Zeke Romanov
Pseudonyme : Zéro / 180 / Zeke
Age: 26
Sexe : Homme...
Race : ...-poisson rouge
Métier : Chimiste
Groupe : Marine (division scientifique)
Buts : Trop
Fruit du démon ou Aptitude que vous désirez posséder après votre validation : Chemical juggling
Codes du règlement :
Ce compte est-il un DC ? : Je remplace Craig, je sais pas encore si c'est temporaire.
>> Physique
Je ne suis pas très bon guerrier. Oh non. Je suis né avec les muscles un peu atrophiés. Et ma jeunesse en laboratoire ne m'a pas permis de les développer. De plus, je n'ai reçu aucune formation militaire. Même si je suis affilié à la marine, à la division scientifique, on a des gros bras pour veiller sur nous-même à notre place. Alors on trouve mieux à faire que de transformer nos muscles en gros pistons fumants.
Je suis un poisson rouge, ça se voit, je crois, assez petit, assez mince, assez humide, assez rouge. J'ai les yeux globuleux mais ils restent bien terrés sous mes lunettes, que j'évite de retirer parce que, euh, je suis plus myope qu'un poisson-ogre, alors ça ne serait pas une bonne idée.
On me dit que je marche voûté, quand je marche, parce qu'à vrai dire, je préfère rester assis ou couché, moins fatiguant, et permet au cerveau de travailler sans se soucier de maintenir ses jambes droites et rigides. Plus reposant, je gagne environ 80% de concentration une fois assis. Ce n'est pas rien. Et quand je marche, voûté, je suis plutôt lent, plutôt nonchalant, comme un zombie, comme si j'investissais toute l'énergie de mon être dans mon esprit, et uniquement en lui, laissant ma carcasse se débrouiller toute seule. Bien fait pour elle. J'exècre les corps. Ils sont lents et mal optimisés.
J'aimerais être né homme-poulpe pour avoir accès à plus de bras mais malheureusement, je tiens une partie de mon génome du poisson rouge, qui, hormis une mémoire déficiente, n'est pas porteur de beaucoup d'originalités exploitables. Nager est un savoir gravé dans mon code génétique mais je n'ai jamais vraiment eu le temps ni l'envie de m'y essayer. Les eaux sont dangereuses. Et mes nageoires sont des plus dérisoires face aux épaisses carrures hydrodynamiques dont sont dotés les prédateurs marins. Dangereuses.
Je m'habille léger, avec des morceaux de tissus qui n'auraient pas la prétention de se prétendre vêtements, à part les foulards. J'aime pas les blouses blanches. Elles me rappellent trop mon enfance. Alors même en laboratoire, je reste avec mes vieilles sapes rongées par les mites. Toujours préférable à une blouse blanche. Oui.
J'ai une voix monotone mais saccadée qui me sort d'une bouche mollement grande ouverte. Comme un vieux vinyle rayé sur un tourne-disque plein de termites. Ça sonne très mal, puis c'est irritant, mais peu importe. Le fond est plus important que la forme. Même quand je parle pour ne rien dire, ce rien est exceptionnellement dense de contenu. Il faut faire l'effort de me décrypter. Parce que je bégaie. Parce que je m'emmêle dans les mots à l'oral. Parce que j'oublie parfois ce que j'ai dis et me répète en boucle, comme un disque rayé, encore une fois. Parce que ma langue m'abandonne souvent. Parler à une présence invisible derrière le quatrième mur instaure une distance qui me met à l'aise. Mais si mon interlocuteur se colle à moi, en-dessous des cinquante mètres, c'est un désastre. Ma langue est un très mauvais outil.
Je suis un poisson rouge, ça se voit, je crois, assez petit, assez mince, assez humide, assez rouge. J'ai les yeux globuleux mais ils restent bien terrés sous mes lunettes, que j'évite de retirer parce que, euh, je suis plus myope qu'un poisson-ogre, alors ça ne serait pas une bonne idée.
On me dit que je marche voûté, quand je marche, parce qu'à vrai dire, je préfère rester assis ou couché, moins fatiguant, et permet au cerveau de travailler sans se soucier de maintenir ses jambes droites et rigides. Plus reposant, je gagne environ 80% de concentration une fois assis. Ce n'est pas rien. Et quand je marche, voûté, je suis plutôt lent, plutôt nonchalant, comme un zombie, comme si j'investissais toute l'énergie de mon être dans mon esprit, et uniquement en lui, laissant ma carcasse se débrouiller toute seule. Bien fait pour elle. J'exècre les corps. Ils sont lents et mal optimisés.
J'aimerais être né homme-poulpe pour avoir accès à plus de bras mais malheureusement, je tiens une partie de mon génome du poisson rouge, qui, hormis une mémoire déficiente, n'est pas porteur de beaucoup d'originalités exploitables. Nager est un savoir gravé dans mon code génétique mais je n'ai jamais vraiment eu le temps ni l'envie de m'y essayer. Les eaux sont dangereuses. Et mes nageoires sont des plus dérisoires face aux épaisses carrures hydrodynamiques dont sont dotés les prédateurs marins. Dangereuses.
Je m'habille léger, avec des morceaux de tissus qui n'auraient pas la prétention de se prétendre vêtements, à part les foulards. J'aime pas les blouses blanches. Elles me rappellent trop mon enfance. Alors même en laboratoire, je reste avec mes vieilles sapes rongées par les mites. Toujours préférable à une blouse blanche. Oui.
J'ai une voix monotone mais saccadée qui me sort d'une bouche mollement grande ouverte. Comme un vieux vinyle rayé sur un tourne-disque plein de termites. Ça sonne très mal, puis c'est irritant, mais peu importe. Le fond est plus important que la forme. Même quand je parle pour ne rien dire, ce rien est exceptionnellement dense de contenu. Il faut faire l'effort de me décrypter. Parce que je bégaie. Parce que je m'emmêle dans les mots à l'oral. Parce que j'oublie parfois ce que j'ai dis et me répète en boucle, comme un disque rayé, encore une fois. Parce que ma langue m'abandonne souvent. Parler à une présence invisible derrière le quatrième mur instaure une distance qui me met à l'aise. Mais si mon interlocuteur se colle à moi, en-dessous des cinquante mètres, c'est un désastre. Ma langue est un très mauvais outil.
>> Psychologie
Je crois que j'ai des problèmes de mémoire, enfin, c'est sûr, j'en ai, surtout à court terme, et surtout ce qui m'intéresse pas, trente secondes de bande en tout et pour tout, ça aide pas à la concentration, ça s'efface au fur et à mesure que je pense, et je crois qu'en conséquence, et compte tenu que mon cerveau est approximativement trois cent milliards de fois plus développé que celui du poisson rouge moyen, je pense très vite, trop vite, et il paraît que je parle vite aussi, et que je noie mes interlocuteurs dans les détails inutiles, que mes phrases sont plus longues que n'importe quel pénis de blague salace et que ça m'oblige à prendre de grandes inspirations avant de commencer à parler, un peu comme vous humains lorsque vous décidez de mettre la tête sous l'eau.
Sinon, je suis intelligent, très, trop. Il paraît. Mon QI atteint les 180, ce qui est plutôt honorable. Il paraît. Être très intelligent, trop, ça apporte son lot de péripéties plus ou moins agréables tous les jours, en plus de certains dons qui parcourent toutes les facettes des sciences et même un peu au-delà. Le monde paraît aller au ralenti quand on réfléchit si vite, je suis souvent frustré de la lenteur de mon corps en comparaison, il répond à mes injonctions en décalage, mes nerfs doivent être de mauvaises qualités. Mais ça, je l'ai déjà dis. Je suis pas très bon guerrier.
