps totalement ordinaires et lambda mais qui ont un pouvoir de manipulation et de contrôle total sur la populace de Boréa. Lavoisier, le boss d'Ashura en fait partie, c'est lui la Lune Mauve. Rien ne me permet d'affirmer ou d’infirmer que les autres Lunes sont aussi puissantes que lui, mais pour sûr, elles doivent chacune être positionnées à un pan stratégique de la vie pays, même si elles occupent les postes les plus ingrats. Lavoisier, je ne sais pas ce qu'il fait réellement dans la vie mais il a choisi de faire dans la contrebande et d'utiliser Boréa comme base en se servant du réseau de renseignement des Lunes pour camoufler ses activités. Là, Levasseur vient de parler de quelqu'un qui contrôlerait les mines de Boyettes, un endroit ô combien stratégique pour le pays et le Gouvernement. Et pourtant, Boréa a un Sous-secrétaire aux mines, une sorte de super ministre de l'énergie mandaté par le roi. C'est sur lui que je tablais pour être un des membres du Conseil et là j'entends le nom d'un total inconnu. Lavoisier étant dans le Conseil, lui, il connait les vrais tenants du pouvoir. Le sous-secrétaire doit juste être le pantin de ce Phinéas Holle. Jouissance. Merci Levasseur, une fois Ashura à terre, je sais quelle Lune je prendrais pour cible.
Pendant que je réfléchis et que j'explose intérieurement de joie, l'affaire se conclut et le nouvel arrivant, Jack de son nom, fait un signe à ses hommes restés sur son navire à vapeur. Le pont s'ouvre alors et révèle une trappe mécanique d'où s'extirpe lentement un super canon de la mort qui tue. De ma vie, je n'ai jamais vu un truc aussi mastoc, des boutons colorés brillent partout sur son armature. Déjà, je sais que quand il crachera, ça fera très mal. Le bébé impressionne Levasseur, plusieurs matelots sifflent pour accueillir le nouveau copain dans leur rang. La Braise souhaite une démonstration alors Jack s'en va et se rend sur son bateau qui se désolidarise ensuite du Magma pour prendre la tête de la formation en losange. Je l'observe de loin, tout le monde l'observe. La mer est parsemée d'iceberg qu'évite soigneusement la flotte. Lui, Jack, fonce sur le plus gros, une véritable île glacée. Il fait feu. L'arme est si puissante qu'il faut cinq autres tirs de canons à l'arrière pour annuler le mouvement de recul imprimé par le supercanon. Il pulvérise l'iceberg sous l'intense ravissement de La Braise. On siffle, on crie de joie. On salue la force de frappe qui va être la leur. Et moi je me renfrogne, ça va faire très mal. Les célébrations continuent, le canon fait encore une démo de ses talents, on tire des coups de feu en l'air, des feux de joies même ?
Non. Des obus. Une forte explosion manque de peu la caravelle à l'extrême droite de la formation, celle qui couvre le flanc tribord du groupe. La déflagration soulève une vague qui passe par-dessus le navire et s'abat sur son pont. Ils sont loin mais je vois quelques matelots emportés par la mer. Je les plains, elle doit être à une température négative. La caravelle ne semble pas touchée, elle tient bon. L'allégresse d'il y a peu parait soudainement avoir eu lieu des siècles plus tôt. Tout le monde cherche la source de cette attaque. Ils se profilent à l'horizon et j'en ai la chair de poule. Un gros mastodonte de la marine suivi d'un autre. Ils sont gigantesques ! Je frisonne puis me demande si c'est Red ou la marine. C'est vrai qu'il m'avait parlé vite-fait de venir en cuirassé. Quoi qu'il en soit, je crois que je suis mal barré, je doute qu'il monte une opération pour me sauver et enchainé comme je suis, je ne peux pas me débrouiller, je dois me défaire de mon entrave.
J'observe Levasseur qui donne des ordres qui sont directement retransmis par bébé escargophone à tous les capitaines de la flottille. Comme un seul homme, les manœuvres commencent, ils ne sont pas décidés à fuir, ils veulent se battre. Les roues à aube sortes, les rames aussi, les chants de guerre pour rythmer les manœuvres, aussi. Au terme d'un trafic zigzagué où certains bateaux ont échangé leurs positions, le Magma se retrouve en dernière ligne d'une colonne de sept navires en file indienne. Une autre colonne est formée à bâbord mais là, c'est le bateau de Jack qui ouvre le bal.
Nous sommes aux antipodes, il est devant, et nous derrière. Cette formation étrange cache un mauvais coup, j'en suis persuadé, Levasseur était connu durant ses années de piraterie pour ses talents de stratège. J'espère que Red saura le contrer.
Je ne peux m'empêcher de frissonner d'excitation, les choses sérieuses vont commencer. Pauvre Nivel dans sa cale qui doit se demander ce qui se passe à la surface.
Fais virer de bord.
Virez de bord ! Bâbord toute !
C'est curieux non ?
Curieux oui, très curieux. S'il n'y a qu'une chose que j'ai retenu de la guerre navale moderne, celle des bateaux de guerre et plus particulièrement des cuirassés de la marine, c'est qu'on ne se retrouve jamais volontairement à pointer sa proue ou sa poupe vers les flancs de l'adversaire... Jamais. Parce que c'est la pire position qu'on puisse trouver. Celle ou l'ennemi peut concentrer le maximum de sa puissance de feu sur la partie la plus vénérable de votre navire en encaissant un minimum de riposte en retour.
Alors évidemment, le néophyte se posera toujours des questions. Après tout, un navire offre une cible plus petite de face ou de dos que de profil non ? Alors pourquoi ne pas le tourner droit vers l'ennemi hein ? Mais quand on y réfléchit vraiment ce n'est pas une question de marine, mais de tireur. Quand un type traverse votre champ de vision et que vous tirez dessus, chaque pas qu'il fait vous oblige a tourner votre arme pour le garder en mire. Alors que le même type qui vous fonce droit dessus...
Pour un navire c'est pareil. S'il vous fonce dessus, il n'y a guère que la hausse a bouger pour continuer à le toucher. Le toucher et envoyer vos boulets le traverser dans toute sa longueur tout en ne le laissant riposter qu'avec le maigre armement de poursuite qu'il possède a l'avant.
C'est une manœuvre si prisée des manuels des guerre qu'elle a même un nom, on appelle ça Barrer le T de l'adversaire. Et la moitié des bouquins de stratégie parlent essentiellement des moyens d'y arriver sans que l'adversaire vous le fasse...
Veulent nous aborder. Je vois que ça...
Ouaip, moi aussi.
Pendant que la flotte ennemi s'organise en ordre de bataille, les deux cuirassés ont virés de bord dans un synchronisme superbe. S'alignant l'un derrière l'autre et prêtant le flanc aux deux colonnes ennemis tout en faisant pivoter leurs tourelles à l'unisson.
Deux nouveaux obus partent en sifflant au dessus de nos têtes, des tirs de réglage. L'un des avantages de posséder des tourelles est qu'elles sont réglés pour tirer toutes au même endroit. Ce qui fait qu'en début d'affrontement on se contente d'ouvrir le feu avec une seule d'entre elle, le temps d'obtenir un tir efficace.
Je redresse ma longe vue pour voir deux gerbes d'eau jaillir de chaque coté du navire de tête le plus proche.
Joli coup...
Je parie que ça fait longtemps qu'ils n'ont pas vu de cuirassés ouvrir le feu. Coulez moi ça.
A toutes les tourelles. Feu !
Et sous mes pieds tout le navire frémit quand les six canons des tourelles ouvrent le feu, immédiatement suivi par les neuf pièces de bordée. E un instant plus tard j'ai la satisfaction de voir la premiére cible se faire toucher de plein fouet par une bordée qui transforme en une seconde un beau navire en une simple épave dévastée et brulée qui ne demande plus qu'a disparaitre sous les eaux.
Joli coup.
Je me demande ce que ressentent les types du bateau juste derrière au moment ou ils traversent la zone ou se trouvait un navire et ou il n'y a plus que des débris fumants et des bouts de corps flottant.
Moi j'aimerais pas.
Amiral ? Vous avez entendu ?
Les canons ? Un peu ouais...
Non, pas les nôtres. Y'a eu un autre tir.
Et tu l'as entendu ?
Les batailles navales c'est comme la mécanique chef, c'est au bruit qu'on sait s'il va y avoir des frais.
Une autre bordée volatilise le navire suivant dans une explosion dantesque de flammes et d'esquille de bois pendant que j’empoigne a nouveau ma longue vue. Un bruit de canon différent ? L'autre file peut être ?
Et la je le vois. Juste au moment ou il tire un projectile surement monstrueux qui part en cloche pour retomber de plein fouet sur le Globalement Inoffensif, frappant à quelques mètres à peine de la tourelle latérale avant d'exploser, projetant poutres et planches en l'air et laissant un gouffre béant sur le pont du cuirassé.
C'est tout vu. Il y aura des frais...
