Je suis une vieille métaphore et des ombres agrippent mes maux tels des poulpes. Mais l'encre est sèche. Il ne faut pas chercher à me comprendre, j'essaie moi-même de me regarder dans un miroir, mais les lettres s'inversent. Je ne suis qu'une succession de phrases, un paragraphe, un ensemble illisible. L'expression d'une pensée qui crie à sa nature. Elle l'implore le pardon, car sur le fond, toute cette histoire est partie d'une idée.
Plusieurs plumes m'ont décrite de manière impersonnelle, rare ceux qui ont vu mon vrai visage qualifié de terreur apocalyptique. Et pourtant je ne suis qu'un texte aéré, certes sans égal, mais j'inspire et j'expire comme tout être qui a fait son chemin de galère. Contrairement à toi, gamin. j'ai l’insaisissable plume qui façonne notre légende entre les mains. Tu n'as pas conscience de son pouvoir ? Bien sûr que non, ta lutte accablante pour établir l'équilibre entre tes deux forces est inénarrable. C'est pas des histoires, tu n'as pas l'âme d'un roi.
Môme !
Ton cœur bat dans un gouffre sans fond, lâchement abandonné par ta lumière noire ou ténèbre blanche comme tu le répètes un peu trop. MAIS, réveilles-toi ! C'est pas une réalisation de Tarantino, où l'on voit sa vie en noir et blanc, y'a pas un chat à la ronde. T'es qu'un figurant dans une scène qui sera coupée au montage. A ton humble avis, pourquoi la production t'a refilé le pouvoir d'invisibilité ? Pour faire de l'art abstrait en 3D distribué chez les marchands de journaux ?
Tu veux des News numériques ?!
Je suis le secret inavoué, la gifle inattendue, la corruption de l'être, la force obscure qui réveille les monstres, l'Apocalypse métaphysique, la fin. Ou le début, le Big Bang qui mènera au rien, le cyanure menant au marasme moral, l'élégance misère, le désir mérité, l'aveu de ma ténèbre renforcée.
Je suis enfermé dans un enfer où l'on comparerait le paradis à un minable bac à sable. Je suis l'essence de la folie et toi petit animal, tu es mon salut vers la liberté, la clé qui déchaînera le Parrain Tempête.
Oui, c'est moi qui vais t'aider à sortir de cette prison inviolable et je n'attise aucun feu, j'ai mes propres flammes à combattre. Aujourd'hui, tes paroles raniment mon ambition d'éteindre le brasier qui te fait vivre.
L'anarchie est mon deuxième prénom.
Je souligne ma gratitude et regarde mon enveloppe charnelle retrouver sa couleur originelle.
Le noir. Cet éclat d'opacité qui s’abat sur ta gueule de clown. Ça te refait le portrait, alors t'en penses quoi de cet entracte ?
Nulle didascalie, nulle sortie.
Juste un labyrinthe de mots.
Le pollen psychédélique
00h00
Échec et mat. Tu n'y peux rien si le vieux est mort. Je cherche pas à faire mon littéraire, au fond, je ne suis qu'un ramassis d'épluchures. Rien est assez bon pour les prunelles du grand chef. Je m'estime heureux d'être là, je suis bien mieux logé dans cette toile en effervescence que partout ailleurs. Je me plains pas, j'aurais pu tomber bien bas. Sur une pile, à côté des copies de BHL. Parfois, lorsque je me retrouve près d'une tasse de café chaude... Je me demande si c'est pas bien pire. Je crains d'être de la branlette intellectuelle.
A ce moment, ce n'est plus aux échecs que je devrais jouer, mais aux mots croisés. Tu parles d'un destin. Un vrai combat de ne pas tomber là dedans. Je cernerai les lumières et je ferais pâlir les ombres. Je finirai par moisir au fond d'un canapé à vouloir raconter ma vie. J'arrête de chercher le destin, il finira par me corner les pages. Dur de jouer avec les mots quand on joue avec sa vie. Faudra s'y faire, je ne joue pas aux dames.
Le lampadaire m'éclaire et la poussière s'élève quand je dévoile ma couverture, la douleur électrique qui remonte le long du marque page, les gouttes de sueurs qui perlent sur mon entracte et même l'odeur de cet affront inévitable qui remue le moindre de mes sens.
Tout se passe si vite...
