ROUND I
Compagnons d'Infortune
Compagnons d'Infortune
Au large, à une dizaine de kilomètres de l’île où se trouvait le Quartier Général de la Marine de West Blue et celui de la Bounty National Agency, la plus influente guilde des chasseurs de primes, un petit navire de pêcheurs glissait silencieusement sur la mer calme et scintillante sous la lumière du soleil qui venait à peine se lever. À son bord quatre gaillards, bâtis tout en muscle, une carrure idéale pour leur métier, et une intruse à longue chevelure blanche, accoudée au bastingage pour surveiller le fond de mer translucide. Un des hommes vint se positionner à côté de la jeune femme. - On dirait qu’il n’y a pas tellement de poisson par ici ! - Il faut qu’on aille encore plus loin au large. Chaque année nous sommes obligés de s’éloigner de plus en plus, pour espérer ne pas rentrer les mains vides. Tous ces bateaux qui sillonnent la mer, ne sont pas bons du tout pour notre gagne-pain. À ce rythme, nous allons devoir nous reconvertir en pêcheur des poissons primés au lieu des poissons à manger ! Face au jeu de mots pourris du marin-pêcheur, les deux personnages éclatèrent de rire. - Je vous engage de suite ! Tous les quatre, sans exception, lança la jeune borgne avec enthousiasme, une fois calmée, tout en fixant son interlocuteur. - Faire équipe avec l’adorable Yamiko, serait une bonne raison pour s’engager mais je ne sais pas si je serais aussi doué avec un filet de pêche qu’avec un sabre … Tiens ! Depuis quand as-tu succédé à ce bon vieux Suzukawa ? Ce n'est pas lui qui s’occupe des recrutements normalement ? - Si et je lui laisse volontiers son bureau et ses déplacements pour les promotions de l’organisation. Moi je recrute sur le terrain. Le piston, tu vois ? En plus ça t’éviterait son épreuve de résistance bizarre … brourrrrrrrr, je frissonne rien que d’y penser. - C’est si terrible que ça ? - Non. Je ne dirais pas que c’est terrible mais plutôt particulier. - Comment ça ? - Il m’a torturé en me faisant rire au point que j’en ai perdu la voix pendant deux jours. - Hahaha ! Je vois ! … En même temps, je le vois mal torturer autrement. Ce n’est pas le genre d’homme à faire du mal à un autrui pour si peu de chose. - En effet, les tortures physiques ce ne sont pas ses trucs mais il est très doué pour le faire moralement. Je n’ai jamais rencontré un homme aussi doué en langage. Malgré son air d’un ange, il peut te faire ressentir la terreur rien qu’avec des mots et ce tout en gardant son sourire innocent. - Hé les amoureux ! On est arrivé ! - Bon, le boulot commence ! La vitesse du bateau fut ralentie alors que trois pêcheurs posaient les filets. Une fois la phase initiale de leur besogne achevée, tous se mirent à pêcher en ligne, en attendant que les poissons ne viennent remplir les pièges alors que le navire avait été stabilisé. Même la jeune borgne s'invita à la pêche. En plus d'avoir eu droit à sa propre canne à pêche, elle eut quelques leçons sur comment utiliser l'outil par un professionnel. Seulement, après seulement une dizaine de minutes d'attente, elle commença à trépigner d'impatiente. Ce genre d'activité qui réclamait d'être posté longuement à un même endroit, n'était pas vraiment pour elle qui avait besoin de bouger sans cesse pour ne pas succomber à l'ennui qui était l'un de ses pires ennemis. Cependant ne voulant pas froisser ses amis pêcheurs qui l'avaient joyeusement invité à les accompagner pour cette journée, comme si, par sa présence à bord, ils cherchaient à tuer leur quotidien monotone, la chasseuse de primes tenta de cacher la lassitude qui commençait à la gagner. Heureusement que les conversations, plutôt animées, étaient là pour la maintenir parmi eux. Plusieurs minutes s'écoulèrent de nouveau et la jeune borgne s'apprêtait à plonger dans la mer, juste pour le plaisir de faire autre chose que de surveiller une ligne qui n'attrapait rien, un gigantesque navire se profila à l'horizon. Tout comme elle, ses compagnons avaient surement supposé que c'était un bateau de pirates car à sa vue, les pêcheurs abandonnèrent leurs postes pour aller s'armer. Deux sortirent chacun un fusil, aussi en mauvais état l'un et l'autre que la jeune borgne se demanda s'ils étaient en état de fonctionner alors que les deux autres ramassèrent des harpons et des couteaux utilisés pour vider les poissons. Tous revinrent ensuite à leur poste de pêche, mine de rien, cachant autant que possible leurs armes d'infortune à portée de leurs mains. - Il ne serait pas préférable de tenter de s'éloigner, tant qu'on a a encore le temps ? - Cela pourrait attirer leur attention. La plupart s'en fichent de nous pauvres pêcheurs mais beaucoup de nos camarades se sont déjà faits attaqués. On s'équipe donc par précaution. Il faut éviter de les provoquer. - En général, les pirates évitent de trainer par ici à cause des vas et viens des chasseurs de primes pour se rendre sur notre île mais cela ne les dissuade pas tous. Certains s'aventurent même exprès près de l'île juste pour provoquer les chasseurs de primes. Comprenant la situation, la jeune borgne se leva à son tour pour aller récupérer son sabre à deux lames, qu'elle avait laissé dans la cabine. Tout comme ses compagnons d'abord, elle cacha l'arme non loin d'elle au lieu de la ranger à sa place habituelle dans son dos. Dans un silence, perturbé par le bruit des vagues qui tapaient contre la coque du bateau, les cinq personnages fixèrent celui qui se rapprochait. - Merde ! C'est elle ! Lança la jeune borgne, reconnaissant le navire, une fois que celui-ci fut assez prêt. - Elle ? Qui ça ? - Une pirate qu'on surnomme L'armure ! - Jamais entendu parlé ! - C'est parce qu'elle vient tout juste de se faire un nom mais croyez-moi, elle n'est pas à prendre à la légère ! Grâce au vaste réseau d'informations de la B.N.A., les membres de l'organisation, comme elle, étaient au courant de l'identité du dernier criminel qui sillonnait chaque Blue. Le bateau qui s'approchait correspondait à la description de celui qui avait été déclaré en étant celui de L'armure. Une femme qu'elle avait rencontrée, il y avait tout juste quelques mois à Las Camp. Juste avant son engagement dans la B.N.A. Il semblerait que la boîte de conserve ambulante avait gagné en notoriété, dans le côté obscur, et la chasseuse de primes se demanda si la blonde qui l'avait volé un baiser, lors de leur au revoir, avait gardé ce regard où dansait encore une lueur d'humanité ou bien celle-ci avait fini par s'éteindre définitivement. Pour la sécurité de ses compagnons, la jeune borgne était consciente qu'elle devrait se cacher car L'armure connaissait son identité mais au lieu de cela, une envie irrépressible la maintint clouée sur place alors que son regard ne cessait de guetter le bateau à la recherche du capitaine de celui-ci … |
Dernière édition par Yamiko le Lun 22 Juin 2015 - 20:35, édité 2 fois