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[Staff] Rétribution Divine


Qu’est-ce que la marine ?

A cette question, chacun pouvait y aller de sa petite réponse. C’était même à cela que l’on pouvait repérer les allégeances et les orientations de chacun, même si ces propos étaient toujours bien vite nuancés afin de rafficher la position que l’on souhaitait avoir.

Pour le contre amiral Totrino Ketanos, la réponse était bien simple.

Pour lui, la marine, c’était un rouleau compresseur. Une véritable débauche de moyens en surnuméraire, une force largement suréquipée, qui assurait sa suprématie mondiale par ces excès.

Overkill, comme dirait l’autre.

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Et aujourd’hui, une autre débauche de tels moyens allait être mise en œuvre.

Bienvenue à Troop Erdu, les enfants. Une île qui ne servait à rien, et qui ne servait de lieu de vie qu’à une poignée de dégénérés campagnards et consanguins que le monde pouvait laisser vivre et mourir sans s’en soucier.

Une île qui avait eu la bien mauvaise idée d’être le lieu de naissance officiel, ainsi que la terre d’origine du dénommé Tahar Tahgel. Un garnement comme les autres qui avait fini par se faire un nom dans la marine, puis dans la piraterie. Et pas qu’un peu.

Contrairement à de très nombreux pirates, il était allé loin. Ses aventures avaient porté son existence sanglante jusqu’au plus saint des Saints du gouvernement mondial, la cité des descendants des Vingts Rois Fondateurs, la demeure actuelle des renommés Dragons Célestes. Et dans les murs de cette cité sacrée, le pirate avait commis le plus terrible des crimes reconnu par la juridiction du gouvernement mondial.

Le meurtre d’un dragon céleste.

De deux dragons célestes, en vérité.

Ce qui était, de loin, la pire des choses à faire, songea le membre de l’amirauté.

Les choses étaient bien simples. On ne s’attaquait pas à des Dragons Célestes. Il s’agissait de personnes démesurément riches et puissantes, pour qui les institutions de la marine et du gouvernement mondial étaient de simples jouets. De grands outils pleinement à leur disposition. En temps normal, ils se consacraient pleinement à leurs lubies ou leurs caprices, aussi banals, excentriques, bénins ou au contraire cruels et inhumains soient-ils.

Parfois, pourtant, on retrouvait un imbécile qui estimait que frapper un Dragon Céleste était une excellente idée. La chose allait parfois jusqu’au meurtre dudit Dragon, ce qui avait pour conséquence directe de leur rappeler que malgré tous leurs privilèges, malgré toute leur puissance et l’étendue des richesses dont ils disposaient, ils restaient définitivement humains. Fragiles et vulnérables. Surtout dans un monde tel que celui-ci.

Alors, ils prenaient peur. Ils voulaient avant tout veiller à leur sécurité. Ils voulaient aussi se venger de qui avait pensé les mettre à mal, et dieu seul sait qu’avec l’ampleur de la marine à leur disposition, ils avaient largement de quoi se livrer à toutes les bassesses et les caprices qui leur traverseraient l’esprit.

Tahar Tahgel était mort. Maintenant, il s’agissait de montrer que le courroux de Marijoa ne se rassasiait pas de si peu. Et pour ce faire, il n’y avait rien de mieux que de frapper son lieu de naissance, d’anéantir tout ce qui avait trait, de près ou de loin, à son infâme personne.

Et c’est pour cette raison que Kétanos et sa flotte, composée de deux cuirassés, cinq croiseurs et sept caravelles, soit un total de deux mille sept cent hommes, étaient en route pour aller exterminer méthodiquement la misérable population de Troop Erdu. Quelques centaines d’habitants seulement, terrés dans leurs demeures boueuses, qui n’avaient pas encore conscience du cataclysme qui allait leur tomber dessus.




