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Discours, mais pas que ?





Le Royaume.


Le Royaume de Luvneel était en vue. Après notre passage sur Boréa, nous ne perdions pas de temps. En quelques jours, le voyage était bouclé. Il nous restait encore deux grandes villes à explorer, deux grandes villes et leur population à convaincre. Au loin, la grande montagne de l’île était perceptible, parcourant presque la totalité de sa largeur. Magnifique à contempler. Malgré la fine brume du matin (il était encore très tôt, les commerces devaient probablement tout juste se mettre en marche) il nous était possible de distinguer la silhouette du château. Chaque tour, chaque rempart étaient projetés à travers ce brouillard comme une ombre chinoise, un spectacle agréable à regarder.

Nous arrivâmes donc au port de Norland, ou nous fîmes amarrer notre patrouilleur. Le port était relativement grand, la place ne manquait pas. La plupart des vaisseaux s’y trouvant étaient des navires marchands ainsi que des bateaux de guerre des gardes côte. Un passage déjà régulier pour l’heure matinale, les marchands préparant leurs convois et leurs expéditions. Visiblement, tous se connaissaient, à les entendre rire et discuter comme de vieux amis, mais rien d’étonnant dans ce genre d’endroit, tout le monde devait très certainement se croiser tous les jours, aux mêmes heures.

Sans tarder, nous nous mirent en marche. En effet, nous ne pouvions pas nous permettre de rester trop longtemps au port de Norland, notre objectif principal restant la ville de Luvneelgraad. Luvneelgraad était la capitale du royaume, une ville fortifiée surplombée par le palais. La ville était réputée pour être riche, joyeuse et vivante. De ce fait, j’espérais que les habitants puissent nous supporter et venir en aide à l’ensemble de North Blue, même si en tant que royaume cela ne les concernait pas réellement. Après tout, ils pourraient très bien penser que leur île est assez riche comme cela et que le sort des autres ne les importait guère. Mais c’était à tenter, et c’était d’une grande importance. Le peuple de North Blue tout entier devait comprendre que la Marine était là pour les aider, pour leur venir en aide et pour les protéger. Une confiance inébranlable devait voir le jour à terme, parce que je savais parfaitement qu’une action ne suffirait pas, il en faudrait d’autres, c’était un jeu d’échec sur plusieurs étape, sur la durée. Il nous fallait simplement de la patience pour obtenir l’approbation et la confiance de tous les habitants. Même si le rôle principal de la Marine était de faire régner l’ordre et la justice, une part sociale pouvait être importante, voir décisive en cas de soucis majeur. C’est pourquoi j’avais décidé de mener cette mission.

Avant de définitivement quitter la ville, j’avais comme une envie… de pomme. M’arrêtant chez le premier marchand croisant ma route, j’en pris une pour moi-même, ainsi que pour l’ensemble de mes hommes présents à mes côtés. Après tout, pourquoi pas ? Une pénible marche nous attendait, alors autant prendre quelques forces avant de se mettre en route. Une fois le fruit acheté, je me remis en marche, mais un détail me frappa du coin de l’œil. Un détail plutôt étrange, et qui ne me laissa pas indifférent. En effet, chez un marchand voisin, marchand de tissus, tapis en tous genres, je cru apercevoir un emblème de la Marine sur ce qui pouvait visiblement être une voile.

Je décidai alors de m’approcher pour confirmer mes pensées.




Dernière édition par Gilgamesh le Jeu 16 Juil 2015 - 17:14, édité 2 fois




    Etait-elle en vie ?


    La voile était exposée à l’extérieur de la boutique, sur une petite table en bois. Elle se trouvait au milieu de vieux chiffons, des tissus recousus ou encore de ce qui pouvait être des draps, probablement. Quoiqu’il en était, le symbole de la Marine était là, sur une table avec les pièces visiblement les moins chères puisque dans un état assez peu convenable.

    Entrant dans le magasin, j’ordonnais à mes hommes, d’un signe de la main, de rester dehors à m’attendre. Seul le Sergent pu m’accompagner, comme à son habitude. De l’intérieur, tout était différent. Les tissus avaient l’air d’être d’une qualité irréprochable, quelle qu’était la matière de confection. Je pouvais facilement reconnaître ce qui se faisait de mieux et de plus chère dans North Blue. Ce qui était exposé dehors devait simplement être là pour la vente rapide et ne représentait que peu d’intérêt. Le magasin était relativement petit, sans pour autant être difficile d’accès. Je dirais qu’il était de la bonne taille pour le marché représenté. Une jeune femme était debout derrière le comptoir, nous fixant d’un air un peu inquiet. Elle était plutôt grande, de longs cheveux roux bouclaient le long de son visage.

