Commençons.
La mission était terminée, nous n’avions plus qu’à rentrer à la base. La mer était calme, les flots aussi doux que la caresse du vent un matin d’automne. Rien à l’horizon, tout était favorable à la navigation. Nous reprenions simplement un cap semblable à celui qui nous avions emprunté pour venir jusqu’à East Blue. Même si l’allée avait été quelque peu mouvementée, nous espérions que les choses se passent du mieux possible pour le retour. La fatigue pesait sur tous les hommes, chacun voulait rentrer pour retourner à ses occupations. Cependant, personne n’était pressé pour autant. Un peu de repos le temps de revenir ne pouvait faire de mal à personne. Et puis après tout, nous avions le temps nécessaire. Personne ne nous surveillait.
J’étais sur le pont, simplement assis sur le bord du bateau. J’observais les nuages passer au-dessus de nous. Je trouvais cela relaxant et distrayant à la fois. C’était une chose qui me fascinait. La forme, la constitution, la légèreté des nuages. Je voulais être semblable à eux, je voulais me laisser porter par le souffle du vent, tout comme eux. Aucune complication, aucune obligation autre que celle d’être libre et de profiter du ciel. Après quelques temps, Iwa me rejoint, s’asseyant juste à côté de moi. Elle n’était pas encore tout à fait remise de ses blessure, ni physiquement ni mentalement, mais elle essayait au mieux possible de montrer le contraire. Elle ne voulait en aucun cas passer pour quelqu’un de faible. Ce qu’elle n’était pas, loin de là.
-Vous savez, Lieutenant, je n’ai toujours pas revu mes parents depuis que je suis rentrée. C’est difficile, parce que pour le moment je n’arrive pas à penser à autre chose. Alors… Si je vais les voir, j’aurais constamment ces images en tête. Je ne veux pas qu’ils me voient en un mauvais état, je ne veux pas qu’ils voient la honte que j’éprouve. D’un autre côté, ce sont mes parents, je ne peux pas les éviter. Je ne sais pas quoi faire.
« … » Je me contentais d’un simple regard et d’un air interrogateur. A vrai dire, je ne savais que répondre, alors je ne dis rien, laissant Iwa reprendre la parole.
-Je n’arrive plus à avoir confiance en personne. Ces hommes m’ont torturée, violée. Ils m’ont laissé mourir dans les égouts. Durant tout ce temps, je n’ai pu voir la lumière du soleil. Je sais que cela peut paraître bête et insensé, et je sais que j’ai tords, mais je n’arrive plus à faire confiance à personne. A personne en dehors de vous. C’est pourquoi je veux rester avec vous… Je veux combattre à vos côtés et servir la Marine à vos côtés. Je ne peux plus faire confiance à aucun autre homme que vous.
« Un cœur vide, rouge de souffrance et noir de haine
Une âme meurtrie et pétrifiée par la peine.
Peine latente, bercée par une vaste colère
Fléau en deuil d’un incompris et doux mystère.
Mystère prenant racine dans cette sombre cage
Voguant au loin, nulle raison dans les parages. »
-Je… je ne comprends, que voulez-vous dire par là ?
« Reste avec moi ».
Elle ne répondit rien. Elle se contenta de me sourire avant de doucement rire.
-Hihi. Il faudra travailler votre façon de parler, les gens ne vous comprendrons pas toujours de cette manière !
Le début de l'entraînement
Tsubame Gaechi
-On pourrait commencer l’entraînement tout de suite, qu’en pensez-vous, Lieutenant ? Nous avons du temps, et je pense que cela peut vous aider !
« Hm. »
-Que veut dire ce « Hm » ? Le moment est bien choisis, le temps est propice à l’entraînement et nous ne serons pas dérangés. Allez. Prenez votre sabre, et montrez-moi ce que vous savez faire !
« Nulle envie de te blesser… »
-Me blesser ? Sauf votre respect, votre technique au sabre est aussi bonne que ma façon de faire la cuisine. Et croyez-moi, je ne sais même pas faire griller un poisson correctement !
« … »
-Je ne risque rien. Montrez-moi juste ce que vous savez faire. Il me faut une base sur laquelle partir, pour vous faire vous améliorer. Je sais que vous ne manquez ni de force ni de vitesse. Mais pour maîtriser correctement le sabre, il faut beaucoup plus. Il faut précision et technique.
« Bien… »
Je me levai, doucement. Nous nous placions sur le pont, sortant tous deux nos sabres respectifs. Elle n’avait pas un sabre conventionnel de Marin, mais plutôt une sorte de katana. Je ne savais pas vraiment pourquoi, d’ailleurs… Elle avait une position, une garde assez spéciale. Une main en avant, celle tenant le sabre dans le dos. Elle était exposée, alors pourquoi faisait-elle cela ? C’était stupide…
-Attaquez-moi. Et ne vous retenez pas, je le verrais de suite.
« … »
Bien. Levant mon sabre vers le ciel, je l’abattis sur elle comme je le ferais contre un ennemi. Je ne voyais pas en quoi elle avait une chance de gagner, j’étais plus fort qu’elle, cela ne faisait aucun doute.
D’un mouvement rapide, elle pivota, ramenant son pied gauche derrière le droit, sans bouger. Se mettant de profil, elle diminuait ainsi la zone de touche de mon sabre, qui continua sa route jusqu’au plancher du bateau. Dans le même élan, son bras droit pris son envol, et d’un mouvement rapide du poignet, elle posa sa lame sur mon cou. Si elle avait été un ennemi, je serais mort. Comment avait-elle fait pour exécuter un tel mouvement si rapidement ? J’avais à peine eu le temps de voir ses pieds bouger, alors inutile de parler de son sabre. Invisible.
