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That's Murphy Theory.

Zaun était un endroit sordide où peut de personne aimer s'aventurer. Par ailleurs, l'île n'était pas réputé pour son tourisme et ses nombreux lieux à visiter. Plutôt pour l'atmosphère toute particulière et les règles de vie qui y régnaient. La loi du plus fort, ou du meilleur, ou quelque chose du genre... Bref, un loi que Fantine connaissait plutôt bien, vu l'endroit d'où elle venait. Zaun était donc fait pour elle, et elle pour Zaun.

La jeune fille leva la tête vers le ciel sans pouvoir l'entrevoir. Les bâtiments qui l'entouraient étaient trop hauts, et une épaisse couche de pollution éclipsait le bleu. Une odeur de souffre et de cambouis dans l'heure, un parfum caractéristique des îles comme Zaun. Un parfum, donc, que Fantine savait presque apprécier. Elle avait l'impression qu'une pellicule de souillure lui recouvrait la peau, une pellicule de transpiration, de moiteur âcre, de poussière aussi peut-être.  Elle s'en moqua bien, tirant plutôt la lettre de sa sacoche.

Elle la relut dans sa tête.

Quatorze heure pétante, qu'il y avait noté. Elle regarda sa montre avec un petit sourire. Encore un quart d'heure.

Il y avait une adresse aussi, par laquelle elle était passé en début de matinée pour faire un tour d'horizon.

Et plus d'indications l'attendaient là-bas.

Un sourire s'invita sur ses fines lèvres, alors qu'elle revenait sur ses pas avec la même cadence. Un rythme balancé sur ses grandes jambes trop fines, mais qui la portaient quand même. Les mains allant et venant, d'avant en arrière, se lançant au gré de sa démarche chaloupée. Elle poussa un long soupir presque mélodieux en arrivant devant l'endroit.

Un lieu bien sobre, presque sinistre. Des vitres crasseuses ne laissant passer aucune lumière, une porte lourde qu'elle poussa à la force de ses petits bras osseux. L'intérieur ne valait pas mieux que l'extérieur. Des tables aux chaises dépareillées, la plupart bancales ou à qui il manquait un pied. Les verres étaient couverts de crasses que l'on voyait à l'oeil. Et dans ce restaurant, un seul homme. Au milieu de la salle, assis à une table, devant une assiette encore pleine. Fantine avala la distance jusqu'à lui, se posa pile en face avec un grand sourire et un regard pétillant de malice.
Il la détaille. De haut en bas, de bas en haut, alors qu'elle posait ses bottes boueuses sur la table et ses mains sur son ventre.

« Je ne savais pas... que c'était vous que j'attendais... »

Il sembla déçu. Sous son chapeau haut, derrière ses lunettes en demi-lune et sa moustache entretenue finement. Il ne l'attendait pas. Sans doute qu'il s'était fait une image de la personne qu'il avait engagé par le biais d'une petite annonce. L'image d'une personne qui aurait pu être... fiable. Différente plutôt. Une personne qui n'aurait pas été Fantine.
Elle commanda sans gêne et fut servie rapidement.

« Je ferais avec, obtempéra-t-il finalement. Voici Jules. »

L'homme posa sur la table une photo qu'il tendit vers Fantine. La jeune fille la regarda à peine deux secondes avant de relever le nez vers son verre de chocolat. L'oreille attentive qu'elle prêta à son vis-à-vis, elle écouta avec patience la voix monotone de l'homme :

« Il faisait parti de notre club de Bridge, il y a de ça trois semaines. Nous sommes un club réputé, porteur, et beaucoup de nos membres sont des gens bien. Jules... Est parti avec la caisse et sans laisser de traces. On dit qu'il se trouve ici. »

« Peu des miens sont au courant de la démarche, mais je voudrais que vous récupériez ce qu'il a volé, et que vous lui donniez une correction méritée.
Ahun... »

Elle souffla dans son verre, faisant remonter les bulles d'air à la surface dans un bruit dérangeant le silence de plomb. Puis, elle se stoppa soudainement et demanda avec innocence :

« Vous voulez que je le tue.
… Ce n'est pas moi qui l'ais dit, lança-t-il d'une voix gênée. »

Elle haussa les épaules. C'était d'accord.
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Assis dans un fauteuil de la chambre minable, Kurn avait la fenêtre et la porte dans son champ de vision. A côté de lui, sur le lit, Jules remua dans son sommeil. C’était déjà l’après-midi, il ne tarderait probablement pas à se réveiller. Le sac contenant les possessions de l’homme était posé à côté de lui, dans le lit, et il avait le bras passé autour afin d’être certain de ne pas se le faire arracher pendant son sommeil.

Kurn avait les paupières un peu lourdes. Il n’avait pu que somnoler les dernières heures, pas réellement se reposer. Pour la millième fois, il repensa à sa rencontre avec l’humain blondinet. C’avait été la nuit précédente, vers trois heures. La rascasse était assise dans un bar, en attente d’un contrat. Il avait même pris sa chambre à l’étage et passé une annonce dans le torchon local. ‘’Mercenaire, cherche contrat. Légal.’’
Jules était entré, à moitié paniqué, à moitié méfiant. Il était allé parler au tavernier, un dénommé Lloyd, avant de se diriger vers sa table sur un signe de la main du barman. Le pichet de bière locale était toujours plein depuis que Kurn l’avait commandé, quelques heures plus tôt. La boisson devait être éventée, mais cela n’empêcha pas l’inconnu de se servir.

Même sans se tenir droit sur son banc, la rascasse le dépassait de plusieurs têtes. Elle lut dans le regard de son vis-à-vis que c’était exactement ce qu’il cherchait.
« J’ai besoin d’un garde du corps pour quelques temps.
- Pourquoi ? Gronda l’homme-poisson.
- Cela ne vous regarde pas.
- Je ne prends que des missions légales. Si vous ne me dites pas pourquoi vous venez, je n’accepte pas le contrat. C’est à prendre ou à laisser. »
L’homme prit nerveusement une gorgée.
« Je m’appelle Jules. J’appartiens –appartenais, à un club de bridge. Il y a quelques heures, je suis parti avec la caisse. »
Kurn le regarda de haut en bas. Complet, veston, chaîne en argent massif de la montre à gousset visible, propre sur lui. Mettons que c’est vrai.
« Kurn, enchanté. Volée, la caisse ?
- Non ! Fit Jules en tapant sur la table en bois. Non… J’ai rejoint ce groupe il y a quelques mois. Je ne savais pas qu’ils étaient tous alliés. A chaque partie, systématiquement, ils s’arrangeaient pour me faire perdre et se redistribuaient les bénéfices, y compris celui qui perdait dans mon équipe.
- Je vois. Modalités ?
- Pardon ?
- De la mission ? Les modalités ?
- Vous devez assurer ma protection jusqu’à ce que… »

Kurn fut dérangé de ses réminiscences par son contrat qui se redressa sur son lit.
« Bien dormi, Jules ?
- Hm, heim, oui, répondit-il en pandiculant. C’est quoi le programme ?
- On reste ici jusqu’à l’heure du rendez-vous. Vous vous couvrez. Vous avez une cape ? Une capuche ? Un écharpe ?
- Rien de tout ça. Il fait trop chaud, de toute façon, cela serait suspect.
- Vous êtes certain qu’ils vont vous traquer ?
- Bien sûr, il ne s’agissait que de voleurs, de truands. Ils ne vont sûrement pas laisser ça impuni. »