    -Bonjour, que puis-je faire pour vous ?

    Un ton inquiet, sans pour autant être tremblant. Elle se doutait probablement de quelque chose à la vue de notre uniforme, mais n’avait pas l’air de s’inquiéter plus que cela. Elle n’avait visiblement rien à se reprocher. Et pourtant.

    « En cette matinée brumeuse nous nous sommes présentés
    Pour une mission de courtoisie nous nous sommes amarrés.
    De la Marine de North Blue je suis la parole ainsi proclamée
    C’est donc à votre beauté que mes pas m’ont accompagné.

    Devant votre boutique ma perception fut quelque peu troublée
    Une voile de la Marine, sur votre présentoir est déposée.
    C’est en toute courtoisie que des réponses vous sont demandées
    En quel lieu, comment vous l’êtes-vous ainsi donc approprié ? »


    Mon regard de figea dans le siens, contemplant ses yeux à la recherche d’un trouble potentiel. Si elle avait quelque chose à cacher, si elle voulait mentir, je le saurais aussi tôt. Cependant, rien de tout cela. Elle se contenta de faire le tour du comptoir, de nous accompagner à la sortie de son magasin afin de nous répondre convenablement.

    -Vous parlez de ceci ? C’est un homme qui me l’a vendu pour presque rien. Je ne savais pas que c’était illégal ? De toute façon, le tissu est abîmé et beaucoup trop déchiré pour pouvoir resservir de voile, donc je me suis dit qu’il n’y avait pas de soucis. Ai-je eu tort ? Je ne veux pas m’attirer d’ennuis avec ça…

    Le Sergent prit la parole pour lui répondre le plus calmement possible. Il savait s’y prendre pour les discussions, et surtout, il savait garder son sang-froid dans toutes les situations.

    -Disons que nous ne permettons pas vraiment ce genre de chose, vous comprenez, cela peut être réutilisé à notre insu… C’est pourquoi il va nous falloir reprendre cette voile avec nous. Ne vous en faites pas, nous n’allons pas vous poser de soucis pour ça. Cependant, j’aimerais savoir… de quelle façon l’avez-vous obtenu ?

    La jeune femme avait l’air quelque peu soulagée de la réponse du Sergent, et ne tarda pas à nous donner quelques informations.

    -C’est un homme qui me l’a vendu. Il était plutôt grand, vêtu tout en gris. Il n’était pas très propre, aussi. Il m’en a fait un petit prix alors je n’ai pas réellement cherché à comprendre plus. C’était il y a quoi… deux semaines peut être ? Je ne sais plus trop. Mais je vous le laisse, prenez le si vous le voulez.

    -Cet homme, il ne vous a rien dit, rien ne vous revient en tête ? C’est important que l’on sache, d’où venait-t-il ?

    -Hm… maintenant que vous le dites, il était avec quelqu’un d’autre. Je crois que c’était son frère, vu comment il l’a appelé. Il était beaucoup plus petit celui-là, avec un chapeau sur la tête, mais il devait bien avoir une tête de moins que vous ! Je me souviens les avoir entendu vaguement parler… ils disaient que ce bateau trouvé en mer devait finir d’être vendu, quelque chose comme ça. Mais je n’ai pas fait le rapprochement sur le moment… Et puis, je n’écoutais qu’à moitié. Cependant, si cela peut vous aider, je les ai aussi entendus dire qu’ils retournaient à Luvneelpraad. Ce n’est pas une ville très accueillante, en général les gens évitent d’y aller, ou même simplement d’en parler.

    -Merci pour ces informations, madame. Pour cette fois, nous ne ferons rien, vous pouvez retourner travailler. Par contre, nous emmenons la voile avec nous. Bonne journée à vous.

    -J’espère vous avoir aidé… bonne journée messieurs.