Puis je revis la scène au ralenti. Chacun de mes gestes est comme une performance de danse classique, Je me revois essayant ; de barrer en vain le cavalier qui arrive droit à la gueule du fou. Je pense à une solution pour m'extirper de cette embuscade mais le temps dégouline. En dépit de mouvements fluides, je suis embarqué malgré-moi dans une ambiance digne des plus prestigieux ballets de Tarantino. Aucun prix à recevoir pour une balle perdue.
Une atmosphère ombrageuse remplit le vide laissé par mes dialogues creux. Ce récit semble terne, ni paillettes roses, ni lumières tamisées. Les griffes acérées du chat se calent avec une délicate brutalité sur mon titre. Sensation de liberté contre l'opposition blanche. Sans aucun effet de miroir, un acte inattendu de ma part, je croise ses voyelles avec mes consonnes et le comédien improvise. Nous ne savons plus quel rôle jouer.
Et je joue contre qui ?
Je veux voir le visage de mon adversaire, mais il est imaginaire. Il est l'origine de la pensée abstraite, de l'idée immature ou de la philosophie sauvage. Et je ne suis qu'un décor immuable, retravaillé et corrigé avant ma naissance.
Il n'existe aucun libre arbitre pour des œuvres achevées. Rares sont les moments où je prends conscience de mon existence, ces instants de déjà vu. Un feuillet ne peut pas s'exprimer de lui-même, sinon ce serait tiré par les cheveux... Ce serait psychédélique.
J’imagine les sourires vicieux posés sur les lèvres de mes adversaires. Car oui, il n'y a pas que Némésis qui aime livrer bataille contre les noirs. Il a oublié ce que ça fait de commencer en deuxième. Ça me met hors de moi, Putain ! Je crache des lyrics et je racle la dernière page avec le peu d'encre qui me reste. Je n'entends pas le cri des bêtes, effarées par l'astre lunaire. J'ai du mal à écouter leur instinct animal.
Accrochez-vous. Car, je ne me calmerai pas. J'en ai trop gros sur la patate et je vais donner des coups de savates. Il se fait tard pour vous parler de Gérard, le conte pour enfants, celui de la petite princesse en marbre.
Il se fait tard, il est bientôt minuit. Et vous n'avez toujours pas compris mon monde. Pourtant, vous vivez dedans et il te saisit les tempes quand l'orage éclate. Le son transperce une bulle imaginaire et des couleurs apparaissent subitement dans un recueil d'images écrites par cette morve.
Une main contre un support refermable. Un seul public dans la réalité et des centaines de passionnés dans cet abîme virtuel. Tout le monde m'ignore à minuit, vivement le chant des coqs. J'en peux plus d'être seul, abandonné pour elle.
Cette plume qui ne tache pas.
La lampe à huile crépite, une lumière blafarde éclaire tant bien que mal la sinistre pièce. Les pas de l'inconnu résonnent sur le parquet éraflé, d'un rythme saccadé terriblement inquiétant. Je suis assis sur la chaise. Je n'arrive même plus à comprendre ce que je fais ici. Tout ce que je sais, c'est que j'ai peur. La pièce est dénudée, chétive et frêle. Aucun meuble. Juste la chaise sur laquelle, assis, je halète d'angoisse.
Le rideau diaphane volette, poussé par le vent filtrant à travers la vitre brisée. A présent, il doit faire nuit dehors. Le saké de West Blue sur ma bouche me brûle quand j'essaie d'entrouvrir mes lèvres, en essayant de beugler quelque chose d'inaudible. Mes poignets sont sciés par les cordelettes me liant perfidement à la chaise déglinguée. Mes chevilles sont elles aussi immobilisées par ces filaments pervers.
Je pleure, attaqué par des convulsions incontrôlables. L'homme s'approche de moi, et entortille une mèche de mes cheveux blonds autour de l'un de ses doigts. Puis, approchant ses lèvres empestant la charogne, il murmure, déversant contre mon cou un fluide de paroles grumeleuses, me glaçant le sang.
Il allume une cigarette, et pose par terre la sacoche qu'il tenait à la main. Je l'observe sans comprendre, inquiet de ce qu'il va en sortir. Le seul éclat dans cette obscurité est l'extrémité incandescente de sa cigarette rougeoyante. Il sort un Den den projecteur...
L'appareil est connecté à mon cerveau et les images défilent, je vois un flux de pensées et l'idée de la mort du type qui me retient. Ensuite le noir complet.