Levasseur est inébranlable. Il est serein malgré le fait que deux de ses nefs viennent de rejoindre Davy Jones au fond de la mer. Cette stratégie d'attaque à la queue leu-leu m'intrigue. Exposer sa proue aux flancs adverses, c'est le meilleur moyen pour se faire couler sans effort. Dans le froid polaire, j'entends un bruit plus sourd que les précédents et je darde ma tête vers la seconde formation parallèle à la nôtre où le bateau de Jack le pourvoyeur d'armes mène l'assaut. Son canon de la mort vient de cracher ses premières salves sur l'un des croiseurs. Je ne peux pas voir l'étendue des dégâts de ma position, mais je crois que ça a fait mal dans les rangs de Red. Pas trop, j'espère. La bataille marine continue de plus belle et moi, je suis toujours aussi enchaîné et impuissant.
À même le pont, un des lieutenants de La Braise, un crayon coincé entre ses lèvres, lui apporte un large parchemin sur lequel il vient manifestement de gribouiller des trucs. Un plan de bataille sur-mesure d'après ce que je peux voir. Le parchemin est constellé de miniatures de bateaux de la flotte, des deux bateaux ennemis, de flèches qui s'entrecroisent. J'admire cette réactivité, j'admire ce professionnalisme. Levasseur acquiesce du chef, il est apparemment d'accord avec le plan de son lieutenant et sans un mot, ils se séparent. Quelque chose se prépare et quelques minutes plus tard, je vois le résultat, les bateaux des deux files parallèles changent de formation, ils rompent leurs lignes bien droites. Pas dans un fouillis total, les mouvements sont synchronisés à la perfection. La première moitié des bateaux de chaque file dévie et met le cap à tribord alors que la seconde moitié du rang s'oriente à bâbord. Ils forment momentanément une espèce de "V" qui manœuvre pour ceinturer les bateaux de Red comme des guillemets. Le Magma prend maintenant part à la bataille, je sens les planches vibrer et se dérober sous moi quand il fait feu de tout cœur sur les cuirassés. Ils sont encore trop loin pour un quelconque abordage, mais pas pour les boulets qui s'écrasent allègrement sur les flancs des mastodontes. Beaucoup finissent dans l'eau cependant en déclenchant des projections d'eau glacée qui retombent sous forme de pluie. L’atmosphère est saturée de poudre et sur le Magma. C'est le chaos, les hommes hurlent des ordres, se passent des boulets, aiguillent les voiles. Je suis en pleine opération de guerre, et nul ne se soucie de moi. Tant mieux.
J'ai perdu Levasseur de vue entre-temps, j'ignore où il est parti. Je tente de voir où en est exactement la bataille dans cet imbroglio et je constate que les deux formations en guillemets se sont largement étirées, à tel point que les bateaux de la file que commande Jack sont passés hors de mon champ de vision, derrière les deux cuirassés. Ils cherchent à les encercler, j'espère que Red voit ça.
Bon, il est temps de m'occuper de mes propres problèmes, de chercher un moyen d'enlever les colliers à mes chevilles. Du coup, je rampe comme un vulgaire asticot dans l'indifférence générale, je cherche quelque chose qui pourrait m'aider à crocheter la serrure des menottes. Tout à coup, je deviens sourd. Du moins, momentanément, tant le bruit est proche et tonitruant. Un truc à faire crever les tympans à un nouveau-né. Je suis balloté comme un fétu de paille, éjecté avec une escorte d'éclisses, de cordes et d'un liquide chaud. Le Magma vient sûrement de faire éventrer sur un flanc.
Le calme plat. À l'exception de cette note unique semblable à un grésillement. Je suis totalement sonné et je sais que ce son, c'est celui de mes tympans qui essaient de se remettre au travail. Sans grand succès. Comme si j'avais besoin de blessures supplémentaires alors que mon bras gauche est intégralement brûlé. Il fait sombre, je ne vois rien. Soit je suis devenu aveugle, soit j'ai me suis retrouvé dans les entrailles du navire. Par réflexe, je mobilise mes bras, du moins j'essaie. Malgré la douleur, ils répondent, alors je tâte le reste de mon corps. Je sais par expérience que l'adrénaline annihile momentanément la douleur, aussi, je pourrai bien avoir une poutre plantée dans le ventre que je ne pourrai rien sentir. Heureusement, je ne sens rien, aucun trou et mes jambes aussi répondent bien. Aucune blessure apparente, mais je palpe d'un liquide chaud et poisseux sur mon kimono. Du sang assurément, pas le mien, je crois. Malgré tout, je ne peux pas me lever, une énorme masse m'écrase la poitrine. Je tente sans succès de la dégager. Bordel. Je beugle un bon coup pour me libérer mes poumons de la poussière qui s'y est glissée.
Tout à coup, je sens la masse qui me comprime la poitrine s'alléger. Quelqu'un est en train de déblayer les lieux. Mon audition revient petit à petit au beau fixe et j'entends au loin les timbres de la bataille qui se poursuit.
- Loth, t'es là-dessous ? J'ai cru entendre ta douce voix tout à l'heure.
- Nivel ? T'as réussi à te libérer ?
Il dégage la poutre qui s'était amourachée de moi et me libère. En sus de sa blessure au nez, Nivel est couvert de suie et de poussière, des éclats de bois sont enchevêtrés dans sa tignasse rousse. Autrement, il a l'air cool et aussi bien portant qu'on puisse l'être au cœur de ce merdier.
- Nous tanguons ? demandai-je en sentant l'inclinaison inégale sous mes pieds.
- Par tribord. Il y a un gros trou, le navire est immobilisé, je ne sais pas pourquoi ils ne nous ont pas encore coulé, en tout cas, faut se barrer.
- Mais, ils se battent encore ! lançai-je alors que le Magma vibre en crachant une salve de boulets.
- Ouais et on s'en fout. S'ils veulent se battre jusqu'à la mort, tant pis pour eux. Nous, on s'arrache. Bouge, c'est par ici.
Je le suis à travers les dédales du pont intermédiaire. Oui parce que la partie du pont supérieur où j'étais s'est effondrée quand nous avons été touchés et je me suis retrouvé un étage plus bas. Partout, c'est un schmilblick indescriptible, des cloisons éventrés, des cabines en feu, des corps par ci et par là, et toujours cette odeur de poudre maintenant mélangée à l'agréable senteur de bois brûlé. Pour peu, je me serai cru à un barbecue... On réussit à trouver le chemin du pont supérieur et nous nous agrippons à quelque chose de solide pour rester en équilibre précaire sur le pont incliné à 60°. Ce que je vois me laisse dans une espèce de stupéfaction fascinée.
J'aperçois des planches de bois esseulées ou brûlées, éparpillées dans la mer alentour témoignant qu'un bateau occupait cet espace quelques instants plus tôt. Malgré tout, il subsiste de la flotte d'Ashura encore huit navires qui encerclent complètement les deux cuirassés et font feu dessus en bougeant en cercle. La fumée dégagée est impressionnante et le boucan, n'en parlons pas. Le plus singulier, ce sont les dizaines de canoés à aubes et à pagaies qui se dirigent vers les cuirassés. Ils sont dispersés dans la mer, tels des éclats de noisettes sur une coupe de chocolat blanc. À bord de chacune des embarcations, une vingtaine d'hommes en armes.
- Levasseur a décidé de passer à l'abordage. Il veut sûrement récupérer les cuirassés au lieu de les couler. Et en parlant du loup, où diable est-il ? demandai-je en promenant mon regard à 360°.
- Là-bas.
Oui, je le vois, il est à bord d'une des embarcations, sa chevelure rousse violente se détache nettement contre le glacier qu'il longe. Il est très proche d'un des croiseurs, son canoé ne va pas tarder à être à la portée des armes à feu des pirates de Red.
- Bon, on chope nous aussi un canoé et on se casse. Tiens l'escargophone, appelle Red pour lui dire que tu es libre et qu'il peut se donner à cœur joie.
- Je ne vais pas fuir, cette opération est la mienne. Levasseur est à moi, c'est moi et moi seul qui l'enverrai de vie à trépas.
- Parce que la raclée qu'il t'a collé ne t'a pas suffi ? Tu ne peux pas le vaincre !
Changez de cible !
Mais il est quasiment coulé !
C'est le navire amiral, notre contact est dessus !
Ah mince, ça c'est ballot...
[...]
Ils vont tenter de nous aborder.
Grand bien leur fasse, qu'est ce qu'ils croient ? Que les navires de la marine ont oubliés que ça se finissait souvent au contact ?
En méme temps, ils ont pas vraiment le choix, y'a guére qu'en se collant a la coque qu'ils peuvent éviter les boulets...
A tous, lancez les procédures d'abordage !
Il est rare qu'un cuirassé de la marine soit pris d'assaut, a cause de sa taille d'abord, difficile d'attaquer un navire dont le pont supérieur culmine a hauteur de mat de la plupart des navires pirates. Et ensuite parce qu'il transporte généralement beaucoup plus de soldats que l'ennemi, ce qui rend la manœuvre même réussie plutôt risquée. Mais la marine n'a pas que des cuirassés, et à donc des procédures d'abordage relativement développés qu'on a jugé bon d'appliquer par défaut sur tous les navires, y compris ceux qui les utilisent rarement.
