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Tailler la rose

- Voilà, c'est dans ce couloir-là. Je vous laisse chercher, j'ai du travail qui n'attend pas.


Ça y est, je suis à Navarone. La grosse base de la marine qui sert de centre où on fait transiter les marines pour une histoire de boussole. En gros, les navires de la marine sont nombreux à avoir une boussole qui pointe sur l'île, ils viennent ici et une fois arrivés on leur prête une boussole qui pointe l'île où ils doivent aller. C'est plus rapide que de devoir faire des détours et passer d'une île à une autre ... comme j'avais commencé à le faire moi.

Mais j'avais une bonne raison, j'avais laissé partir le navire sur lequel j'étais. Je n'allais quand même pas attendre des mois à Reverse Mountain que d'autres marines passent. C'est trop ennuyeux.
Au lieu d'attendre à rien faire à Reverse Mountain, j'ai embarqué sur un navire qui m'a amené à Innocent Island, où j'ai capturé un dangereux cuisinier qui rendait fou et gros ceux qui mangeaient ses tadokakis. Ce prisonnier a été déposé à la base de la marine de l'île suivante, qui s'appelait Bob. Mais apparemment elle change souvent de nom l'île. Là-bas, j'ai déposé mon prisonnier, assisté à une espèce de course d'obstacles qui a pas bien marché et finalement j'ai arrêté un homme qui menaçait l'animateur de la course. Puis comme ça m'a donné faim, j'ai attrapé la nourriture qui était juste à côté et j'aurais pas dû.
D'abord parce que cette nourriture était vraiment pas bonne. Ensuite parce que c'était un fruit du démon et que c'est dangereux et que ça coûte suuuuper cher. Puis c'était tellement mauvais que je me sens endormie sur le coup et me suis réveillée dans un cachot. Et le roi de l'île était pas content et le colonel de la base de l'île il n'était pas content non plus.

Après une journée à essayer de découvrir quels pouvoirs magiques j'avais gagné en mangeant ce fruit, car oui c'est un fruit qui donne des pouvoirs et c'est pour ça qu'il coûte super cher et est super mauvais. Comme les médicaments de Mamma. Beurk.
Rien que d'y penser, beurk.


- Voyons voir, ça a l'air d'être cette porte.


Interdite de sortir de la base, j'ai dû attendre qu'un navire vienne depuis Navarone pour me chercher. Et c'était long, très long. Surtout que j'avais plus de livres, mais j'ai pu convaincre une autre marine d'aller m'en chercher en ville pour moi. Et puis c'était pour le trajet les livres, parce que en journée j'avais de quoi m'occuper. Le colonel m'avait ordonné d'aller aider à faire la cuisine. Alors oui, je suis pas mauvaise cuisinière, mais ça il pouvait pas le savoir. Et puis c'est pas aussi intéressant que de se battre. C'est pas aussi nul que réfléchir, mais c'est pas marrant quand même.

Couper des patates et des carottes et d'autres légumes, nettoyer les assiettes, les couverts et tout. Heureusement, ça allait assez vite. Avec moi et mon nouveau pouvoir, ça allait encore plus vite. J'ai le pouvoir de faire pousser des bras et des jambes partout où je veux. Partout ! Partout partout !
Même sur la tête de quelqu'un, si je veux. Ou sa tronche. Ou son sac à dos. Ou un arbre. Je dois même pouvoir faire un escalier sur des murs et me faire la courte-échelle de bras en bras. Mais j'ai pas essayé.
En tout cas ce qui compte, c'est que c'est super génial et pratique, mais je peux plus nager. Et ça c'est moins bien.


Et me voilà, moi, Gallena Scorone, Sergent de l’Élite et trop géniale, devant le bureau de ...
De ...
Je sais pas trop qui en fait.
Quelqu'un qui m'est supérieur dans la hiérarchie, sûrement.

Pourvu que ça soit pas le Lieutenant d’Élite Ishumi. J'avais enfin la paix.

Je frappe à la porte. Après quelques secondes, une réponse. J'appuie sur la poignée. Elle tourne. J'entre donc, comme ordonné.
- Sergent d’Élite Gallena Scorone, madame. Vous m'avez fait demandé ?
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Et vous voilà, Mademoiselle Scorone. La salle où vous entrez semble être comme l'antichambre d'un service particulier, à en juger par les différents écriteaux disséminés de ci, de là. Des pots de fleurs, des tableaux représentant de grands théâtres de bataille, des affiches prônant les mérites des membres de la marine d'élite, un buste à l'image d'un colonel des temps passés, et diverses autres pièces de mobilier éveillent tour à tour votre attention distraite.

Face à vous se tient un large bureau faisant autant office d'accueil que de secrétariat. Trois hommes en uniforme s'y affairent, sans pour autant prêter grande attention à votre arrivée. Toutefois, on vous fait signe de vous déplacer dans un recoin de la grande pièce, en périphérie des sièges d'attente des visiteurs, face à une petite table où vous attendent un formulaire et un stylo.

Sans réellement comprendre de quoi il en ressort, vous vous en approchez. Et alors...



*
* *

Deux heures plus tôt, dans un bureau de l'administration RH de la marine d'élite...

Deux femmes étaient penchées sur le cas d'une sergente bien lunatique, chacune armée d'un calepin et d'un mug aux armoiries du gouvernement mondial. Gallena Scorone, voilà le sujet qui les intéressait pour le moment. Il s'agissait bien de vous, Mademoiselle. Restait à savoir ce qu'elles allaient faire d'elle.

-Attends, t'es sûr? Layanne?
-Écoute, pour une fois qu'on a une marine qui revient sagement au bercail au lieu de déserter pour se faire pirate ou révolutionnaire... je veux dire, tu connais les Trois Loups?
-Bien sûr.
-Eh bien sache que chacun d'entre eux a été marine à un moment de sa vie. Et officier, grand minimum, rien que ça.
-Même Tahgel?
-Même lui.
-Wah.
-Et m'est avis que dieu seul sait ce qu'on aurait pu faire d'eux dans la marine si on avait su les canaliser.
-Tu rêves, Layanne.
-Sauf Toji, peut être, d'accord. Un véritable monstre. Une bête sauvage et malfaisante. Mais même comme ça... ces trois pirates sont des échecs. Et ce sont nos erreurs. Red en particulier. Je suis sûre qu'on aurait pu en faire un membre de l'amirauté extraordinaire. Il nous faut encore apprendre, et expérimenter.

Les deux jeunes femmes qui discutaient actuellement du cas Scorone se prénommaient Layanne et Rita. Toutes deux venaient de fêter leur vingt-quatrième anniversaire pour la troisième fois consécutive, et servaient au sein de l'administration militaire depuis six ans. Elles avaient beau avoir des points de vue très divergents sur la nature humaine et la démarche à suivre pour encadrer les pions, toutes deux avaient la même passion pour leur métier dans les ressources humaines, et adoraient les cas particuliers. Les cas comme vous. Absolument.