Il y a cet horizon immuable, ses couleurs mordorées, ses dégradés de bleu pâle qui se fondent dans un rose presque fané. Il y a le temps qui se fige, comme en suspend ; il est comme moi, il attend.
Il est minuit en plein jour, il est minuit pour toujours dans ma réalité.
Ici la terre a le parfum de l’orange brûlée, entraînée par le vent orageux, elle se soulève en une poussière qui colle à la sueur des peaux, s’imprègne aux vêtements, se mélange à la salive pour se plaquer désagréablement contre le palais, s’infiltre par les naseaux et chatouille la trachée. L’air lourd rend les mouches folles et assoiffées, les bêtes craintives : le chat s’est carapaté sous un angle du toit, le chien hume truffe dressée sans rien comprendre aux pépiements des volatiles qui s’agitent en bruissement d’ailes dans l’arrière de la basse-cour.
Je m'évade dans les rues de Water Seven, bouteille de saké à la main...
Je bois à gorge déployé, ça réchauffe mon corps, mais mon âme reste insensible, puis j'aperçois l'ombre d'un capitaine venant à ma rencontre. Est-ce Shoma ou bien l'ivresse me fait perdre la tête. Pourtant, ce n'est pas une hallucination...
Capt'ain ?
L'écriture ne doit âtre art que par la lecture.
L'écriture ne peut être art que par lecture. Par l'autre. Celui qui n'a rien demandé, surtout pas au texte d'être écrit, qui pose son œil neuf sur le texte.
Le texte doit appeler la mémoire que n'a pas encore le lecteur. Le texte doit être éducatif, troublant, croyant. Le texte doit croire au lecteur. Acre, brûlant, il doit intéresser et asservir, contraindre à imaginer.
Le texte est pièce. La pièce n'appelle pas le lecteur spectateur. Le lecteur doit être acteur du texte. La pièce appelle ce que l'on sait être là, sans s'en servir plus que cela. Le lecteur tend à prendre la pièce et s'y contraindre. Pourtant, il doit s'en affranchir. La scène décrite doit assouvir la tête et la contraindre à réfléchir. Le lecteur doit apprendre à se libérer, se révolter contre l'assouvissement du texte qui appelle à s'affranchir.
Le lecteur doit imaginer, ce sans quoi il cesse d'être acteur, se soumet, se réduit et se rend spectateur.
La lecture appelle à imaginer, à sentir. Elle doit offrir autre chose que des mots paralysés par le papier. Elle doit lever les yeux.
Ce sans quoi l'écriture, réussie ou non, est ratée.
Je rate souvent mes écrits, sans pouvoir rayé quoi que ce soit.
Je suis le poète raté !
Le navigateur qui reprend la barre, je me tiens droit. Et avec panache, tiens, avec zèle et quelle tenue, quelle droiture, quelle envergure prend cette position dans ma tête suis-je donc si fière, trop fière, l'orgueil, quel préjugé, c'n'est pas si mauvais, je préfère me voir meilleur que pire, c'permet d'survivre.
Monde de compétition. Trop élitiste, pfeuh, les plus courageux heureux doués n'sont heureux qu'accompagnés, et bien accompagnés, moi j'le suis pas. Pas grand monde pour suivre mon ivresse. La qualité est art d'espérer, constance déséquilibré qui n'est pas en ma faveur, c'est la patience. Alors je ne me décourage pas et j'affronte mes démons à grande gorgée de saké qui coule dans mon gosier chaud. Et les yeux écarquillés, j'observe les passants insensibles à mes gestes amples.
Je ne suis qu'un rien dans la masse. Un point virgule dans une périphrase, pas même une exclamation car lorsque je grogne, je n'émets que le son de ma piètre existence futile à coup de néoplasmes.
Lorsqu'on me cherchera, j'dirais : J'ai pas pu venir, j'étais à la morgue. Ça n'a pas de sens dans notre monde où les hommes qui meurent disparaissent simplement, y'a bien longtemps que je n'ai pas aperçu un cimetière. Les nuits où je traînais dans ces lieux obscurs sont derrière moi et devant, la neige ? Aqualaguna viendras-tu me détrôner de ce toit, je suis perdu... Ces derniers paragraphes perdent leurs sens comme je gagne en inhibition.
Par les cornes de Wakam le rouge ! Anatara, je t'attends. Mon amour, mon tout ! Pensé-je fortement allongé sur le toit jusqu'à m'assoupir et quand je me réveillerai le lendemain, je serais parti !
Chienne de vie !
Donne moi plein de dorikis.