    -Les cuirassés débarqueront le gros de leurs forces sur l’île, et stationneront devant les pitoyables pontons qui servent de postes d’amarrage pour les navires de pêche de la localité. Les croiseurs quadrilleront dans un premier temps les mers au large de l’île, et assisteront les caravelles avec pour objectif de ramener à terre les pêcheurs en mer lors de notre arrivée. Rien qu’en débarquant la moitié des effectifs de nos croiseurs, nous seront plus nombreux que la population de l’île. Dans ces conditions, je vous recommande de faire preuve d’un calme et d’une organisation exemplaire. Nous n’aurons pas la moindre difficulté à mener cette opération, et le monde entier aura les yeux braqués sur nous. De même, nous avons l’ordre de nous comporter de la façon la plus… civile et respectueuse qui soit avec les habitants de cette île. Nous sommes ici en mission pour faire tenir l’ordre mondial établi depuis des siècles face à la piraterie, pas pour donner du pain béni à la révolution.

    Le contre amiral s’interrompit un instant. Ils étaient maintenant à deux jours de navigation de Troop Erdu, et il s’agissait globalement de consignes qui étaient déjà connues des différents officiers et équipages relevant de son commandement pour cette opération. Ce sur quoi il souhaitait précisément mettre l’accent, c’était la portée et la justification de leurs actes.

    Leur ordre de mission était très clair. Tous les résidents de l’île de Troop Erdu étaient considérés sympathisants de Tahgel, et allaient être jugés comme tels au cours de la semaine à venir. Pour s’en convaincre, et ceci avait été répété maintes fois à tous les hommes ici présents, il suffisait de se pencher sur le cas de la gigantesque statue dressée à l’effigie du pirate, ou encore sur l’activité touristique d’appoint basée autour de sa personne, et qui était entretenue par les locaux depuis quelques années. Ca n’était pas une blague. Ce qui était une blague, c’est que la menace d’un pirate, qui qu’il puisse être, ait eut suffisamment d’impact pour qu’on n’ait pas détruit cette statue en 1623, dans les semaines suivant sa construction.

    Aujourd’hui, ils étaient venus faire le ménage. Et ce serait propre. Toute l’île allait être mise en quarantaine, et un procès commun –publiquement, en direct sur Dendenvision et Dendenradio- serait tenu par le juge Gravelton afin de juger dignement les habitants de cette île. Aussi bouseux, perdus et malchanceux soient-ils. Le seul destin qu’il y avait pour eux, c’était la mort. Les charges retenues contre eux, la gravité du crime à endiguer, rien ne leur laissait la moindre chance de s’en sortir.

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    Pourtant, ils feraient les choses bien. Et ce faisant, ils apaiseraient la rage des dragons célestes. Il valait mieux, d’ailleurs. Dans le cas contraire, les Dragons prendraient toutes les mesures qu’ils estimeraient utiles ou nécessaires pour raffermir leur emprise sur les sept mers, ce qui se traduirait par une nouvelle fournée d’édits visant à renforcer l’aspect totalitaire de la marine et du gouvernement. Les mesures de guerre et la justice absolue n’étaient que des paliers de l’horreur que pouvaient devenir les institutions mondiales, lorsqu’être au service de Marijoa signifiait faire marcher le reste de la planète au pas. Et c’était typiquement ces privations de liberté qui renflouaient les rangs de la piraterie, ce dont personne n’avait besoin.

    C’étaient toutes ces nuances, et davantage encore, que le contre amiral et sa ligne hiérarchique avaient souhaité communiquer auprès des hommes en charge de cette mission. Il n’y avait pas besoin d’être de la révolution pour être lucide et savoir comment tournait le monde. Ni ce que chacun avait à faire.

    S’il leur fallait détruire quelques centaines de vies pour que le reste de la planète soit épargnée des conséquences de la folie d’un homme, ils n’avaient pas à hésiter.

    Ce qu’ils faisaient était on ne peut plus juste.

      -Crédidiou, kék’èk’cé k’ce raffut ?
      -Ferfe pas, fi f’te l’disait fu froirais pas.
      -Kripoutillon d’mes keux, ku vas m’répondre kwouais ?
      -F’est la marine, frouffon. F’est la marine qui fe ramène en fros surnombre.

