Mettre le chaos dans une bouteille ne fait rien avancer.
Le chaos, il faut le chevaucher, lui passer le mors, et enfin la bride.
Le chaos, il faut le chevaucher, lui passer le mors, et enfin la bride.
Les mouettes tournaient au-dessus de sa tête depuis bien deux heures. Et elle avait l'impression de ne pas progresser du tout dans cette mer pourtant calme. Poussant un long soupir rageur, elle rongeait son frein pour ne pas se mettre à criser. Respirant comme un bœuf prêt à charger, elle faisait tout son possible pour ne pas craquer dans l'instant, bien que le chant des mouettes et le fait que ses bras hurlaient d'épuisement n'aidaient absolument pas à rester sereine. La gorge sèche, la peau en train de pêler, elle avait perdu depuis un moment le compte des jours et des heures qu'elle avait passé dans cette barque. Il lui sembla dériver, sans en être certaine. Rames dans chaque main, elle avançait cependant. Tout droit. Toujours tout droit.
Le vent qui la caressa lui fit un bien fou. Soulageant quelques secondes les brûlures sur ses bras et ses joues, et son nez, douleur qui revint de plus belle à peine mise à distance. Elle se passa une main sur le visage, lâchant une expiration rauque et sèche suite à cela, et un petit gémissement qui ressemblait à s'y méprendre à celui d'un petit animal blessé. Fantine en avait marre... d'entendre le bruit des vagues, de sentir l'odeur du sel, d'être tabassé sauvagement par le soleil qui la plombait depuis son départ, de pas arriver surtout. Elle ne voulait qu'une seule chose ; en finir. Poser pied à terre, s'allonger dans le sable, et s'endormir sur un sol dur et stable qui ne ballottait pas au moindre vent.
Une violente nausée la prit à l'estomac. Elle partit immédiatement s'agripper au bord de sa barque, passant la tête par-dessus bord pour recracher le peu de bile que son ventre avait réussi à produire en si peu de temps. Le liquide racla le fond de sa gorge et la brûla d'autant plus. Et dans la seconde, elle tomba dans les pommes.
« Vous voulez peut-être monter à bord ? Lança une voix au-dessus d'elle. »
Elle ne s'en rendit pas compte tout de suite. Elle sentit juste que soudainement, le soleil s'était fait moins sauvage sur ses épaules, et le vent plus frais. Comme si une ombre bienfaitrice s'était abattue sur son dos pour la protéger. La nuit, pourtant, n'était pas encore tombée, elle le sentait à la chaleur étouffante qui lui bouffait les poumons encore. Ouvrant un œil, puis l'autre, elle se redressa et leva péniblement la tête. Son regard évolua sur un flanc de bois, le flanc d'un navire à l'évidence, haut comme un immeuble. Au sommet, des hommes regardaient dans sa direction, dont l'un vraiment bien habillé.
« Nous nous rendons à Shell Town, reprit ce dernier avec un sourire avenant. »
Il s'éclipsa quelques secondes en demandant à ses hommes d'aller chercher une corde et une bouée. La gorge trop sèche, Fantine ne chercha pas à articuler quoique ce soit, bien trop occupée à se demander si le destin était vraiment de son côté, ou si le soleil lui avait trop cogné sur le crâne pour qu'elle en vienne à voir des mirages. Mais quand la corde tomba dans sa barque et la fit balloter, lui arrachant au passage un haut les cœurs qui la fit vomir à nouveau, elle comprit que pour une fois, la chance lui souriait.
« Considérez que si vous participez aux tâches jusque là-bas, vous aurez payé votre place à bord ! »
Elle se saisit de la corde et s'attacha difficilement la taille avec. L'impression que ses membres étaient faits de mousse prévalait sur tout le reste. Elle ne savait franchement plus si elle était bien de chair et d'os ou si elle rêvait encore. Puis, on la tira, et elle décolla du bois pourris de sa barque. Épousant celui du navire, elle se laissa monter faiblement, sans lutter. Très vite, elle atteint le parquet du pont, sans réussir à se mettre sur ses jambes.
