_____Rouge. Des cheveux en fouillis que je n’arrivais décidément pas à dompter. On ne voyait que ça, on les voyait danser dès que soufflait le vent, dès que je tournais la tête, dès que j’esquissais un pas. Je m’examinais avec un sourire forcé : ce que je voyais était une fille fatiguée dont le visage était marqué par des nuits d’orage. Des yeux cernés qui ressortaient comme des fantômes agonisants. Des joues creusées, des épaules flasques. Je me redressai lentement devant le miroir, accentuai mon sourire et adoucis mes traits avec une touche de maquillage… mieux, beaucoup mieux. Avec ce fond de teint, je ressurgissais d’entre les morts pour faire mon retour triomphal parmi les vivants : tadaaa ! Après quelques retouches habilement ajustées, je rayonnais de nouveau et mon sourire devint sincère avec le plaisir de me faire belle. Et quand j’ai vu le résultat – surtout comparé à l’avant, je peux vous dire que j’étais fière ! Toute à ma joie, j’essayai une autre robe. D’abord rouge, pour que ressortent moins mes cheveux, puis jaune… Rah, les robes de maman ne m’iront jamais, décidément. Pourquoi est-ce que je les ai prises ? Aller : tee-shirt blanc, pull jaune, jupe rouge. Le dessus et la jupe étaient bien assortis avec leurs petits motifs jaunes et verts : c’était mignon. Voilà. Quelques coups de peigne plus tard ressurgissait l’impérieuse Anatara avec son inflexible chevelure qui ressortait éblouissante et faisait écho aux couleurs de sa jupe… super.
_____Je faisais face au jour avec entrain en me demandant comment est-ce qu’il pouvait faire aussi beau alors que, la veille encore, nous étions coincés dans une de ces tempêtes… Vous voyez, du type assez méprisable qui s’acharne sur vous et vous gèle la peau avec ses gouttes mordantes, qui vous souffle violemment des vagues chargées de sel amer mais qui laisse pendantes vos pitoyables voiles détrempées. Le type assez usant, qui vous oblige à rester cloîtré dans votre cabine et vous prive de Soleil pendant une semaine ; de quoi vous dégoûter définitivement de la mer… Brr, c’était looong ! Haha, mais j’étais si contente de revoir la lumière du jour : un ciel dégagé, enfin ! Poussés à bout, nous avions décidé de faire escale sur la petite île d’Orange afin de nous y ravitailler et de nous y ressourcer. Hum, j’aurais tellement aimé m’y trouver une auberge et me blottir dans un lit douillet, sentir la chaleur d’une couverture sèche et le mou d’un matelas confortable… Mais je n’avais pas assez d’argent, comme d’habitude. Tout l’équipage était dépêché pour aider aux réparations et gérer l’étendue des dégâts, quant à moi… Je relus le petit bout de papier sur lequel on m’avait griffonné quoi faire : acheter du riz, des patates, des légumes et de la viande. Hihihi, on allait manger chaud, c’était certain !
_____Je venais de débarquer sur le port et m’étirai langoureusement en clignant violemment des yeux pour me réveiller. Le coin était plutôt sympa : il n’y avait pas grand monde, juste quelques badauds qui discutaient paisiblement près de la jetée, figures isolées venant rajouter de la vie à cet endroit trop tranquille. Aux bruits des vagues et du vent s’ajoutaient les cris de mouettes rieuses qui survolaient le port à la recherche de miettes ou de poissons abandonnés. Je m’avançais d’un pas rapide, laissant la brise soulever ma jupe et mes cheveux onduler librement au rythme de mes foulées. Insouciante, j’effectue toujours une débauche de mouvements inutiles avec d’amples gestes des bras et des jambes : je danse, presque, parce que j’aime danser et que c’est plus agréable de marcher en dansant… Cette fois-ci ne faisait pas exception.