-Boah. L'aurait fallu leur vomir dessus quand ils étaient encore ici, non? On les recadre avec autant de délicatesse qu'un proctologue, et...
-Tout le contraire. Moi je suis pour ne pas tirer à vue sur les fautifs qui ont la décence de revenir spontanément au bercail. C'est un comportement qu'il faut encourager.
-Même quand ils abandonnent leur équipage en pleine affectation et qu'ils parviennent à nous causer un incident diplomatique en se mangeant un un fruit du démon en guise de casse dalle parce que c'est fun?
-...
-...
-...
-Bah alors, pas de réponse?
-Je te hais, Rita.
-Huhuhu. Merci.

-Je maintiens donc que ça serait bien d'envoyer un signal fort à nos soldats, pour qu'ils sachent que le droit à l'erreur existe, et que de telles preuves de bonne volonté ne devraient pas...
-Cherche pas à prêcher dans ma paroisse, c'est le patron qu'faut convertir. Moi je la connais très bien, ta chanson. Pas de punition idiote, brutale, inconsidérée ou gniagniagnia de bisonours. Il faut une punition intelligente. Il faut la responsabiliser. Lui remettre du plomb dans la cervelle.
-Oui!
-Et c'est pour ça que je propose qu'on lui prépare un peloton d'exécution!, s'amusa la dénommée Rita. Du plomb dans la cervelle!
-'Bécile.
-Huhuhu.

-Je te parle de lui faire réparer ses erreurs. À hauteur des dommages causés si nécessaire.
-Et tu vas faire quoi, hein? Ponctionner sa solde? Elle a bouffé un fruit du démon appartenant à un régent ou j'ne sais quoi en charge d'un royaume. Un fruit coté à 160 millions sur le marché noir. Va ponctionner ça si ça t'éclate, amuse toi bien.
-...
-...
-Comment tu sais ça, toi?, se demanda Layanne. Le prix d'un fruit comme ça?
-Eh, oh. Oublie pas que je suis la fille qui fait le lien avec le Cipher Pol. Et une des rares débiles ayant des atomes crochus avec le CP2. Ces gars servent à quelque chose de chouette, pas comme les autres.
-...
-...
-...
-BREF. J'suppose que tu vas vouloir tenter le nouveau questionnaire psychologique de l'administration?
-Ca serait dommage de ne pas le faire, non?
-Ce truc est un gros gag, franchement. Han... enfin, si tu veux...

* *
*

Et maintenant, vous voilà assise face à une table trop basse pour vous, avec pour seule et unique consigne de...

Répondre à ces questions. Prenez votre temps, et réfléchissez bien.

Si vous en êtes capable, bien sûr.



Avez-vous déjà eu des relations avec un révolutionnaire? Avec un pirate?

Quel est votre avis sur la pratique de l'esclavage dans le monde?

Vous apprenez qu'un Dragon Céleste sera de visite sur l'île où vous êtes actuellement affecté. Que faîtes vous?

Qu'est ce que la Justice?

Un pédalomoteur nautique commet devant vous un excès de vitesse de cinq kilomètres heures. Que faîtes vous?

Vos parents ont-ils été tués? Par des pirates? Par des révolutionnaires? Par des marines? Par des chasseurs de prime? Par des mafieux? Par vous même?

Indiquez ci-dessous votre niveau académique:

Avez vous déjà rencontré des difficultés à respecter des consignes au cours d'un exercice groupé?

Souhaitez vous devenir Amiral?

Avez vous déjà obtenu votre promotion suite à la mort d'un de vos supérieurs?

Quel est, parmi les formateurs du BAN, celui dont vous avez préféré le contact?

Votre supérieur vous donne l'ordre de répondre à ce questionnaire en dix exemplaires. Que faîtes vous?
    C'est un piège ! Ce n'est pas le Lieutenant Ishumi, mais c'est un piège. Zut de zut de zut de zut. Je savais bien que j'aurais pas dû aller à Navarone. Enfin je le savais pas et je le pressentais pas non plus mais si je m'étais doutée j'y serais pas allée. Je serais allée ailleurs, dans une autre ville de la marine et .... ah mais ils m'auraient sûrement renvoyé à Navarone. Holalalalalala, mais qu'est-ce que j'aurais pu faire ?
    Il est peut-être encore temps de filer ? Vu le labyrinthe que c'est ici, si je pars en courant ils me retrouveront jamais. Et je retrouverais pas la sortie avant longtemps mais en me nourrissant de ce que je trouve abandonné et en pillant les cuisines, je devrais pouvoir m'en sortir.
    Argh, mais qu'est-ce que je pense ? C'est complètement bête comme idée !

    Aux yeux des observateurs éventuels, privés de ce monologue interne qui aurait fait la joie des comédiens en manque d'inspiration, vraiment en manque, de beaucoup, et même un peu plus, aux yeux d'éventuels observateurs extérieurs donc Gallena était en train d'agiter ses bras en l'air, avant de les reposer brusquement et de plonger sa tête entre ses mains. Puis de recommencer après avoir compté sur ses doigts longuement en grimaçant.
    D'abord, le déni, ensuite la colère interne, ensuite la prise d'un stylo et de papier.
    Une hésitation. Le stylo dans la main gauche ou la main droite ? Va pour la droite.


    Voyons voir ... question 1. ...

    1] Avez-vous déjà eu des relations avec un révolutionnaire? Avec un pirate?

    Mais, ils entendent quoi par ça ? Alors, euh ....

    J'en ai tapé sur Dawn Island des révolutionnaires. Ils sont morts. Et quand je croise un pirate je le tape et ils finissent morts ou en prison. Et c'est pareil pour les lézards géants. Par contre on a pas réussi à tuer la seiche géante dans Reverse Mountain. Beaucoup trop géante et on avait pas de bazookas même si je savais que ça aurait été utile et on s'en serait tous sortis et on aura pas eu cinq morts sur treize personnes et de toute façon la tour est détruite donc des bazookas auraient été mieux on aurait eu un meilleur résultat pourquoi ils m'ont pas laissé prendre des bazookas alors qu'on était au qg d'East Blue c'était une grave erreur ça.
    Et il y a un type à Shell Town qui peut-être était un pirate on a mangé ensemble puis il m'a attaqué pour voler une tarte au citron que j'avais déjà mangé et c'est ça qui me fait dire que peut-être c'est un pirate. Je l'ai mis en fuite.

    C'est un peu long mais c'est complet comme ça ils seront contents.

    2] Quel est votre avis sur la pratique de l'esclavage dans le monde?

    Euh, ben, c'est pas trop bien je suppose mais en même temps y en a pas sur Inu Town donc je sais pas. Ça peut pas m'arriver donc je suis pas concernée. Et puis je m'en fiche, ça se mange pas et ça se bagarre pas donc ça m'intéresse pas.