L’homme-poisson s’arrêta pour réfléchir.
« Je vais aller essayer d’acheter quelque chose. Restez ici et n’ouvrez pas la porte, faites-vous discret. Ils ont pu retrouver votre trace depuis la nuit dernière.
- Bonne idée. Et pour le petit-déjeuner ?
- Je vais demander à l’aubergiste de monter quelque chose. A tout de suite.
- Je… Vous êtes sûr qu’il ne va rien m’arriver ?
- Je vais faire vite. »

La rascasse prit sa bourse. Son fauteuil craqua quand il se leva, son dos aussi. De son pas lourd habituel, il ouvrit la porte et vérifia, au son, que Jules la verrouillait bien derrière lui. Une fois rassuré, il descendit les escaliers, en se tenant de biais pour ne pas frotter les murs sales. Quelques mots à l’aubergiste pour s’assurer que son contrat serait nourri et il fut dehors.

Bon. Trouver un genre de foulard pour cacher le visage. Quelque chose qui soit crédible par grande chaleur, comme c’est le cas actuellement. Quelque chose d’Hinu Town ? Ou un chapeau à large bord ?

Kurn fendait la foule, regardant dans toutes les directions pour trouver, sur les étals du marché où il se trouvait, un accessoire qui ferait l’affaire. Il jeta finalement son dévolu sur un chapeau haut-de-forme dont les bords étaient un peu ramollis par l’âge, et le haut du couvre-chef s’enfonçait un peu.
« Il sera un peu petit pour vous, monsieur l’homme-poisson.
- C’est pour un cadeau.
- Vous voulez que je vous l’emballe ?
- Non, ça ira très bien comme ça. Merci. Au revoir, bonne journée.
- Merci à vous monsieur. »

Quelques minutes plus tard, il se trouvait au rez-de-chaussée de l’auberge qu’il utilisait comme Quartier Général et dans laquelle l’attendait Jules. Une lueur craintive dans le regard que lui adressa Lloyd le mit sur ses gardes.

Evidemment. Il a dû vendre la mèche à quelqu’un.

Jules. Vite.


Kurn avala quatre à quatre les marches menant vers la chambre.


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Vendre n'était pas exactement le mot qui correspondait à ce qu'il s'était passé. Donner des informations en échange de sa vie était plus juste, en réalité. Il n'avait suffit à Fantine que de lui coller le visage sur le comptoir et de lui fourrer des pétards dans les narines et les oreilles pour lui faire comprendre qu'elle voulait une réponse honnête et rapide. Dans ce genre de situation, les gens avaient tendance à dire la vérité. Il suffisait souvent que d'une menace appuyée pour saisir qu'il valait mieux ne pas réfléchir.

Et en fin de compte, Fantine avait aussi été aidé par un heureux concours de circonstance. Pressant les mèches les unes après les autres entre ses deux doigts, elle remercia le gérant avec un sourire franc, en se dirigeant vers la chambre qu'on lui avait indiqué.

En cognant à la porte, elle eut la satisfaction d'entendre une voix tremblante et effrayée lui demandant qui était là. Puis, du mouvement dans la pièce... Et comme toute réponse, elle enfonça l'entrée d'un coup sec du talon pour la faire sortir de ses gonds. La porte s'effondra dans la petite chambre en un fracas énorme, et Fantine eut très vite à faire avec celui qu'elle cherchait. Au centre, se reculant d'un pas quand elle avança d'un autre. Elle n'eut même pas besoin de sortir la photo usée de sa poche qu'elle avait pourtant montré à une bonne vingtaine de personnes ces dernières heures.

« Qui êtes vous ?!
Mon nom est personne, fit-elle tout à fait sérieusement avec le regard perçant. Non, je déconne. J'ai toujours rêvé de dire ça ! »

Son sourire s'étendit en tirant un sac de sa sacoche, ainsi qu'une corde. Un nœud rapidement fait plus tard, elle joua du lasso pour attraper sa proie par le cou, et la tira à elle d'un mouvement sec pour la faire tomber à genoux :

« Et en vrai, tu vas venir avec moi ! »

Elle lui enfonça le sac sur la tête rapidement, après l'avoir baffé pour le plaisir de le faire. Il ne voyait plus grand chose, et était tenu fermement par une gamine haute comme trois pommes qui cachait bien sa force. Inutile de dire qu'elle n'allait pas prendre son temps dans le coin, et qu'elle n'avait pas non plus l'intention de repasser par l'entrée avec son colis sur l'épaule. Elle le traîna derrière elle alors qu'il se débattait furieusement. La jeune fille dut par ailleurs le sonner contre un mur pour s'assurer un minimum de collaboration.
Arrivés au bout du couloir, elle trouva une fenêtre crasseuse qu'elle ouvrit. Après un rapide coup d'oeil en bas, elle avisa une poubelle laissée en-dessous, et balança sans grand ménagement sa proie. Cette dernière chuta en hurlant à plein poumon jusqu'à rentrer dans le conteneur, et elle suivit la même direction en s'amortissant à l'aide de son nouveau compagnon. Jules s'agita à l'intérieur, cherchant à se redresser. Mais Fantine ne lâcha pas la corde malgré les invectives de son vis-à-vis :

« Laissez-moi... Je ne sais rien... Je ne dirais rien... »

Blahblahblah, pensa-t-elle pour elle même en s'extirpant du bac, et en tirant Jules derrière elle. Elle retira une épluchure de pomme de terre de sur son épaule, avant de tapoter gentiment la tête de sa proie qui venait de tomber à ses pieds :

« Il me faut l'argent, fit-elle d'une voix douce.
Je ne l'ai pas...
Nt, mauvaise réponse ! »

Elle lui colla un coup de pied dans les bourses sans préavis. Jules se tordit de douleur au sol en suffoquant, articulant péniblement :

« Je vous jure que je ne l'ai pas ! Il n'est pas sur moi ! »

Fantine roula des yeux. Et elle lui attrapa ensuite le bras pour le tordre dans le mauvais sens, restant parfaitement naturelle et souriante :

« Attentioooon, ton bras se caaaasse ! Où est l'argent ? ♥ »

Jules cria, la suppliant de ne pas lui faire de mal, et lui promit à nouveau ne pas l'avoir avec lui. Elle le fouilla. Sans doute qu'elle aurait mieux fait de commencer par ça. Et en effet, elle ne trouva rien. Jules avait dû le planquer dans sa chambre, et elle n'avait pas pensé à vérifier. En relevant le nez vers la fenêtre, elle aperçut une tête passer par l'ouverture pour regarder dans la rue... Elle se planqua contre le conteneur en tirant Jules avec elle. Bon... Elle ne pouvait pas retourner dans la chambre dans l'immédiat, puisque quelqu'un y était déjà, et sûrement sur les traces de sa proie.