J'ai étudié mes réflexes sociaux et classé mes interactions en trois grands groupes. Les négatives, avec les racistes et les pirates, évidemment, ainsi que les envieux qui passent plus de temps à jalouser mes talents qu'à développer les leurs. Les neutres, qui se contentent de me trouver bizarres. Et les positives, qui veulent trouver un moyen efficace d'exploiter mes dons. Ce sont ces dernières que j'apprécie. J'apprécie les gens efficaces. Ils se surmènent pour exécuter leur besogne vite et bien. C'est très bien. C'est ce qu'il faut. Moi-même, je n'initie des relations sociales avec d'autres animaux que si la situation l'exige ou s'il y a un gain de temps en jeu : j'écourte les discussions qui ne m'apportent rien de concret, je les élague comme de mauvaises herbes envahissantes.
La vie n'est pas trop courte, c'est nous qui la perdons. En questions inutiles. En réflexions stériles.
J'optimise mon temps ainsi que chacun de mes actes. Pas une seconde ne sera perdue. Ainsi peu importe quand je mourrai, j'aurai la satisfaction d'avoir rentabilisé mon existence à plus de 90%. J'aime bien les nombres. Ils disent tout haut ce que les lettres pensent tout bas. Ils sont efficaces, eux aussi. Directs. Cruels parfois.
Pour en revenir au social, je crois que globalement, je suis assez détesté, parce que les gens, collègues compris, me trouvent prétentieux au quotidien. Mais cela cache probablement une jalousie amère, comme je le sous-entendais précédemment. Je suis meilleur qu'eux en mathématiques, en chimie, en physique et même en biologie, et j'applique mon savoir au quotidien pour transformer chacune de mes aventures en algorithme réutilisable. Voilà pourquoi je suis meilleur qu'eux. J'apprends plus vite. Et je n'ai pas d'ego mal placé. Les personnes intéressantes n'ont pas de fierté. La fierté et l'honneur brident les décisions et les réflexions. C'est mauvais. Parasites. Berk.
Je suis meilleur qu'eux et il leur faudra l'accepter s'ils veulent progresser. La génétique est injuste, de toute façon. Je suis parfaitement satisfait de mon ADN, qui me semble être de qualité très convenable. Et le racisme ne me touche absolument pas. C'est un symptôme de peur, due à de négligeables différences physiques. Le corps est méprisable. Ceux qui s'y arrêtent le sont aussi. Les médiocres qui croient que ma place devrait être dans un bocal sont sous l'emprise de préjugés ridicules qui trouvent en leurs esprits étriqués le terreau pour germer. Méprisables. Hmmf.
Ah. Aussi. Il paraît que je manque de second degré, ce que je ne comprends pas, quel intérêt à se brûler si fort par pur conformisme ? Au second degré, la peau n'est déjà plus qu'un tapis de cuir fumant. Il faut faire attention. Ne touchez pas au second degré, même si on vous martèle que c'est important d'en avoir. Et on dit parfois aussi de moi que je suis un "enculé" mais je n'ai en fait pas la moindre orientation sexuelle.
Je n'ai pas "un objectif", j'en ai des centaines, qui se multiplient perpétuellement au gré de mes pensées. Et disparaissent aussi vite comme des étoiles mortes-nées qui n'auront même pas eu le temps de partager leur lumière. Mon esprit rapide, ma mémoire aléatoire, ma concentration capricieuse, ça n'aide pas à la focalisation à long terme. Alors je cueille le jour et saute de projet en projet. Comme une puce sur des chiens appétissants.
Sinon, je suis intelligent, très, trop. Il paraît. Mon QI atteint les 180, ce qui est plutôt honorable. Il paraît. Être très intelligent, trop, ça apporte son lot de péripéties plus ou moins agréables tous les jours, en plus de certains dons qui parcourent toutes les facettes des sciences et même un peu au-delà. Le monde paraît aller au ralenti quand on réfléchit si vite, je suis souvent frustré de la lenteur de mon corps en comparaison, il répond à mes injonctions en décalage, mes nerfs doivent être de mauvaises qualités. Mais ça, je l'ai déjà dis. Je suis pas très bon guerrier.
J'ai étudié mes réflexes sociaux et classé mes interactions en trois grands groupes. Les négatives, avec les racistes et les pirates, évidemment, ainsi que les envieux qui passent plus de temps à jalouser mes talents qu'à développer les leurs. Les neutres, qui se contentent de me trouver bizarres. Et les positives, qui veulent trouver un moyen efficace d'exploiter mes dons. Ce sont ces dernières que j'apprécie. J'apprécie les gens efficaces. Ils se surmènent pour exécuter leur besogne vite et bien. C'est très bien. C'est ce qu'il faut. Moi-même, je n'initie des relations sociales avec d'autres animaux que si la situation l'exige ou s'il y a un gain de temps en jeu : j'écourte les discussions qui ne m'apportent rien de concret, je les élague comme de mauvaises herbes envahissantes.
La vie n'est pas trop courte, c'est nous qui la perdons. En questions inutiles. En réflexions stériles.
J'optimise mon temps ainsi que chacun de mes actes. Pas une seconde ne sera perdue. Ainsi peu importe quand je mourrai, j'aurai la satisfaction d'avoir rentabilisé mon existence à plus de 90%. J'aime bien les nombres. Ils disent tout haut ce que les lettres pensent tout bas. Ils sont efficaces, eux aussi. Directs. Cruels parfois.
Pour en revenir au social, je crois que globalement, je suis assez détesté, parce que les gens, collègues compris, me trouvent prétentieux au quotidien. Mais cela cache probablement une jalousie amère, comme je le sous-entendais précédemment. Je suis meilleur qu'eux en mathématiques, en chimie, en physique et même en biologie, et j'applique mon savoir au quotidien pour transformer chacune de mes aventures en algorithme réutilisable. Voilà pourquoi je suis meilleur qu'eux. J'apprends plus vite. Et je n'ai pas d'ego mal placé. Les personnes intéressantes n'ont pas de fierté. La fierté et l'honneur brident les décisions et les réflexions. C'est mauvais. Parasites. Berk.
Je suis meilleur qu'eux et il leur faudra l'accepter s'ils veulent progresser. La génétique est injuste, de toute façon. Je suis parfaitement satisfait de mon ADN, qui me semble être de qualité très convenable. Et le racisme ne me touche absolument pas. C'est un symptôme de peur, due à de négligeables différences physiques. Le corps est méprisable. Ceux qui s'y arrêtent le sont aussi. Les médiocres qui croient que ma place devrait être dans un bocal sont sous l'emprise de préjugés ridicules qui trouvent en leurs esprits étriqués le terreau pour germer. Méprisables. Hmmf.
Ah. Aussi. Il paraît que je manque de second degré, ce que je ne comprends pas, quel intérêt à se brûler si fort par pur conformisme ? Au second degré, la peau n'est déjà plus qu'un tapis de cuir fumant. Il faut faire attention. Ne touchez pas au second degré, même si on vous martèle que c'est important d'en avoir. Et on dit parfois aussi de moi que je suis un "enculé" mais je n'ai en fait pas la moindre orientation sexuelle.
Je n'ai pas "un objectif", j'en ai des centaines, qui se multiplient perpétuellement au gré de mes pensées. Et disparaissent aussi vite comme des étoiles mortes-nées qui n'auront même pas eu le temps de partager leur lumière. Mon esprit rapide, ma mémoire aléatoire, ma concentration capricieuse, ça n'aide pas à la focalisation à long terme. Alors je cueille le jour et saute de projet en projet. Comme une puce sur des chiens appétissants.
>> Biographie
Journal du Dr Edgar Romanov
12 Janvier 1608
Le café est froid. Je viens d'emménager, comme convenu, dans le dernier cri de la planque à grosse tête du gouvernement. Mais le café est froid : tout le budget a du partir en ces volets automatiques bruyants et le gouvernement n'a même pas daigné m'offrir une cafetière neuve. Quelles absurdes priorités !