    « Merci. »

    Je regardais le Sergent, qui se posait visiblement les mêmes questions que moi. Une voile de Marine, un bateau trouvé en mer, Luvneelpraad… L’accord de ces trois informations n’était pas des plus glorieuses. Des hommes de Luvneelpraad avaient-ils attaqué un navire de la Marine ? L’avaient-ils trouvé par hasard en mer ? Je me souvins, avoir lu qu’il y a trois mois, un navire de la Marine avait été perdu en mer, il était dirigé par un officier ainsi qu’une femme, Mata Iwa, de la Marine de North Blue. Cela pouvait coller avec cette histoire… Tellement de possibilités étaient envisageables, que penser ? Les hommes de cette attaque pouvaient-ils encore être en vie ? Étaient-ils tous morts ? De toute façon, avoir une histoire aussi louche, nos plans ne pouvaient pas rester les mêmes.

    Faisant un simple signe de tête à mon Sergent, celui-ci comprit immédiatement le message et acquiesça sans la moindre hésitation. Notre route allait être retracée. Avant de porter notre discours à Luvneelgraad, nous irons jeter un œil aux alentours de Luvneelpraad dans le but de trouver des réponses.






      Ville maudite


      Luvneelpraad. Cette ville maudite. Citée noire n’ayant rien d’autre à offrir que peur, désespoir et mort. Cette citée, je l’avais autrefois déjà parcourue. Je me souviens de cette histoire comme si c’était hier. J’avais en tête les cris de cette petite fille, je pouvais ressentir sa peur. Livrée à elle-même dans ce trou à rats, n’ayant pour seule image que le sourire pédophile d’un psychopathe assoiffé de sang. A ce moment-là, je n’avais rien pu faire, j’étais impuissant, j’étais faible, mais j’avais surtout été trop lent. Je ne voulais pas refaire la même erreur. Si femmes ou enfants étaient à bord de ce navire, ce jour-là, je me devais de leur porter secours, espérant en leur survie. La probabilité était certes faible, mais cela m’importait peu. Si je n’avais ne serait-ce qu’une chance, alors je ne manquerais point de la saisir. Le genre d’hommes responsables de tout ceci, je n’en avais que trop vu en ce monde. S’il m’était possible de les retrouver, alors la mort elle-même n’oserait pas intervenir entre nous.

      Il faisait jour, mais les quartiers restèrent tout de même sinistres et morbides. Nous n’étions que peu nombreux, il nous fallait donc garder prudence dans nos actes et déplacements. Les murs en ruines, la charpente des toitures en miettes, les rues désertes. Une odeur de pourriture raclait le sol encore pâteux de l’eau. Nous étions là, lâchés dans cette grande ville, sans savoir par où commencer. Comment retrouver ces hommes ? Comment obtenir des informations utiles ? Nous n’avions nul autre choix que de forcer une rencontre. Il nous fallait trouver quelqu’un, si possible qui en sache suffisamment sur ce que nous recherchions.

      Dans ce genre d’endroit, il était bien inutile de nous séparer. La solution la plus simple était aussi l’unique que nous avions en réserve. Restant discrets au possible, nous commencions alors les recherches. Une à une, nous délogions chacune des maisons en ruine dans le but de trouver ne serait-ce qu’un habitant, peu importe qui. Fatiguant. Les criminels de cette ville, quel que soit leur nombre, savent se cacher, ils savent se terrer comme des larves qu’ils sont. Après moins d’une heure de recherche, la Sergent s’approcha doucement de moi.

      -Lieutenant. Dit-il à voix basse. Approchez-vous, je crois entendre quelqu’un dans ce baraquement.

      J’approchai. Il avait raison. Les rires de trois hommes, peut-être quatre, retentissaient à travers la paroi bétonnée qui les séparait du monde extérieur. A en jugée par les sons émanant du bâtiment, ils devaient probablement être en train de boire, peut-être déjà à moitié ivres. Tant mieux, il n’en serait que d’autant plus facile à maîtriser. Première chose à faire, scruter les environs de cette ville hantée afin de s’assurer que nous n’étions à portée de vue. Il nous fallait rester discret autant que possible afin de ne rien compromettre. D’un signe de main, j’ordonnai la formation basique de combat pour ce genre de situation. Un…deux…trois. Deux hommes enfoncèrent la porte, je pris le relais avec le Sergent, entrant fusils à la main.





        Ou sont-ils ?!


        La plupart de mes hommes rentrèrent avec moi, d’autres restèrent à l’extérieur pour surveiller le périmètre, essayant tout de même de ne pas se faire remarquer. Des armes, un maigre butin étaient posés sur la table derrière les hommes. Une substance pouvant potentiellement être de la drogue les accompagnait.

