— Mouarf, pas facile celle-là.
Au sommet de la plus haute montagne, Nel siégeait sur une pierre suffisamment plate pour ne pas s'écorcher l'arrière train. Dans ses mains: un petit carnet et un crayon noir. Souvent on pense que les visages, les animaux ou n'importe quel dessin qui demande une précision sur plusieurs minuscules détails sont les plus difficiles. Mais Nel découvrait à sa plus grande surprise que d'arriver à reproduire minutieusement la perspective des flans de la montagne n'avait rien d'aisé. Soudain, il déchira une page avant de la jeter derrière lui. Les reliefs de cette île avait la particularité de ressembler à pleins de petits épis collés entre eux. Chacune des pointes reflétaient une ombre sur le reste de la roche. Représenter la perspective de ce paysage montait s'en retrouvait donc bien plus complexe qu'au premier abord ce qui avait la fâcheuse tendance d'entamer la maigre patience de Nel. Au final, il gribouilla quelque chose de satisfaisant avant de ranger le tout dans son baluchon. Il sauta à pied joint devant lui, glissant sur la façade qu'il avait dû escalader auparavant.
— Yahooooooooooooooooooooo!
Bras tendus. Paumes ouvertes. Yeux clos. Nel dévalait la pente en ressentant les bourrasques se heurter contre lui. Tel un tambour sur lequel on taperait de plus en plus fort, son cœur battait à en sortir de sa poitrine. Il ne s'en rendait pas compte, mais il poursuivait l'adrénaline sans relâche à travers ses aventures. Son rêve de découvrir entièrement le nouveau monde ne s'avérait pas si fou en fin de compte, il était juste en accord avec son âme tumultueuse. Quelques minutes plus tard il atteignit une surface plane. A une flopée mètres de lui, un trou gigantesque plongeait dans le sol si loin qu'on ne pouvait pas en voir le fond. Nel fit tomber un caillou dedans en raclant le sol à l'aide de son pied espérant entendre le bruit de chute de celui-ci, sans succès. *Bah, tan pis se dit-il en tournant le dos à l'énorme orifice naturel. Pour une destination touristique – ou plutôt ancienne destination touristique – Nel trouvait que cette île manquait d'un soupçon de folie. Mais cachés derrière un buisson, deux points rouges scintillant comme des rubis observaient la scène. Probablement par expérience, Nel perçut cette pression qui s’exerçait tout autour de lui, comme une force qui l'enfonçait dans le sol. C'était une sensation qu'il connaissait. Celle d'être la cible d'un prédateur. La bête qui surgit des fourrées était un lion, ou tout du moins quelque chose qui y ressemblait. Elle atteignait facilement les deux mètres au garrot, une taille déjà impressionnante amplifiée par la crinière ambrée recouvrant sa nuque. Un clignement d’œil lui suffit à charger et à saisir tout ce qui se trouvait devant sa gueule. Par miracle, la légère inclinaison du torse de Nel empêcha à son bras d'être touché, mais le baluchon derrière lui finit dans la bouche du monstre. Le temps de se retourner, et celui-ci avait déjà fui, sautant à travers le trou et se servant de plate-forme rocheuse créée par l'érosion. Nel grinça des dents : le peu d'affaire qu'il avait se trouvait dans ce linge. A contrecœur il poursuivit la bête dans les sombres abysses.
Des heures durant, Nel traqua la piste du félidé et put récupérer nombre de ses affaires mais l'antre de l'animal restait quant à elle introuvable. Les dédales de pierre devenant de plus en plus obscurs finirent par perdre Nel. Il marchait à présent dans un corridor de terre étroit qui s'élargissait au fur et à mesure. Quand il crut apercevoir une torche, le son caractéristique de plusieurs percuteurs interrompit sa marche. Une voix sombre s'éleva alors de la caverne.
— Ne bouge pas. Si tu réalises le moindre mouvement, tu meurs. Si tu émets un son, tu meurs. Si tu tentes quoi que ce soit... tu meurs.