Journal du Dr Edgar Romanov
12 Janvier 1608
Allez, premier rapport sérieux. J'ai choisi de tout consigner par den den audio pour me faciliter l'organisation, vous n'imaginez pas quel bordel inonde mes nouveaux bureaux actuellement. Je me ferai à l'odeur de vieille charogne qui émane du labo d'à côté, et évite de me poser des questions sur leurs travaux. On n'a pas tous la chance de pouvoir garder sa blouse complètement blanche.
Les premières expérimentations dans le cadre du projet Symbiosis débuteront dès demain, les sujets frais arrivent ce soir. Ils sont au nombre de quarante. De beaux spécimens homme-poissons, paraît-il, du très jeune qui ne doit pas avoir plus de vingt ans au plus sénile qui palpe la soixantaine. Un large panel qui ouvrira à des résultats plus divers et concluants que ceux de l'ancien labo, je l'espère.
Journal du Dr Edgar Romanov
13 Janvier 1608
Hop. En route pour prouver au conseil à quel point la frontière entre humain et homme-poisson est si fine qu'il suffirait d'un pas pour la violer ! Le projet Symbiosis démarre demain.
Comme prévu, je m'occupe des lots homo pisces tandis que mon épouse gère les sapiens. Quarante de chaque, il s'agira de les fusionner, deux par deux, selon des binômes déjà établis par les chefs de protocole. Je rappelle que le processus a déjà fonctionné avec deux humains, donnant Alpha, cet être survitaminé à l'intelligence doublée qui a escorté l'ex-Vegapunk une bonne décennie avant de... mourir de vieillesse. Le processus est perfectible, certes, mais il marche : et il y a fort à parier que si nous réussissions à fusionner un homme avec un homme-poisson, ces forces de la nature, nous obtiendrons une créature d'une constitution exceptionnelle.
J'ai passé la journée à éplucher les cobayes, un à un, détecter en eux le moindre trouble physique ou mental. Hormis le stress naturel du à la présentation à un personnel médical inconnu et aux morsures des menottes sur leurs poignets, ces criminels, CAR je tiens à me rappeler qu'aucun d'entre eux n'est innocent, sont tous codifiés échantillons utilisables.
Mais l'enfant, je... Il y a un enfant. Huit, neuf ans, tout au plus. Probablement une erreur d'attribution, il est pourtant compté parmi les quarante prisonniers aptes à subir les procédures de type A à G. Je demande confirmation demain, afin qu'il soit ramené là où il doit être...
Journal du Dr Edgar Romanov
15 Janvier 1608
Bon, soit. Pas une erreur. Il y a aussi un bébé humain du côté de mon épouse, qui devra donc être... "lié" au bébé poisson. Je ne vous cache pas mon malaise et ma surprise, et ma femme ira dans mon sens. Les expériences sur les innocents, car quoi de plus innocent qu'un bambin, hein ? ... C'est de l'éthique basique. La plus basique de toute.
Et peu importe s'ils sont fils de criminels abattus. Nous suspendons les expériences en attendant les ordres venus d'au-dessus. Un psychopathe dans leur bureau a du se payer une bonne tranche de rire.
Continuez comme prévu.
Journal du Dr Edgar Romanov
19 Janvier 1608
"Continuez comme prévu" hum. Les ordres viennent tout juste d'arriver. Ça me semble... aller très loin. Mais après avoir dégluti quelques centaines de fois et une bonne fournée d'insomnies, j'imagine que je pourrai vivre avec ça sur la conscience. Ce n'est pas la première fois... Je ne peux pas en dire autant d'Helena. Je crois que l'idée de s'en prendre à des gosses la révulse trop profondément pour qu'elle puisse passer à l'acte. L'instinct maternel, probablement...
J'ai commencé les tests cognitifs sur les sujets âgés, pour me changer les esprits avant de passer à l'enfant.
Journal du Dr Edgar Romanov
19 Janvier 1608
On est toujours le 19. Je tenais à signaler que les résultats obtenus par le môme aux tests de quotient intellectuel sont proprement sidérants. Je n'aurais jamais cru ça venant d'un, hum, poisson rouge... 180, bon sang ! On lui a bien sûr fait repasser des tests cinq fois mais TOUJOURS 180 ! Je commence à me demander de plus en plus où vous avez bien pu aller pêcher ce gosse ! Il sait plutôt bien parler, il dit avoir été appelé Zeke par ses parents, mais ne plus s'en souvenir du tout. Je suppose que vous nous avez livré tout ces sujets bourrés d'amnésiques pour maintenir leur désorientation et amplifier leur docilité, mais ça va être coton de remplir l'en-tête de leurs dossiers individuels maintenant. Y a que Zeke qui se souvient encore de quelques bribes, probablement parce que vos gars ont eu la main moins lourde sur les médocs à cause de sa nature de... d'enfant. Je me contenterai de chiffres.
Pour Zeke, j'ai pensé à "180", pour marquer le coup. Ça me ruine de sacrifier un tel potentiel, mais... vous qui voyez.
Journal du Dr Edgar Romanov
28 Janvier 1608
Premier test effectué aujourd'hui, en collaboration avec mon épouse, le Dr Helena Romanov, comme prévu ! Mais c'est un franc échec. Même si les deux sujets étaient parfaitement compatibles, la fusion de leur corps n'a donné en résultat qu'une masse de chair glougloutante. On dirait qu'il va falloir adapter le protocole de fonte pour combiner deux races à la biologie différente... sans être radicalement éloignée.
Journal du Dr Edgar Romanov
2 Février 1608
Tests 2 à 4 effectués. Résultats similaires au test 1, si ce n'est que les n°4 ont atrocement gémi durant le processus. Qu'on savait douloureux, mais pas à ce point. Probablement la morphine qui s'était un peu gâtée durant la panne momentanée de la chambre froide hier soir. Rien d'important.
Journal du Dr Edgar Romanov
6 Février 1608
Je... Hmmf. Vous avez déjà du recevoir la demande d'Helena, je suppose. Je n'approuve pas, mais j'admets que je ne me battrai pas non plus pour la ramener à la raison... sa décision soulage ma propre conscience avec la sienne.
Qu'elle ait décidé d'acheter les plus jeunes cobayes ne doit pas la décrédibiliser aux yeux de ses supérieurs... Elle jure qu'elle continuera les expérimentations tout à fait normalement concernant le reste des bestioles. Et, après tout... Je la connais, et vous aussi -peut-être plus que moi, malheureusement...-. Vous savez à quel point elle a toujours été zélée. On a tous nos faiblesses, et vous semblez avoir touché la sienne en nous donnant des gosses.
On a décidé que l'on prendrait la charge des deux enfants. Mon épouse surveillera l'humain dans son laboratoire, moi je m'occuperai de Zeke. Ce petit est intelligent. Je suis certain qu'il ne sera pas qu'un bête parasite dans mes pattes. Si vous refusez la proposition, je vous conjure AU MOINS de me laisser évaluer la valeur de Zeke. Ce n'est pas tous les jours qu'on découvre une telle anomalie parmi les cobayes.
L'autre enfant, l'humain, est banal. Son sort m'indiffère.
Le Dr Helena Romanov est affectée au département de production des aspirines. Sa proposition a été rejetée unanimement. Le Dr Frank Flaine prend la direction des expérimentations à sa place.
Permission d'évaluer le sujet 180 accordée. L'examen psychiatrique complet sera supervisé par le Professeur Tangle. S'il s'avère que le sujet n'est pas aussi exceptionnel que vous ne nous le vantez, vous rejoindrez votre épouse. Nous voulons des résultats, pas de grands sentiments. Nous aimerions financer un laboratoire, et non un orphelinat.
Rapport du professeur Tangle concernant le sujet 180 "Zeke"
Un très étonnant QI pour un homme poisson rouge, comme l'avait déjà souligné le Dr Romanov. Il semble également détenir de formidables facultés d'apprentissage grâce à une compréhension pour le moins exceptionnelle (pour avoir réussi en dix minutes à lui enseigner les bases de la relativité restreinte alors qu'il ne savait même pas ce qu'était la lumière en rentrant dans mon bureau...). Des ressources dont la division scientifique aurait bien besoin ces temps-ci !