Sur les deux cuirassés les canons de la rangée inférieure rentrent dans leurs logements pendant que leurs sabords se referment et se verrouillent. Obligeant les éventuels assaillants à monter plus haut ou a les faire sauter. Sur les ponts des marins déclenchent les mortiers qui déploient les filets anti abordage, des filets parsemés de pointes et de trucs coupants qui viennent pendre le long des flancs du navire, promettant des moments douloureux à tous les apprentis grimpeurs. Et pendant que tous les artilleurs des niveaux inférieurs filent prendre leur poste sur le pont, les fusiliers chargés de sa défense déploient tout le matos a courte portée. Les lances grenades, les canons d'abordage chargés à la mitraille, et la touche apportée par Red et vestige de son passage chez les Sea wolfs qui les adoraient, les fusées explosives. Des améliorations de fusée d'artifice bourrées de poudres, idéales pour couler des barques a courte portée, et faisant de parfait lance flammes en cas de besoin.
Quand même, ça me gène un peu d’être encerclé.
Fallait prendre un bateau rapide alors, pas un cuirassé...
Ouais. J'ai connu ça sur le Fenrir. Mais quand même, j'aime bien les gros canons.
Autour des deux navires de guerre, la riposte de la flotte d'Ashura commence enfin à se révéler efficace, lent et difficile à louper les cuirassés sont la cible d'un feu roulant qui vole au dessus des navires d'abordage pour frapper les renforts blindés qui cerclent les anciens vaisseaux de la marine, rendant cinq tirs pour chacun des obus venant des tourelles. Incapable de percer au niveau de la ligne de flottaison les canons des pirates visent plus haut. Trouant la coque au niveau des sabords et du château, cherchant à démolir les défenses des ponts pour toucher les hommes chargés de repousser l'abordage pendant que les cuirassés continuent a tirer de façon méthodique s'acharnant sur un navire jusqu'a le couler avant de s'attaquer à la cible suivante.
Et plus loin sur l’arrière le canon géant tonne à nouveau, démolissant la tourelle avant du second cuirassé avant de régler sa mire sur son château central qu'il incendie et commence à pilonner comme une cible d'entrainement.
Ils changent de cap, ils s'attaquent à inoffensif !
Virez de bord !
Dernière édition par Red le Mar 19 Mai 2015 - 21:36, édité 2 fois
Manu militari, j'entraîne Nivel avec moi. Pas question qu'il se la coule douce après que j'ai tout risqué pour le sauver. Il va m'aider dans mon entreprise, c'était ça le plan, et il s'y tiendra même si pour ça, je dois l'entrainer par la peau du cou comme en ce moment. Nous cherchons un canoé qui n'ait pas encore été déchargé et ce n'est pas gagné. Dans le tumulte de la bataille et du navire touché, beaucoup de marins ont allégé le Magma de ses embarcations rapides, pas pour fuir mais pour se jeter de toutes leurs forces dans l'abordage de l'ennemi. Mais heureusement pour nous, il y a toujours des retardataires et c'est Nivel qui aperçoit le groupe derrière un écran de fumée.
- Là ! fit-il, ils sont quatre, à côté de la poupe. Vite !
Je les vois, le canoé de débarquement est posé à la mer et deux hommes sont déjà dessus. Deux autres hommes tentent de se hisser à bord en rappel sur le flanc du Magma. Nivel ne leur laisse pas le temps de s'affairer. Moins blessé que moi, il se rue sur les deux hommes perchés et leur lança un sourire malicieux avant de trancher sec leurs cordes de rappel. Ils hurlèrent vainement avant de s'écraser dans la mer gelée. Pauvre d'eux, l'hypothermie n'est jamais loin de Boréa. Mais Nivel s'est fait repérer, les autres sur l’embarcadère l'identifient à l'ennemi qui a été capturé et dégainent leurs colts. Heureusement, je suis plus rapide, heureusement, j'ai deviné leur réaction, heureusement que j'ai le Style de la Grue.
- Gruidae, Envol
Leste, je prends fortement appui sur mes jambes fléchies et je bondis, les bras déployés sur toute leur envergure. J'imite une grue, je suis une grue volante. Parmi toutes les imitations d'animaux dont je me sers pour me battre quand j'y suis forcé, c'est ma préférée, j'aime sa grâce, j'aime sa passivité. En une seconde, je survole le duo ennemi, je les couvre de mon ombre tel un oiseau de proie géant. Ils ne se laissent pas impressionner, cela dit, les orifices de leurs pistolets sont braqués sur moi. Ils veulent faire un carton, ils veulent trouer la grue. Mais la grue a des ressources, elle tournoie sur elle-même comme une toupie, elle déclenche un tourbillon de poings et de coups de pieds. Elle envoie valser le duo, elle l'envoie converser avec les poissons boréaux.
J’atterris doucement sur le flotteur puis aide Nivel à monter. Et voilà, nous sommes partis pour rattraper La Braise dont les forces lancent l'assaut contre les deux cuirassés.
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La Braise n'ignorait pas que la phase la plus dangereuse d'un abordage était justement... l'abordage. Ce moment de flottement où vous vous apprêtez et vous essayez de vous rendre par tous les moyens sur le bateau ennemi. L'ennemi avait aussi souvent l'avantage dans ces cas-là, surtout s'il était préparé comme l'étaient les adversaires d'en face. Malgré qu'il ait deviné depuis longtemps que ses adversaires étaient aussi Marine que lui, la Braise projetait toujours de s'emparer des deux cuirassés. Ils feraient une prise de choix pour s'approcher en toute discrétion de Boréa maintenant que sa flotte avait été décimée à plus des trois-quarts. Même si ce qui lui restait de flotte continuait à cracher ses obus, elle désirait juste complètement immobiliser les mastodontes pour qu'ils arrêtent de riposter. Quelques soient les dommages, La Braise était sûr que ses charpentiers rodés à ce genre de réparation sauraient remettre les navires d'aplomb.
L'ennemi était préparé contre les abordages. Les hommes de La Braise étaient entraînés pour les abordages mais à force de s'emparer et de se frotter aux bateaux pirates qui s'attaquaient aux navires du Réseau, ils avaient aussi développé une rude expérience dans la façon de déjouer les défenses ennemis érigés contre eux. Aussi, ne furent-il pas impressionnés par la série de mesures que les hommes du Globalement Inoffensif déployèrent pour freiner leur avance. Une escouade spéciale composée d'une dizaine de membres protégés par des vêtements spéciaux conçus pour ce genre de contretemps escalada sans grand dommage les filets constellés de pointes déployés sur flancs du navire, sous la couverture de leurs snipers qui échangeaient bruyamment du plomb avec les tireurs du cuirassé. D'une efficacité arachnéenne, ils parvinrent rapidement sur le pont et se débarrassèrent sans mal des gardiens des filets qu'ils sectionnèrent ensuite pour étendre leurs propres nasses plus propices à l’ascension.
Telle une cohorte de hyènes se ruant sur une proie particulièrement blessée et vulnérable, les hommes d'Ashura déferlèrent sur les côtes du navire en embrassant les filets pendus comme autant de mains secourables qui les invitaient à monter et à satisfaire leur faim. Une faim de sang et de combat. Ils furent servis et les hommes de Red ne restèrent pas reste. Les premières vagues se heurtèrent dans le chuintement des lames qui s'entrechoquaient, le bruissement des rafales de balles, la déflagration des grenades.
Dans le chaos de l'affrontement, un grondement sinistre raisonna puis se matérialisa sous la forme d'une gigantesque langue de feu qui se déversa sur les hommes de Red, les engloutit et en clairsema les rangs si bien que sur le pont du Globalement Inoffensif s'étalaient des corps tout fumants et noircis.
La Braise entrait en scène.
Merde ! Plus vite !
Un des avantages des navires a vapeur plutot qu'a voile, c'est que ça manœuvre plus court. En bas dans la salle des machines, un marin découple les gigantesques roues a aubes, et dans la salle qui vire à la fournaise un des engrenages change de sens. Et pendant que la roue bâbord se met a tourner en arrière, le cuirassé vire lentement sur place pour se porter au secours de son collègue d'escadre assailli par les pirates.
Bord à bord ! Broie moi toutes ces coques !
Y'a les navires de leur chef dans le lot ! Et le contact ?
Tant pis ! J’espère qu'il est rapide et prêt à quitter le navire !
Le pont est en feu et l'ennemi se déverse dessus pendant que les hommes se replient dans le chateau fortifié du centre du navire. La bas le canon cesse le tir, disparaissant dans la coque via un complexe dispositif mécanique pour laisser place a deux énormes lance grappins qui viennent perforer la coque du cuirassé avant de commencer à tracter le navire qui révèle un éperon plus proche d'une scie circulaire que d'une figure de proue. Ce machin commence à me courir...
Heureusement le soutien arrive, finissant son demi tour l'Usage modéré de la force vient se placer bord à bord avec Le Globalement inoffensif, et dans les pirates encore dans les navires d'abordage c'est soudain la panique quand les deux coques bien plus haute que leurs frêles esquifs se rapprochent brusquement avant de se heurter, broyant les coques coincées entre les deux cuirassés comme des coquilles d’œuf passant soudain sous une chaussure.
RIP pour le contact.
Si t'aimes pas la plaisanterie, faut pas t'engager ! !