    Ce n'est pas mon problème.

    3] Vous apprenez qu'un Dragon Céleste sera de visite sur l'île où vous êtes actuellement affecté. Que faîtes vous ?

    Y a des dragons sur des îles ? Ah non, ça me dit vaguement quelque chose ce nom. On m'en a parlé ... plusieurs fois même. Qu'est-ce que ça veut dire déjà ? Tiens, y a une fissure sur le mur. Ils devraient refaire la peinture. Elle est super longue en plus, elle va jusqu'au plafond.
    Ah oui, c'est pas le sujet. Euh .....
    Non, je me souviens vraiment plus du tout.

    Comme les autres marines.

    4} Qu'est ce que la Justice ?

    Euh ... c'est bien ? C'est juste ? C'est ... euh ....

    C'est quand on fait respecter les lois et que sell celles-ci sont équitables et visent à assurer le maintient de l'ordre.

    5) Un pédalomoteur nautique commet devant vous un excès de vitesse de cinq kilomètres heures. Que faîtes vous ?

    C'est un problème pour la régulière ça. Aussi, je peux plus nager. Et puis depuis quand il y a des vitesses limitées quelque part ? Il peut aller plus vite que le vent de 5 kilomètres/heures ? C'est un piège cette question ?

    7) 6) Vos parents ont-ils été tués ? Par des pirates ? Par des révolutionnaires ? Par des marines ? Par des chasseurs de prime ? Par des mafieux ? Par vous même ?

    C'est quoi cette question ? Bien sûr que non ils sont tous vivants. Vous avez pas intérêt à essayer de les tuer pour les faire rentrer dans une case, je vous préviens. C'est illégal.

    7) Avez vous déjà rencontré Indiquez ci-dessous votre niveau académique :

    Je sais lire, écrire, compter, calculer des choses, gérer une boulangerie, faire du pain et les comptes si besoin, me battre avec plein d'armes après les formations de la marine régulière et celle d'élite et encore une autre après qui m'a fait découvrir les couteaux de lancers et c'est plutôt sympa comme arme d'ailleurs il faudrait que j'en récupère ici parce que j'en ai perdu deux en me battant contre la seiche géante.

    8,) Avez vous déjà rencontrezé des difficultés à respecter des consignes au cours d'un exercice groupé ?

    Je me souviens pas que ça soit déjà arrivé.

    9/ Souhaitez vous devenir Amiral ?

    Pourquoi faire ? En plus ils sont dans la régulière. Moi c'est l'élite. Donc Colonel d’Élite plutôt non ?C'est plus intéressant.

    10/ Avez vous déjà obtenu votre promotion suite à la mort d'un de vos supérieurs ?

    Mais c'est quoi ces questions qui veulent tuer des gens ? Ils sont fous ?

    Si c'est le cas je suis pas au courant. Donc non ?

    11/ Quel est, parmi les formateurs du BAN, celui dont vous avez préféré le contact ?

    Lyanna Flores, sans hésiter ! Eh, j'ai le même grade qu'elle maintenant. En plus elle se bat avec les poings, comme moi souvent. Et elle m'a appris des trucs super intéressants.

    12/ Votre supérieur vous donne l'ordre de répondre à ce questionnaire en dix exemplaires. Que faîtes-vous ?

    Je l'écris une fois et la recopies neuf fois. Avec mon pouvoir, c'est sans doute possible d'écrire les neuf en même temps donc c'est pas compliqué.

    Bon, je crois que c'est bon. J'ai fini. Je relis. Houlà, j'ai écris un peu beaucoup à des moments. C'est pas très intéressant tout le temps. Bon, c'est pas grave en plus ils disaient "prenez votre temps" et ben je l'ai pris et j'ai répondu dans le détail et voilà. Alors si ils ne sont pas contents ils ... vont me demander de recommencer ? J'ai pas envie de recommencer ça moi.
    Et puis de toute façon même si ils me font recommencer autant leur donner lui maintenant et voir. Parce que si je le recommence sans attendre de savoir si je dois le recommencer alors je l'aurais recommencé pour rien et c'est long et fatiguant et inutile et ça sert à rien et je m'ennuie moi ici.
    En plus je commence à avoir faim.
    J'hésite à dessiner un peu sur la feuille. Des petites fleurs. C'est plus gai, non ?
    Quoique ... ça ferait pas très sérieux. Pourquoi on peut pas être heureux et sérieux en même temps ? C'est complétement bakabêta ça.

    Je me lève. Ramassant la feuille, je vais la rendre à ceux qui m'ont donné le questionnaire à répondre. C'est eux que ça intéresse non ?  Même si après peut-être ils le donnent à quelqu'un d'autre mais ça c'est pas mon problème à moi.

    - Tenez.
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    Layanne            Rita





    -Je crois qu’on est tombées sur une perle, ricana grassement Rita en survolant les réponses. Bouge pas cocotte, j’file faire des photocopies pour montrer à quel point on mérite notre augmentation vu les cassos qu’on se farcit au jour le jour.
    -Mmmh… typique des envoyés du BAN, marmonna Layanne en griffonnant à la va-vite sur son calepin. Brainless And Neurotic.

    Vous avez rendu votre formulaire, on vous a fait signe de patienter sur votre siège tandis qu’un employé s’empressait d’apporter vos réponses aux deux paires d’yeux qui vous observaient, cachées derrière un pot de fleur à l’autre bout de la salle. Seulement alors, les deux administratives se réunirent dans un petit bureau adjacent, pour prendre connaissance de vos réponses et analyser les résultats.

    Sans surprise, vous restiez digne de vous-même, miss Scorone. Les deux femmes purent apprécier toutes vos réponses à leur juste valeur.

    A moins que ce ne soit l’inverse. Question de point de vue.