        -Mais, qu’est-ce que…

        -C’est quoi ce bord…

        -Gné ?

        -Hohoho… hic.


        « La ferme. »

        L’un des hommes se retourna, pris une arme à feu posée sur la table avant refaire volte-face. Dirigeant son arme en direction de ma tête, le pris mon sabre et lui planta dans la gorge, d’un coup sec et ferme. Nul le temps de souffrir, l’étincelle de vie animant ses yeux se dissipa en une seconde seulement. Les trois autres prirent peur, s’agenouillant ainsi à terre et levant les bras.

        -S’il vous plait, ne nous tuez pas, on a rien fait. Qu’est-ce que vous nous voulez ?

        -Max, vous avez tué Max, putain, vous êtes malaaaades ?

        -…


        -Marine de North Blue. On vous a dit de la fermer, vous ne comprenez pas ? Le prochain qui bouge ou qui sort une arme finira de la même façon. Est-ce bien clair ? Saisit le Sergent.

        Le sang coulait le long de mon sabre. Aucune émotion n’était perceptible sur mon visage. Aucun remord, aucune satisfaction non plus. C’était comme si la chose la plus normale du monde venait à l’instant de se produire, et c’était le cas. Probablement un pirate ou un esclavagiste, peut être un contrebandier, peut m’importait. Je venais de prendre sa vie, et je n’en éprouvais aucun sentiment. Sortant le voile de ma poche, je leur agitai sous le nez.

        « En ces temps pluvieux
        De la patience je ne suis point complice.
        Perdus sont les jours heureux
        L’heure est maintenant à la justice.

        Mes paroles qu’une fois ne retentiront
        Après quoi votre sang tâchera mon pardon.
        En mes mots portée sera votre attention
        Il ne tient qu’à vous d’ôter la trahison. »


        Un simple hochement de tête de leur part me fit comprendre qu’ils étaient d’accord avec moi. Je suppose qu’après avoir vu leur camarade tomber, ils n’avaient pas vraiment l’envie de suivre son exemple. Compréhensible. Logique.

        « De cela des semaines, Marines ont été enlevés
        En ces lieux maudits ils ont donc ainsi été amené.

        Les retrouver est notre principale préoccupation
        J’échange donc votre vie contre ces informations.

        Coopérez, et la douceur du vent vous retrouverez
        Trahissez moi, et la chaleur de l’enfer vous subirez. »


        -Je… on… je sais pas, j’en sais rien !

        -Je pige rien à ce que vous dites, pis on est pas d’ici, nous !

        -…


        Le sergent s’approcha de l’un d’eux, levant son sabre comme pour l’abattre sur l’un des hommes ici présents.

        «Ou sont-ils ?!»

        -Je...je...

        -«Ou sont-ils ?!»

        -A…a…attendez ! Moi je sais, je sais de quoi vous parlez. Attendez, faites pas ça ! Il y a environ deux mois, une bande de trafiquants est revenu des mers de North Blue, pas très loin de l’île d’ailleurs. Ils avaient trouvé un bateau, soit disant, et même qu’ils l’on démembré pour le revendre en petites pièce ! Avec eux, y’avait quelques soldats, et y’avait même une femme ! J’vous jure que c’est vrai ! Ils... ils ont leur camp un peu plus au nord, à 6 rues d’ici, c’est pas très loin ! Si y’a encore kekchose, c’est là-bas ! Même que c’est la vérité, et j’sais pas plus de cette histoire !

        Je suppose qu’il avait tenu sa part du marché. Je suppose donc que je devais tenir la mienne. De toute façon, même s’ils n’avaient pas parlé, il était hors de question d’exécuter des hommes désarmés. En tout cas, pas devant mes hommes.





          Sombrer.


          L’heure n’était plus à la discussion. Seulement quelques minutes nous suffirent pour arriver à l’endroit indiqué. Cependant, aucun bâtiment habité ici. Tout était détruit, tout n’était que ruines, il n’y avait rien. Bizarre. Je n’avais pourtant en rien eu l’impression que l’on nous a menti. Je le savais, dans ce genre de situation, la désolation ne pouvait être en réalité que dissimulation.