Je tempère néanmoins ces éloges en soulignant qu'il souffre probablement d'un léger trouble autistique, il s'est contenté de me fixer de ses deux gros yeux globuleux durant toute la séance jusqu'à ce que je me risque à commencer à lui poser des questions techniques. Sa mémoire également est des plus médiocres concernant des gestes et des paroles simples, ce que je ne m'explique pas. Il a suivi sans en perdre une miette toute ma tirade sur les équations de Hugues, mais il lui a suffit d'une poignée de secondes pour oublier purement et simplement la raison de sa présence dans mon bureau, et même qui j'étais. Une mémoire des plus... sélectives. Peut-être un effet secondaire du à l'administration forcée d'amnésiques il y a deux mois.
En bilan, je dirais que nous avons là un diamant brut qui attend le joaillier expert qui saura le tailler pour le rendre brillant. J'approuve la décision du Dr Romanov : il serait dommage de passer à côté d'un éventuel successeur de Vegapunk. Je suggère de lui trouver un tuteur qui contrôlera son évolution sur plusieurs mois.
Le Dr Romanov est nommé tuteur du sujet 180 et est en conséquence retiré du projet Symbiosis pour présenter à son élève des expérimentations moins complexes. Votre carrière l'a échappé belle, Romanov.
[...]
24 Juin 1613
Il a appris vite et bien, ainsi que beaucoup. Je crois qu'il est tombé amoureux de la chimie, toutes applications confondues. Faut le voir manipuler sans peur toutes ces fioles colorées qui pourraient lui arracher la palme s'il les secouait trop fort... on dirait que faute de hochet, c'était un plein bidon de nitroglycérine que ses parents lui offrait dans son berceau ! Et la pharmacologie l'attire aussi ! Il a sorti son premier bicarbonate la semaine dernière, et pour l'avoir testé sur l'un des cobayes de Flaine, il semble quasiment parfaitement dosé. Le sujet s'est plaint de tremblements de ventre, puis s'est tus, soulagé. Je n'avais même pas expliqué à Zeke ce qu'était censé faire ce médicament, il a trouvé tout seul que ça ciblait le ventre !
Bon, le sujet est tout de même décédé d'overdose quelques minutes plus tard et Flaine m'a passé un savon. Mais cela confirme que je détiens un potentiel démentiel en mes mains en la personne de Zeke.
Prometteur tout ça.
13 Juillet 1613
Comme c'est mignon ! Il développe son assurance. Si jeune et déjà si arrogant ! Je ne peux pas lui jeter la pierre pour ça, je suis moi-même très fier de ce qu'il devient. Je devrais tout de même tâcher de lui enseigner un brin de savoir-vivre entre deux manuels de physique théorique, car il commence à se mettre tout le département à dos, et en tant que tuteur, je pâtis de sa malsaine réputation. Mais sa mémoire... Hum. Je ne sais plus depuis quand je lui demande de ne pas marcher voûté comme ça, ça lui donne un profil de sexagénaire écartelé. Il s'exécute sur le coup, se redresse comme une ligne droite durant une minute ou deux, puis s'affaisse de nouveau. Quand je lui fais remarqué, il dit qu'il avait oublié. Je commence à me demander s'il n'en rajoute pas un peu pour justifier sa démarche cabrée, mais...
... mais je crois que pour tout ce qui ne l'intéresse pas, et pour tout ce qui se range dans la mémoire à court terme, il garde des souvenirs délabrés qu'il ne parvient pas à reconstituer. Une bien louche forme d'amnésie sélective, hahaha. Ça méritera quelques examens complémentaires.
19 Novembre 1614
Il tourne, parfois, seul dans mon labo, il tourne en rond comme un poisson rouge enfermé dans une bulle de verre.
Il s'ennuie, probablement. Il a appris beaucoup, ces dernières années, plus que moi et Helena réunis en quarante ans de carrière concernant certains domaines. J'ai appris. Pour Helena. Son accident. Réduite en cachets d'aspirine. Vous avez essayé de me cacher l'information pour que je reste sage aux commandes de mes... laboratoires, de plus en plus déserts, alors que tout mes collègues demandent leurs mutations.
Je sais que ma femme est morte, s'exténuant à un boulot qu'elle détestait, cette rétrogradation dont vous l'avez humiliée.
Mais je vais très bien. Je pense à l'avenir. Je pense à Zeke ! Il est tout ce qu'il me reste.
Si je n'ai plus aucun savoir à lui offrir, alors qu'il soit encore sous ma tutelle est un gâchis, et le simple fait qu'il s'emmerde une hérésie ! Je vais lui trouver de quoi se dégourdir les palmes. Un vrai projet. On dirait qu'il est intéressé par les armes chimiques. Peut-être que je peux lui dénicher une mutation dans le département des gaz-qui-font-tousser-du-sang, assorti d'une promotion éclaire pour qu'il ne soit pas rélegué à un rang minable où il ne pourra rien manipuler ?
On dirait que vous avez bien chouchouté votre protégé, Romanov, peut-être de trop. Vos collègues le considèrent comme un petit génie arrogant pistonné par la chance. Nous vous conseillons de réfléchir plus longuement au quartier auquel vous voudriez demander son affectation. Hors de question que nous fassions rentrer un fauteur de troubles dans un département aussi sensible et précieux que celui des gaz-qui-font-tousser-du-sang.
23 Novembre 1614
Permettez moi d'insister. J'ai appris à Zeke qu'il valait mieux se taire qu'être gratuitement désobligeant ces derniers jours. Pour m'assurer qu'il avait saisi sa leçon et qu'il ne l'oublierait jamais, je l'ai imprimée sur son corps, si vous voyez ce que je veux dire.
Mutation accordée. 180 rejoindra la section du professeur Yune.
En conséquence, il perd son statut de sujet de test et gagne une citoyenneté gouvernementale régulière. Puisque vous avez supervisé son éducation, il a été décidé qu'il portera votre nom. Zeke Romanov est né sur les registres.
[...]
Missive du professeur Yannick Yune au docteur Edgar Romanov
6 Mars 1615
Aberrant ! Oui, il est bon, oui, ses idées sont pertinentes, mais... est-ce qu'il peut se permettre de faire la leçon à MES gars lorsqu'ils se servent de méthodes -de LEURS méthodes, qui ont par MAINTES FOIS faites leurs preuves- qu'il trouve, je cite, "inefficace", "lamentable", "ridicule"... alors qu'à côté Monsieur Zeke Romanov se permet de consommer des dizaines de cobayes par jour alors que le complexe est en grave pénurie depuis des mois ?
Et vous penseriez que mon statut d'ingénieur général l'impressionne ? Bien sûr que non ! Ce petit con de poiscaille fait comme si je n'existais pas. Il s'accapare le matériel et en fait ce qu'il veut, souvent des dispositifs très dangereux que nos démineurs ont du neutraliser à trois reprises. S'il reste, il finira par provoquer un accident, ou au moins un ras-le-bol général qui le mettra fort en danger. Et qu'il se fasse corriger par les poings ne me dérange guère : je n'ai juste pas envie d'avoir à essuyer un énième scandale dans mon service !
Je n'en veux plus. Je vous respecte, Edgar, vous et votre travail, mais ce caprice-là, non. Vous ne pouvez pas nous imposer vos cancres avec autant de nonchalance. Reprenez votre foutu poisson et ne m'envoyez plus jamais personne. A bon entendeur.