Là, elle devait prendre le gars avec elle, et revenir plus tard pour l'argent qu'il avait dérobé. Pour l'instant, l'idée était simple :

Prendre la tangente avec son Jules sur les talons.
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Après un bref coup d’œil à l’extérieur, ne montrant rien de particulièrement intéressant, Kurn repassa la tête dans la chambre et ferma la fenêtre. L’homme-poisson ferma les yeux et se frotta les tempes en se concentrant.
Déterminer s’il a été enlevé ou s’il est parti tout seul. Probablement enlevé, tout de même. Je dois demander à l’aubergiste. Mais d’abord, inspecter la chambre d’hôtel. Il y a peut-être des preuves d’une bagarre. Visualiser comment les meubles étaient placés avant mon départ.

Kurn conjura une image de l’organisation de la pièce avant qu’il parte acheter le chapeau haut-de-forme. Heureusement, une partie de l’entrainement aux arts martiaux passe par la méditation et l’entrainement contre des chimères de l’esprit, surtout via les katas.
Son regard passa sur tout le mobilier, les tiroirs, les placards, aussi méticuleusement que s’il devait y faire le ménage. Car tout semblait en place. Ensuite, la rascasse examina les traces de poussière le long des murs et dans les coins mal nettoyés par la femme de ménage, ce qui lui assura un peu plus de succès : le lit avait été trainé le long du mur avant d’être remis là où il avait toujours été.

Logique, si on considère que Jules a passé la majeure partie de son temps ici. Par contre, il ne semble pas y avoir eu d’affrontement. Ils étaient peut-être plusieurs. D’abord, examiner la couche.

Jetant le haut-de-forme qu’il avait tenu jusque-là sur la table basse à côté du fauteuil, Kurn se baissa et, d’une seule main, souleva le lit, révélant le sac fétiche de Jules, celui contenant toute la fortune que Jules avait reprise au club de bridge. D’ailleurs, club de cartes, ce n’est pas une manière de dire mafia, triade ou organisation délictueuse ?

Je verrai bien
, songea Kurn en se promettant de faire davantage attention à ses contrats à l’avenir. Mais si les gens ne me disent pas la vérité, qu’y puis-je ? Dans tous les cas, Jules ne serait jamais parti sans argent, celui qui le rendait si nerveux.

Ce n’est qu’à ce moment-là que la rascasse se rendit compte que la porte était légèrement de guingois, le verrou brisé. Oui, bon, je serai plus attentif la prochaine fois. Les détails que l’ont peut manquer…

Ramassant le sac plein de billets, il redescendit vers le rez-de-chaussée pour demander des informations sur les intrus.
« Je ne suis au courant de rien !
- Vous avez vu des gens monter. Ces gens vous ont dit qui ils cherchaient. Et vous leur avez indiqué.
- C’est faux ! Il est parti tout seul !
- La porte de la chambre a été enfoncée.
- Ah ? Drôle, non ?
- Ils ont dû vous promettre mille souffrances si vous parliez. Ils ne sont pas là. Moi si, fit Kurn en approcha son visage à quelques centimètres de celui de l’aubergiste, les lèvres retroussées.
- Hmpf. Vous oserez rien faire.
- On parie ? Répondit Kurn en posant une main grande comme un battoir sur son épaule, le faisant pencher sensiblement.
- Unejeunefilleauxlongscheveuxbleuspetitequilecherchaitmaisellen’estpasredescendue.
- Merci. Je ne règle pas la note pour la dernière nuit, l’hospitalité laisse à désirer.
- Je… »

Avec cette fois deux sacs à la main, celui contenant ses affaires et l’autre l’argent, il sortit dans la rue. Cheveux bleus, cela ne devrait pas être si horrible à trouver, même ici. Kurn se dirigea immédiatement vers les bas-fonds de Zaun. Enfin, les bas-fonds… Ceux qui sont encore plus bas que les autres.

De toute façon, vu les méthodes, il s’agit soit d’une mercenaire, soit d’une organisation mafieuse, comme je le suspectais. Je vois mal un club de bridge venir de lui-même fracasser des portes. Donc, le plus simple est de commencer par chercher la coupable. J’ai même un signalement très sommaire.


Respectant son propre plan, la rascasse chercha les coins les plus crasseux et mal-famés possibles. Et, comme prévu, il trouva ce qu’il comptait y trouver. Un rassemblement de prostitué(e)s occupant toute une petite place et quelques ruelles alentours.
Et, là où il y avait de la prostitution, il y avait généralement des proxénètes. Ceux-ci travaillent rarement seuls, se trouvaient généralement adossés à d’autres activités lucratives comme la protection tarifée, la revente de marchandises tombées de la charrette, la re-répartition de biens de luxes possédés par d’autres et le commerce de paradis artificiels.

On croirait presque qu’il s’agit de gens bien.

Kurn se dirigea droit vers un trio d’hommes qui, cigarettes au bec, discutaient tranquillement.

La fille aux cheveux bleus. Je trouverai sa piste. J’ai l’argent, ils ont Jules.


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Elle ne compta pas les jours qu'elle passa de planque en planque avec un Jules qu'elle avait presque réussi à domestiquer comme un animal. Ni les infos qui remontèrent à elle, lui disant qu'un étrange type, qui ressemblait le plus souvent à rien ou à pas grand chose de concret à en croire les descriptions, était à ses trousses pour récupérer son otage.
Elle n'avait pas cessé de bouger à chaque fois qu'il se rapprochait un peu trop près d'eux, à chaque fois que son instinct lui hurlait qu'il était temps d'aller ailleurs. Bref, trois jours, ça restait quand même vachement long, et la patience n'avait rien du fort de Fantine.

Elle avait tenté dans un premier temps de remettre la main sur l'argent en retournant dans la chambrette. Elle l'avait retourné dans tous les sens sans jamais pouvoir le retrouver. Et surtout, elle dut se rendre à l'évidence que le type qui était à ses trousses devait le détenir. Tout le problème était de se mettre aux trousses d'un type qui était déjà à ses trousses.
C'était un concept trop étrange pour Fantine, qui tenta bien plusieurs fois de le piéger, au moins pour voir à quoi il ressemblait, sans jamais y parvenir vraiment. Les circonstances avaient fait que, les plans qu'elle mettait en place étaient systématiquement saboté par un détail, et souvent par Jules.

Et elle dut se rendre à l'évidence : Jules n'avait aucunement envie qu'elle récupère son argent. Elle crut bien un soir qu'il chercha à lui expliquer le pourquoi il en avait besoin, mais Fantine ne prêta absolument pas l'oreille à ses âneries. Elle s'en moquait.

Tout ce qu'elle fit, ce fut de poser un escargophone dans sa dernière planque en date, en sachant pertinemment que le protecteur de Jules finirait bien par la retrouver. Trop tard, évidemment, mais qu'importait. Le but était qu'ils puissent communiquer pour un échange. Voilà.

Finalement, quand vint le moment de passer ce coup de fil, Fantine se trouvait dans une cave humide et mal-odorante. Elle avait préalablement assommé Jules pour qu'il n'interfère pas durant la conversation. Et elle avait composé le numéro en se balançant sur ses appuies, impatiente d'entendre la voix à l'autre bout...