          « J’y vais seul. »

          Mes hommes me regardèrent, le Sergent également. Ils voulaient me suivre, mais savait aussi qu’ils ne le pourraient pas. Si nous étions en effet au bon endroit, trop d’hommes ne feraient qu’alerter de notre arrivée. Rien de bon pour nous, donc. De plus, tous savaient qu’il était inutile de contester mes ordres, puisqu’il m’était impossible de changer d’avis.

          M’approchant des gravats, des murs à moitiés debout et de la boue, je fis attention de bien être seul. Ici, personne. A priori, je n’avais vu aucun homme m’espionner ou me suivre, à priori. Dans mon incertitude, il me fallait tout de même agir rapidement.

          « Hmm… »

          Je ne mis que quelques secondes à faire le tour de la maison délabrée, et à peine plus de temps pour m’en rendre compte. Une trappe se cachait sur la face sud. Un repère souterrain ? Ici ? Etait-ce vraiment possible ? Comment pouvaient-ils ? Les égouts et catacombes de la ville ne devaient pas être inondées, ou tout du moins inhabitables ? Apparemment, non. Mais entrer de front ne me procurerait aucune sorte d’avantage et ne servirait qu’à me tuer. Me fiant à la description de ce qu’avait vu l’homme de tout à l’heure, une cave serait bien trop petite pour conserver à la fois des otages, mais aussi un bateau entier en plus des hommes qui avaient agis. Je pouvais entendre l’eau s’écouler, je pouvais entendre les cris des bêtes raisonner, siffler à travers mes oreilles. Une sortie d’égouts se présentait à une vingtaine de mètres d’ici, peut-être était-ce un moyen d’accès ? Je suppose que cela ne serait pas illogique. M’en approchant, je l’ouvrai pour m’en assurer. Et effectivement, l’accès était possible.






            Aide-moi.


            Une fois en bas, j’avais trois solutions. Gauche, droit, tout droit. Analysant très rapidement les alentours, ma décision fut très vite prise. A droit, la pénombre la plus totale. A gauche, je pouvais percevoir deux ombres se dirigeant dans ma direction. Le choix était vite pris. Le bruit de mes pas dans l’eau résonnait à quelques mètres, mais personne n’avait l’air de m’avoir remarqué. Bonne chose. Après plusieurs mètres, j’arrivai à une bifurcation. Devant moi, une grande salle. Je pouvais compter une petite vingtaine d’hommes, visiblement des contrebandiers. La pièce était remplie de marchandises en tous genre, drogue, armes, vivres, équipements quelconques. Le tout n’était pas vraiment bien entretenu… rien d’étonnant cependant. Je décidai de prendre le couloir sur ma droite, disparaissant dans l’ombre avant que quelqu’un ne puisse me voir.

            La pénombre, l’obscurité la plus noire. Je n’avançais plus qu’à l’instinct qu’autre chose, posant les mains sur les murs pour me guider. Je ne savais pas où j’allais, je n’étais même pas certain d’être encore dans le repère en question. Peut-être étais-je déjà allé trop loin ? Il me fallait faire demi-tour, par ici, c’était peine perdue.

            -A…l’aide…

            Une seconde. Etait-ce une voix ? Un doux son à peine perceptible. Mon esprit se jouait-il de moi ? Si mes sens m’abandonnent en cet endroit, aucune chance pour moi de retrouver la sortie.

            -A…l’aide…

            Non ! Cette fois je l’avais bel et bien entendue ! C’était une voix, quelqu’un était proche d’ici, c’était certain. Je n’entendais rien d’autre et je n’avais aucun connaissance des lieux, il ne m’était pas permis de répondre maintenant, il ne m’était pas permis de me faire repérer. Je priais simplement pour que cette voix porte à nouveau à mes oreilles. J’essaierai simplement de la suivre jusqu’à sa source.

            -Aide…moi…

            Aide- moi ? C’était là la voix d’une femme. M’avait-elle entendu arriver ? Ou répétait-elle cela sans arrêt depuis sa détention ? Peu m’importait, il me fallait la trouver au plus vite. Suivant le résonnement du timbre de sa voix, j’avançai petit à petit dans le tunnel, jusqu’à ce que… Une lumière, une fine lumière. C’était une lampe à moitié éteinte, suspendue au plafond. Elle clignotait, comme si elle avait un court-circuit. De mon avis, elle ne serait plus allumée pour bien longtemps.