Journal du Dr Romanov
8 Mars 1615
Bon. Zeke n'était probablement pas assez mature pour se fondre sans dommage dans le monde du travail. Il n'a que 15 ans, ils pourraient comprendre ! Il est toujours en plein dans son âge rebelle, bien que je le soupçonne d'être bien trop avancé par rapport à l'adolescent lambda pour se livrer aux crises puériles traditionnelles. Il y a probablement autre chose de plus profond : une créature élevée en laboratoire est comme couvée in vitro, ses seules expériences ont été celles que je lui proposais pour m'assister dans mes recherches. Je n'ai plus que lui comme assistant, mais j'accepterai volontiers de m'en séparer si c'est pour qu'il me revienne encore plus surdoué !
Et si nous l'envoyions récolter des matières premières sur le terrain ? Il ne suffira que d'une poignée de marines pour assurer sa sécurité. Je lui fais confiance, il ne se mettra pas en danger. Il y a intérêt, sinon c'est auprès de moi qu'il le retrouvera. Le danger.
Il le sait. Il me craint depuis que je me fais moins tendre avec lui. Je vais continuer ainsi pour lui inculquer la discipline requise à l'exercice de ses futures fonctions.
Larguer seul un chercheur apprenti sur le terrain, en lui fournissant sa petite escorte personnelle ? Vous délirez, Romanov ?
Il rejoindra la section d'exploration "Aventures et explosions" du Docteur Ulrich en tant que stagiaire. Il commencera tout en bas de l'échelle, comme n'importe qui, bien qu'il ne soit plus n'importe qui, désormais : ses petites folies perpétrées sous les ordres du professeur Yune l'ont propulsé dans notre collimateur.
Quant à vous, Edgar Romanov, vous vous présenterez pour évaluation psychiatrique au professeur Tangle. Perdre votre épouse a de toute évidence sévèrement érodé votre capacité de jugement. Pourquoi croyez vous que vos collègues se sont éloignés de vous ? Vous devenez violent, et vous empestez la bibine à des kilomètres. Vous devez vous faire soigner, que vous le voulez ou non.
Rapport du professeur Ulrich
7 Septembre 1620 (environ)
J'l'ai dressé vot' poisson moi ! Il fait toujours son malin quand j'suis pas dans les parages, mais vu qu'j'en ai fais mon assistant perso, j'suis TOUT L'TEMPS dans ses parages, hgégégé ! Les rumeurs mentaient pas, l'est bon. Rapide, efficace, la prise d'échantillons s'fait toute seule quand il est là, et l'analyse est encore plus rapido. Un don pour la chimie, j'conseillerai bien d'en faire l'un de vos exploseurs, là, dans les labos qui font boum sept jours sur sept, mais j'pense qu'il a plus de potentiel sur l'terrain, à étudier les choses à leurs sources. Pour l'instant, j'le garde volontiers, en tout cas !
Journal du Dr Romanov
13 Octobre 1620
Je demande le renvoi de Zeke immédiatement. Dans mon service.
Refusé. Ce n'est pas pour rien que nous vous avons affectés au contrôle des échantillons instables : c'est un métier de solitaire et vous êtes devenu parfaitement insupportable.
Vous aviez insisté pour caser votre "fils", et c'est fait, maintenant. Zéro est entre de bonnes mains qui savent le manipuler. Vous avez tenu convenablement votre rôle de tuteur, mais nous ne vous payons pas pour que vous puissiez vous prétendre père adoptif d'un cobaye affranchi. D'ailleurs, nous apprécierons que vous cessiez de le crier sur les toits.
Tournez la page et consacrez vous à votre travail.
Journal du Dr Romanov
28 Novembre 1621
Je réitère. Je demande le retour de Zeke. Je suis son tuteur. Il doit être à mes côtés. Ou je risque de commettre une étourderie. Concernant les échantillons instables !
Vous n'êtes clairement plus en état d'exercer vos fonctions actuelles. Vous êtes rétrogradé aux chaînes de montage, Romanov, cette décision prend effet immédiatement.
Journal du Dr Romanov
Hahahaha, bande de connards, vous vous rendez pas compte de tout ce que j'ai apporté à votre labo bondé d'incompétents ? Un GÉNIE ! J'vous ai pondu un GÉNIE conscient de ses capacités ! Zéro va changer le monde ! Ce p'tit créera plus tard les armes qui permettront à la mouette de triompher de la barbarie de ces mers ! Et votre façon d'me remercier, c'est me mettre au banc ? Comme HELENA ? J'ai donné ma vie au gouvernement. Ma vie, fils de catins. Et maintenant qu'vous vous êtes bien torchés avec, vous tirez la chasse, je...
Salopards.
Edgar Romanov, vous êtes viré. Pliez bagages et tirez vous. Loin. Votre dossier a été transmis au cipher pol. Vos jours sont comptés. Courez vite.
12 Janvier 1622
Je ne lui ai pas seulement sauvé la vie : je lui ai arraché le droit d'exister à nos supérieurs, perchés si haut que leurs pieds ont depuis longtemps cessé de toucher terre. Je peux être fier de ce qu'il est devenu, Helena, et je suis sûr que si tu l'avais toi aussi suivi toutes ces années, tu aurais fini par le considérer comme ce fils qu'on a toujours essayé d'avoir sans jamais y parvenir. Il est faible, quoiqu'il en dise, il n'a rien vu du monde extérieur, si ce n'est une poignée de cobayes anesthésiés prêts à servir la science -et sa curiosité-.
L'intelligence est un arc-en-ciel qui colore chacune des âmes de ce monde étroit. Il n'y a pas "une" intelligence, mais des centaines, et Zéro ne les monopolise pas toutes : et il n'a pas encore trouvé l'intelligence de s'en rendre compte, haha. Mais il sait décrypter son univers, en percevoir les ficelles et les manipuler. Il est curieux et il réussit à comprendre ce qui l'entoure. Il possède la plus grande force qu'il peut être donné à quelqu'un dans ce monde en perpétuelle dérive. Il sait s'adapter. J'ai entendu dire qu'il avait enfin obtenu son poste d'ingénieur chimiste !
Peut-être que le jour où il se sera lassé de ses béchers et des substances explosives, il ira parler à quelqu'un. Et qu'il se rendra enfin compte qu'il n'est pas seul au monde...
... moi, je m'en suis enfin rendu compte.
Pardon, Zeke.
Je dois te quitter.
Et rejoindre en paix ma Helena, mon ange qui attend impatiemment mon départ pour le royaume des cieux.
Et il se fera en beauté !
Journal du monde : Janvier 1622
L'aile droite d'un laboratoire pharmaceutique gouvernemental de West Blue a explosé en quasi-totalité le Vendredi 13 dernier, causant la mort d'une dizaine de chercheurs et ébranlant massivement le fournissement de l'hôpital du QG marine local. Les rares images choquantes qui nous sont parvenues ne nous exposent que désolation, et remettent largement en cause la nature-même de l'explosion. Nos experts qui se sont penchés sur la question affirment qu'une telle déflagration ne pourrait avoir été causée que par une quantité absurde d'explosifs de pointe, ou par la réaction en chaîne de produits chimiques qui se seraient déjà trouvés dans le complexe avant l'explosion initiale.
Bien sûr, nous sommes en droit de nous demander ce que ferait un tel arsenal de produits instables au sein-même d'un laboratoire qui n'est censé ne produire que des médicaments.
Accident ou attaque terroriste ? Le gouvernement n'a voulu communiquer aucun renseignement sur le sujet. L'enquête patine grandement malgré les preuves et les pistes omniprésentes, suggérant d'intenses batailles d'influences en arrière-plan.
Le grand public ne saura probablement jamais ce qui s'est réellement passé !
>> Test RP
Zeke !
J'accoure. Il me demande. J'aime pas le faire attendre. Ce serait une perte de temps et de patience, pour lui comme pour moi. Alors j'ordonne à mes jambes fraîches de se presser un peu plus. Je cours.
J'ai une surprise pour toi !