« Mushi mu-
Boooooon, je crois qu'on a à discuter toi et moi... Coupa Fantine en allant et venant devant l'escargophone. Finalement, pas si impatiente, ni curieuse, que ça. Puis, elle se ravisa immédiatement et bondit devant en coupant la parole à celui à l'autre bout qui comptait la prendre : Non, en fait, t'embête pas, j'vais causer à ta place... »

Voui. Voilà. C'était une bien meilleure idée. Pis, elle avait pas envie que ça se passe autrement :

« Tu veux le type, je veux la thune. On s'les échange, et basta on en cause plus. Y'a pas besoin d'essayer de négocier le truc, c'est soit ça, soit j'zigouille Jules et j'm'occupe de ta pomme juste après pour être sûre. »

Clair. Net. Précis. Sans détour. Tout elle. Elle joua avec une de ses tresses avant de reprendre :

« On s'retrouve vers les trois heures du matin devant le Ord Mantell. T'vas voir, c'est super concept, ça va t'plaire. Bisous ♥ »

Terminer des négociations/instructions par un « bisou » ça faisait toujours très professionnel.
Assurément.
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Assis dans la salle du rez-de-chaussée de l’hôpital d’Ord Mantell, Kurn attendait tranquillement son tour. Son bandage autour du bras, il regardait le va-et-vient des automates, les malades disparaissant quelques temps avant de revenir, pour les plus chanceux, les moins blessés, armés d’une pièce cybernétique. Qui un bras, qui une jambe, qui une articulation, il y en avait pour tous les goûts.
Mais ça ne serait vraiment pas pratique sous l’eau. Ni probablement pour les arts martiaux. Et d’ailleurs, je n’en ai pas besoin, songea Kurn. La rascasse cligna des yeux, abandonna son examen des prothèses. Bien sûr, les moins favorisés par la fortune ne ressortaient pas. Et la fortune manquante était ici double : il s’agissait d’espèces sonnantes et trébuchantes pour la qualité des soins, et de destin pour la survie à la greffe.

Finalement, je n’aime pas vraiment cet endroit, décida l’homme-poisson. Trop malsaine, cette lutte contre la nature, contre l’ordre des choses. Oh, bien entendu, les gens veulent vivre et survivre, se sentir toujours dans leur peau. Et pourtant, quelque chose d’indéfinissable…

Peut-être était-ce seulement l’odeur poignante d’antiseptique dans l’air.

Et la nuit n’avait rien changé à l’activité du lieu. Presque bruissante, mais les robots ne bruissent pas et les blessés ont davantage tendance à grogner, délirer, ou se plaindre. A la réflexion, il y avait probablement davantage de gens, d’ailleurs. Qui n’étaient pas des gens d’ailleurs, mais plutôt des locaux, des habitués des lieux, venus se refaire une santé.
Beaucoup semblaient venir de gangs, et Kurn en avait même croisé un certain nombre pendant ses recherches de la personne aux cheveux bleus. Et, maintenant, l’heure de l’échange était venu. Mais il serait naïf de ma part de croire qu’elle n’essaiera pas de m’avoir. Je ne suis pas né de la dernière marée. Ne t’inquiète pas, Jules, si tu es encore en vie, je te sauverai.

Pesamment, la rascasse de plusieurs mètres de haut se leva et se dirigea vers la porte, adressant un signe de tête aux truands qu’il reconnaissait de vue, eux se contentant de le regarder d’un air torve. Il haussa mentalement les épaules : Quelle importance ? Dans la nuit, tout sera fini. Les robots se contentèrent de le laisser passer, mettant probablement à jour la liste des gens à consulter.

Une fois dehors, il restait à peine quelques secondes d’attente. Il lâcha son sac de marin à côté de lui et s’adossa contre le mur. Kurn craignait presque de faire s’effondrer le bâtiment ainsi, mais ce dernier en avait sûrement vu de plus dures.
Deux formes approchèrent enfin, d’abord des taches plus sombres dans la nuit, puis elles se précisèrent : une petite forme malingre et, à côté, celle de Jules, reconnaissable. La lumière des torches de l’hôpital d’Ord Mantell éclaira progressivement des cheveux bleus confirmant bien qu’il s’agissait de la kidnappeuse.

Puis Kurn reconnut Fantine. Et elle le reconnut aussi. Kurn s’était toujours senti reconnaissable pour les humains, en raison de gabarit, de sa différence d’apparance, de toute façon. Et cela lui avait déjà joué des tours l’année passée à Las Camp.
« Grooooooooot !
- Je m’appelle toujours Kurn, dit-il en soupirant.
- Qu’est-ce que tu fais là ? Tu es venu à Ord Mantell ? »

Surpris, la rascasse resta la bouche béante quelques secondes. L’échange, c’était pour lui. Mais, conforme à ce qu’elle avait toujours été, Fantine semblait avoir totalement oublié cette situation pour se concentrer sur leurs retrouvailles, perchée qu’elle était à son cou.
Profiter de la donne chanceuse pour récupérer Jules et garder la fortune, que j’ai pris soin de cacher ailleurs ? Ou bien…

Il fut interrompu dans sa réflexion retorse par le bruit de nombreux pas, aussi bien dans l’hôpital qu’à l’extérieur, dans la noirceur de la nuit. La lune, cachée par les nuages, n’éclairait rien, et les quelques étoiles qui brillaient n’avaient pas la moindre efficacité.
Par contre, son instinct d’homme-poisson habitué aux conflits gratuits avec les humains s’agitait. Les narines de Kurn captèrent l’odeur de l’acier, du cuir fraîchement huilé, des corps pas très propres. Et de la nuit, il vit apparaître la tête qu’il connaissait désormais bien d’un mafieux qu’il avait croisé à moult reprises lors de sa traque.

Ils ont dû comprendre qu’il y avait quelque chose à obtenir. Et ils se sont lancés eux aussi sur ma trace, pour remonter à la source…

Trop nombreux...



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C'était à croire que Groot et elle avaient un rendez vous obligatoire tous les ans. Une fois, ça pouvait tenir du hasard, deux, c'était plus que ça. C'était le destin. Ils étaient destinés à se recroiser inlassablement, comme si leurs routes de vie étaient entrelacées pour provoquer ces rencontres. Et pendue à son cou, comme à son habitude, Fantine en avait oublié le lapin qu'il lui avait laissé à Las Camp l'an dernier après la fabuleuse aventure qu'ils avaient vécu dans les égouts. Elle papillonna des cils en voyant la troupe s'approchait et s'extirper progressivement de l'ombre, en demandant avec le sourire à son acolyte d'infortune :

« C'est des copains à toi ? »

Du lot, une masse de muscle en cagoule se dessina encore plus précisément. Se plantant à quelques pas des protagonistes et de la scénette qu'ils jouaient, il présenta une masse grande comme son bras comme toute menace, et un air patibulaire pour annoncer la couleur. Alors... Copain ?

« Pas vraiment, répondit Kurn avec un air mitigé. »

Ça alors.