            -Aide…moi…

            Sous la lampe... des mains ! Des mains attachées. J’avançai prudemment, m’assurant que personne ne se trouvait dans les parages. Après quelques pas, j’étais devant elle, elle se trouvait là, assise à mes pieds. Spectacle des plus désolants. Une femme, assise dans l’eau et la boue. Elle était entièrement nue, les mains attachés au mur. De longs cheveux noirs, une absence totale d’expression, elle était à moitié morte, et le serait bientôt définitivement. Des cicatrices, son corps était mutilé, et son esprit l’était bien plus encore. Pouvait-elle ne serait-ce que comprendre que j’étais là, que j’étais devant elle ? M’agenouillant, je tentais tant bien que mal de croiser son regard avec le mien.

            « Qui es-tu ? »

            -Aide…moi…

            « Tout va bien. »

            Sa tête ne bougea pas, mais ses yeux remontèrent lentement jusqu’aux miens. Ses paupières étaient lourdes, mais elle avait encore un peu de force pour parler. Je devais faire vite. Me relevant, je ne pris qu’une poignée de secondes pour la détachée. Elle chuta dans l’eau, je la pris alors dans mes bras, couvrant ainsi son corps avec ma veste.

            -Je… morts… ils sont tous morts. Je suis seule depuis… de je ne sais plus. Aide-moi…

            Quelques larmes coulaient le long de son visage, seule chose resté  intact, étonnamment. Je l’adossa contre le mur, afin de vérifier si ses blessures n’étaient pas trop profonde pour la porter jusqu’à la sortie.

            -Hé ! Toi ! Qu’est-ce que tu fou bordel ! T’es mort, sale enfoiré !

            Et merde. Dans ma concentration, je n’avais même pas perçu la lumière avançant vers nous. Un homme se dirigeait vers moi. Je retirai mes mains de la jeune femme. D’un geste rapide et précis, je fis tomber l’homme à terre. D’un coup de poing au visage, je provoquai une désorientation cognitive, l’empêchant de pouvoir lucidement demander de l’aide. L’attrapant par les cheveux, je le dirigeai vers le rebord du couloir ou je posai sa tête face au sol, l’obligeant à ouvrir la bouche.

            « Dis bonsoir. »

            Le son de mon pied fracassant son crâne retenti jusqu’au bout du couloir. Sa mâchoire était brisée, ses dents étalées au sol. Il n’était plus conscient, mais son corps tentait toujours de respirer. Le jetant face à l’eau, il ne mettrait pas longtemps pour terminer noyé.

            Elle me regardait, mais n’avait pas l’air d’avoir réellement compris ce qui venait de se passer. Je sentais que son souffle était faible, je sentais qu’elle ne pouvait pas tenir encore très longtemps dans cet état. Je la souleva sur le dos avant de lentement me diriger vers là d'ou mes pas étaient venus.





              Fuite.


              Revenant sur mes pas, je devais faire attention. Rencontrer quelqu’un maintenant, c’était me risquer à combattre avec elle sur le dos. Et vu son état de santé, je ne pouvais pas vraiment me le permettre, au risque de mettre sa vie en péril plus qu’elle ne l’était déjà. Je n’avais alors qu’une préoccupation, la ramener en vie jusqu’au navire, ou l’on pourrait plus ou moins prendre soin d’elle en espérant la faire tenir jusqu’à la base. Je n’avais pas de réel médecin à bord, il serait donc difficile de la remettre sur pieds par moi-même.

              Ayant un bon sens de l’orientation, j’avais conservé le trajet effectué en tête, un peu comme une carte. Mes sens étaient capables de se souvenir de chaque endroit par lequel j’étais passé, et ce même sans la vue. L’odeur nauséabonde couplée à l’humidité ambiante ne donnait pas un résultat des plus agréables, au contraire. Comment avait-elle pu passer autant de temps dans cet endroit et y survivre, dans ces conditions ? Elle devait avoir un mental taillé dans la roche pour ne pas se laisser aller dans la facilité de la mort. Et au vue de ses blessures, elle avait dû subir un châtiment bien plus cruel et douloureux que la mort.