La chaleur de ma chambre s'enchaîne sans transition au glacial couloir. Réfrigéré par l'hiver, dehors. Je crois qu'il neige, je sais pas. Les fenêtres sont fermées. Mais l'air est froid et lourd. Mon corps est engourdi mais mon esprit brûle. Je quitte ma cabine pour rejoindre la sienne, voisine. Plus spacieuse.
Ah, te voilà !
Plus luxueuse. Une cellule de chercheur. Je suis encore dans les équivalents étroits pour cobayes. Le Dr Romanov trépigne au milieu de sa chambre, encerclé par son haleine chargée d'éthanol, une grosse boîte sous l'aisselle. Probablement la cargaison de sulfures qu'il avait commandé la semaine dernière : très bien, excellent, j'aime ça. Mais l'emballage du paquet est pour le moins hors-sujet. Des sapins. Du rouge vif strié de bandes vertes. Des individus obèses et barbus souriants en tenues polaires. Je ne vois pas le rapport avec le soufre.
Mon colis est arrivé ce matin...
Les sulfures ?
Non. Quelque chose d'autre, pour toi, Zeke. Héhé. Tiens.
J'attrape le paquet qu'il me tend. J'ai du manquer une information clé. Je ne me souviens même plus de la raison de ma convocation. Espérons que ce soit un nouveau cours de physique des particules.
Tu peux répéter ?
Vas-y, ouvre-le !
D'accord.
Je m'exécute. Arrache souplement l'emballage en prenant soin d'optimiser mes déchirures pour éviter de me débattre avec le papier trop longtemps. Après quelques secondes, je me retrouve avec un pavé en carton coloré entre les palmes. Orné de trains. De rails. De wagons. De personnages basiques. Des dessins bâclés. Où était le cadeau qu'il voulait m'offrir, déjà ?
Alors ? Ça te fait plaisir ?
Ça dépendra de ce qu'il y a à l'intérieur de la boîte.
Eh bien... Tu vois... Un train électrique. Joyeux Noël, mon garçon !
Ses yeux brillent un peu plus à chaque seconde. Je ne croyais pas qu'il serait du genre à fantasmer sur un train électrique. Et encore moins qu'il s'intéressait aux fêtes religieuses. Il ne me suffit pas de beaucoup plus de temps pour deviner ce qu'il veut me faire comprendre :
C'est un nouveau test. Je dois saisir ce qu'il cherche à évaluer chez moi. Aujourd'hui.
J'ouvre le carton. En extirpe une locomotive noyée sous des centaines de copeaux de polystyrène. A vue de nez, il y a au moins 140 copeaux. L'objet est en bois, manifestement taillé et peint à la main. Car il y a dessus des irrégularités qu'une machine n'aurait jamais laissé passer. Les roues sont grossièrement cycliques. Et sous le ventre de la locomotive, plusieurs électrodes, et des aiguilles. Mais le gros du réseau électrique de l'objet semble scellé sous une plaque blanche, par quatre vis. Bon. Je commence à voir ce qu'il attend de moi.
Qu'est-ce que tu fais ?
Trouver un tournevis plat.
Démonter l'objet et plonger dedans en profondeur, oui. Probablement ce qu'il attend de moi. Sa poigne m'enserre le bras, me garrotte la palme. Il me tire vers lui. J'ai failli lâcher le sujet ! Il faut qu'il me manipule avec plus de précautions...
Non non ! Je voulais t'apprendre à jouer avec ce train électrique, aujourd'hui. Tu ne sais pas ce que c'est que jouer ?
Je le sais. Bien sûr. Se divertir. Passer un instant agréable et enrichissant. Je le fais tout le temps parmi les fioles. Mais si je ne peux pas ouvrir cet objet, à part éprouver la résistance de son bois aux incidents domestiques courants, je ne trouve pas d'autres options de "jeu" constructives.
Hum.
Tu vas voir. Ça va stimuler ta créativité. Il y a des rails dans ce coffre.
Bon sang... C'est exactement comme mon premier train !
Je crois qu'il est très excité. Je l'ai jamais vu aussi nerveux. On le dirait en pleine ouverture d'un coffre à trésors, mais je ne vois qu'un monticule de pièces de bois et de fer, sculptés pour imiter des rails, qu'il déverse sur le carrelage. Avide et surexcité, il a les yeux similaires à ceux d'un cobaye sous l'emprise de psychotropes. Je sais pas ce qu'il fiche. Ni ce qu'il voudrait que je lui réponde. Ça faisait longtemps qu'il ne m'avait pas collé à ce point. Mais il a raison. Décortiquer cette énigme m'améliorera. J'aime. J'aime son idée même si je ne la comprends pas encore.
Hum. Me faut des pinces.
Pourquoi faire ?
Pour amorcer une expérience témoin.
Pas besoin ! Aucun outil ! Tu prends juste les rails, tu les assembles. Ça s'emboîte tout seul. Regarde !
Me donne pas la solution !
La solution à quoi ?
A l'énigme !
De l'étonnement. Il me fixe comme la première fois. Après qu'il ait découvert mon quotient intellectuel qui a balayé instantanément tout ces préjugés concernant ma race. Je m'attendais pas à cette réaction. Plutôt dérangeant ce qui se passe dans cette salle aujourd'hui. Ça peut n'être qu'un énième test. Une épreuve initiatique. Je dois continuer à creuser. Si je le déçois, mon avenir sera compromis. Ou au moins retardé. J'en ai assez de tourner en rond entre quatre murs ; parfois huit. Hors de question que je rate le train en marche. Je dois réfléchir et réussir, en commençant naturellement par suivre ses directives. Je m'empare de morceaux, je les assemble. Deux, puis trois, puis quatre. Sans réelle cohérence poussé, une simple piste de rails. Mais ça semble l'inspirer.
Héhé ! L'idée te plaît ?
Je. Et ensuite ? J'engage l'objet-locomotive sur les rails après en avoir activé l'interrupteur ?
Voilà ! Tu te sens pousser une âme de cheminot ? Haha !
J'ai pas d'âme. Personne en a.
Zeke...
Désolé. J'comprends pas.
Le premier jouet que je t'offre, et ce ne sera pas le dernier. Le temps passe si vite... Tu as tellement grandi.
C'est aussi pour ton anniversaire, Zeke. Pour tes treize ans.
Je suis né il y a treize ans ?
Oh, environ. On ne connaîtra jamais ta date de naissance exacte, mais. Barrons une case du calendrier et considérons que tu es né un 25 Décembre, d'accord ?
D'accord.
Mon âge m'importe peu. Procéder au décompte de mes jours serait une sacrée perte de temps. Alors je hoche la tête. Pour lui faire plaisir, mais aussi pour me donner quelques secondes de réflexion. Il a parlé d'âme. C'est tout ce que j'ai arraché à cet étrange dialogue. Une "âme". Un indice ?
Helena aurait adoré ce moment. Elle aurait été fière de toi, de moi, de nous, de ce que nous représentons. Tu sais, on aurait aimé avoir un fils... et...
Je saisis pas pourquoi il me parle de Dr Romanov-femme mais je tomberai pas dans le piège, je poursuis mon hochement de tête. A coup sûr, c'est encore une tactique pour me déconcentrer. Me détourner l'esprit de son test. Le Dr Romanov est très intelligent. Mais je le suis plus que lui, il le sait, mais je lui prouverai un jour dans quel mesure je le surpasse. Je veux...
REGARDE MOI, ZEKE !
Ses poings sont crispés, ont martelé le carrelage. Je reste bouche béate devant ses pupilles écarlates. Il devient méchant. J'ai du le décevoir. Mais mes souvenirs se sont tut. J'ai aucune idée de ce qui a pu le vexer.
Il ne peut pas me corriger par la force. Il ne peut pas se le permettre. J'ai estimé la valeur de mes aires cérébrales en fonction d'un bloc de statistiques que j'ai trouvé sur son bureau, comme on pèse l'or pour en étalonner le prix. Et chacun de mes neurones vaut 3,6 fois son salaire. Annuel. Il ne peut pas en détruire, ce serait un gâchis inestimable. Il ne me frappera pas. Il ne...