Faim. Soif. Fatigue. Douleur. Elle eut envie d'articuler tout ça pour exiger de se restaurer, mais son hôte, un homme grand et bien portant, derrière son beau chapeau à plume, lui esquissa un sourire et la prit par les épaules :
« Mais pour l'instant, il vaut mieux vous soigner, jeune fille... »
Le vent qui la caressa lui fit un bien fou. Soulageant quelques secondes les brûlures sur ses bras et ses joues, et son nez, douleur qui revint de plus belle à peine mise à distance. Elle se passa une main sur le visage, lâchant une expiration rauque et sèche suite à cela, et un petit gémissement qui ressemblait à s'y méprendre à celui d'un petit animal blessé. Fantine en avait marre... d'entendre le bruit des vagues, de sentir l'odeur du sel, d'être tabassé sauvagement par le soleil qui la plombait depuis son départ, de pas arriver surtout. Elle ne voulait qu'une seule chose ; en finir. Poser pied à terre, s'allonger dans le sable, et s'endormir sur un sol dur et stable qui ne ballottait pas au moindre vent.
Une violente nausée la prit à l'estomac. Elle partit immédiatement s'agripper au bord de sa barque, passant la tête par-dessus bord pour recracher le peu de bile que son ventre avait réussi à produire en si peu de temps. Le liquide racla le fond de sa gorge et la brûla d'autant plus. Et dans la seconde, elle tomba dans les pommes.
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« Vous voulez peut-être monter à bord ? Lança une voix au-dessus d'elle. »
Elle ne s'en rendit pas compte tout de suite. Elle sentit juste que soudainement, le soleil s'était fait moins sauvage sur ses épaules, et le vent plus frais. Comme si une ombre bienfaitrice s'était abattue sur son dos pour la protéger. La nuit, pourtant, n'était pas encore tombée, elle le sentait à la chaleur étouffante qui lui bouffait les poumons encore. Ouvrant un œil, puis l'autre, elle se redressa et leva péniblement la tête. Son regard évolua sur un flanc de bois, le flanc d'un navire à l'évidence, haut comme un immeuble. Au sommet, des hommes regardaient dans sa direction, dont l'un vraiment bien habillé.
« Nous nous rendons à Shell Town, reprit ce dernier avec un sourire avenant. »
Il s'éclipsa quelques secondes en demandant à ses hommes d'aller chercher une corde et une bouée. La gorge trop sèche, Fantine ne chercha pas à articuler quoique ce soit, bien trop occupée à se demander si le destin était vraiment de son côté, ou si le soleil lui avait trop cogné sur le crâne pour qu'elle en vienne à voir des mirages. Mais quand la corde tomba dans sa barque et la fit balloter, lui arrachant au passage un haut les cœurs qui la fit vomir à nouveau, elle comprit que pour une fois, la chance lui souriait.
« Considérez que si vous participez aux tâches jusque là-bas, vous aurez payé votre place à bord ! »
Elle se saisit de la corde et s'attacha difficilement la taille avec. L'impression que ses membres étaient faits de mousse prévalait sur tout le reste. Elle ne savait franchement plus si elle était bien de chair et d'os ou si elle rêvait encore. Puis, on la tira, et elle décolla du bois pourris de sa barque. Épousant celui du navire, elle se laissa monter faiblement, sans lutter. Très vite, elle atteint le parquet du pont, sans réussir à se mettre sur ses jambes.
Faim. Soif. Fatigue. Douleur. Elle eut envie d'articuler tout ça pour exiger de se restaurer, mais son hôte, un homme grand et bien portant, derrière son beau chapeau à plume, lui esquissa un sourire et la prit par les épaules :
« Mais pour l'instant, il vaut mieux vous soigner, jeune fille... »