Lancez les grappins !
Depuis toute la longueur du pont du cuirassé, une pluie dense de grappins vient abattre sur le pont de son binôme, les accrochant solidement l'un à l'autre le temps de déployer les passerelles d'abordage nécessaire à l'assaut sur l’arrière des pirates coupés de leurs voies de retraite.
Mitraille ! FEU !
A L'ABORDAGE !
Tirés à bout portants par les canons d'abordage, la volée de mitraille à le même effet dévastateur sur les pirates que la vague de Flamme sur les hommes du Cuirassé. Le pont se transforme en scéne de carnage, couvert de sang, de débris et de restes humains dépareillés au milieu de tas d'hommes gémissants et mourants...
Et sabre et pistolets au clair, couvert par un feu roulant venant des huniers, les hommes s'élancent à l'abordage.
J’espère que Loth a eu le temps de se sortir des navires pour plonger dans cet enfer la. Et sinon... Bah, ce sera pas le premier jeune plein d'avenir donc la carrière prometteuse finira au fond de l'eau à nourrir les poissons...
C'est dommage, mais ce sont des choses qui arrivent...
Je bondis sur le pont au même moment qu'un nouvel assaillant et son équipe. Un assaillant dont la position d'arrivée ne laisse que peu de doute sur sa provenance. Le Navire au canon.
Dommage encore. Je ne sais pas encore a qui j'ai affaire...
Mais je crois qu'une autre jeune carrière pleine d'avenir va finir tuée dans l’œuf aujourd’hui...
Il se donnait à cœur joie, Benjamin Levasseur.
Sa rapière intégrée d'un Pyro Dial, Flambeau de son nom, cisaillait, tranchait, étêtait en répandant dans son sillage des traînées incandescentes. Sa cible était la tour principale et salle de commande. Il avait espéré devenir maitre des lieux assez rapidement mais la situation s'était faite plus compliquée quand le second cuirassé s'était rapprochée pour cracher son lot de renforts sur le pont du Globalement Inoffensif. Un nom plein de sarcasmes, s'était-il dit quand un des marins l'avait hurlé. Alors que ses hommes semblaient prêts à céder sous le poids des nouveaux venus, Jack Black avait lui aussi débarqué par un autre flanc sur le pont. Ses hommes avaient rééquilibrés l'équation et les combats avaient continué de plus belles.
C'était ici, sur le Globalement Inoffensif que s'écrirait l'histoire de la survie ou de la défaite des hommes d'Ashura, tous le savaient. Et pour leur commandant en chef, il n'y avait aucun doute quant au dénouement de cette histoire.
Il était serein et confiant, Levasseur.
Entouré de quatre lieutenants qui formaient autour de lui un carré jusqu'alors impénétrable, il avançait dans les rangs ennemis qu'il clairsemait comme un faucheur dans un champ de blé. Son carré s'étirait un moment en laissant rentrér les malheureux suppliciés puis refermait l'étau sur eux pendant que La Braise leur faisait grâce de la caresse de son dieu. Le seul, l'unique. Le feu.
L’atmosphère était saturé de poudre, de l'odeur du sang et des cadavres carbonisés. Alors qu'il progressait rapidement vers la tour, une espèce de boulet, du moins c'est ce qu'il crut d'abord voir, heurta de plein fouet le coin avant-droit de son carré, éjectant au loin le lieutenant qui se tenait là. La chose progressa rapidement en ligne droit vers celui qui occupait le coin arrière-droit du carré de protection.
- Lariat !
La main tendu de Baker faucha un second lieutenant à la poitrine à la manière d'un catcheur et l'envoya dans une mêlée d'hommes de Red qui se jetèrent sur le malheureux comme une meute de lycaons affamés sur un faon. Enhardi par cette première attaque éclair, Baker dérapa, emporté par son élan puis obliqua en angle très serré et fonça sur un Levasseur qui l'observait placide, la tête penchée de côté comme un enfant devant un curieux phénomène.
- Barrière Incandescence, réagit-il nonchalamment en empreignant à son épée un vague mouvement circulaire.
Un rideau de feu se déploya alors autour de La Braise et des deux lieutenants qui lui restait forçant Baker à battre précipitamment en retraite. La brusquerie du mouvement lui fit perdre l'équilibre et il s'étala de tout son long sur le sol. Semblant avoir deviné ce qui allait arriver, un des lieutenants de La Braise, appelons le Jon, sauta par dessus le rideau de feu, lame pointée vers le bas, prêt à embrocher le Baker. Le second de Red eut la vie sauve en roulant sur le sol tel un tonneau, ce qui n'était pas chose aisée dans ce capharnaüm de sang, de morceaux humains dépareillés et d'esquilles de bois.
- Balsamine !
Focalisé sur sa manœuvre d'esquive, Baker en oublia son environnement, entre autre La Braise qui impulsait à sa rapière un mouvement vif. Une dizaine de boule de feu rapides se matérialisèrent et fusèrent vers Baker qu'elles criblèrent. Il hurla et sa complainte se mêla à celles vociférées par les centaines d'âmes en tourment dans cette bataille.
Il souriait, Levasseur.
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Une étape après l'autre, encore un truc appris au Cipher Pol, quand on jongle avec trop de couteaux en même temps on finit toujours par s'en mettre un dans le pied. Et même si je m'aperçois que j'ai ciblé le mauvais mec, il reste plus judicieux de faire avec et d'en finir avant de changer de cible que de se détourner assez longtemps pour le laisser sortir encore un atout de sa manche.
Un atout comme celui qui surgit sur le pont pour encadrer le patron. C'est quoi ça ? Des pacifistas volés ? La marine laisse vraiment trainer n'importe quoi...
Enfin, ma prime commence à avoir du bon, en face tout le monde s’arrête net en me reconnaissant et en comprenant soudain pourquoi personne n'est en uniforme sur le pont, pas un navire marine, non, bien pire. Et je m'efforce aussitôt de confirmer leurs craintes.
D'une série de pichenettes je lâche dans l'espace une série de balles d'airs aussi mortelles que si elles étaient tirés par des fusils de gros calibre, vingt hommes s'effondrent, détournant leur attention du flot noir qui se répand soudain autour de moi et glisse sur le pont comme une nappe de brume et de ténèbres.
Les cyborgs lèvent leurs armes, prêts à rajouter leur lot de mort sur le pont au plus vite, mais pas encore assez. Le premier rencontre mon poing quand je réapparais devant lui, le frappant au milieu du torse et le faisant littéralement exploser de l'intérieur, pulvérisé comme si une bombe venait de lui détonner à la place du cœur. Les débris projetés vers l’arrière vont faucher ceux qui surgissent encore sur le pont. Le second ne se tourne que pour me voir frapper l'air devant lui, le compressant assez brutalement pour lui donner l'impression d’être soudain percuté par le puffing tom. Le cyborg et son entourage sont projetés par dessus bord, tués par le choc avant même de toucher un obstacle.
Quand au chef qui réalise qu'il a cette fois mordu dans une proie trop grosse pour lui, il n'a que le temps d'armer le dispositif qu'il porte au poignet avant que d'une pression je ne l'attrape et ne lui brise les mains. L'envoyant rouler sur le pont en direction de mes hommes.
A l'autre maintenant !
LA BRAISE !
Les hommes s'écartent sur mon passage, ou s'effondrent ? Me laissant attraper le sous fifre qui se tord de douleur sur le sol et le trainer avec moi vers le grand chef. Enjambant les corps qui jonchent le pont et disparaissent lentement dans la noirceur qui le recouvre je marche dans l'espace soudain libre qui me sépare du pyromane en chef qui se retourne.
Je me demande s'il connait aussi bien que moi l'issue de ce combat désormais ?
Il ne souriait plus, Levasseur.
Il avait reconnu son vis-à-vis, c'était Red. Ancien pirate lui-même, La Braise ne pouvait que mettre un nom sur cet homme au chapeau rouge. La facilité avec laquelle il s'était débarrassé des forces de Jack Black -en sus de Black lui-même- n'était qu'un supplément de confirmation quant au sort qui l'attendait, lui.
Il était réaliste, Levasseur.
Il savait que la présence de cet homme sonnait comme un couperet aux plans de conquêtes d'Ashura.
Mais que faisait un tel pirate en ces mers calmes ? Quelle vue pouvait-il bien avoir sur Boréa ?
La réponse aux questions silencieuses de La Braise se matérialisa sous la forme d'une ombre qui se détacha derrière lui. Bien-sûr, c'était lui... C'était à cause de ce garçon, de ce fouineur...
Détruire l'île du Croissant Lunaire ne lui avait pas suffi, il fallait qu'il ramène cette pointure dans son entreprise. L'homme aux cheveux roux violents se retourna tranquillement pour faire face à Loth dans le surréalisme de l'immobilité qui s'était emparée que cette partie du pont. Où tout le monde s'était arrêté pour voir les principaux chefs en découdre.
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C'est vrai qu'il a un perdu de sa superbe, mais juste un peu. Il s'est rendu compte que la situation tournait largement en sa défaveur mais La Braise n'est pas homme à se laisser abattre par un désespoir manifeste. Il est trop maître de lui pour ça, il en avait trop vu et vécu. Quelque part, je me reconnais un peu en lui. Il ne se laisse pas gagner par la peur, son cerveau, son cœur sont étrangers à ces émotions. Tout ce qu'ils font, c'est calculer.