« Il paraît que y'a d'la thune à se faire, commença l'homme. Combien ?
Ah ça, j'sais pas, demandez-lui. »

Fantine tira sur la chaîne de Jules pour le faire s'approcher un peu plus d'eux, elle n'avait pas lâché Kurn pour autant, jusqu'à en tout cas que leur vis-à-vis ordonne d'une voix grave et autoritaire :

« Attrapez le gars à la chaîne. Débarrassez vous des deux autres. »

Ohoh.
Fantine n'eut même pas le temps d'amorcer la conversation qu'on tirait de sous les vestes trop larges des armes épaisses comme elle. Elle lâcha vivement Kurn pour se mettre à couvert, tirant sur la chaîne de Jules pour qu'il se jette à terre et se protège de cette manière. S'élançant derrière un banc, elle en lâcha la prise qu'elle avait sur celui qu'elle voulait échanger, elle entendit une balle fuser à son oreille et lui rappela par la même que rester immobile était le meilleur moyen de perdre son atout. Entre les coups de feu et les cris des innocents qui se ruèrent à l'intérieur de l’hôpital, Fantine profita d'un  moment d'accalmie pour sortir de sa planque qui la gardait en vie, et allait au devant des ennuis. Un grain de folie dans le regard, elle bondit comme une lionne et manqua de se faire trouer au passage. Elle ne dut sa survie qu'à une forte bousculade de la part de Kurn qui l'envoya bouffer le béton.
Tant pis pour ses genoux écorchés, elle se redressa comme elle le put et retourna au corps à corps, là où elle se sentait à l'aise. Groot en fit de même, puisqu'il avala la distance qui les séparait de tout ce beau monde pour commencer à distribuer gratuitement les coups. Et en encaisser autant. Fantine était petite et chétive, néanmoins, elle était rapide et insaisissable. Kurn, à l'inverse, avec sa taille imposante et sa carrure, transpirait l'assurance. Sauf qu'il laissait plus d'opportunités et d'ouvertures pour ses adversaires.

Mais dans la masse, Fantine se retrouva mise à l'écart sans le vouloir. Un mouvement de côté, terminant de cogner avec ses petits poings sur le nez d'un type, pour écraser son talon dans la joue d'un autre, elle surprit du coin de l'oeil Jules se traîner vers Kurn en tirant sur sa chaîne, et supplier :

« Me laissez pas avec elle !
Ça n'était pas mon intentio-
HEY MAIS ATTENDS ! Le gars avec qui je devais faire mon échange... »

Elle termina d'éclater le crâne d'un type à coup de phalange, envoyant un grand coup de pied dans ses côtes, avant de désigner d'un doigt accusateur l'homme poisson qu'elle pensait être son ami :

« C'ETAIT TOI, GROOT ! »

Elle se sentit trahi. Sans pouvoir le quitter des yeux, le foudroyant du regard de la déception, de l'amitié abusée, elle bouda au milieu de l'affrontement. Le sens des priorités...

« Azyyyy j'me cass- »

Bam!

Une vive douleur la prit à l'arrière du crâne. Elle partit vers l'avant et s'écrasa au sol sans plus rien voir à part des étoiles. La jeune fille chercha à se relever en sentant une vive chaleur prendre le pas sur la douleur. Mais alors qu'elle posait les mains au sol pour se remettre debout, elle sentit une pression sur son dos qui la maintint à terre, suivit d'un autre grand coup de crosse sur la tempe.

Plus d'étoiles. Juste le noir.
Ouille.
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Kurn tendit la main, vainement, vers Fantine. Puis il essuya la sueur qui lui coulait dans les yeux, ses doigts en profitant pour palper les bosses qui commençaient déjà à apparaître sur son front, sa tête, son crâne. Et appuya sur l’arête de son nez pour la remettre en place. Enfin, davantage où elle devrait être, en tout cas. J’ai pris des mauvais coups. Trop. La fatigue, la surprise de revoir la jeune fille déjà croisée à deux reprises sur Las Camp.

Elle est à zaun, désormais. Est-ce vraiment surprenant, considérant sa nature ?


L’homme-poisson écarta momentanément toutes ces considérations qui risquaient de le distraire dans la négociation à venir. Il raffermit sa prise sur la chaîne de Jules, l’enroulant plusieurs fois autour de son poing pour le rapprocher, au point que la tête du fuyard soit quasiment collée à son poignet. Ce sera plus simple si je dois le mettre sur mon épaule pour fuir.
« Vous voulez Jules ?
- On s’en fout d’lui, on veut l’pognon.
- Quel argent ? J’ai pas d’argent ! S’exclama le prisonnier.
- Il ne sait pas où je l’ai caché, répondit Kurn en secouant légèrement la chaîne.
- Donc tu vas nous le dire, ou on te tue.
- Si vous me tuez, vous n’aurez pas l’argent.
- Ou alors on te capture, on te persuade de nous donner la localisation du fric, puis on te tue. Ou on te vend comme esclave, on a pas encore bien décidé. Ca doit dépendre de ton état à la fin, j’suppose.
- Et vous perdez un temps précieux, et l’argent n’est plus dans sa cachette.
- Comment ça ?
- Le sac contenant l’argent est caché, mais pas suffisamment bien pour qu’il ne soit pas trouvé d’ici quelques heures. Mettons, vers le lever du soleil.
- … Tu veux quoi ?
- D’abord, vous allez laisser la fillette ici. Puis nous allons tous partir en direction de la cachette, sauf Jules qu’on laissera là, également. A côté de l’hôpital, ils devraient réussir à se faire soigner. Je vous amène là-bas, vous récupérez l’argent, nous nous en allons chacun de notre côté.
- On prend, la poiscaille. »

Le chef, la montagne de muscle avec sa masse, hocha doucement la tête après avoir observé la situation de ses petits yeux porcins. Il prévoit sans doute de me capturer quand même, et peut-être également les deux autres. Enfin, je devrais suffisamment réduire les difficultés pour qu’ils s’en sortent. Et je trouverai bien quelque chose d’ici là pour survivre.

Un rictus carnassier fit se retrousser les lèvres de Kurn, quasi-inconsciemment.

Le colis a déjà peut-être disparu, pourvu que le tavernier soit suffisamment curieux pour venir fouiller les possessions de ses locataires. Et vu le rade pourri que j’ai choisi, c’est l’inverse qui serait étonnant. La porte n’avait même pas vraiment de serrure, et qui montre bien que c’est légalisé, consenti.

Tous les mafieux se rassemblèrent, et Kurn en profita pour les compter tranquillement, à voix haute, afin de s’assurer que les truands ne tentent pas de se séparer pour régler leur compte à Jules et Fantine. Le jeune homme traina la fillette dans l’hôpital sous leurs regards désintéressés, la plupart remettant leurs armes dans les larges vestes, ou les appuyant sur leurs épaules. Prêts, attentifs au moindre ordre du patron, de préférence pour casser de l’homme-poisson.
Puis ils se mirent en route, d’un pas relativement lent. Après trois intersections, la rascasse était quasiment certaine que quelques-uns avaient pris la poudre d’escampette.
« Dites, il y en a qui sont partis.
- Ah, ils étaient sans doute là pour les berries faciles, et maintenant ils s’sont tirés. J’ai pas vraiment d’autorité sur eux, d’solé. »

Ben voyons.

