ROUND I
Requête Suicidaire
Requête Suicidaire
[D'ICI] Alors qu'elle ne pensait pas le rencontrer si tôt, il était apparu le lendemain même de son arrivée. Était-ce le destin ? En tout cas, la jeune borgne y croyait fort. Debout derrière la table, le contenu de son verre renversé ruisselant sur le sol, la chasseuse de primes ne voyait que lui. Frau, le rasoir des Blues était là. Sa présence avait ramené le silence sur le lieu qui était pourtant habituellement si bruyant. Tous semblaient êtres figés pour le regarder. Même ceux qui étaient en train de s'arracher les vêtements, à cause d'une accusation de triche dans leur partie de jeu de cartes, cessèrent leurs mouvements pour lui prêter l'attention. Pas un seul n'avait pas daigné ne pas le fixer mais de tous, la jeune borgne semblait être la plus absorbée par sa présence. La jeune femme semblait être déconnectée de la réalité où elle fut ramenée lorsque Sunny se précipita vers le nouvel arrivant, les bras ouverts s'apprêtant à l'étreindre.
- Frauuuuuuuuu-san ! Le rasoir ramena devant lui son arme, qu'il tenait en équilibre par le manche sur son épaule droite, obligeant Sunny à faire un grand bond en arrière au risque de se manger la lame de la faux géante. Cette dernière était l'arme de prédilection de Frau. Une faute de gout pour beaucoup mais la jeune borgne trouvait que l'outil peu banal lui seyait à merveille. - Je t'ai déjà dit de ne pas me toucher avec cette chose immonde ! - Je t'ai déjà dit de te tenir à plus de dix mètres de moi ! - Toujours aussi froid … mais j'aime aussi ce côté de toi !
Sunny tenta de nouveau de se rapprocher de sa cible, une fois que celle-ci avait ramené son arme sur son épaule, mais le rasoir stoppa son élan en reposant le dessous de sa chaussure gauche en plein milieu du visage de l'Excentrique. Ce dernier se figea quelques secondes alors qu'une aura meurtrière se dégagea de son corps. Puis ses cheveux se mirent à se hérisser avant de former des piques qui se dirigèrent à toute vitesse vers Frau, menaçant de le perforer, mais le rasoir les esquiva toutes avec une facilité déconcertante. Irrité au plus haut point, Sunny ne semblait pas vouloir abandonner mais après une dernière esquive, de sa main libre, Frau attrapa une mèche avec aisance, malgré leur vitesse, puis il tira violemment sur celle-ci. Sunny fut expulsé vers sa cible et sans avoir le temps de réaliser ce qui se passait, son visage s'était retrouvé fermé dans la main gauche du rasoir. L'excentrique de service de la B.N.A; n'avait même pas tenu deux minutes face au rasoir de l'organisation. D’un regard royalement placide, le rasoir fixa quelques seconds son assaillant devenu sa proie qui se débattait, tel un insecte pris dans une toile d’araignée, entre sa main avant de la jeter sans ménagement. L’Excentrique se retrouva les fesses à terre. De sa position de défaite, il fixa d’un regard animé de colère l’Ange de la mort qui lui, continuait de la toiser de son regard éternellement indifférent. L’atmosphère était devenue pesante. Personne n’osait bouger, comme si le moindre mouvement pourrait déclencher une explosion meurtrière. Même après avoir perdu misérablement une guerre, Sunny ne semblait pas vouloir abandonner la bataille. Il n’était pas idiot au point de ne pas comprendre que jamais il ne gagnerait contre le rasoir mais en plus d’être colérique, l’Excentrique de service se révélait être un personnage d’extrêmement têtu. Le séant toujours cloué au sol, les cheveux de Sunny commencèrent à prendre du volume mais un obstacle qui vint s’interférer entre lui et sa cible, le força à interrompre sa nouvelle tentative d’assaut. Désirant mettre fin à l’hostilité, qu’elle jugeait ne pas avoir sa place, la nouvelle recrue s’était précipitée pour se mettre entre les deux hommes, avant qu’ils ne recommencèrent à s’en découdre. Une action qui aurait pu très bien lui couter la vie si Sunny ne l’avait pas remarqué à temps. Son initiative déplut d’ailleurs fortement à celui-ci dont