Pour avoir maintes fois été dans des situations semblables, je reconnais la lueur du calcul. Elle brille dans ses yeux gris. Son cerveau bouillonne, je peux presque l'entendre confronter, peser, et soupeser les alternatives qui s'offrent à lui.
La reddition, la fuite, la mort ?
Je lui offre une autre porte et de toute évidence, il attendait que je parle.
- Il est à moi, Red, dis-je avec calme malgré toutes les parties de mon corps qui m'élançaient. Je parlais à Red comme à un vieil ami, comme si je l'avais déjà rencontré en chair et en os... J'ai commencé cette histoire, je dois l'achever, il le faut. Parler pour ne rien dire, ce n'est pas dans mes habitudes alors je vais de suite à l'essentiel. Ce que je te propose, c'est de changer de bord. Tu vois ? fis-je en désignant du doigt les hommes proches du centre qui avaient arrêté de se battre et ceux situés aux périphéries qui continuaient toujours à se trucider. Tu as le pouvoir de mettre fin à tout ça, ils n'attendent qu'un mot de toi. Chaque goutte de sang versé en plus est inutile. Vous avez perdu. Du coup, je te demande de nous rejoindre.
Dans les yeux de Levasseur, je vois une franche et honnête incrédulité. Ses sourcils se froncent très doucement, presque au ralenti. Je peux entendre la nouvelle équation qui fait remuer ses méninges. Il semblerait qu'il y ait quelque chose, une variable qu'il ne maîtrise pas. Je crois aussi que je viens un peu de l'éclairer. En ma faveur ou défaveur, je l'ignore, cependant.
- Vous rejoindre ? demanda-t-il d'une voix neutre sur le ton de la conversation. Qui ça, "nous" ?
Tout à coup, je comprends la raison de son incrédulité. Il est vrai que je mène cette opération sans déclaration de guerre au préalable, sans aucun grief contre Ashura. L'organisation et moi n'avons eu aucun démêlé. Mon corps qui me lance des éclairs de douleurs par intermittence et mon bras gauche vilainement brûlé sont là pour me le rappeler pourtant, il m'avait interrogé et torturé pour savoir de quoi retournait mon attaque, ceux qui me soutenaient, ce qu'ils projetaient, et cetera...
- Nous, c'est Red ci-présent et Moi. Nous, c'est... balbutiai-je sans savoir ce que j'allais dire. Notre alliance n'avait ni de forme, ni de nom, nous n'en étions qu'aux balbutiements. Je décide de faire simple et d'improviser sur le tas. Nous, c'est le Néo Ashura. Nous envisageons de reprendre l'organisation à Lavoisier et d'étendre ses activités. Nous te proposons de bosser avec nous, nous aurons besoin d'hommes de ton envergure.
- Ah, il ne s'agit que d'une OPA hostile alors, marmonna-t-il. J'avais pensé au Gouvernement, aux autres Lunes, ou au Roi, mais jamais à des concurrents. Puisque dans notre domaine, y en avait pas.
- D'ailleurs, j'aimerais que tu répondes à une ou deux questions justement sur ton boss. Le plus facile, bien sûr, c'est "Qui-est-il et ? à quoi ressemble-t-il ?". Cela dit, chaque chose en son temps, acceptes-tu de nous prêter allégeance ?
Je sais que mon optimisme frôle la bêtise, mais ma conscience m'obligeait à la poser, cette question. Si je peux retourner quelqu'un comme lui, se serait du pain béni pour moi. Bien sûr, gare à la rébellion et aux coups en traître mais l'idée d'avoir un ancien compère de son ennemi dans ses rangs est quelque chose d'assez excitant, ça donne un air de voler trop près du soleil. Ça te rappelle incessamment qu'un couteau est dans ton dos, ça aiguise tes sens et les met en éveil.
Mais, voilà, tout au fond de moi, je connais déjà sa réponse. Je sais qu'elle sera le prélude à un retour des hostilités et comme Red semble vouloir respecter ma demande, ce sera aussi le retour de la douleur. Parce que je sais que cet homme que je tiens pour l'instant en respect est plus fort que moi.
Aussi, imperceptiblement, je me mets en garde, le combat va reprendre.
- Je me rendrai, uniquement si vous libérez Black. Il doit partir, en homme libre. Et moi, je reste, comme allié.
Il veut se sacrifier pour sauver cet homme ? Avec qui il marchandait moins d'une heure plus tôt ? Ils sont peut-être proches mais pas à ce point. Je devine une ruse derrière cette proposition. Laquelle, je l'ignore, mais une porte de sortie se dissimule sûrement derrière cette offre. J'ignore aussi ce que Red compte faire de lui, pourquoi il ne l'a pas achevé. Une chose aussi est certaine, si j'échange la liberté de Jack contre une allégeance de Levasseur, je risquerai de m'en mordre les doigts dans un avenir proche. Je crois que c'est le genre de situation que mon maître paraphrasait en disant "Vendre un voleur pour acheteur un sorcier"...
Levasseur espère peut-être que le Black reviendra en position de force. Surtout que d'après leur conversation que j'ai entendues, une compagnie de mercenaires, les Autres, serait alliée à Ashura.
Définitivement, c'est non, pas moyen de libérer cet homme féru de technologie qu'était Black. Levasseur pense peut-être être en position de force, peut-être pense-t-il nous être indispensable pour la conquête d'Ashura.
Dans une certaine mesure, oui, les choses seront milles fois plus facile avec lui, mais il n'est pas indispensable.
Je prends la température de Red pour savoir ce qu'il en pense.
- Qu'en pensez-vous, Red ? Ça vous botterait de libérer votre compréhensible prisonnier ? Pensez-vous que Levasseur en vaille la peine ?
Le calme s'étend autour de nous comme les remous concentriques que laisserait un galet jeté dans une mare. On cesse de s'étriper pour se regrouper par camp en continuant à se jauger et a se garder en joue, prêt à reprendre l'assaut dés que les chefs cesseront de discuter. Ou pas d'ailleurs, sur le pont l'avantage est maintenant clairement en notre faveur, et les assaillants qui se rassemblent confirment surtout leur infériorité numérique à ceux qui les entourent. Et puis on m'a reconnu. Et on doit déjà se murmurer les bruits qui courent sur les pouvoirs de mon fruit et sur la foule de gens qui y ont disparus corps et âmes...
Ce n'est pas plus mal. Mais je me demande ou Loth veut en venir.
Le problème, c'est que je suis presque sur que lui aussi.
A mes pieds je sens mon homme aussi surpris que moi par la proposition de son allié. Pourquoi ? Et pourquoi cette proposition bizarre ? Quel que soit l'accord que Loth proposera a notre adversaire elle s'étendra probablement à ses hommes. Et donc que celui a mes pieds qui s'en tirera aussi bien que son patron. Mais il veut qu'on le libère tout de suite. Ce qui signifie probablement qu'il espère que son collègue va pouvoir trouver un concours rapide dans le coin pour retrouver l'avantage.
D'un geste je fais signe aux deux hommes les plus proches qui s'empressent d'attraper et de relever sans ménagement notre objet de transaction. Et pendant que je sors une clope et l'allume sur le truc en feu le plus proche, ils le trainent vigoureusement vers le bordé.
Non, je ne suis pas sur que Levasseur en vaille la peine. Mais je ne suis pas sur non plus de la valeur de celui la. Alors l'un dans l'autre. Pourquoi le garder ?
Libérez le... Qu'il quitte donc le bateau en homme libre.
Et sous les ricanements de Baker, Jack Blake passe immédiatement par dessus bord et va exécuter un plat retentissant quelques ponts plus bas. Avec son attirail et ses poignets cassés, je ne lui donne que quelques minutes de flottabilité. Assez pour qu'on puisse le repêcher au besoin si on réagit rapidement.
D'autres demandes essentielles avant de déposer les armes ?
Il le fait carrément balancer par dessus la rambarde sans ciller, en tirant tranquillement sur sa cigarette. Je ne m'attendais pas à cette réaction, pas plus que Levasseur qui lâche un cri horrifié. Black s'écrase dans la flotte avec un bruit mat, presque comme s'il avait atterri sur de la terre. Il va bientôt couler.
Ensuite, la question de Red sonne comme un couperet qui s'abat sur La Braise. La partie ne se déroule pas selon ses vœux et Jack en est apparemment un point clé. Tellement qu'il pivote vivement sur ses talons et s'enfuit à toute jambe. Cette réaction, pendant une petite seconde, me laisse aussi surpris que l'action de Red auparavant. Ce type n'était sûrement pas homme à détaler la queue entre les jambes, du moins, c'était ma déduction jusqu'alors. Alors que je prends la mesure de mon erreur, le geste de La Braise est rapidement imité, dans une synchronisation parfaite et millimétrée par ses hommes. Ils suivent Levasseur comme un troupeau de moutons suivrait son dominant. Ils ont bougé comme un seul homme et si rapidement, que bien avant que les hommes de Red ou moi-même ne réagissions, les premiers d'entre eux, La Braise y compris enjambaient déjà les parapets et sautaient directement dans l'eau gelée.