    -Han. On ne leur fait pas passer des TESTS DE QUOTIENT INTELLECTUEL, QUAND ON LES RECRUTE DANS L’ELITE, BORDEL ?, s’exclama la première en enrageant devant la bêtise de ces réponses.
    -Au contraire, je dirais qu’elle l’a passé… et qu’elle l’a passé avec succès. C’est tout à fait dans la normale de ce que j’ai habituellement. Tu ne trouves pas ?
    -Aaaaaah, correct, j’avais oublié qu’ils ne prenaient que des bourrins décérébrés qui réfléchissent avec leurs muscles.
    -Avec son ventre aussi. Notons qu’elle parle beaucoup de nourriture.
    -Bizarre qu’elle ait le grade de sergent d’élite, par contre. C’est un poste où il faut encadrer des caporaux d’élite, qui eux-mêmes ont la charge de coordonner des soldats de rang. Moi je l’aurais plus vue avec l’intitulé de « DRONE DE BASE A PRIVER IMPERATIVEMENT DE TOUTE FORME DE LIBRE ARBITRE ET A NE LAISSER PRENDRE DES INITIATIVES SOUS ABSOLUMENT AUCUN PRETEXTE ». Nan mais sans déconner, quoi ? Dîtes moi qu’on peut la rétrograder au rang de simple marine. Dîtes moi qu’on peut aussi rétrograder LA PALANQUEE DE CRETINS FINIS QUI ONT CRU QUE CE SERAIT UNE MERVEILLEUSE IDEE QUE DE FAIRE D’ELLE UNE SERGENTE D’ELITE.
    -Il faut mieux éviter de l’inciter à réfléchir, également. Et elle m’a l’air très mal informée, aussi. Elle n’a pas l’air de savoir qu’un colonel d’élite peut tout à fait devenir amiral.
    -Elle n’a pas l’air de savoir CE QU’EST UN DRAGON CELESTE, C’EST PTETRE UN PEU LA BASE, NON ?
    -Mmmh. Au moins, le bon point du questionnaire, c’est qu’il a tout à fait mis en valeur le fait que notre mademoiselle Scorone ne désertera pas la marine. Elle est trop… simple d’esprit… pour ça.
    -Aaaah, t’es sûre ? Moi chuis con-vain-cue que pour lui faire trahir la marine, IL SUFFIT DE LUI PROPOSER UN BON GROS STEACK BIEN JUTEUX ET ELLE DIRA AMEN EN SE ROULANT PAR TERRE COMME UN GENTIL TOUTOU.
    -Précisément. Mais les gentils toutous sont réputés pour être fidèles. Je pense qu’on ne risque rien. Maintenant, il s’agira donc de s’assurer qu’elle soit recadrée… et disciplinée comme il se doit. Lui inculquer le sens des responsabilités, également.
    -Han. C’a l’air très beau, dit comme ça. Et tu proposes quoi ?
    -Qu’on voit ça avec elle. Peut-être qu’on aura quelque chose à en tirer. Au pire… on lui impose du lourd. Nous verrons bien.
      On m'appelle. Me fait rejoindre les deux femmes cachées derrière des plantes en pot tout à l'heure. Cachées à ma vue mais pas à mes oreilles, qu'est-ce qu'elles en font du bruit, olala.
      Elles s'installent à une table et me disent de m'asseoir. Bien. Pas de problème. Je sais pas trop où me mettre. Je veux dire, je sais où me mettre, y a qu'une seule chaise, mais c'est de l'expression "je sais pas trop où me mettre" dont je parle. Je suis pas tellement ultratrès sûre de ce qui va se passer. Les deux disent pas vraiment être des militaires. Elles doivent être dans l'administration de la marine. Bweuh, j'aime pas ça l'administration, c'est encore plus ennuyant que la régulière je parie. Au moins dans la régulière on sort dehors et on patrouille ou on monte la garde, même si ça manque généralement de baston c'est toujours plus intéressant que rester dans des batiments sans voir le ciel, occupé qu'on est à lire des rapports et des messages et des questionnaires inutiles qu'on force les vrais militaires qui auraient des choses plus importantes à faire que ça si on leur faisait pas perdre du temps et ... euh ...
      J'en étais où déjà ?
      Ah oui, les deux filles me font m'asseoir devant leur table. Sur une chaise, pas très confortable, tout en bois. Au moins elle a un dossier. J'hésite un peu comment m'installer. Je colle mes jambes côte à côte et les mains posées dessus, finalement. Pas les bras croisés, pas l'air avachi, juste l'air d'écouter. Normal quoi.

      - Laisse-moi lui annoncer Layanne ?
      - Fais-toi plaisir.
      - Bien. Alors. Mademoiselle Scorone ...

      J'attends la suite. Qui ne vient pas. Je la regarde droit dans les yeux, inexpressive. Moi qui suis inexpressive, pas elle. Enfin elle je sais pas, j'ai pas fait attention sur l'instant.

      - Mademoiselle Scorone ?
      - Ben ... oui, c'est moi.
      - Tu vois Layanne, même pour son nom il faut réfléchir.

      L'autre hoche la tête. Eh !

      - Eh, moi au moins j'ai pas besoin de chercher à gagner du temps quand j'annonce que je vais parler, je dis ce que j'ai à dire.
      - Mais c'est que ça a de la répartie. Très bien, mademoiselle Scorone, donc nous avons discuté suite à vos réponses, réponses à ce test BASIQUE de pshychologie qui nous ont fait parvenir ma collègue et moi à une conclusion. Vous êtes promue au grade de marin d'élite, félicitation.

      ....
      C'est une blague hein ? Non c'est pas une blague. Je savais que j'aurais dû manger davantage avant de venir. C'est une journée où il va falloir réfléchir.
      J'aime pas çaaaaaaa !!! C'trop nul de devoir réfléchir.
      J'crois que j'ai le choix. Réflexionnage, réflexionnage. Oh, une réponse !

      - Vous me prenez vraiment pour une bécasse hein.
      - Mais non mais pas du tout mademoiselle Scorone ce que Rita dit c...

      Voilà que l'autre femme se met à parler. Je croyais que sa copine voulait s'en charger seule. Quoique, elle a fait son annonce de gros baka, donc ça doit être bon. Pas grave. Je lève la main, l'interrompt.

      - Excusez-moi, mais c'est Sergent Scorone.
      - Que voulez-vous dire ?
      - Je suis dans la marine, je suis Sergent d’Élite, vous n'avez pas à m'appeler mademoiselle. Je vous épargne le "élite" à chaque fois, mais si vous êtes là pour faire des blagues pas drôle, je tiens au Sergent.

      Pff, c'est compliqué d'essayer de faire des phrases suffisamment simples pour qu'elles puissent comprendre. Je veux dire, je sais que j'utilise pas des mots méga compliqués, mais apparemment pour elle faut encore baisser le niveau et faire attention à quels mots j'utilise pour faire des phrases courtes, même si ça demande d'utiliser des mots un peu plus compliqué. L'un après l'autre, on a une perte de temps et d'énergie monstrueuse ! La mienne surtout. Tout ça parce qu'elles sont pas capables de comprendre quand ... tiens, il est sympa ce tableau sur le mur ... concentration Gallena concentration, c'est pas le moment.
      La première, Rita donc ? reprend la parole.

      - Très bien, Sssergent Scorone. Plus pour longtemps. Il nous est apparu que vous n'êtes pas qualifiée pour votre grade.
      - Ah.

      Mais bien sûr. Et c'est elles deux, qui je parie savent pas se battre autrement qu'à coup de formulaires qui vont m'apprendre à capturer les pirates ?