      Confortablement installés sur leur terrasse miteuse, Jacob et Svenn Fenway, deux quarantenaires au cuir usé qui en paraissaient le double, n’en croyaient pas leurs yeux. Jamais de leurs vies ils n’avaient vu autant de navires, et encore moins des aussi gros. Plus gros que tout ce qui existait sur leur pauvre île. Les cuirassés étaient des forteresses navales, et ces deux bâtiments étaient maintenant en train de vomir plus d’hommes que Troop Erdu n’en avait jamais contenu.

      -Bé quoi c’bazar?, questionna un autre paysan en émergeant de la maisonnée.
      -Ben qu’on sé pas.
      -B’un gros bordel, j’bous dis.
      -Bin rien de bien qui vaille, boh que oui.

      Ils n’étaient pas les seuls. A s’exprimer comme des torchons, et à sentir que ça ne tournait pas rond. Les hommes en uniformes de la mouette ne tardèrent pas à investir les abords de la communauté de maisonnées, puis à introduire une délégation, des gardes qui encadraient le juge et le contre amiral ainsi que leurs cohortes d’administratifs.

      Et dans le même temps, d’autres marines s’éparpillaient dans la commune, avec pour objectif d’aller chercher et de rassembler l’ensemble des résidents sur ce qui ferait le mieux office de place publique.

      -Messieurs, s’il vous plait ?
      -Gnéhein ?
      -Si vous voulez bien me suivre… notre supérieur souhaiterait, au nom du gouvernement mondial, vous exposer les raisons de notre présence ici.
        Le procès devait durer une semaine. Une semaine où les médias goinfrèrent leurs publics d’informations relatives à la vie, aux exploits et à ce qui restera de l’héritage des Cadenhead, aux différents crimes, au parcours de Taghel et de l’équipage qu’il avait façonné, les Seigneurs sous trois itérations, ainsi que sur l’historique de Troop Erdu et de la piraterie. Et de manière assez surprenante, on trouva bien de quoi creuser le sujet pendant tout ce temps. Même les principaux acteurs de ce procès, le juge Gravelton, le contre amiral Kétanos, furent développés au grand public.

        Sans surprise, les habitants de la localité se retrouvèrent bien incapables de se défendre dans ce jugement de pure forme.

        Aucun incident ne fut à déplorer les cinq premières journées, au grand plaisir de Kétanos. Ce que la marine craignait le plus, c’était que des idéalistes révolutionnaires s’insurgent et prennent l’initiative de venir saboter leurs plans. Sauver les otages, s’attaquer au juge, dieu seul savait ce que des traîtres dotés d’espions et d’assassins pouvaient bien faire. Pourtant, il n’en fut rien. C’était peut être faute de moyens, la seule place forte des gris dans la proximité de Troop Erdu étant la nouvelle Ohara, sous forte surveillance marine. A moins que pour une fois, même les hauts cadres de la révolution aient pu sentir que contrarier les nobles de Marijoa serait une piètre idée.

        Le sixième jour, pourtant, un évènement inattendu se déroula pendant la matinée, alors même qu’en plein direct, le juge dressait une nouvelle fois quelles pouvaient être les –dérisoires-  circonstances atténuantes dont pouvaient se targuer les habitants de l’île. Tout le monde s’interrompit, pour tourner son regard –et ses caméras- vers le grand large.

        Cet évènement prenait la forme d’un grand voilier à six voiles de facture asiatique, d’allure resplendissante, bordée de dorures et d’ornements ostentatoires. Une véritable forteresse flottante, avec en son sein, une  grand pagode qui aurait très bien pu faire office de fabuleux manoir sur la terre ferme.

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        Un navire qui portait, sur son drapeau et sur ses grand-voiles, l’emblème des dragons célestes. A d’autres endroits, tels que la figure de proue et sur les flancs du navire, on pouvait reconnaître l’héraldique et les armoiries de la famille Yonesku, une des dix neuf familles de nobles mondiaux.

        En d’autres termes ? Un dragon céleste avait fait le choix de se déplacer personnellement depuis Marijoa jusqu’à ce trou perdu.  Voilà pourquoi deux des croiseurs de la marine montant la garde autour de l’île eurent la délicatesse de se dérouter pour escorter le grand navire, tout en restant à distance respectable du bâtiment naval.