Pris de court dans les premières secondes, les contre-mesures ne se font pas attendre. Elles sont tout aussi collectives que la synchronisation des hommes d'Ashura quelques minutes plus tôt. Je m'élance à la poursuite de Levasseur puis m'arrête au niveau du bordé en dérapant tandis qu'une foule d'ennemi sautait à qui mieux-mieux. Les hommes de Red, trop contents de taillader du fuyard s'acharnent sur l'arrière-ligne en malmenant les malheureux trop lents pour atteindre les bords.
- C'est pas croyable, murmurai-je en observant les centaines d'hommes d'Ashura dans North Blue.
Vu d'aussi haut qu'un cuirassé, ils ressemblent à s'y méprendre à un banc de sardines. Et toujours, ce mimétisme collectif semblait les unir. Ils nagent tous d'un même mouvement vers un point à l'écart des deux cuirassés. A cause de la légère brume hivernale qui commençait à se lever, j'ai dû nettoyer les verres de mes lunettes pour faire le point.
- Il's'dirigent vers l'navire infernal, là ! beugla un homme de Red, tout en continuant de canarder la mer en contrebas.
Effectivement, ils se dirigent vers le bateau à la coque métallique grise et cloutée de Black. Celui-là même sur lequel est monté le gros canon qui a causé le plus de dommage au Globalement Inoffensif . Était-ce ça ce qu'il voulait depuis le début ? S'échapper ? Avait-il pu prévoir la réaction de Red ?
- Dommage, pensai-je, en ricanant intérieurement. Ce bateau n'est pas cette arche salvatrice que tu penses, j'y ai veillé.
Tu vas à l’hôpital en ignorant que le docteur, t'y attends déjà...
Je reporte mon attention sur Levasseur que je vois plus bas, tenant Black par une main, nageant difficilement de l'autre. Bientôt, deux de ses hommes viennent le décharger de son poids. Contre gel et coups de feu, ils continuent leur avancée semblant inexorable vers le bateau où quelques hommes s'agitent déjà pour chauffer les moteurs. Ils veulent s'échapper à coup de vapeur...
Sans hésiter, j’enjambe le bastingage et j’atterris dans l'eau azure.
Tout d'abord, il me sembla que des milliers d'aiguilles chauffées à blanc venaient pénétrer chaque pore de ma peau. Il me sembla aussi que l'air au sein même de mes poumons s'était transformé en un informe bloc de glace m'empêchant ainsi de respirer.
Les premières secondes dans l'eau gelée me ballottent entre douleur aiguë et tournis. A ce moment précis, la morsure du froid m'est plus terrible que celle du feu que j'avais subie et qui avait laissé mon bras gauche presque inutilisable. En conséquence, après un infime temps de confort où je réussis à m'habituer -relativisons- au froid polaire, je plonge intégralement pour évoluer sous l'eau. J'ai l'impression ou l'illusion que totalement soumis à la caresse du froid, ma chaleur corporelle s'équilibre et se répartit mieux que si je gardais une partie de mon corps au dessus de la ligne de flottaison. En outre, j'ai aussi l'impression que le froid gèle les cris de douleurs de mon bras meurtri.
Sous l'eau, je vois les hommes d'Ashura qui évoluent au dessus. Définitivement, ils me rappellent un banc de poisson. Levasseur, je l'identifie facilement sous l'eau cristalline, notamment grâce à son uniforme orange violent. Tout autour de nous, j'aperçois des masses blanches plus ou moins étendues qui parsèment la mer environnante. Des icebergs, à n'en pas douter.
Mes longs bras me trouent rapidement un passage à travers la masse d'eau. J'ai toujours été un bon nageur, un petit privilège lié à la race, pas au niveau de ce que produisent les longues-jambes ou les hommes-poissons mais ça fait l'affaire. Je rattrape et dépasse rapidement mes nombreux ennemis aux multiples noms, essayant d'ignorer le froid qui comprime son étau sur moi. J'ai l'impression fugace d'être prisonnier des mains d'un géant qui s'amuse à très lentement m'écraser. Faut que je sorte de là.
Levasseur aussi doit se dire la même chose alors qu'il voit comme moi le bateau de Black se rapprocher de plus en plus. La Braise est le second de la file de fuyards, ses hommes qui l'avaient allégé de la carcasse douloureuse de Black s'agrippent déjà aux échelles automatisées du bateau. Ils se font remonter sur le pont par un système de treuil.
La Braise s'approche à son tour du dispositif sans douter un seul instant de la menace sous marine qui fonce sur lui telle une torpille. Moins quand même, mais l'idée générale est là. Je fonce sur mon ennemi avec une sorte de plaisir sauvage. Dans cette position avantageuse, je me sens une âme de squale. Limite, j'aurais aimé avoir la dentition d'un barracuda pour le pourfendre d'en dessous. Et comme je n'ai pas un tel arsenal, je me contente d'un wakizashi ramassé sur le pont du Magma avant de nous en échapper Nivel et moi. Le mien, Crépuscule, est tombée quelque part sur l'île du Croissant Lunaire, j'espère pouvoir le récupérer après tout ce galimatias.
J'arme mon arme blanche et vise l'abdomen de Levasseur alors qu'une de ses mains tiens fermement l'échelle qui commence à l'extraire hors de l'eau. La mer est claire, un seul regard en bas et il m'apercevra.
Alors que ses yeux obstinément fixés vers le treuil trahissent son instinct de conservation, son premier sens quant à lui le prévient du danger. Mon déplacement dans l'eau vers la surface crée des remous et des mouvements de fluide que l'instinct aiguisé de La Braise ne tarde pas à assimiler à un danger mortel. Il s'écarte assez rapidement de la trajectoire de ma dague. S'il évite ainsi de se faire embrocher, il ne peut empêcher la lame givrée de lui limer le ventre. Une ligne écarlate naît et trace une ligne oblique de l'aine jusqu'au côté gauche de la poitrine en passant par le nombril. Son cri de douleur est étouffé par la masse de ses hommes en nage rapide de tous les côtés. Les vaguelettes nous ballottent et nous emportent pendant que La Braise perd de plus en plus de sang et que l'eau se teinte de cramoisi. Ses hommes pressés de sortir de la flotte gelée ne se rendent pas compte que leur leader est en perdition. Levasseur tente de rester à flot mais la blessure est trop grave et il coule imperceptiblement.
Soudain, quelque chose explose non loin de nous. Un obus tiré depuis un des cuirassés de Red, peut-être. L'onde de choc provoque des vagues bien plus importantes qui nous balaient comme des fétus de paille sur leur chemin. Je tente malgré tout de garder Levasseur à l’œil. Contre marée, j'essaie de le rattraper. Avant que je ne puisse réussir, la houle nous entraîne loin du bateau de Black et nous envoie nous écraser sur un iceberg aussi vaste que le pont du Globalement Inoffensif . Levasseur et moi ne sommes pas les seuls, une dizaine de ses hommes finissent aussi sur cette plate forme glacée. Avec épouvante, ils prennent conscience de l'état de leur chef et la réaction primaire qui les guide les amènent à pointer sur moi leurs armes à feu qui n'ont pas l'air d'avoir souffert d’engelures. Contrairement à moi. Dans cette situation, rien ne me fait plus plaisir que l'éventualité d'échauffer mes vieux muscles transis.
Je fais alors appel au Style du Singe, celui qui me confère le plus d'agilité et de vitesse dans ma panoplie de techniques basées sur les imitations animales. A quatre pattes, gazouillant à moi seul comme une bande de capucins surexcités, je zigzague tant bien que mal et je fauche les trois plus proches de moi aux chevilles. Mon inclinaison est basse, mon centre de gravité touche presque le sol. Je prends appui sur mes mains, mes jambes pointées vers le ciel. Je virevolte tel un acrobate puis j'avance dans cette improbable position de combat. je tournoie sur moi-même telle une toupie et je dessers un tourbillon de coups de pieds qui envoie ceux qui se relèvent de ma première attaque dans la mer. Les autres font feu et je me tasse sur la glace pour éviter la tempête de plomb. Ainsi à plat ventre sur le glacier, je délaisse toutes mes mimiques simiesques pour laisser place à des désirs primaires sauriens. Je tire ma langue -non fourchue- pour humer l'air salé comme mes congénères sauriens au sang pur. Les extrémités de mes doigts et de mes orteils me fournissent la poussée que je requiers pour avancer, que dis-je, louvoyer. Je le vois dans leur regard, ils sont interloqués par cet homme-reptile qui serpente à toute vitesse vers eux. Toujours ondulant tel un mollusque, je me relève et mitraille un quartet d'hommes avec la Poigne du Serpent Spectral. Un déluge de poings dressés comme des têtes de serpents s'abattent sur eux à des points vitaux. Je m'assure donc qu'ils ne se relèveront pas de sitôt une fois face contre glace.
Il en reste trois de ces emmerdeurs et je me dirige ma silhouette reptilienne sur leurs profils. L'instinct qui sauva Levasseur plus tôt en mer me sauva à mon tour. Le danger est sous la forme d'une étincelle fortement orangée accompagnée d'une vague effluve de souffre. Le Singe vient à ma rescousse et je fais plusieurs sauts périlleux pour esquiver l'onde roussie qui tranche et fond proprement cette partie de l'iceberg où je me tenais quelques secondes plus tôt.