_____Il y avait des magasins et des restaurants mais je décidai de m’enfoncer en ville pour y chercher un confrère prêt à me céder les victuailles dont nous avions besoin. Les bâtiments étaient d’une pierre simple avec une pigmentation variable : comme les robes de maman. Soutenues par une charpente en bois qui leur donnait un squelette agréable, les maisons étaient tels les habitants d’un village : proches mais différentes, uniques mais solidaires. Solidaires parce qu’elles avaient toutes un air de parenté et qu’aucune n’était mise à l’écart : elles appartenaient toutes à la grande famille des domiciles d’Orange et avaient sans doute le même architecte, ce qui faisait d’elles des sœurs complices et intimes. Mais elles n’avaient pas toutes le même âge et il n’y en avait pas deux identiques : entre la couleur de l’habit et la taille de la tête, entre la teinte des cheveux et la coiffe portée, entre le tour de hanches et la disposition des os, il y avait largement de quoi les distinguer ! Oui, ça m’amusait de les imaginer sœurs, de leur inventer une histoire et une personnalité, de réfléchir aux conversations silencieuses qu’elles avaient en secret et des messages codés qu’elles s’envoyaient à travers les grincements des portes, les fumées des cheminées, les complaintes du vent et le chant des oiseaux.
_____La ville était à l’image du port, mais en plus animé : il y avait légèrement plus de passants et suffisamment de conversations pour que leurs faibles échos parvinssent jusque moi, rumeur agitée du géant qui s’éveille. J’avais ralenti le pas pour regarder autour de moi et contempler les habitations, les passants. Je détaillais leurs vêtements et leurs visages animés et ça me faisait sourire. Parfois il y avait des gens pressés qui traçaient furieusement, traversant mon champ de vision comme des étoiles filantes, existences éphémères disparaissant aussi vite qu’elles étaient apparues mais pour moi la scène était figée, suspendue dans l’éternité : il y avait cet arbre immobile au milieu de la place qui s’élevait majestueusement et surplombait les toits de ses rameaux fleuris ; il y avait ces piétons qui marchaient avec une lenteur irréelle, comme au ralenti et il y avait moi, au milieu de ça, simplement ébahie. Comme à chaque fois, je jouais distraitement avec Steeve, un tic que j’ai développé au cours de mes voyages. Steeve, c’est mon petit pistolet-couteau, un gadget amusant qui a séduit papa pour son apparence assez particulière. Depuis qu’il me l’a offert, je joue avec pour me rassurer : je le sors de sa gaine et j’ouvre le chargeur que je fais tourner puis que je referme. Avoir Steeve sur moi, c’est un gage de sécurité, c’est comme si papa veillait sur moi et me protégeait. Ça me soulage un peu et me permet d’avancer.
_____Passé l’émerveillement qui accompagne chaque découverte, je me rappelai soudainement la raison de ma présence en ces lieux et entrepris de mieux inspecter les alentours pour y chercher un marchand. Ça c’était une maison, ça c’était une boutique et au-dessus des appartements, bon… la place du marché, peut-être ? Aller, ça reste l’endroit où j’avais le plus de chance de trouver mon bonheur. Légère, je m’élançai en trottinant joyeusement vers où je pourrais trouver tous les fruits et féculents nécessaires à l’équipage et aux passagers. Héhé, puisque j’allais acheter en grandes quantités, je pouvais même espérer un rabais ! Ah, que c’est bon d’avoir un peu d’argent.
_____Je faisais face au jour avec entrain en me demandant comment est-ce qu’il pouvait faire aussi beau alors que, la veille encore, nous étions coincés dans une de ces tempêtes… Vous voyez, du type assez méprisable qui s’acharne sur vous et vous gèle la peau avec ses gouttes mordantes, qui vous souffle violemment des vagues chargées de sel amer mais qui laisse pendantes vos pitoyables voiles détrempées. Le type assez usant, qui vous oblige à rester cloîtré dans votre cabine et vous prive de Soleil pendant une semaine ; de quoi vous dégoûter définitivement de la mer… Brr, c’était looong ! Haha, mais j’étais si contente de revoir la lumière du jour : un ciel dégagé, enfin ! Poussés à bout, nous avions décidé de faire escale sur la petite île d’Orange afin de nous y ravitailler et de nous y ressourcer. Hum, j’aurais tellement aimé m’y trouver une auberge et me blottir dans un lit douillet, sentir la chaleur d’une couverture sèche et le mou d’un matelas confortable… Mais je n’avais pas assez d’argent, comme d’habitude. Tout l’équipage était dépêché pour aider aux réparations et gérer l’étendue des dégâts, quant à moi… Je relus le petit bout de papier sur lequel on m’avait griffonné quoi faire : acheter du riz, des patates, des légumes et de la viande. Hihihi, on allait manger chaud, c’était certain !