      - Et donc ? Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
      - Vos réponses à ce test, vous ne pensez qu'à bouffer et cogner. Rien de bien exceptionnel pour un troufion de l'élite, mais on espère mieux de la part des officiers et sous-officiers.
      - Pour le dire gentillement, Sergent, vous paraissez trop ... instable ... et évaporée ... pour pouvoir diriger une troupe convenablement. Et il y a vos actions récentes où vous avez commis un vol à cent cinquante millions de berries.
      - Cent cinq ... tendez .. un vol, moi ? Oh. Le fruit ? Voyons voir cent cinquante ça fait ... ah oui quand même. Ça explique qu'il soit pas trop mauvais ce pouvoir. Mais c'était un accident, ça arrive les accidents.
      - Uhuhuh, si j'en crois ce rapport, votre définition d'accident c'EST DE FAIRE LE CHOIX CONSCIENT DE MANGER LA PREMIERE CHOSE A PORTEE DE VOTRE MAIN sans penser plus loin que le bout du nez de votre estomac.
      - Ben j'avais très faim. Et puis, vu que je venais de sauver une vie et arrêter une .. prise d'otage, je pensais qu'ils m'excuseraient.
      - Mais bien sûr, un fruit du démon, ah ben c'est pas grave vous avez sauvé un type alors faites-vous plaisir mangez ce trésor que nous avons eu tant de mal à trouver parce que vous avez un ptit creux. Il vous arrive de réfléchir dans le ... avec le truc qui se trouve dans votre crâne ?
      - Calme-toi Rita, tu vas la déstabiliser. Déjà qu'elle n'est pas ...
      - Ah ben oui, ça serait dommage tiens, risquer de déstabiliser une perle sortie du BAN plus bête que ses pieds, on sait jamais ça pourrait peut-être éveiller une lueur d'intelligence dans son crâne et elle s'énerverait ou elle se mettrait à contempler ses pieds.
      - Rita, good cop bad cop ! Tu devrais prendre une pause, pour tes nerfs.
      - Et puis je ... si ça t'amuse Layanne, si ça t'amuse ...

      Donc cette dame qui s'était levée pendant sa longue série de phrase d'insultes énervées, Rita, elle s'en va. Prendre un café ou je sais pas quoi. Reste que l'autre, Layanne donc. Elle est plus calme, mais elle a pas l'air plus gentille.
      Ca me dit quelque chose, ce good cop bad cop. Un mot de passe, je crois. Si je pouvais me souvenir ... ah oui, je me souviens. J'essaye, qui tente rien gagne rien comme on dit. Et si ça a rien à voir, tant pis.

      - Space cake, non ?
      - Non.
      - J'étais pourtant sûre ...
      - Non. Bien, maintenant que nous avons l'occasion de parler au calme, vous allez peut-être pouvoir m'éclairer sur quelques détails troublants.
      - Comme ?
      - Eh bien, pour commencer, vous ne semblez pas savoir ce qu'est un fruit du démon. Comment se fasse ?
      - Euh ... ben, d'abord, c'est quand même pas si répandu que ça dans les Blues. Alors oui, des fois on en entend parler voire on tombe sur quelqu'un qui en a mangé un, mais ... c'est rare, quoi. J'ai entendu dire que sur Grand Line il y en avait beaucoup plus, mais à part celui que j'ai mangé sans faire exprès, je n'en n'ai pas encore vu beaucoup. Alors du coup, comme j'ai appris y a longtemps mais que je pensais pas que j'en croiserais vraiment, j'ai oublié. C'était pas vraiment important, comme chose à savoir.

      Elle écrit des trucs sur du papier. Je vois pas ce que c'est, de ma place. Mais je parie que c'est des trucs qui prennent ce que je dis et les retournent pour en dire du mal. C'est pour ça qu'on dit que le crayon est plus fort que le fusil. Parce que le crayon ment ! Alors que le fusil, même si j'aime pas, il est honnête. Quand il aboie il raconte pas de sornettes.

      - Je vois. Et quand à ignorer ce qu'est un dragon céleste, votre excuse est ?

      Dragon céleste, dragon céleste ... ah oui ! Je me souviens maintenant.

      - Eux ou une autre personne importante, quand on oublie le protocole ça reste le plus simple de se renseigner auprès des autres marines. Au lieu d'essayer de faire semblant de tout savoir et au final pas savoir et s'attirer des ennuis qui pourraient facilement être évités.
      - Vous savez que les colonels d'élite peuvent devenir amiraux, n'est-ce pas ?
      - Oui mais, c'est plus l'élite après, c'est plus la régulière. Même si ils ont un rôle assez spécial et tout, c'est pas ... c'est pas pareil. En tout cas ça m'intéresse pas plus.
      - Oh ? Pourquoi ?
      - Le grade de colonel d'élite est suffisamment indépendant. Pour ce que je sais, ils ont une affectation très large. Ils sont pas confinés à une île ou deux.
      -  Hum hum. Je note. Vous disiez avoir appris "des  trucs super intéressants" auprès de mad... du Sergent Lyanna Flores. Pourriez-vous préciser un peu plus ?
      - Boxe, Infiltration, Discrétion. Bon, j'ai pas vraiment eu l'occasion de me servir du dernier pour le moment, les conditions ne s'y prêtaient pas souvent. Et puis tant que la mission est remplie sans pertes civiles ou militaires, ce n'est pas bien grave. L'infiltration, ça m'aura servi à m'assurer qu'un homme était bien un criminel, récemment. On s'est fait passer pour des inspecteurs de l'hygiène et on a déniché des trucs louches dans la cave de son restaurant.
      Quand à la boxe .... bon, ce qu'elle fait, c'est pas vraiment de la boxe. C'est un art martial, plutôt. Un peu bizarre. Mais elle est douée, vraiment. Une super ... une bonne prof, même si elle parle pas souvent.

      - Très bien. Je note. Maintenant, qu'est-ce qui, selon vous, fait que vous êtes suffisamment qualifiée pour votre grade ?
      - Je sais me battre. Je vous passe tous les détails, mais j'ai pas encore été vaincue par des pirates. Je sais faire confiance dans les capacités des caporaux d'élite à gérer au mieux leurs hommes en fonction des consignes que je donne, alors j'essaye de leur laisser le champ libre. Bon, ça a pas bien marché à Reverse Mountain, on a eu cinq morts sur treize personnes au départ. Mais comparé au nombre de pirates morts, c'est un très bon compte. Et si on m'avait pas interdit d'emmener des bazookas pour lancer l'assaut, la tour aurait été dans le même état et on aurait eu aucun mort de notre côté.
      Euh ... bref, je suis pas experte pour commander, mais je le sais et fais au mieux. Y a rien de pire qu'un chef qui empêche toute réaction parce qu'il tient à ce qu'on suive ses ordres trop précis et pas assez réactifs. Je respecte les ordres que je reçois, sauf si c'est vraiment important, mais je tiens pas à être un chef qui générait la réussite de la mission par ses ordres.
      De toute façon, je n'avais pas vraiment besoin de tant d'aide avant et j'en ai encore moins besoin maintenant avec mon pouvoir. A un entraînement presque au premier jour de découverte de ce pouvoir, j'ai battu dix autres marines, toute seule.
      Ce qui compte, c'est que plus je suis haute gradée, plus je suis indépendante et mieux c'est pour que je sois efficace.