Dans les yeux de La Braise qui se relève, sa rapière Flambeau à la main, je vois un élixir de haine. Si bien qu'il s'en est pris à ses hommes en essayant de m'avoir. Mais il est très mal en point, mon attaque sournoise sous marine ne lui a pas fait du bien. Des jours meilleurs, il en a connu.
La confrontation que j'ai redoutée en lui proposant de me rejoindre va enfin avoir lieu.
On aurait pu attaquer cette partition finale qui déciderait de celui qui rejoindra Boréa mais le sort voulait que Levasseur ait un aperçu de sa totale défaite. Raisonnablement loin de nous, un curieux phénomène se déroulait sur le bateau de Jack Black.
De notre point de vue, tout ce qu'on vit, c'était une nuée d'hommes d'Ashura en l'air, comme si tous ceux qui s'étaient précipités sur le bateau en avait été éjectés par une onde de choc. Une silhouette dans les airs aux dessus du navire me signifia que Red poursuivait toujours l'homme qu'il avait jeté à l'eau. Une tignasse fortement rousse côté poupe du navire me confirma la présence de Nivel. Finalement, j'avais vu juste, ce bateau était un replis stratégique important. J'avais eu raison de me séparer de Nivel et de l'y envoyer en garde-fou.
Le Roux et le Rouge en collaboration, un sourire fendit la commissure de mes lèvres à cette pensée alors que devant moi, un autre Roux brûlait de tout feu.
Littéralement.
Il se laisse consumer par sa rage, La Braise.
Mais voilà, incendiaire, il l'est réellement.
Flambeau rougeoie puis flambe en dégageant une vieille odeur de semelle brûlée mélangée à un soupçon de sulfure. Ce que tient en main La Braise, c'est une torche mortelle. Je le sens, elle réclame ma vie. Mais dans mon cœur, point d'appréhension. Comme d'habitude, je ne prends pas peur, je ne m'affole pas. Je calcule. Mon cerveau entrevoit déjà des milliers de manières de dénouer ce combat. Je dois faire un choix.
Il est plus fort que moi, le fait est établi. Mais il est gravement blessé, grâce à ce coup en traître, ou plus précisément, en sous-marin qu'il n'a pas vu venir. La question est de savoir si même avec le ventre quasi-ouvert, je serai de taille contre lui.
Du côté de La Braise, point de doute. Il connait l'issue, il sait qu'il gagnera, même si son armée part en miettes. Dans son regard, je desselle une infinie loyauté envers son maître. Envers la Lune Mauve, ce Lavoisier qui sera ma cible une fois le Général devant moi passé de vie à trépas.
Il se porte à l'attaque, Levasseur. Flambeau fuse mais grâce à mon wakizashi, j'en cueille la pointe et la dévie de biais. Il renchérit d'un rapide coup de pied cisaillé mais je me dérobe, le contourne, aidé par l'agilité du Singe. Je darde la pointe de ma lame vers sa nuque. A ma surprise, Levasseur la détourne d'un coup de pied arrière ascendant sans même regarder puis contre-attaque. La lame incandescente libère alors un souffle chauffé à blanc. Je l'ai vu venir et mon changement morphologique, plus psychologique que physiologique, s’opère en quelque seconde. Le Singe s'efface et laisse place à la Grue qui s'envole. J'esquive cette attaque mais dans les yeux de Levasseur, je peux lire la même pensée qui m'anime en ce moment. C'est infinitésimal, moins qu'une centième de seconde, mais je le sais. En l'air, je suis vulnérable. Et quand sa rapière foudroie l'air à une vitesse inconcevable pour un individu aux portes de la mort, je ne peux que mettre mon muscle le plus épais en opposition. La cuisse droite que je lève en bouclier pour me protéger de cette arme qui fuse vers mon cœur m'est salvateur. Relativisons.
Flambeau, aussi fine qu'une canne à pèche, m'empale et transperce ma cuisse de part en part puis m’atteins quelque part entre la neuvième et la huitième côte qu'il casse si je me fie à la douleur abominable qui répand son venin dans mon corps. Une lueur sadique illumine les prunelles de La Braise quand il retire avec vivacité sa rapière de mon corps. Il veut laisser l'exsanguination m'affaiblir. La douleur embrouille ma vision. Je m'écrase lourdement, mon sang tapisse et teint le glacier que je ne sens pas si épais que ça. Je baigne tellement dans mon sang que dans un ultime moment d'autodérision fugace, j'ai l'impression d'être un phoque sur la banquise durant une partie de chasse avec les tributs nordiques...
Mon chasseur, c'est Levasseur. Et son infinie condescendance me surplombe de sa hauteur.
- Tu vas mourir, me dit-il de son ton le plus haineux.
- Toi avant moi, Levasseur. Regarde-toi, tu es une épave. Tu tiens à peine debout, tu te bats avec une main, tandis que l'autre tâte de ton abdomen. Tu veux empêcher tes viscères de se répandre au cas où un mouvement brusque ouvrirait pour de bon la blessure à un point de non retour ?
Mes mots sont difficiles et hachés. Je suis autant une épave que lui, depuis l'île du Croissant, je ne fais qu'accumuler les blessures.
- Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite, enlève d'abord la poutre de ton œil et tu sauras enlever la paille de l’œil de ton frère !
- C'est bien le moment de me citer les écritures saintes. On se fait un requiem aussi ? radotai-je, peinant à me relever.
- Toi aussi, tu n'utilises qu'un bras. Le gauche porte ma signature depuis que je t'ai torturé sur le Magma. Et là, ta jambe droite a été perforée, sans parler de ton ventre. Flambeau s'est-il suffisamment enfoncé pour toucher un poumon ?
Tu vois la poutre dans tes prunelles maintenant ?
- Donc ça se résume à ça ? Au premier qui flanchera à cause de ses blessures ?
- Oui, c'est un Last Man Standing Match, et toi mon pote, tu es déjà à terre !
Morsure de la Géhenne !
La Géhenne... L'enfer d'une des nombreuses religions dont j'ai eu à étudier les dogmes avec mes Maîtres Moines Servites. Si seulement je savais qu'un jour j'allais le vivre...
La Morsure de la Géhenne se matérialise sous la forme d'une boule de feu dès que Levasseur imprime un vague mouvement circulaire à sa rapière. Elle fonce sur moi, la boule de flammes. Je n'esquisse aucun mouvement d'esquive, j'en suis incapable, mes blessures cumulées me pèsent désormais. Tout ce que je peux faire c'est me rouler en boule et attendre que passe la tempête.
Mon cerveau super-actif et cynique me fait remarquer que si j'imitais un animal en ce moment, il aurait été un tatou ou une tortue. Mais sans la carapace.
Au pire, insiste la petite voix scabreuse dans ma tête, "Prends-toi pour un axolotl et persuade-toi que ton corps régénérera de ses blessures". Ou encore mieux, persiste-t-elle, "Deviens phénix dans la mort".
Il n'en fut rien, naturellement.
Je subis la morsure du feu tout en roulant sur moi-même, décision de dernière minute pour priver d'oxygène mes vêtements qui partiraient en flamme. J'essaie d'ignorer ma peau qui se couvre de cloques, et qui se détache en lambeaux laissant ma chair à vif. Je n'ai pas besoin de la voix sarcastique pour me souffler que je suis en train de muer tel le Serpent que j'imite...
Affalé sur le glacier, souffrant de milles blessures, je ressemble de plus en plus à un phoque en fin de vie. La chasse semble terminée pour moi, mon léger avantage des débuts n'a pas du tout été décisif. Il ne m'a même servi à rien.
Levasseur, il arbore le visage d'un chasseur qui s'apprête à porter le coup final. Il s'approche de moi.
- Tu as gagné.
- Je sais. Tu vas mourir.
- Je sais. Mais avant, tu peux me dire pourquoi j'ai fait tout ça ? Qui est Lavoisier ? Tu sais ce qu'on dit, les morts ne trahissent pas de secret alors, tu peux satisfaire ma dernière demande...
Mes mots sont extraits avec souffrance de ma gorge, je dois me bouger pour chercher un médecin et un bon. Mais encore une minute, je ne suis pas encore près à rejoindre l'hôpital, il me reste encore une dernière chose à faire. Deux dernières choses...
- Je ne suis pas né de la dernière pluie. Un escargophone est sur toi peut-être ? Tu veux laisser une empreinte, faire que le combat de ton ami Red ne soit pas vain ? Lui communiquer le nom de mon boss avant de clamser ? Tu rêves.
Brûle en enfer !
- Après avoir gelé à Boréa !
Les derniers mots sont lâchés. Il en faut toujours, même pauvres en teneur, pour clôturer un combat. Ça ajoute son lot de classe, et même presque atrophié comme je le suis, je me sens une âme de puriste. Les hommes se battent autant avec leur poing qu'avec leurs mots.