Pendant qu’ils marchaient à travers la ville, l’homme-poisson, doté de son escorte menaçante, tentait de se souvenir du chemin.
« Hm, je crois que c’est par là.
- Comment ça, tu crois ?
- Je ne connais pas la ville.
- Dis-nous le nom de l’endroit où tu veux aller.
- Pour que vous tuiez sur place ? Hors de question. »
Le poing serra plus fort l’imposante masse. Pour le moment, il consent à suivre le mouvement, mais il ne faut pas abuser de sa patience. Pas trop.

Les pensées de Kurn revinrent à Fantine. Pourquoi ici ? Pourquoi elle ?

Oh, et puis, elle se débrouillera bien.

Et si Jules expliquait convenablement la situation, elle viendrait peut-être même.

Surtout qu’il avait soufflé à Jules le lieu où se trouvait l’argent. Juste avant de l’attacher avec un noeud marin à la jeune fille, pour être certain qu’il ne l’abandonne pas sur place.

Son plan était infaillible.



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Son crâne continuait violemment à la lancer. Elle se sentit promenée puis posée quelque part, le poignet prit dans un lien qu'elle ne discerna qu'à peine. Sur le moment, elle était beaucoup plus occupée à ne rien voir, et à chaque fois qu'elle luttait pour ouvrir les paupières, elle retournait de l'oeil. La voix de Jules en fond sonore, mêlée à la régularité métallique des soigneurs qui arpentaient les couloirs de l'hôpital dans lequel elle était, étaient les seules choses qui la raccrochaient vraiment à la réalité. Mais il manquait quelque chose au tableau. Elle mit un certain temps à le déterminer justement. C'était toujours dur de comprendre quand il manquait quelque chose. Il fallait trouver quoi. Un détail souvent. Une sensation. Elle se souvint d'une peau qu'elle ne ressentait pas comme la sienne. Puis d'une odeur forte de sel marin, une silhouette pourtant difficile à manquer :

« GROOT !
Ah ! Vous êtes réveillée ! »

Fantine s'était redressée brutalement sur son lit où on venait à peine de la coller. Penché au-dessus d'elle, un aide soignant, ou ce qui y ressemblait, qui cherchait à lui foutre une lumière dans les pupilles. La jeune fille lutta en repoussant la main mécanique guidée par un programme aussi têtue qu'elle. Quand ses yeux croisèrent le flash, elle sentit la douleur la prendre dans le fond de sa rétine et la brûler, comme si on lui raclait la fin d'une clope sur l'intérieur de l'os de son crâne. Elle repoussa la lampe comme elle le put en injuriant à moitié, plaçant ses mains devant les yeux en se roulant en boule sur son matelas :

« Ma tête ! Aie aie aie ! Ou il est, Groot ?! »

Mais même aux prises avec une machine qui lui ordonnait de ne pas bouger, à se défaire constamment de la poigne de son aide-soignant, elle n'oubliait pas son objectif principal. Jules était toujours là, mais plus Kurn. Ni les zouaves contre qui elle s'était battue avant de finir assommée. Il y avait des faux raccords dans son histoire et même un certain manque de logique... Sauf qu'on ne la laissait pas vraiment réfléchir au sujet, et quand on tenta de la rallonger, Fantine se sentit obligée d'être particulièrement menaçante :

« Me touuuuche pas toi ! Ou je te déboulonne le crâne !
Ne bougez pas, ordonna la voix métallique en la recouchant sur le lit, alors que Fantine luttait comme une lionne sans se laisser faire.
Ta mère ! Lâche moi ! »

Menacer ne servait plus à rien. Alors la jeune fille se décida à donner le La. Elle s'extirpa des prises de son vis-à-vis, sous l'oeil stupéfait de Jules qui la sommait de rester calme. Se hissant sur ses jambes, elle bondit à la gorge de l'infirmier androïde, et planta les crocs dans les fils qui reliaient sa tête à l'alimentation. Un goût d'huile dans la gorge, elle la recracha sur le sol impeccable de la chambre en retombant sur ses pattes, alors que l'androïde s'affaissait sur lui-même :

« Rouuuh ! Elle fit craquer sa nuque et grimaça à cause de la douleur et de la raideur dans son cou. Elle ne pouvait pas rester là... Non. D'abord, mettre la main sur Groot. Puis, sur l'argent.
Mais où est-ce que vous allez ? Le poisson, il m'a dit que-
Nananananah je m'en fous, je veux pas entendre parler de ce traître mise à part pour savoir où il est et pouvoir lui enfoncer ses piquants dans le fond de la gorge !
Eh bien justement, je sais où il est... »

Jules l'avait suivi, pas par choix, jusqu'au milieu du couloir alors qu'elle prenait le pas vers le dehors. Elle se stoppa immédiatement en se tournant vers l'homme, les yeux brillants d'une malice clairement mauvaise :

« OU ?!
Mais d'abord ! Qu'est-ce que vous allez lui faire, hein ? L'aider pas vrai ? Et l'argent ?
L'aider ? Gnihihi... Très drôle ! C'est simple. Lui, je vais le buter si on s'en est pas chargé avant. Après je vais récupérer l'argent. Et ensuite je vais te buter, toi, fit-elle avec un large sourire... Mais si Jules semblait mal à l'aise, il ne se démonta pas.
Disons que ça ne me convient pas... Et vous n'êtes pas en position de négocier.
Ohohoh... Je peux négocier de te buter tout de suite si t'insistes... Ses yeux fous se dilatèrent alors qu'elle fit pression sur ses phalanges pour les craquer.
Et dans ce cas, vous ne le retrouverez pas. Ni lui, ni l'argent, précisa l'homme. Fantine se figea et fit la moue.
Ah. J'aime pas trop ça.
Oui... Il a un plan. Il m'a dit où il se rendait pour que vous le retrouviez là-bas et...
Et t'attendais quoi pour m'dire ça !
Que vous me laissiez parl-
Avance, on y va !
Mais- ! »

Jules n'eut pas le temps d'objecter, puisque Fantine tira violemment sur la chaîne. Il manqua de s'étouffer, et râla de devoir rester avec elle. Sûr, il aurait sans fois préféré prendre la tangente pour récupérer l'argent. Fallait croire qu'il devait rester avec elle pour une bonne raison. Sauf que Fantine n'avait pas l'intention de le ménager, malgré les plans sans doute très futés de ce brave Kurn. S'il pensait qu'elle était du genre à suivre les routes établies, il se fourvoyait. Pour l'instant, le retrouver semblait être le plus avisé à faire, alors elle prit la direction de l'extérieur, jusqu'à arrivée près de la sortie et que Jules l'arrête en la tirant à lui :

« Eux, là, ils... ils étaient avec la bande tout à l'heure, ils sont là pour vou- euh ? »

Bim ! Bam ! Clang ! Aie ! Vlam ! Crac !

L'homme n'eut pas le temps d'en dire plus. Fantine se contenta d'attraper un chariot plein, et le balança sur le plus proche d'elle. Mouvement rapide plus tard, elle imprima l'un des plateaux dans la tête du second, pour finir les autres avec les moyens du bord. Lorsqu'elle gagna l'extérieur avec Jules sur ses talons, cinq corps étaient entassés sur un brancard, sans qu'elle ne s'attarde plus. D'autres étaient là pour s'en occuper, s'il y avait encore quelque chose à faire pour eux.