      - Qu'est-ce que ça veut dire pour vous, "vraiment important", pour vous faire oublier vos ordres ? Je crois me souvenir que vous deviez vous rendre à Navarone sans faire de détour, après avoir nettoyé Reverse Mountain.
      - C'était pas précisé. J'ai cru voir quelqu'un au pied de la montagne. C'était pas lui. Mais si ça avait été lui ...
      Comme on avait des blessés sur le navire, je les ai envoyés à Navarone sans m'attendre, en me laissant sur place pendant que je cherchais l'homme que je cherchais. Comme je l'ai pas trouvé, je suis partie sur un navire marchand qui transportait des pommes, en me disant que ça m’amènerait bien à une base de la marine, pour pouvoir venir ici à Navarone.
      Et non seulement j'ai eu raison, mais ça a permis d'arrêter un dangereux criminel qui empoisonnait les habitants d'Innocent Island.

      - Bien sûr. Ah, Rita, te revoilà.
      - Alors ? Tu as réussi à tirer quelque chose d'utile de la simple d'esprit ?
      - Vous pouvez arrêter de m'insulter ? C'est vexant.
      - Rita, jete un oeil à ces notes. Sergent Scorone, ignorez-ça elle est de mauvaise humeur. De vous à moi elle doit avoir ses ... voyez.
      - Ooh. Je vois.
      - Quand tu auras fini de dire des bétises Layanne tu me préviens hein.

      - Je t'écoute.
      - Comme on disait tout à l'heure, une mise à l'épreuve me semble une bonne idée. C'est pas contestable, une mise à l'épreuve.
      - Effectivement. Mais pour que ce soit bien probant, il va falloir ....

      Les deux se mettent à chuchoter à toute vitesse, j'arrive pas bien à entendre ce qui ce dit. De temps en temps, y en a une qui ricane. Le plus souvent Rita qui fait un "uhuhuh".
      J'aime pas trop beaucoup vraiment ça.

      *Grooouuurrrr*

      En plus, je commence à avoir vraiment faim.
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      Des paroles censées et raisonnables. De quoi surprendre les deux administratives qui, sans autre support que vos réponses, étaient jusque là pleinement convaincues de l'insuffisance de vos facultés et aptitudes mentales.

      Il y avait de quoi, tout de même. Vous aviez fait très fort.

      Pour autant, même si vous veniez très largement de relever le niveau, il vous restait encore à faire les preuves de votre valeur ajoutée sur un éventuel poste de commandement. Il n'était plus question de vous rétrograder, non. Cela n'avait été qu'une éventualité, à peine effleurée, mais qu'il convenait d'envisager. Et ceci tant à titre disciplinaire qu'à l'aune de votre test écrit.

      Il restait toutefois que, comme on vous l'avait dit, on ne se permettrait pas de vous laisser repartir impunément. Même dans la marine d'élite, on ne pouvait laisser les électrons libres butiner tout à leur guise, et encore moins créer des incidents de cette ampleur sur un coup de tête.

      Restait à trouver comment vous permettre de faire amende honorable. Car de simples corvées seraient aussi rébarbatives pour vous que peu productives pour l'administration. Ce qu'il fallait, c'était vous rendre utile pour rattraper le temps perdu.

      Et on avait peut être bien de quoi vous exploiter jusqu'à la moelle. Restait encore à voir si vous feriez l'affaire. Vous aviez largement les prérequis pour une telle tâche.

      Après une telle mise en situation, les deux grattes papiers vous annoncèrent très cordialement en avoir fini avec vous, tandis qu'un sbire administratif de seconde classe -un jeune homme peu bavard mais particulièrement beau garçon- vous conduisait jusqu'à un secteur très particulier de la base marine de Navaronne. Celui réservé aux quartiers des officiers de l'état major ainsi qu'à leurs équipes. Il s'agissait de ceux simplement de passage dans la grande base, que de ceux qui s'y installaient plus durablement. Et outre leurs quartiers, on trouvait ici bien davantage que les simples infrastructures utiles et fonctionnelles présentes dans le reste de la forteresse logistique.

      Même si l'ensemble restait on ne peut plus militaire, vous pouviez discerner

      Et finalement, on vous conduisit jusqu'à une petite pièce, une antichambre dotée d'énormes fauteuils beaucoup plus luxueux -et confortables- que lors de votre dernière attente.

      Alors, votre guide vous fit mine d'attendre, tandis qu'une vieille chargée d'accueil prenait le relais.

      -Le commandant Bonsapin va bientôt vous recevoir. Vous êtes là pour les entretiens, c'est ça?
      -Euuuh...
      -Peut être ne savez vous pas de quoi il en découle. Oui, oui. C'est comme ça pour tous les candidats. Les autres s'attendaient à ce que la simple mention d'un colonel d'élite suffise à attirer les foules, alors ça n'explique rien. Enfin, si c'est les deux donzelles qui vous envoient... vous n'avez pas trop l'choix. Chihihi hihi hihi...

      De quoi s'agissait-il? Servir de PNJ 1/3 pour une colonnel d'élite. Vous pouviez le faire. Vous aviez bien le niveau pour.

      Mais pour ce faire, il fallait tout d'abord légitimer votre recrutement. Et c'est précisément ce que nous allions faire.

      -Mais nan, on va y arriver, retentit une voix d'homme. Regarde...

      Deux personnes venaient de passer par la même porte d'où vous veniez. Une femme de haute stature, qui vous empêchait de détailler l'homme plus petit qui se tenait derrière elle.




      Elle se nommait Boïna Halma, et et n'était rien de moins que la plus terrible bretteuse que vous n'aviez jamais rencontré. Que vous ne rencontrerez jamais, probablement.

      Malgré ses airs fragiles et délicats, ça n'était pas pour rien que son titre était celui de furie. Cette femme réputée affirmer à qui voulait l'entendre qu'elle ne disposait que de deux talents.

      Savoir se battre comme un démon inexpugnable, et savoir s'entourer des bonnes personnes.

      Sans surprise, c'était son premier trait qui l'emportait pour sa réputation. Mais aujourd'hui, vous alliez découvrir deux autres traits de la colonelle.

      Son haki, pour commencer.

      Machinalement, vous esquissiez un bref mouvement de recul. Ça n'était pas de la peur, de la prestance, ou une méfiance quelconque que vous auriez pu éprouver face à la femme qui se tournait dans votre direction.

      C'était la surprise de ressentir comme une pression sur votre visage, des frémissements sur vos épaules, des picotements contre vos flancs.