un rictus de colère, poussée à son point culminant, avait fini par déformer complètement le visage. Il se leva brusquement pour se poster derrière la suicidaire. - Non mais tu veux mourir ou quoi … On ne t’a pas appris à ne pas te mêler de combat des autres ? La jeune borgne ne lui accorda aucune attention qu’elle avait portée entièrement à Frau dont le regard semblait être perdu sur son opulente poitrine. Le rasoir était connu être un homme friand des filles aux jolies formes et celles de la nouvelle ne semblaient pas le laisser indifférent. Au lieu de rétorquer à L’excentrique qui lui reprochait son intervention, rapidement, la chasseuse de primes aux cheveux blancs griffonna quelques mots sur son calepin qui lui servait de moyen de communication, le temps de retrouver sa voix perdue à cause de l’effet secondaire de son étrange test de résistance de la veille par le Chevalier blanc. Une torture qui avait consisté à la faire rire sans interruption pendant plusieurs minutes, après lui avoir fait boire à son insu, une substance qui avait décuplé sa sensibilité au toucher. Elle montra ensuite le message au rasoir mais ce furent ceux qui se retrouvèrent derrière lui qui réagirent à la missive. - Quoi ? - Mais elle est folle ? - Elle veut mourir ou quoi ? Intrigué, Sunny oublia la raison de son exacerbation et se rapprocha rapidement de la jeune borgne pour lui arracher le calepin sur lequel était marqué : « faites de moi votre disciple, s’il vous plaît !». Certains qui n’avaient pas pu prendre connaissance de l'écrit, dont Fozia, avaient encerclé l’Excentrique.
- T’as rejoint l’organisation pour te suicider ou quoi ? Lâcha Fozia d’un ton plein de reproche. - Non … non … tu te trompes. Je ne veux pas me suicider. C’est … c’est juste que … - Si vous vous occupez de vos affaires au lieu de vous interférer dans celles des autres ? ... Et puis dégagez, vous me pompez l’air ! Volontaire ou pas, l’intervention de Frau sauva la mise à la jeune borgne qui ne tenait pas à confier à autant de monde la raison qui l’avait poussé à effectuer une demande aussi insensée. Elle avait tellement espéré ce moment de rencontre que la présence des autres avait été complètement effacée de son esprit. Prise au dépourvu, elle avait donc tenté de se justifier maladroitement. - Non mais pour qui tu te prends ? Nous étions là avant toi alors si tu n’es pas … - Vous acceptez ? Une fois de plus, la jeune borgne n’avait accordé aucune attention à Sunny à qui elle coupa la parole involontairement. Il n’était pas dans ses habitudes de faire preuve d’autant de manque de respect, surtout pas envers ses propres camarades, mais son exaltation semblait l’avoir complètement isolée dans une bulle avec l’être qu’elle admirait. Sans surprise, son comportement réveilla la colère de Sunny qui venait à peine de sommeiller. Après une fraction de seconde d’une vaine tentative de résistance pour ne pas s'adonner à la violence, le jeune homme tira sans ménagement sur les cheveux de la jeune borgne qui posa alors instinctivement ses mains à la base de ceux-ci, pour tenter d’atténuer la douleur de son cuir chevelu. - De quel droit oses-tu me couper la parole !? … Si tu tiens tant que ça à mourir, je peux te rendre ce service tout de suite ! - Pardon ! Pardon ! Pardon ! De son regard éternellement froid, Frau assista quelques secondes à la scène qu’offraient Sunny et la jeune borgne avant de se frayer un chemin pour s’éclipser. Ne souhaitant pas le laisser partir sans avoir eu une réponse à sa sollicitation, la jeune borgne s’échappa de l’emprise de Sunny et tenta de rattraper le rasoir mais l’Excentrique de service usa de sa capacité de retour à la vie pour la ressaisir avec ses cheveux ; l’empaillant telle une momie. Il alla jusqu’à l’empêcher de parler. La jeune femme se débattit pour tenter de s’extirper mais Sunny ne semblait pas vouloir la lâcher prise. Le jeune homme attendit que Frau ait complètement disparu avant de la libérer. - Pas la peine de me remercier