... navré. Je me suis emporté. Écoute moi, Zeke. Écoute moi bien. J'aimerais que tu retiennes ce que je dis. Tout...
Helena fut la femme qui m'a offert une raison de vivre, et... et qui m'a rendu sensible. Sans elle, j'aurais pu être une ordure de la pire espèce, tu comprends ? La science gouvernementale est si amorale ! Je me force à l'encaisser telle quelle, mais c'est difficile, parfois, c'est si difficile. De n'avoir aucune âme soeur pour te rappeler qu'un coeur bat en toi. Que tu restes toujours un peu humain, malgré les horreurs et les sévices quotidiens que tu infliges à la lie de l'humanité, au nom de la science, ou de la justice...
C'est pour ça. C'est pour ça qu'Helena et moi... On voulait un enfant. Il aurait été notre espoir ! Une toute petite goutte d'innocence dans cet horrible océan de merde ! On le voulait. On l'a eu. Mais elle est morte avant de te découvrir, Zeke...
... elle t'a sauvé, en trouvant le courage de mettre sa carrière en péril, elle t'a permis de naître à la face d'un monde qui ne voulait pas de toi ! Et pourtant ! POURTANT ! ELLE A DU MOURIR ! MOURIR AVANT DE SAVOIR DE QUEL PRODIGE ELLE AVAIT SAUVÉ LA VIE !
Mais là, maintenant, aujourd'hui, c'est comme si je la sentais à nouveau près de moi. Qu'elle revenait nous envelopper de sa chaleur, de cette douceur dont elle émanait le soir au chalet, au coin du feu, le jour où nous nous avons confessés nos sentiments pour la première fois. C'était aussi... en période de Noël. Tu comprends ? Tu comprends pourquoi j'aimerais que cette date devienne un symbole pour notre famille ?
Elle reviendra pas. Les morts restent froids.
Oh non ! Il grimace sévèrement. J'ai eu faux. Encore une mauvaise réponse. Au lieu de me le signaler et de me donner des pistes, il commence à secréter du liquide lacrymal. Peut-être que ses pleurs sont un indice en soi ? Je l'ai jamais vu comme ça. Une expérience absolument inédite. Et des plus intéressantes, qui met en jeu l'équation la plus complexe de la planète, mais que je résoudrai un jour ou l'autre : l'humain.
Le sol immaculé accueille ses larmes blanches. Il murmure d'autres mots que je ne parviens pas à décrypter. Entre deux reniflements, il évoque son épouse, de nouveau, des souvenirs. Des souvenirs qui me visitent puis me quittent presque aussitôt, chassés par ma mémoire déficiente. Je ne retiens que quelques bribes. Des sourires. Des caresses. De l'horreur. De la tristesse. De la chaleur. Énormément de chaleur dans un hiver caustique. Ce sont les symptômes de l'amour. Une réaction des plus chimiques qui allie deux corps en un désir reproducteur commun. Mais qui connaît d'étranges déclinaisons qui dépassent le cadre de la science telle que je la connais. Une force invisible qui transforme les esprits inférieurs en d'étranges et imprévisibles bêtes de guerre.
Oui ! Oui. L'amour. C'est le thème de son test !
Je t'aime.
Tu...
Oui. Pour tout ce que tu m'as appris. Pour tout ce que tu m'apprendras encore. Je t'aime, papa.
Zeke...
Il m'enlace en pleurant ce qui lui reste de liquide lacrymal.
J'ai dis ce qu'il souhaitait entendre. J'ai remporté son épreuve.
Soulagé, je le laisse m'étreindre.
Joyeux Noël, fiston !
Joyeux Noël.
J'accoure. Il me demande. J'aime pas le faire attendre. Ce serait une perte de temps et de patience, pour lui comme pour moi. Alors j'ordonne à mes jambes fraîches de se presser un peu plus. Je cours.
J'ai une surprise pour toi !
La chaleur de ma chambre s'enchaîne sans transition au glacial couloir. Réfrigéré par l'hiver, dehors. Je crois qu'il neige, je sais pas. Les fenêtres sont fermées. Mais l'air est froid et lourd. Mon corps est engourdi mais mon esprit brûle. Je quitte ma cabine pour rejoindre la sienne, voisine. Plus spacieuse.
Ah, te voilà !
Plus luxueuse. Une cellule de chercheur. Je suis encore dans les équivalents étroits pour cobayes. Le Dr Romanov trépigne au milieu de sa chambre, encerclé par son haleine chargée d'éthanol, une grosse boîte sous l'aisselle. Probablement la cargaison de sulfures qu'il avait commandé la semaine dernière : très bien, excellent, j'aime ça. Mais l'emballage du paquet est pour le moins hors-sujet. Des sapins. Du rouge vif strié de bandes vertes. Des individus obèses et barbus souriants en tenues polaires. Je ne vois pas le rapport avec le soufre.
Mon colis est arrivé ce matin...
Les sulfures ?
Non. Quelque chose d'autre, pour toi, Zeke. Héhé. Tiens.
J'attrape le paquet qu'il me tend. J'ai du manquer une information clé. Je ne me souviens même plus de la raison de ma convocation. Espérons que ce soit un nouveau cours de physique des particules.
Tu peux répéter ?
Vas-y, ouvre-le !
D'accord.
Je m'exécute. Arrache souplement l'emballage en prenant soin d'optimiser mes déchirures pour éviter de me débattre avec le papier trop longtemps. Après quelques secondes, je me retrouve avec un pavé en carton coloré entre les palmes. Orné de trains. De rails. De wagons. De personnages basiques. Des dessins bâclés. Où était le cadeau qu'il voulait m'offrir, déjà ?
Alors ? Ça te fait plaisir ?
Ça dépendra de ce qu'il y a à l'intérieur de la boîte.
Eh bien... Tu vois... Un train électrique. Joyeux Noël, mon garçon !
Ses yeux brillent un peu plus à chaque seconde. Je ne croyais pas qu'il serait du genre à fantasmer sur un train électrique. Et encore moins qu'il s'intéressait aux fêtes religieuses. Il ne me suffit pas de beaucoup plus de temps pour deviner ce qu'il veut me faire comprendre :
C'est un nouveau test. Je dois saisir ce qu'il cherche à évaluer chez moi. Aujourd'hui.
J'ouvre le carton. En extirpe une locomotive noyée sous des centaines de copeaux de polystyrène. A vue de nez, il y a au moins 140 copeaux. L'objet est en bois, manifestement taillé et peint à la main. Car il y a dessus des irrégularités qu'une machine n'aurait jamais laissé passer. Les roues sont grossièrement cycliques. Et sous le ventre de la locomotive, plusieurs électrodes, et des aiguilles. Mais le gros du réseau électrique de l'objet semble scellé sous une plaque blanche, par quatre vis. Bon. Je commence à voir ce qu'il attend de moi.
Qu'est-ce que tu fais ?
Trouver un tournevis plat.
Démonter l'objet et plonger dedans en profondeur, oui. Probablement ce qu'il attend de moi. Sa poigne m'enserre le bras, me garrotte la palme. Il me tire vers lui. J'ai failli lâcher le sujet ! Il faut qu'il me manipule avec plus de précautions...
Non non ! Je voulais t'apprendre à jouer avec ce train électrique, aujourd'hui. Tu ne sais pas ce que c'est que jouer ?
Je le sais. Bien sûr. Se divertir. Passer un instant agréable et enrichissant. Je le fais tout le temps parmi les fioles. Mais si je ne peux pas ouvrir cet objet, à part éprouver la résistance de son bois aux incidents domestiques courants, je ne trouve pas d'autres options de "jeu" constructives.
Hum.
Tu vas voir. Ça va stimuler ta créativité. Il y a des rails dans ce coffre.
Bon sang... C'est exactement comme mon premier train !