_____Je venais de débarquer sur le port et m’étirai langoureusement en clignant violemment des yeux pour me réveiller. Le coin était plutôt sympa : il n’y avait pas grand monde, juste quelques badauds qui discutaient paisiblement près de la jetée, figures isolées venant rajouter de la vie à cet endroit trop tranquille. Aux bruits des vagues et du vent s’ajoutaient les cris de mouettes rieuses qui survolaient le port à la recherche de miettes ou de poissons abandonnés. Je m’avançais d’un pas rapide, laissant la brise soulever ma jupe et mes cheveux onduler librement au rythme de mes foulées. Insouciante, j’effectue toujours une débauche de mouvements inutiles avec d’amples gestes des bras et des jambes : je danse, presque, parce que j’aime danser et que c’est plus agréable de marcher en dansant… Cette fois-ci ne faisait pas exception.
_____Il y avait des magasins et des restaurants mais je décidai de m’enfoncer en ville pour y chercher un confrère prêt à me céder les victuailles dont nous avions besoin. Les bâtiments étaient d’une pierre simple avec une pigmentation variable : comme les robes de maman. Soutenues par une charpente en bois qui leur donnait un squelette agréable, les maisons étaient tels les habitants d’un village : proches mais différentes, uniques mais solidaires. Solidaires parce qu’elles avaient toutes un air de parenté et qu’aucune n’était mise à l’écart : elles appartenaient toutes à la grande famille des domiciles d’Orange et avaient sans doute le même architecte, ce qui faisait d’elles des sœurs complices et intimes. Mais elles n’avaient pas toutes le même âge et il n’y en avait pas deux identiques : entre la couleur de l’habit et la taille de la tête, entre la teinte des cheveux et la coiffe portée, entre le tour de hanches et la disposition des os, il y avait largement de quoi les distinguer ! Oui, ça m’amusait de les imaginer sœurs, de leur inventer une histoire et une personnalité, de réfléchir aux conversations silencieuses qu’elles avaient en secret et des messages codés qu’elles s’envoyaient à travers les grincements des portes, les fumées des cheminées, les complaintes du vent et le chant des oiseaux.
_____La ville était à l’image du port, mais en plus animé : il y avait légèrement plus de passants et suffisamment de conversations pour que leurs faibles échos parvinssent jusque moi, rumeur agitée du géant qui s’éveille. J’avais ralenti le pas pour regarder autour de moi et contempler les habitations, les passants. Je détaillais leurs vêtements et leurs visages animés et ça me faisait sourire. Parfois il y avait des gens pressés qui traçaient furieusement, traversant mon champ de vision comme des étoiles filantes, existences éphémères disparaissant aussi vite qu’elles étaient apparues mais pour moi la scène était figée, suspendue dans l’éternité : il y avait cet arbre immobile au milieu de la place qui s’élevait majestueusement et surplombait les toits de ses rameaux fleuris ; il y avait ces piétons qui marchaient avec une lenteur irréelle, comme au ralenti et il y avait moi, au milieu de ça, simplement ébahie. Comme à chaque fois, je jouais distraitement avec Steeve, un tic que j’ai développé au cours de mes voyages. Steeve, c’est mon petit pistolet-couteau, un gadget amusant qui a séduit papa pour son apparence assez particulière. Depuis qu’il me l’a offert, je joue avec pour me rassurer : je le sors de sa gaine et j’ouvre le chargeur que je fais tourner puis que je referme. Avoir Steeve sur moi, c’est un gage de sécurité, c’est comme si papa veillait sur moi et me protégeait. Ça me soulage un peu et me permet d’avancer.
_____Passé l’émerveillement qui accompagne chaque découverte, je me rappelai soudainement la raison de ma présence en ces lieux et entrepris de mieux inspecter les alentours pour y chercher un marchand. Ça c’était une maison, ça c’était une boutique et au-dessus des appartements, bon… la place du marché, peut-être ? Aller, ça reste l’endroit où j’avais le plus de chance de trouver mon bonheur. Légère, je m’élançai en trottinant joyeusement vers où je pourrais trouver tous les fruits et féculents nécessaires à l’équipage et aux passagers. Héhé, puisque j’allais acheter en grandes quantités, je pouvais même espérer un rabais ! Ah, que c’est bon d’avoir un peu d’argent.
Dernière édition par Anatara le Mar 27 Oct 2015 - 15:44, édité 5 fois