de t’avoir sauvé la vie ! Sunny avait retenu exprès la jeune recrue afin de l’empêcher d’insister auprès de Frau et ainsi l’éviter de commettre une erreur qui pourrait lui coûter la vie. Pour lui, comme pour la plupart des êtres présents, son idée était complètement stupide mais ; résolue, la jeune femme ne lui accorda aucune attention et s’apprêta à emprunter le chemin qu’avait emprunté le rasoir mais la voix de Fozia stoppa son élan. - C’est une très mauvaise idée Yamiko ! … Vu ton physique, il y a de chance qu’il accède à ta requête, contre des compromis que je doute vont te plaire d’ailleurs, mais Frau est un tueur et non un entraineur. Même s'il accepte de te prendre en main, il pourrait te tuer par inadvertance ou bien faire de toi une handicapée à vie ! … C’est un être dont il vaut mieux éviter de fréquenter de trop près si tu tiens à vivre longtemps ! … Si tu tiens tant que ça à avoir un maître, pourquoi ne demanderais-tu donc pas à quelqu’un de plus qualifié pour ce rôle ? La jeune borgne était assez informée pour ne pas savoir la dangerosité d’un rasoir. Cette simple qualification était synonyme de la mort et de la destruction mais c’était justement cette raison qui la poussait à venir vers Frau et non vers un autre chasseur de primes. Suite à sa défaite plus que lamentable face à Shin, le Loup blanc de Las Camp, elle était prête à laisser sa peau pour devenir plus forte. Si elle ne pourrait tenir face à l’entrainement du rasoir alors il était inutile qu’elle s’entêtât à vouloir atteindre son objectif, qui était celui de retrouver les rescapés des siens, vendus quelque part en ce vaste monde par un pirate responsable de la décimation de sa grande famille de cirque, dont ses parents. Un vil personnage dont elle cherchait la trace depuis cinq ans mais sans succès. Là était d’ailleurs la principale raison qui l’avait poussé à intégrer la B.N.A. Elle espérait pouvoir user du réseau d’informations de la guilde pour trouver rapidement la trace de sa cible. Frau était la seconde raison qui avait motivé la jeune femme à s’engager. Information qu’elle avait bien sûr omise volontairement de confier au Chevalier blanc, lors de son entretien, jugeant que là était un désir personnel qu’il n’avait pas besoin de savoir. En plus de l'admiration qu'elle vouait au rasoir, elle souhaitait être entrainée par le plus fort, même si c’était par le diable en personne. Peut-être que fréquenter un monstre, endurcirait même son âme trop sensible au point que cela devenait un point faible. Elle n’aspirait pas à devenir un être sans cœur car elle aimait trop ses semblables pour cela, mais elle était consciente de sa trop forte sensibilité qui l’handicapait dans certaines situations. Son parcours de ces cinq dernières années lui avait fait comprendre que la moindre faiblesse n’avait pas de place dans sa quête car celle-ci pourrait bien la mener dans la défaite. Il n’y avait donc pas que physiquement qu’elle avait besoin de s’endurcir mais aussi mentalement. Décidée à périr en essayant de devenir plus forte, afin d’atteindre son objectif, plutôt que de mourir misérablement en chemin, parce qu’elle s’était révélée impuissante, la jeune borgne était résolue à ne pas écouter ses camarades et ce, bien qu’elle comprenait parfaitement leur appréhension et qu’ils s’inquiétaient pour sa personne parce qu’ils tenaient à elle. - Désolée mais c’est lui que je veux ! Sans un regard en arrière, des pas déterminés, la jeune chasseuse de primes poursuivit son chemin. Voyant son air décidé, plus personne n’osa l’arrêter. La jeune recrue laissa derrière elle un calme inhabituel dans la salle et cela dura un moment. Elle fut le centre des conversations durant les minutes qui suivirent. Tout le monde cherchait à comprendre sa motivation mais personne ne semblait la savoir. Preuve que le Chevalier blanc n’avait révélé à personne sa confession lors de son entretien d'engagement … |
Dernière édition par Yamiko le Lun 25 Mai 2015 - 14:47, édité 2 fois