      Il s'agissait d'Halma. Elle vous palpait littéralement de son aura que vous pouviez sentir frémir énergiquement contre votre peau.

      Et puis, soudain, plus rien.

      Ça n'était là qu'un examen approfondi, une manifestation presque tactile de l'aura perceptive qu'avait pu développer la colonelle au fil des ans et des épreuves. Sa façon à elle d'observer un nouvel arrivant. Mais elle n'avait pas du tout besoin d'une telle béquille pour se repérer au quotidien. Cette femme était aveugle de naissance, bien avant que Teach, l'empereur et artisan du Mal, ne la rende borgne au terme d'une démonstration perverse réalisée devant son auditoire fétiche, les membres de son équipage.

      Et contrairement à ce qu'on pouvait croire, elle était convaincue que dépendre exclusivement de ce pouvoir pour percevoir ses alentours ne ferait que l'affaiblir sur la durée. Voilà pourquoi Boïna Halma n'abusait pas de son aura. Une habitude dont vous ne pouviez que vous féliciter, tant celle-ci pouvait se faire intrusive et oppressante.

      Mais même ainsi, l'aveugle, la colonelle d'élite restait une fière figure très imposante. Une femme borgne ne pouvait pas vraiment être belle, encore moins lorsqu'elle ne couvrait pas ses blessures. Et en l'occurrence, c'était une pauvre paupière balafrée qui se ratatinait misérablement sur elle même, couvrant à peine la sinistre orbite vide plantée là où aurait dû être son oeil gauche.

      Son moignon droit, vestige d'un avant bras coupé à mi-hauteur, n'avait rien de bien avenant, lui non plus.

      À part ces points saillants, on ne vous laissa pas le temps de la détailler plus en avant. La colonelle se contenta de vous saluer d'un signe de tête avant de reprendre sa route.

      À ses gallons et ses médailles, vous pouviez -ou auriez dû, du moins- reconnaître un commandant d'élite.

      Le commandant Bonsapin qui devait vous recevoir, c'était lui.

      Un homme qui se démarquait en premier lieu par sa laideur. En bonne partie du fait d'un visage fort désagréable, ironiquement encastré sur un corps à la musculature presque exemplaire. Extrêmement bien taillée, sèche et saillante, façonnée pour permettre à un minimum de volume de déployer un maximum de puissance. Ce n'était pas de la gonflette. C'était une arme de guerre.

      Mais au dessus de tout ça, il y avait son nez. Tellement gros, large et empâté qu'il n'évoquait rien d'autre qu'un cochon. On remarquait aussi ses yeux. Deux globes énormes, injectés de sang en permanence, qui suintaient et brillaient sous l'éclat des larmes qui humectaient anormalement sa surface, comme si son corps ne fonctionnait plus vraiment correctement.

      Et c'était sans compter sur les nombreuses blessures qui s'étaient accumulées sur son corps au fil des ans et des opérations. La plus terrible était le cratère dans sa pommette, juste en dessous de son oeil gauche. Un creux qui grignotait la grande majorité de son visage, et qui donnait l'impression d'être la résultante d'un coup de marteau qui lui avait ravagé la joue, au point de la déformer durablement.

      -Bonjour, sergent Scorone. Je me présente, commandant Roland Bonsapin. Bras droit de la colonnelle depuis maintenant quatre ans.

      Loin de vous inviter à vous lever, il prit place dans un imposant canapé en face de vous.

      -Alors, qu'est ce que z'avez fait d'mal, vous? Et qu'est ce que z'aimeriez faire? On a besoin de bras pour une petite opération... au sein d'une petite troupe assez particulière. C'est assez rigolo, en fait.

      Le commandant marqua une petite pause, sortit un mouchoir pour éponger les larmes qui s'écoulaient de son oeil gauche visiblement détraqué -effet secondaire d'une blessure empoisonnée assez récente, pourriez-vous apprendre plus tard- avant de reprendre.

      -Un capitaine pirate et toute sa clique -on parle d'une très grosse clique- a détourné un navire de guerre de la marine, l'H.M.S. Sanzoku, pour son usage personnel. Et on parle d'un gros, gros navire. Cent soixante sept mètres de long, cinq ponts, conçu pour accueillir et sustenter plus de mille cinq cent matelots. Vous voyez la menace que représentent les hauts pontes de la piraterie de Grandline? Red, Tahar, ce genre de types qu'on voit régulièrement dans le journal du monde? Eh bien le gouvernement a préféré investir davantage dans le Sanzoku que dans la prime attribuée à ces dangers sur pattes qui ne perdent pas de temps pour faire parler d'eux. Et c'est pour cette raison que l'État Major a décidé de dépêcher notre troupe d'élite sur l'affaire. Ce que l'on a accepté avec grand joie. Il est temps pour nous de reprendre du service... à ceci près qu'on manque de bras. D'où ces séances de recrutement. L'idée est de reprendre le navire par les armes, et comme vous pouvez vous en douter, y'a du boulot. Une véritable forteresse, une nuée de canons flottante, et ridiculement maniable -mais pas rapide- pour la taille que ça a. Un truc comme ça pourrait souffler presque n'importe quelle base de la marine si on la laisse trop s'approcher. Tout ça avec une armée de pirates à son bord, et on est quasiment certains que ce sont les Schizotecks qui ont dirigé le coup. Des pirates qui se sont démarqués grâce à leur petite centaine d'ingénieurs très prolifiques qui portent très largement le reste de leur flotte. Ils étaient affiliés à Toresky, et essaient maintenant de rassembler ce qu'ils peuvent de ses restes sur Grandline avant de... on ne sait pas encore, mais ça n'est pas notre souci à nous. Nous, on a des centaines et des centaines de pirates à massacrer et à désespérer pour qu'ils nous rendent notre navire. Et on a besoin de bras. Et il se pourrait que les vôtres nous intéressent. Ou que vous n'ayez pas le choix, d'ailleurs. Alors nous y voilà. Qu'est-ce que ça vous évoque, sergent?
        *Garoouuik*

        Je rougis un peu. Vite, détourner l'attention de mon estomac affamé. Rester au garde-à-vous. Parce que je meurs de super faim, mais c'est pas vraiment le moment. Je commence à avoir mal à la tête, parce que j'ai faim et aussi parce que le commandant Bonsapin a parlé ultralongtemps, mais c'est pas non plus le moment d'y penser trop. Là faut que je réponde, il a posé une question et ... euh ... c'était quoi déjà ? Ah oui. Est-ce que ça me choque ?

        - Non pas du tout. Pas de problème.

        Battement de cils. Un instant de flottement, je reste interdite. Enfin je crois que ça veut dire que je dis rien pendant un instant. En tout cas je dis rien pendant un court moment, peu importe le mot. C'est pas ça qu'il a dit, je suis bête ou quoi ? Nom de nom de nom de nom, ça va pas du tout.
        J'inspire fortement, j'expire longuement. Du calme Gallena, du calme. Redresse la tête, souris, excuse. Et vite !