C'est le moment décisif où ta vie ne tient qu'à un mince fil. Depuis le début du combat, moi, j'ai décidé que mon fil serait aussi fin que celui d'une araignée. Ce fil n'a pas l'avantage de te tenir en équilibre, au contraire, il te ballote et souvent tu y chutes. Mais il a la primeur de la résistance. Il peut supporter des centaines de fois sont poids, mais surtout, il se déforme et tu souffres, il se tord, et tu souffres encore plus, mais il ne se romps jamais. Dès le début, je m'accroche à ce fil invisible, je n'imite pas un arachnide mais uniquement la ferme résolution de sa toile.
Ce que Levasseur avait appelé "Poutre dans mon œil", mon cher bras gauche, moi je l'appelle, "bouée de sauvetage". Il a raison, durant le combat, je n'ai n'utilisé que mon bras droit. J'ai gardé le gauche raide et contracté tel un vieux bout de bois. Inutilisable qu'il était. En apparence du moins. Bien que brimbalant, j'ai su que je pouvais encore l'utiliser une fois. Une seule fois. Mais ces choses-là prennent du temps...
Cela dit, le bras que je lève en ce moment, alors que Flambeau se dirige vers ma gorge, c'est le droit, le valide. Je l'avais aussi préparé depuis que je m'étais retrouvé à terre. Je n'ai pas besoin de beaucoup d'élan, je l'écrase de toute ma force sur la fine banquise. C'est le coup le plus violent dont je dispose dans mon répertoire. Et pour cause, il imite le Tigre, sa force, sa puissance. J'évite d'avoir recours à ce Style quand je le peux, je n'aime pas me battre en pure force comme la dernière des brutes. Mais aujourd'hui, c'est différent. J'avais prévu cette issue, le Tigre m'aiderait à percer la défense de mon vis-à-vis. La Paume du Tigre dont je me sers quand je veux démettre une articulation ou fracasser les côtes d'un adversaire, s'écrase sur la banquise qui se fissure à grande vitesse. J'ai limite l'impression d'avoir déclenché un séisme quand je vois les lézardes provoquées par mon coup prendre vie et veiner le glacier. La glace s'effrite sous Levasseur et il est pris par surprise. Il chancelle de quelques degrés, et ça me suffit pour avoir la vie sauve. Flambeau se plante à quelques centimètres de moi alors que son maître peine à reprendre son ancrage sur ce blanc sol devenu traître. Moi aussi je me sens partir de nouveau dans la flotte, la Paume a totalement désolidarisé le fin iceberg.
A Levasseur, je ne compte pas donner le temps de retrouver un brin de droiture. L'attaque que je prépare depuis le début fuse et il n'en entend que le nom. Bien trop tard après.
- Mantis Fist, Éclair !
La Grue est gracieuse et passive.
Le Singe est capricieux et leste.
Le Serpent est fourbe et traître.
Le Tigre est puissant et majestueux.
La Mante est expéditive et létale.
A chaque fois que je me sers de cette attaque, c'est pour tuer. Et vu le temps qu'elle prend pour être déclenchée et ce qu'il m'en coûte d'énergie et de contre-coup, il ne peut en être autrement. Pour déclencher le Mantis Fist, il me faut contracter les muscles d'un bras pendant une dizaine de minute sans l'utiliser. Et quand toute l'énergie emmagasinée est relâchée, mon poing fuse telle une balle.
C'est le Poing du Prieur.
Une gerbe écarlate et un liquide poisseux sur mon bras me signalent que j'ai atteint ma cible. Les yeux hébétés de La Braise se fixent sur ce bras gauche qu'il a pensé mort et qui vient de lui transpercer l'abdomen. Il n'y croit pas et pourtant, c'est facile à expliquer. J'avais déjà ouvert un passage en lui balafrant le ventre. La vitesse du Mantis Fist fait de mon bras un petite foreuse qui n'a eu aucun mal pénétrer les fentes déjà profondes de cette estafilade. Et comme je connais le corps humain, je ne m'arrête pas à cette blessure hautement mortelle, non, je fais progresser mon bras dans ses entrailles à la recherche du principal moteur de cet organisme. Ma main s'arrête, stoppée par les tissus qui protègent le cœur.
Le cœur de La Braise. La partie prend fin.
Aucun mot n'est échangé. Juste dans nos regard, le plaisir de ce combat partagé et les derniers soubresauts résiduels de cette haine qui s'évanouit alors que la vie s'éteint des prunelles de l'un et que l'inconscience étreint l'autre de ses bras fumeux.
A la fin de ce Last Man Standing Match, aucun ne resta debout.
Le dernier ennemi à détruire, sera la mort.
-Il se réveille ?
-Ouaip, on dirait.
-Joli coup toubib, j'aurais pas cru. Je crois que je me suis encore mis dedans.
-Ouaip, un jour, tu finiras bien par comprendre, la médecine est une science et je suis un as. Et tu me dois mille berrys...
-Il peut encore mourir demain non ? ça s'est déjà vu des gens qui ont l'air d'aller mieux et qui calanchent d'un coup le sans prévenir...
-Homme de peu de foi. Demain sans fautes. Maintenant du vent, j'ai besoin d'espace. Va donc prévenir notre artificier si tu veux te rendre utile.
Un bruit de pas, une porte qui s'ouvre. Et celui d'une chaise qu'on approche du lit ou tu dois être couché, et ou malgré tes yeux ouverts tu ne vois rien de plus que du noir.
-Monsieur Loth c'est bien ça ? Je suis le médecin du bord, je m'appelle Frank. Ne parlez pas et n'essayez pas de bouger, c'est encore un peu tôt. Voila ce que je vous propose, si vous restez calme je me lance dans un long monologue pour essayer de vous dresser un résumé de tout ce que votre passage a la mer vous a fait louper. Vous n'aurez qu'a bouger un peu la main quand un passage vous semblera particulièrement intéressant.
Je commence par votre état, bon, a priori, la bonne nouvelle c'est que vous allez vous en tirer. la mauvaise nouvelle c'est que ça va pas se faire tout seul. Les blessures étaient moches, pas mortelles, mais moches. J'ai tout recousu, bandé. Par contre avec les brulures vous allez ressembler à une momie pendant quelques temps. Et y'aura des traces, ça, rien à faire niveau médecine. C'est la glace ça, la glace sur les brulure c'est pas bon, vous avez perdu beaucoup de peau et elle va pas revenir tout de suite. Vous allez avoir mal longtemps, et ensuite ça va vous gratter et ce sera encore pire. Et puis il faudra vous soumettre à un entrainement constant pendant la cicatrisation, surtout au niveau des mains si vous voulez pas avoir l'impression de porter des gant de cuir jusqu'a la fin de vos jours.
Vous avez perdu une jambe aussi. C'était gelé, il a fallu tout couper.
Non je plaisante, c'est de l'humour médecin. Même vos orteils sont intact, un vrai miracle vu la température du bain. Le masque qui vous empêche de voir et de parler sert à maintenir une crème qui vas vous éviter de ressembler à un zombie. Vous pourrez l'enlever demain.
Rassuré ? Bon, les événements. Avec votre combat sur la banquise vous avez loupé le moment ou le patron s'est énervé. Les types qui se jettent à l'eau comme des lemmings pour continuer à casser les couilles ça lui a pas plu. ça a été un carnage. Pas bien long cela dit. Quand vous avez tué votre homme et qu'ils se sont retrouvés face a trois cent fusils braqué depuis les ponts de l'usage modéré, même les plus teigneux ont préférés se rendre définitivement plutôt que devenir de icebergs.
Sont tous aux fers à fond de cale, le patron a dit que c'était a vous de voir si on les passait à la planche ou pas. Des fois que votre offre tienne toujours. Mauvais plan à mon avis, mais on me le demande jamais.
Ensuite ça a été comme toutes les fins de bataille. On a compté les morts et les blessés et fait main base sur tous le navires qui flottaient encore.
Red ?
Il est parti.
Vous savez l'autre type ? Jack Black il s'appelle, le patron l'a fait parler, il est fort pour ça. On a appris que c'était un mercenaire venant de Carcinomia, ça ne vous dit rien ? Votre ami doit connaitre lui, Denavellion, il parait qu'il connait bien les coins louches, et celui la a carrément la palme. Si je vous dis Tempiesta par contre ça doit vous parler hein ? Carcinomia c'est un peu leur garage à outils. Une ile secrète pleine d'hommes de main à leur service. Ou aux services de leurs amis et de ceux qui payent. Comme votre ami la Braise.
Du coup le patron a décidé de le ramener lui même à la maison, rapport qu'il a bien envie de causer aux gens la bas. Surtout à celui qui a payé pour l'intervention et qui attends le rapport de Black la bas. Il est parti avec l'Usage et nous a laissé ici avec l'Inoffensif. Du coup on s'est trouvé une crique tranquille pour réparer un peu en attendant que vous sortiez des vapes. Baker a des consignes, et il passera vous voir dés que vous serez en état de discuter. Globalement on est censé vous aider le temps que le patron revienne.
Va falloir voir ce que ça implique. Retourner sur le croissant je suppose ? Y'a des gars la bas qui doivent attendre des nouvelles de leur invasion...
Bon, assez pour le moment, je vous laisse digérer tout ça.
Les grandes victoires, faut toujours un peu de temps pour s'y faire.