Je crois qu'il est très excité. Je l'ai jamais vu aussi nerveux. On le dirait en pleine ouverture d'un coffre à trésors, mais je ne vois qu'un monticule de pièces de bois et de fer, sculptés pour imiter des rails, qu'il déverse sur le carrelage. Avide et surexcité, il a les yeux similaires à ceux d'un cobaye sous l'emprise de psychotropes. Je sais pas ce qu'il fiche. Ni ce qu'il voudrait que je lui réponde. Ça faisait longtemps qu'il ne m'avait pas collé à ce point. Mais il a raison. Décortiquer cette énigme m'améliorera. J'aime. J'aime son idée même si je ne la comprends pas encore.
Hum. Me faut des pinces.
Pourquoi faire ?
Pour amorcer une expérience témoin.
Pas besoin ! Aucun outil ! Tu prends juste les rails, tu les assembles. Ça s'emboîte tout seul. Regarde !
Me donne pas la solution !
La solution à quoi ?
A l'énigme !
De l'étonnement. Il me fixe comme la première fois. Après qu'il ait découvert mon quotient intellectuel qui a balayé instantanément tout ces préjugés concernant ma race. Je m'attendais pas à cette réaction. Plutôt dérangeant ce qui se passe dans cette salle aujourd'hui. Ça peut n'être qu'un énième test. Une épreuve initiatique. Je dois continuer à creuser. Si je le déçois, mon avenir sera compromis. Ou au moins retardé. J'en ai assez de tourner en rond entre quatre murs ; parfois huit. Hors de question que je rate le train en marche. Je dois réfléchir et réussir, en commençant naturellement par suivre ses directives. Je m'empare de morceaux, je les assemble. Deux, puis trois, puis quatre. Sans réelle cohérence poussé, une simple piste de rails. Mais ça semble l'inspirer.
Héhé ! L'idée te plaît ?
Je. Et ensuite ? J'engage l'objet-locomotive sur les rails après en avoir activé l'interrupteur ?
Voilà ! Tu te sens pousser une âme de cheminot ? Haha !
J'ai pas d'âme. Personne en a.
Zeke...
Désolé. J'comprends pas.
Le premier jouet que je t'offre, et ce ne sera pas le dernier. Le temps passe si vite... Tu as tellement grandi.
C'est aussi pour ton anniversaire, Zeke. Pour tes treize ans.
Je suis né il y a treize ans ?
Oh, environ. On ne connaîtra jamais ta date de naissance exacte, mais. Barrons une case du calendrier et considérons que tu es né un 25 Décembre, d'accord ?
D'accord.
Mon âge m'importe peu. Procéder au décompte de mes jours serait une sacrée perte de temps. Alors je hoche la tête. Pour lui faire plaisir, mais aussi pour me donner quelques secondes de réflexion. Il a parlé d'âme. C'est tout ce que j'ai arraché à cet étrange dialogue. Une "âme". Un indice ?
Helena aurait adoré ce moment. Elle aurait été fière de toi, de moi, de nous, de ce que nous représentons. Tu sais, on aurait aimé avoir un fils... et...
Je saisis pas pourquoi il me parle de Dr Romanov-femme mais je tomberai pas dans le piège, je poursuis mon hochement de tête. A coup sûr, c'est encore une tactique pour me déconcentrer. Me détourner l'esprit de son test. Le Dr Romanov est très intelligent. Mais je le suis plus que lui, il le sait, mais je lui prouverai un jour dans quel mesure je le surpasse. Je veux...
REGARDE MOI, ZEKE !
Ses poings sont crispés, ont martelé le carrelage. Je reste bouche béate devant ses pupilles écarlates. Il devient méchant. J'ai du le décevoir. Mais mes souvenirs se sont tut. J'ai aucune idée de ce qui a pu le vexer.
Il ne peut pas me corriger par la force. Il ne peut pas se le permettre. J'ai estimé la valeur de mes aires cérébrales en fonction d'un bloc de statistiques que j'ai trouvé sur son bureau, comme on pèse l'or pour en étalonner le prix. Et chacun de mes neurones vaut 3,6 fois son salaire. Annuel. Il ne peut pas en détruire, ce serait un gâchis inestimable. Il ne me frappera pas. Il ne...
... navré. Je me suis emporté. Écoute moi, Zeke. Écoute moi bien. J'aimerais que tu retiennes ce que je dis. Tout...
Helena fut la femme qui m'a offert une raison de vivre, et... et qui m'a rendu sensible. Sans elle, j'aurais pu être une ordure de la pire espèce, tu comprends ? La science gouvernementale est si amorale ! Je me force à l'encaisser telle quelle, mais c'est difficile, parfois, c'est si difficile. De n'avoir aucune âme soeur pour te rappeler qu'un coeur bat en toi. Que tu restes toujours un peu humain, malgré les horreurs et les sévices quotidiens que tu infliges à la lie de l'humanité, au nom de la science, ou de la justice...
C'est pour ça. C'est pour ça qu'Helena et moi... On voulait un enfant. Il aurait été notre espoir ! Une toute petite goutte d'innocence dans cet horrible océan de merde ! On le voulait. On l'a eu. Mais elle est morte avant de te découvrir, Zeke...
... elle t'a sauvé, en trouvant le courage de mettre sa carrière en péril, elle t'a permis de naître à la face d'un monde qui ne voulait pas de toi ! Et pourtant ! POURTANT ! ELLE A DU MOURIR ! MOURIR AVANT DE SAVOIR DE QUEL PRODIGE ELLE AVAIT SAUVÉ LA VIE !
Mais là, maintenant, aujourd'hui, c'est comme si je la sentais à nouveau près de moi. Qu'elle revenait nous envelopper de sa chaleur, de cette douceur dont elle émanait le soir au chalet, au coin du feu, le jour où nous nous avons confessés nos sentiments pour la première fois. C'était aussi... en période de Noël. Tu comprends ? Tu comprends pourquoi j'aimerais que cette date devienne un symbole pour notre famille ?
Elle reviendra pas. Les morts restent froids.
Oh non ! Il grimace sévèrement. J'ai eu faux. Encore une mauvaise réponse. Au lieu de me le signaler et de me donner des pistes, il commence à secréter du liquide lacrymal. Peut-être que ses pleurs sont un indice en soi ? Je l'ai jamais vu comme ça. Une expérience absolument inédite. Et des plus intéressantes, qui met en jeu l'équation la plus complexe de la planète, mais que je résoudrai un jour ou l'autre : l'humain.
Le sol immaculé accueille ses larmes blanches. Il murmure d'autres mots que je ne parviens pas à décrypter. Entre deux reniflements, il évoque son épouse, de nouveau, des souvenirs. Des souvenirs qui me visitent puis me quittent presque aussitôt, chassés par ma mémoire déficiente. Je ne retiens que quelques bribes. Des sourires. Des caresses. De l'horreur. De la tristesse. De la chaleur. Énormément de chaleur dans un hiver caustique. Ce sont les symptômes de l'amour. Une réaction des plus chimiques qui allie deux corps en un désir reproducteur commun. Mais qui connaît d'étranges déclinaisons qui dépassent le cadre de la science telle que je la connais. Une force invisible qui transforme les esprits inférieurs en d'étranges et imprévisibles bêtes de guerre.
Oui ! Oui. L'amour. C'est le thème de son test !
Je t'aime.
Tu...
Oui. Pour tout ce que tu m'as appris. Pour tout ce que tu m'apprendras encore. Je t'aime, papa.
Zeke...
Il m'enlace en pleurant ce qui lui reste de liquide lacrymal.
J'ai dis ce qu'il souhaitait entendre. J'ai remporté son épreuve.
Soulagé, je le laisse m'étreindre.
Joyeux Noël, fiston !
Joyeux Noël.
Dernière édition par Zéro le Mer 15 Juil 2015 - 2:08, édité 29 fois