        Il s’agissait du Wazurahi-Kanzatsuga, le Palais des Milles Merveilles, l’un des plus prodigieux navires appartenant à la famille des Yonesku. On racontait que ses entrailles contenaient plus de pierreries décoratives que cent joaillers ne devaient en voir dans toute leur vie.

        Une demi-heure plus tard, le navire accosta, et déchargea une petite délégation dont l’élément le plus saillant était bien sûr la noble au cœur de tout ceci.

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        Elle se nommait Cassandre Yonesku, et peu importe les traits fins voire enfantins dont la nature l’avait dotée, elle se mouvait avec une grâce qui faisait honneur à tout le cérémonial qui encadrait son rang divin.

        Et autour d’elle, on retrouvait plusieurs de ses marins, ses serviteurs de confiance, ses esclaves préférés –et dieu savait qu’elle les collectionnait- ainsi qu’une troupe d’élite, tous membres de la garde prétorienne de sa famille, des vétérans triés sur le volet au sein de toutes les institutions de la marine et du gouvernement mondial. Ces hommes étaient des combattants et des agents plus qu’aguerris, mais surtout, tous faisaient preuve d’une dévotion frôlant le fanatisme d’un point de vue extérieur. Eux, pourtant, savaient qu’en accomplissant leur devoir, ils préservaient le monde d’un chaos pire que l’ordre du moment.

        A son arrivée, chaque personne subit comme un choc électrique, et un grand mouvement de masse suivi naturellement. Tous les soldats de la marine se mirent au garde à vous, tandis que pour leur part, les habitants de Troop Erdu furent discrètement invités à se prosterner devant Cassandre, une bonne centaine de mètres avant son arrivée. Une fois la dame en place, car elle était dans la trentaine juste entamée, ils purent relever la tête pour l’observer, elle et sa robe de tissu diamanté. Sans pour autant se relever. Personne n’osait le faire. Mais personne n’en avait vraiment envie, surtout. C’était peut être étrange, mais rester jambes au sol était une forme de respect qui leur semblait toute indiquée face à quelqu’un d’une telle prestance. C’était comme naturel.

        Mais surtout, c’était un sentiment instinctif qui se renforça lorsqu’elle leur adressa un sourire rayonnant, assez beau et empli d’une tendresse telle qu’il aurait intrigué une bête sauvage. Et sa manière de s'exprimer savait très aisément capter son auditoire.

        -Mesdames, mesdemoiselles, messieurs. Juge Gravelton, contre-amiral Kétanos, et fiers marins de la marine. Ainsi que vous tous, chers citoyens du monde qui nous regardez en ce moment même. Je suis venue en tant que porte-parole de Marijoa afin de vous porter… notre message de paix.

        Personne ne daigna réagir. Chacun, en son for intérieur, chercha pourtant à deviner de quoi il s’agirait. Car jamais jusque là on n’avait entendu un grand de Marijoa parler de paix.

        -Les Grands Dragons ont réfléchi, et ont décidé de revenir sur une partie de leurs décisions. Au vu des récents évènements qui ont eu lieu au sein de la capitale mondiale, nous maintenons qu’il nous faut redoubler de vigilance face à la piraterie, ainsi que face aux criminels –pourtant glorifiés sur les sept mers, comme on le voit ici- qui sèment la mort et le malheur de part le monde.

        Ce faisait, la dame avait jeté un regard éloquent en direction de la statue de Tahar Taghel, toujours intacte, qui siégeait là, ironiquement, en attendant sagement sa destruction. Ce ne serait qu’une question de jours.

        -Pourtant, il nous faut nous aussi être raisonnables. Nous avons donc décidé de vous gracier, habitants de Troop Erdu. Contrairement à ce que le déroulement de ce procès vous laissait voir, vous n’aurez pas à faire l’objet des peines appropriées aux crimes de soutien à la piraterie dont vous êtes suspectés. Nous ne souhaitons pas que la justice vous porte la mort.

