La merde ...
Notre voyage depuis Armada a été putain de long et putain de rude. Sans vrai navigateur, on a pas su vraiment estimer sa durée. Et ça fait chier.
Ca fait chier parce que la bouffe commence à manquer. Ca fait chier parce que ça fait plusieurs jours qu'on bouffe que de la poiscaille, du fumet avec ce qu'il en reste, et un peu de riz quand on est chanceux. Et chanceux, on l'est pas vraiment. Le seul point positif, c'est qu'on a une putain de bonne cuisinière. Johanna, elle est pas commode. Personne ose s'approcher de la cuisine pour se faire un gueuleton crapuleux. On a jamais vraiment pété la dalle, on avait toujours à bouffer, mais on bouffait toujours la même putain de chose.
Et c'est pas ce que je voulais pour mon équipage. C'est vraiment la merde. J'espère qu'on va se péter le bide à coup de bidoche une fois le pied sur la terre ferme.
En plus, on a eu le droit à une petite tempête. Petite, mais presque imprévisible. Du coup, y'a bien quelques réparations à faire. Là encore, on a Paris. Mais ça vaut pas Kiril. Alors en bon capichef je file un coup de main, marteau en pogne, des clous dans le bec, je plaque des planches de bois par ci par là pour rafistoler, sous les ordres de la nénette à tonfas.
Plus ça va, plus la chaleur m'étouffe. J'enlève mon marcel rouge et m'essuie le front avec. Mais ça sert à rien, la sueur reperle aussitôt.
Le temps est bizarre : il fait chaud, mais l'air est moite. C'est irrespirable et je colle de partout. Je sens aussi gluant et poisseux qu'un homme-poisson. C'est dégueulasse.
Le pire, c'est Waxx, notre ingénieur. D'habitude, il est perdu au milieu de ses couches de vêtement et de ses écharpes, jusqu'à ce qu'on voie plus que ses yeux et quelques mèches blondinettes mais là, il est avachi par terre, presque à poil, à respirer comme un taureau à l'agonie, au milieu d'un cercle que forment ses vêtements qu'il a jeté pour se déshabiller d'urgence.
- Je veux ... quitter cette île ...
Avec lui, et pour une fois silencieux, Kishishi, notre boucher-chirurgien. Ses cheveux sont plaqués sur son crâne tellement il sue. Il sent même le chien mouillé.
- Je serai prêt à me dépeucer pour avoir moins chaud !
- Chaud ... Trop chaud ...
- Chochotte ! On en est même pas arrivés !
Nan, en fait, le pire, c'est Johanna, sa soeur aux cheveux blancs. Parce qu'elle a toujours son armure de plaque sur elle, fière et imperturbable. Déboule pas longtemps après Paris, en petite tenue, le strict nécessaire.
- Au boulot les deux tire-au-flanc ! C'est normal la moiteur étouffante, on arrive sur l'île aux éveillés ! C'est une île estivale, le climat est tropical ! Et c'est pas la seule particularité ...
- Et c'est quoi ?
- Tu vas vite t'en apercevoir, la nuit tombe, tu pourras pas la manquer !
*-*-*-*-*
Pendant ce temps, sur l'île des éveillés
Le village principal est sorti de sa torpeur habituelle par la Folle avec l'arbre qui pousse sur la tête qui sort ahurie de sa demeure et crie à qui veut bien l'entendre :
- Des pirates ! Des pirates vont arriver ! Dans mes visions ! Je les ai vus ! Et j'ai vu la forêt dévorée par les flammes !
Bien qu'il ne dispose pas de milice et qu'il ne croit pas souvent cette femme démente, le village se réveille en urgence. On va prévenir d'urgence Loie Volbas, le Lieutenant d'élite qui a élu domicile ici ainsi qu'Ano Natsu, la fervente défenseure de l'ile.