              Arrivé à la bifurcation, il ne me restait plus qu’à passer et à me diriger tranquillement vers la sortie. Au moment de tourner, je sentais les mains de la jeune femme me lâcher, son corps partir sur le côté. Elle n’avait plus assez de force pour se maintenir à moi. Trébuchant alors, je fis mon possible pour ne pas la laisser tomber. Je fis volte-face, attrapant son buste entre mes bras. Tout cela était bien beau, si seulement… si seulement l’on ne m’avait pas entendu. La quinzaine d’hommes encore présents dans la salle se retournèrent vers moi. Ils ne mirent guère plus de cinq secondes pour comprendre ce que j’étais alors en train de faire. Je n’avais ni le temps, ni les pensées assez claires pour m’occuper d’eux dans les règles. Je laissai la femme adossée au mur, lui promettant de ne point traîner.

              Mon sabre à la main, je n’avais qu’une hâte, exterminer l’ensemble de cette vermine puante. Le genre d’homme à me donner l’envie de vomir, le genre à ne mériter en aucun cas la présence sur cette terre. Ils me répugnent, ils me dégoûtent, tous autant qu’ils sont. Qu’ils n’espèrent pas la moindre pitié ou la moindre compassion venant de ma part, ils ne l’auront pas. Vermines. En moins de cinq minutes, le combat était terminé. Je trônais au-dessus des cadavres au sang encore chaud. Têtes coupées, membres tranchés, yeux arrachés. Il ne restait rien d’autre que l’odeur de la mort. Mon visage ne dégageait pas la moindre émotion. Ou si c’était le cas, ce qui pourrait s’en rapprocher le plus ? La satisfaction.

              L’un d’eux était encore vivant, rampant sur le sol comme le font les larves.

              « Je suis la représentation du temps perdu,
              L’horloge décadente de ce monde en deuil,
              Je suis le courroux sacré des individus,
              Le féroce dévoreur d’âmes, que dieu le veuille.

              Je suis l’abîme de cet océan de souffrance,
              Les flammes célestes de l’infini purgatoire,
              Je suis le sceptre antique de la tolérance,
              Le renouveau de cette époque sublimatoire.

              Prends garde à toi, ô misérable peuple vivant,
              Ce dernier périple y causera ta perte,
              Au lointain, tu apaiseras le feu du vent,
              Par ton précieux corps ensanglanté et inerte.

              Par les flammes ton monde se trouvera consumé,
              Par la terreur, il se trouvera empalé.
              Aucun pardon ne pourra donc t’être accordé,
              Tu mourras lentement, perdu dans le péché. »


              Vivant, il ne l’était plus.

              Avant de partir, j’aperçu un étrange rouleau parmi les babioles inutiles des voleurs. M’en emparant, je décidai de l’examiner plus tard. Cela semblait être du parchemin, ressemblant peut être à une carte, quelque chose comme ça.

              Je pris le temps de vérifier si elle allait bien. Et elle toujours consciente. Je la repris sur mes épaules avant de sortir de cet endroit pour retrouver mes compagnons de navigations. Ils m’attendaient en haut, au même endroit.





                Retour à la Base.


                Une fois à l’extérieur, il ne restait plus qu’à partir. Personne ne me poursuivait, et tout était resté calme à l’extérieur. Gardant la jeune femme sur les épaules, je pris la direction adéquate pour m’en aller. Mes hommes me suivirent de près, personne n’avait réellement envie de rester là. Notre retour fut propre et sans encombre. Une fois arrivés sur le navire, je décidai de l’installer sur la couche, dans la cabine principale. Ordonnant aux hommes les plus doués en médecine de prendre soin d’elle, je sorti pour faire un état de la situation avec mon Sergent.

                « Rentrons. »

                -Vous ne voulez pas faire votre discours, Lieutenant ? Nous sommes sur place, il serait bête de s’en aller sans l’avoir fait, ne croyez-vous pas ? Vous ne pensez pas qu’elle peut tenir jusque-là ?

                « Non. »

                Visiblement, il n’avait pas compris qu’elle était restée enfermée là depuis des semaines. Je me suis juré de la sauver, et je tiendrais ma promesse. Le discours sera annulé, tant pis. Cependant, l’affaire ne le serait pas. Je rédigerai un communiqué afin que tout North Blue soit au courant de mon projet. En aucun cas je ne laisserai à l’abandon, pas après la promesse que j’ai faite. Je ne pourrais certes pas faire le discourt prévu, mais la population s’en trouverait tout de même au courant et informée.

                « Rentrons. »

                -Très bien, mon Lieutenant.

                Sur ces mots, nous prîmes la mer en direction de la base de North Blue, dans le but d’apporter les soins appropriés à la jeune femme retrouvée.