« Amène-moi là-bas. Vite. »

Elle aviserait pour la suite plus tard.
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Quand, après de nombreux détours, ils arrivèrent enfin à la taverne, les mafieux étaient à bout. Une autre poignée avait d’ailleurs entre-temps décidé d’aller passer du temps ailleurs : errer dans les rues avec un homme-poisson qui ne savait pas tellement où il allait n’était pas le choix de carrière des truands moyens, même avec récompense à la clef.
Et, de toute façon, ce serait le chef qui se taillerait la part du lion, comme d’habitude. Autant retourner à leurs petits trafics respectifs, histoire de gagner de quoi payer le loyer, les dons à l’organisation, les prostituées, la drogue, des vêtements de mafieux, et, eventuellement, de la nourriture s’il restait quoi que ce soit.

Kurn renifla. Il avait un caillot de sang dans le nez. Et les yeux qui piquaient. La rascasse se baissa pour rentrer dans le bouiboui infâme qu’il avait choisi à dessein avant de se rendre au rendez-vous du kidnappeur.
Pour la seconde fois, son entrée attira tous les regards des occupants de la salle. Quand il fut suivi par cinq truands couverts de tatouages et armés de masses et de barres de fer, chaque client trouva tout d’un coup le fond de son verre passionnant. Je ne leur en veux presque pas. Si des Marines étaient là, ils auraient peut-être pu intervenir et me sortir de ce mauvais pas…

Le tavernier lui adressa un regard torve en continuant à essuyer son verre. Et le regarda, ainsi que sa suite, grimper l’escalier branlant menant à l’étage. Peut-être qu’il n’a pas fouillé, finalement…, se dit-il, inquiet.
Utilisant la clef rouillée, il ouvrit la porte et voulut pénétrer dans la pièce. Le chef des mafieux l’en empêcha en plaçant sa masse sur son chemin, et rentra le premier. Par-dessus son épaule, Kurn put voir que le sac, qui était posé sur le matelas mangé par les mites, n’était plus là. Voilà qui devrait les occuper quelques temps.

Par surprise, la première attaque le toucha dans le creux du genou, le faisant tomber sur ce dernier. Les agressions suivantes s’abattirent sur ses jambes, puis sa nuque, avant que des coups de pieds ne le fassent rouler dans la chambre, et que la porte ne claquât derrière lui.
Le chef, dans la plus pure tradition des hors-la-lois, s’alluma un cigare, le surplombant de toute sa hauteur musclée.
« Tu vois, la poiscaille, si y’a bien un truc que j’aime pas, c’est qu’on s’foute de ma gueule. Et y s’trouve que c’est justement c’que tu viens de faire.
- Attendez ! L’argent était vraiment là ! Ca… Ca doit être le tavernier qui l’a pris !
- C’est ça. On va d’abord te faire passer le goût du pipeau, on discutera ensuite. »

Les clubs allaient tomber à nouveau quand un sous-fifre frappa à la porte, manquant de la faire sortir de ses gonds.
« Chef !
- Ouais, quoi, Christophe ?
- L’aubergiste, il a tenté de s’faire la malle par la p’tite porte !
- Ah-ha ! Semblerait que t’aies pas menti, la rascasse. Bravo. Désolé d’avoir douté de ton honnêteté. Bon, l’tavernier a dit ce qu’il en avait fait ?
- Pas encore. On pense qu’il est avec la bande à Tommy.
- Les salauds. Les salauds, les salauds, les salauds ! On va leur faire la peau, ce soir ! Récupérer le pognon, le territoire, et surtout la sale tête de Tommy qui finira sur mon étagère ! Allons, les garçons ! »

Les prises se raffermirent sur les armes, les cous se tendirent, et un cri plein d’entrain retentit. Il n’y a pas à dire, ils sont motivés.
« Et moi ? Articula Kurn. J’ai tenu parole.
- Oh, ouais. Finissez de le tabasser et refourguez-le à l’autre, là, celui qu’a un pote revendeur à Goa. Et partagez-vous la comm’, si vous voulez. J’me sens d’humeur généreuse. »
La plupart des truands sortirent sur ces entrefaites, au pas de course, quasiment. Puis, quand il n’y eut plus que le calme et cinq jeunes hommes armés, les coups se préparèrent à reprendre. C’est le moment de me redresser victorieusement pour leur montrer la suprématie des arts martiaux aquatiques sur la bagarre de rue et prouver l’Honneur des T’Erlhitan.

La rascasse tressaillit de douleur en tentant de se relever, la souffrance plantée suffisamment profondément pour l’empêcher d’agir immédiatement, et lui arrachant un gémissement étouffé.

Puis la porte qui avait été fermée lors de la sortie précédente fut brutalement rabattue, sortant de ses gonds, claquant méchamment contre le mur. Des fragments de plâtre tombèrent alors qu’une tempête bleue s’abattait sur les jeunes gens de mauvaise vie, qui finirent tous empilés dans le bac à linge sale.
« Groot !
- Fantine !
- Grooooot !
- Oui, Fantine ?
- Jules ? Proposa le joueur de bridge.
- Et l’argent ? S’enquit la jeune fille.
- Les truands sont partis à sa recherche. L’aubergiste l’a peut-être donné à une autre bande.
- Merci Kurn ♥
- Kurn ?
- Et bonne nuit ♥ »

Le coup de talon le prit par surprise, en plein sur la tempe, tandis que Jules lâchait un petit cri suraigu.

Mince.

Elle doit encore m’en vouloir.



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En dépassant le comptoir de l'entrée, elle s'était saisie d'un couteau de table, qu'elle tint dans son poing comme sa propre vie. Ses ongles s'enfonçant dans sa chair, le métal de son outil dans la peau, elle gravit les marches quatre à quatre, Jules contraint de suivre le rythme pour ne pas se faire traîner par une gamine haute comme trois pommes et d'à peu près le même poids. Mais en déboulant dans la pièce, tout ne se passa pas comme prévu. S'attendant à tomber sur une petite bande qu'elle était prête à mettre en morceau et un gros sac de billets, elle ne vit que Kurn qui se relevait à peine, la gueule amochée et refaite par les poings.

Sérieusement ?

Elle eut un sourire crispé. Les cinq gusses là pour le garder, elle n'en avait fait qu'une bouchée à peine mâchouillé. Et lui, il osait se montrer à elle, sans rien dans les mains, alors qu'elle avait respecté son marché ? C'était presque à croire qu'il la prenait pour une cloche. Bon, elle n'avait pas vraiment respecté le deal. Elle n'en avait pas eu non plus l'intention. Mais dans les faits, c'était elle qui tenait parole. Alors quoi ? Kurn pensait qu'elle allait se montrer bonne patte, prête à tout pour l'aider, et même lui sauver la mise ?
Non. Ils n'étaient pas à mettre dans le même sac. Ils avaient accepté des contrats qui les opposaient. L'argent était sans doute loin, et son contrat venait tout bonnement d'être saboté par ses soins. Il s'attendait vraiment à ce qu'elle le prenne bien ? Alors, un coup dans la tempe ne suffisait pas. Elle avait envie de le rouer de coups, de lui arracher toutes les épines de sur sa tête pour les lui planter dans un endroit dont nous n'allons pas parler ici. Présentement, elle éprouvait pour lui une rancoeur amère et vivace, qui contrastait drastiquement avec l'affection qu'elle avait pu avoir pour lui quelques heures plus tôt. Groot était méchant. Groot était donc tout comme mort à ses yeux.