«Co…comment ? »
-Je l’ai appelé le « Tsubame Gaechi ». C’est une technique très difficile. Il faut maîtriser à la fois vitesse, précision, technique, force pour que le corps réagisse instantanément à la demande du cerveau. C’est actuellement ma meilleure attaque. Elle n’a jamais échouée. Si le mouvement est correctement effectué, tout est trop rapide pour une personne lambda, il ne pourra ainsi pas voir la lame arriver. Mais c’est une technique visant à prendre la vie de l’adversaire, puisque le coup doit, techniquement, trancher la gorge. Mais… avant de pouvoir maîtriser cette technique, il faut avoir de solides bases au maniement du sabre, c’est donc par-là que nous allons commencer.
Apprentissage
Le maniement du sabre ? Hmm. Il est vrai que je ne m’étais jamais spécialement entraîné au sabre, mais… la différence était-elle aussi grande ? Juste à cause de la technique ? Possible que oui. En tout cas, elle avait réussie à plutôt bien me le démontrer avec son mouvement précédent.
-Ecoutez. Tout d’abord, avant de débuter, il y a des choses à savoir, des principes. Assimilez-les, répétez-les vous, car ce n’est que lorsque vous aurez compris en quoi se résume la voie du sabre que vous pourrez la maîtriser. La voie du sabre développe les qualités physiques et psychologiques. La respiration, la posture, la vitesse, la vélocité… cela représente une pratique de toute une vie. Sur le plan psychologique, c’est un apprentissage de la détermination, du recul de ses limites et donc de la volonté.
IL y a des mouvements simples à connaître. A vrai dire, il n’y a que quatre grands principes. Le dégainage du sabre, les gestes défensifs et de coupe, et le rengainage du sabre. Le but ultime étant bien évidemment de réussir toutes ses étapes à la perfection. Un coup, une victoire. Retenez ces principes.
Il nous faudra vous trouver un sabre plus approprié, également. La courbe des sabres de la Marine ne permet pas l’exécution de cette technique. Préférez un Katana. Plus souple, plus fin, plus tranchant et plus long. Garder un avantage sur la distance et sur l’équilibre de la lame, voilà le secret. Un sabre courbé n’est pas approprié à mon style de combat.
« Je comprends ».
Je comprenais ses mots, j’essayais de l’écouter du mieux possible. Après tout, elle avait raison. Et si cela me permettrais d’avoir un niveau semblable au sien, alors aucune raison de refuser son aide. Elle était là, elle était présente. Probablement voulait-elle rembourser sa dette envers moi, ou peut-être était-elle sincère, et voulais rester affectée à ma flotte. Peu m’importait pour le moment. J’avais une certaine forme d’affection pour elle, mais il n’en restait pas moins que j’avais d’autres objectifs, plus importants. Et justement, son aide pouvais m’aider à les atteindre, je ne pouvais me permettre de laisser passer cette chance de devenir plus fort, bien plus fort.
-Pour commencer, on va faire avec ce que vous avez, nulle importance pour le sabre. La chose la plus importante à savoir. L’épée est le prolongement de votre bras, il n’est pas à part. C’est-à-dire qu’il ne sert à rien de faire de grands mouvements du bras pour frapper. Cela ne fait qu’aider l’adversaire à contrer et ne vous rend que plus idiot et ridicule. Si le sabre est bien maîtrisé, alors son tranchant sera la même quelle que soit la force que vous lui donnez. Evidemment, il ne s’agit pas de ne pas y mettre la force, il s’agit plutôt de la condenser, pour qu’elle soit la même avec un mouvement beaucoup moins ample du bras. Pour faire simple, le bras n’est qu’un instrument, tout comme le sabre. Ce qui donne la précision et le tranchant au coup, c’est le poignet, la main. En aucun cas le bras. Essayez. Ample, puis court, vous verrez la différence, même si vous avez pu constater la chose lors de votre précédente attaque contre moi…
Je levai le bras, bien haut, laissant abattre mon coup le plus fort possible sur une corde à nœud. La corde était effilochée, mais nullement coupée. Je recommençai, sans élan cette fois. Résultat similaire. Mais la corde n’était toujours pas tranchée. Le sabre était-il au moins assez aiguisé ? N’avais-je pas mis assez de force dans mon attaque ? Non, ce n’était pas ça… Iwa s’approcha ; me faisant signe de reculer. Elle plaça sa lame juste au-dessus de la corde, trop proche pour pouvoir prendre de l’élan. Son poignet décrit une légère rotation, sa main une petite vrille, tout en abaissant le bras. Le nœud se coupa net, aucune bavure, une coupe proche de la perfection.
-Voilà sur quoi vous devez travailler. Il n’est nullement nécessaire de chercher la puissance en portant des attaques trop faciles à contrer. Plus le coup sera discret, plus le mouvement sera petit, et plus les chances de toucher en seront grandies.
Elle remit sabre à sa ceinture, et alla s’asseoir sur le bord du navire, me regardant, attendant de me voir à l’œuvre pour me corriger. Je passai ainsi la prochaine heure à entraîner mon mouvement du poignet, et celui de ma main. Rapidité, précision, dextérité. C’est ce que je devais m’efforcer de maîtriser.