        Je m'exécute. Pas à mort hein. Juste l'action.

        - Pardonnez-moi. Je me suis embrouillée les pintades. Pinceaux. Je me suis emmêlée les pinceaux.

        Je claque mes mains devant ma bouche. J'avais assuré avec les deux bureaucrates, c'est quand même pas la faim qui me fait dire autant de bêtises. Quoique c'est pas impossible. Holàlà, je dois être rouge comme un canari. Je veux dire, une tulipe. Quoique, il y a des tulipes jaunes aussi.

        - C'est ... la personne qui est sortie. Colonel, non ? Je ... ...
        Quoi qu'il en soit j'ai bien compris ce que vous demandiez. C'est faisable, c'est faisable. Vous manquez de bras, j'en ai plein des bras. Partout où y a besoin, j'en ai des bras. Regardez, la preuve.


        D'un geste de la main gauche, je fais apparaître plusieurs bras sur le sol entre nous deux.

        - Je peux facilement soulever ce canapé, et vous avec. Je peux faire apparaître des poings sur les gens et les murs. Je peux *grooouik* .. peux me battre très bien avec mes poings, mais je maîtrise correctement d'autres armes. En particulier les couteaux à lancer. Les fusils, les épées, les bazookas, je me débrouille, mais ce n'est pas ma spécialité. Je suis rapide, même si j'ai entendu parler d'un truc qui permettrait de courir encore plus vite. Je ... ma spécialité, c'est me battre. Et vendre du pain, mais je crois que ce n'est pas très important pour l'occasion. Sauf si votre plan pour aborder le navire consiste à se déguiser en boulangerie ambulante.
        Je ... je ... je ... alors ... ben du coup à cause du fruit du démon je peux plus nager et je vois pas grand chose de plus.

        Si la question, c'est est-ce que ça m'intéresserait de venir, alors je réponds oui. Bien sûr. Avec plaisir. Je suis à votre disposition pour cette affaire.


        Un nouveau grondement. Mon ventre qui proteste. J'offre un petit sourire gêné au commandant.

        - Excusez-moi pour ce que je vais dire commandant, mais ... vous sauriez s'il y a des cuisines dans les environs ? Je n'ai pas mangé depuis longtemps et ... vous entendez le résultat, je crois.

        Un petit sourire très gêné.
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        -Oh, je vois. Eh bien allons. Pourquoi pas.

        Le commandant se leva en tapotant sa bedaine. Ou plus exactement, en faisant vibrer les muscles abdominaux surentrainés qui se devinaient sous la chemise de son uniforme. C'était un homme d'une taille un peu en dessous de la moyenne, surtout parmi les officiers.

        -Je vous propose de continuer au mess, dans ce cas. Si vous ne savez pas où c'est, je vais vous faire visiter. Pas un souci.

        Absolument pas un souci en ce qui le concernait. Le tiers du temps qu'il passait à la base était consacré à du renforcement personnel. C'était nécessaire, compte tenu de la longue convalescence dont toute son unité sortait.

        Et pour soutenir un tel entraînement au quotidien, il se confirmait à un régime assez particulier. Cinq repas par jours.
          C'était vrai ce que j'avais dit. J'avais pas mangé depuis longtemps, très très longtemps.Bon, un peu façon de parler, mais quand même pas tellement. Hein, parce que, le navire il arrive le matin, d'accord. Je pose mes affaires, je mange le repas du midi mais c'était pas de la super bonne nourriture parce que ben c'est le même repas pour tout le monde, on m'envoie voir l'administration ... et c'est là qu'il y a un problème. Parce que quand on me force à réfléchir, moi ça me fatigue et ça me donne faim. Enfin, ça me donne faim, mais quand on a faim on est fatigués. En plus ça donne mal à la tête, mais ça je crois que c'est la faim encore. J'aime vraiment pas réfléchir, c'est pas agréable.
          Non, moi je préfère me passer de réfléchir tant que c'est possible. C'est pour ça que c'est bien la bagarre, parce que y a pas à réfléchir en général. Bon, des fois faut un peu penser et avoir des idées géniales, mais ça ça va vite, c'est pas excessif. Alors que devoir faire attention à ce qu'on dit parce que sinon des bureaucrates vous tendent des pièges, ben ça, c'est ultratrop excessif.
          C'est de l'excessivité et je me fiche de savoir si le mot il existe ou il existe pas je l'invente quand même na.

          Alors là, comme je mange avec un commandant d'Elite, un officier donc, j'en profite un peu pour demander de bonnes choses à manger. Mais ils ont pas de désert, là où on est allés mangés. Et puis niveau nourriture, c'est un peu limité comme choix. Mais c'est déjà meilleur que ce qu'on a eu à midi. Et puis je m'en fiche, ventre qui meurt de faim n'a pas d'oreilles, comme on dit. Même si je vois pas l'intérêt des oreilles quand le but c'est de manger, mais c'est clairement pas important.

          Il a l'air vraiment sympa, ce commandant. Je crois que je l'aime bien. Après, il faut voir comment il est à l'exercice et sur le terrain, si ça se trouve en vrai c'est un méchant qui fait croire qu'il est pas méchant mais en fait si ! Ou alors c'est pas vraiment un méchant, ça je veux bien le croire. Ça serait mieux quand même.

          En tout cas, j'ai vraiment envie de participer à leur histoire. Ça a l'air fait pour moi, ça. Combattre dans un navire, comme y a des couloirs étroits, on peut se dire que c'est pas pour moi, qui suit rapide et super rapide, mais pas vraiment costaude. Mais en réfléchissant, dans un couloir étroit, y a pas forcément la place pour des armes à feu. Ou alors j'arrive et je les prend par surprise. J'aime vraiment pas les armes à feu, c'est lâche et c'est de la triche. Les gens ils se mettent loin et ils vous tirent dessus, ces vilains pas beaux.
          Oh, mais avec mon nouveau pouvoir ... j'ai une limite de distance ? Si ça se trouve, même ceux qui se planquent loin, je peux les atteindre ...
          Il faut vite que je teste ça !!

          En tout cas, ça va être super. Un peu dangereux peut-être, mais ça c'est pas grave. Tant qu'on me demande pas de nager, je peux tout faire. Même me mettre aux abris si ça devient vraiment trop dangereux. Mais y a pas de raison que ça le devienne.
          Et puis même si ça le devient, y aura le Colonel Boïna avec nous. Elle a l'air forte, même si elle est aveugle.

          J'espère qu'elle va pas recommencer à palper les gens à distance comme elle fait, par contre. Ou en tout cas pas moi. C'est vraiment pas agréable et ça risque de me déconcentrer.
          Et en plus, c'est pas normal.
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