Fantine le pointa d'un doigt accusateur après ça, tenant toujours fermement son arme contondante dans son autre paume.

« Toi, je vais te vendre au marché... »

Dans son regard, une lueur qui traduisait sa sincérité. Sans doute qu'elle arriverait à en tirer à bon compte. Qu'elle pourrait racheter la valeur de ce que contenait le sac que Jules avait volé. Finir son contrat, de ce fait, et s'en sortir sans soucis. Ça sonnait bien. Mais en parlant du contrat, il y avait une autre ligne dans celui-ci qu'elle voulait absolument respecter. Fantine ne pensait pas vraiment en terme de devoir, mais d'envie. Une envie furieuse et saisissante de passer ses nerfs, de faire mal et de préférence sur une personne sur laquelle elle aurait facilement l'ascendant.

La jeune fille se tourna doucement vers Jules. Une veine battant à son cou, son sourire dévoila ses dents pointues :

« Et toi... »

Il ne lui suffit que d'un mouvement vif du poignet pour tirer l'homme à elle. Jules partit vers l'avant, tombant à genoux juste en face d'elle. Et d'un autre, pour planter le couteau qu'elle avait volé au passage en plein dans sa gorge. La lame s'enfonça profondément pour ressortir de l'autre côté de son cou. Kurn eut bien un mouvement vers elle, pour l'en empêcher, mais pas assez rapide pour vraiment l'arrêter.

Elle l'observa. Jules. Réaliser. Et s'éteindre aussi rapidement. En retirant la lame, le sang sortit de la plaie comme un jeyser alors qu'il s'effondra à ses pieds. L'hémoglobine tâcha le sol, tandis qu'elle se tournait vers Kurn avec le même sourire effronté. Sur le visage de l'homme-poisson, une certaine incompréhension, la surprise aussi, et la méfiance de la voir agir à nouveau mais cette fois contre lui.

Il y eut un moment d'hésitation avant qu'il ne prenne enfin la parole d'une voix fâchée, écœurée aussi :

« Mais !? Pourquoi tu as fait ça ?!
Pour qu'on soit quitte.
Quoi !
Si je perds, tu perds aussi ! Lança-t-elle comme s'il s'agissait d'une évidence, sous l'air circonspect de Kurn. »

Fantine était du genre mauvaise perdante. A ne pas jouer avec les mêmes règles que les autres. Encore fallait-il que la vie soit vraiment un jeu, et les adversaires en course avertis...
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Jules !

L’incompréhension tournait en boucle dans l’esprit de Kurn. Quel prétexte ? Pourquoi ? Pour se venger de moi ? Je n’ai rien fait ! J’allais faire l’échange normalement ! Elle a tué Jules ! Comme ça, juste pour s’amuser !
« Une vie humaine, uniquement pour me faire bisquer ?
- J’avais envie.
- Envie ? Comment as-tu pu faire ça ?! S’alarma la rascasse tandis qu’elle haussait les épaules.
- On s’en fiche, de toute façon. J’suis sûre que tu l’as déjà fait aussi, d’abord !
- Oui, certes…
- Bah voilà.
- Mais c’était dans d’autres circonstances ! Je n’avais pas le choix !
- De toute façon, ça ne sert à rien d’essayer de m’embrouiller, je vais te vendre pour gagner un peu d’argent. Puis probablement quitter cette île, elle est trop naze. »

Je m’en fiche de son programme. Je pensais qu’elle était mon amie. Nous avions survécu à Las Camp, à deux reprises. La première fois… Oui. C’avait toujours été bizarre. J’aurais dû davantage me méfier : ce n’était que les circonstances qui nous avaient fait collaborer.
Oui, c’est de ma faute. Je ne pensais pas qu’une adolescente ayant toujours vécu dans les bas-fonds du monde et de la piraterie serait une tueuse au sang-froid. C’est ma faute si Jules est mort. Et que le contrat a échoué.

Je devais sauver Jules, l’aider à partir avec son argent. Je n’ai plus Jules. Je peux encore le remplir à moitié en récupérant l’argent ?

Pour en faire quoi ?

Je… On verra bien.

Mais d’abord…


Kurn se leva pesamment. Il avait bien dû passer plusieurs minutes à réfléchir, comme cela, les yeux dans le vague. Pendant ce temps, Fantine avait fait le tour de la pièce, tirant à intervalles réguliers sur la chaîne qui l’attachait toujours à Jules.
En voyant que sa prise se préparait à partir, elle tenta de s’interposer en travers de son chemin, mais le cadavre se prit les pieds dans les montants du lit, et elle se retrouva à griffer dans le vide, effleurant à peine les écailles de la rascasse.

En profiter pour venger Jules et tuer Fantine ? A quoi bon ? Il est mort, rien ne le ramènera. Et rien ne ramènera cette tache sur mon honneur, l’honneur des T’Erlhitan. Puis, surtout, je ne me sens vraiment pas de gagner. Elle a un couteau. Elle a été soignée à l’hôpital d’Ord Mantell, je viens de me faire passer à tabac.

Kurn avait rarement été aussi en colère. En colère contre Jules, qui avait décidé de voler son club de cartes. En colère contre Fantine, pour l’avoir kidnappé. En colère contre les mafieux, pour être venus gêner l’échange de l’argent contre l’homme. En colère contre Fantin, pour avoir tué Jules. En colère contre Jules, pour être mort, comme cela.

En colère contre lui-même, pour n’avoir rien pu faire.

Sans un regard en arrière, l’homme-poisson sortit de la chambre, laissant là Fantine. Il passa en secouant la tête à côté du tavernier, assis adossé à la devanture de son auberge. Avec un sourire carmin gravé en travers de la gorge, le sang pulsant doucement sur les pavés.

Retrouver les mafieux.

C’est avec cette idée fixe que Kurn repartit en boitant vers les bas-fonds de la ville, à la recherche d’un visage déjà croisé au cours de la nuit, d’une arme déjà vue, déjà sentie. Mais tout se mêlait dans son esprit, la mort de Jules émaillée de couleurs vives, ses souvenirs lui faisant voir un rictus maléfique sur le visage de Fantine.

Quelques heures plus tard, après avoir erré le reste de la nuit au petit bonheur la chance, l’homme-poisson était sur les quais, les pieds dans l’eau, le regard dans le vague et les yeux injectés de sang.
« On va appareiller ! Lui cria une voix. »
Se relevant doucement en frottant ses muscles endoloris et froids, il marcha sur la passerelle d’embarquement du vaisseau initialement destiné à Jules, et lâcha dans la main du capitaine une poignée de billets dont il avait dépouillé des inconnus dans une ruelle, la nuit précédente.

Parce que ç’avait été une de ces nuits.

Une de ces nuits où tout ce qui pouvait aller mal était irrémédiablement allé pire que mal.


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