        La Yonesku n’avait plus rien à dire de plus pour gagner la confiance des condamnés à mort. Entre son apparence, ses belles manières et le fond de ses paroles, elle était comme un ange venu du ciel pour leur sauver la vie. Et pour la première fois, ces misérables fermiers perdus dans leurs bourbiers, promis à une mort certaine à cause d’un évènement qui les dépassait tous, furent arrachés au désespoir.

        C’était bien trop brutal, toutefois. Sur le coup, ils eurent du mal à absorber l’information.

        -Voyez ceci comme une mesure exceptionnelle. Car cette attaque, cet attentat, nous a montré que nous devions remettre en cause notre façon de vivre et ses travers qui se sont pérennisées au fil des décennies. Nous étions dans l’erreur, oui. Pendant bien trop longtemps, nous sommes restés reclus et à l’écart du monde, presque étrangers à ce qui se passait hors des frontières de Marijoa. Et en ce sens, nous avons nous aussi notre part de responsabilité dans le malheur et la violence qui est venu frapper jusqu’à nos porte, au sein des temples de la capitale mondiale. Car c’est à nous d’user de notre pouvoir, de notre influence et de notre puissance afin de vous aider.

        Les habitants de Troop Erdu ne comprenaient pas. Ils n’avaient pas à le faire. Ce qui venait maintenant relevait du politique, et ce serait là que les Dragons allaient frapper. C’était pour ça que Yonesku était venue, après avoir porté et soutenu l’idée qu’une part non négligeable de Dragons avaient nourrie.

        -Ainsi, au nom des grandes familles de Marijoa, je vais maintenant présenter une requête toute particulière au tribunal de Troop Erdu. Nous vous prions d’être cléments. De laisser la possibilité à chacune de ces personnes de se racheter, par l’intermédiaire d’une sentence pertinente et productive. De faire amende honorable grâce à cette nouvelle chance que nous leur proposons. Et de gagner la faveur des grands Dragons en participant au grand projet mondial qui commencera ici, sur cette île, au sein de West Blue.

        Nouvelle pause dans son discours. Nouveau sourire hypnotisant de Cassandre, cette fois mêlé d’une grande excitation. Cette fois, ça commençait vraiment.

        -Nous autres, dragons célestes, dieux de Marijoa, avons autant de temples que nous le souhaitons dans notre capitale, chacune de nos demeures étant l’équivalent d’un sanctuaire pour les incarnations divines dont nous supportons la charge. Mais nous nous sommes rendus compte, et la majorité de mes pairs en sont certains, que ce n’est pas le cas à l’échelle du reste du monde. Ce qui devient un grand problème. Comment les habitants de notre planète peuvent ils être convaincus du bien fondé de l’ordre international dont nous sommes la pierre angulaire, si nous ne prenons pas la peine de leur faire montre de notre présence sur une base quotidienne ? Cela est impossible. Alors, il ne nous reste qu’à nous rapprocher de vous. Et c’est ici, sur Troop Erdu, que nous allons débuter notre grande campagne de décentralisation des grands pouvoirs de Marijoa. La famille Yonesku en assumera la charge, et fera tout son possible pour revigorer l’image et l’influence des grands Dragons au sein de West Blue. Et pour ce faire, nous aurons besoin de vous, citoyens de Troop Erdu. De grands travaux seront à entreprendre sur cette île afin d’en faire une cité digne de ce nom. Et nous souhaitons vous voir participer à ces travaux, afin de vous garder au plus près de nous pour vous convaincre du bien fondé de notre ordre mondial. Que pensez-vous de cela ?

        Et elle avait fini. Presque, du moins. Pour l’heure, elle attendait une réaction. Personne n’osa pourtant répondre, au sein des villageois de l’île. Jusqu’à ce que, enfin, une timide clameur empreinte de reconnaissance et de soulagement se fasse entendre, et s’enorgueille progressivement jusqu’à devenir une acclamée digne de ce nom.

        Ils allaient vivre. Ils seraient bien traités. Et la richesse s’établirait ici, ce qui n’avait jamais été envisagé dans ce bourbier. Qui qu’ils puissent être, les Yonesku s’établiraient ici. Et vu cette femme, son navire et tous les serviteurs qui se pliaient en quatre en sa présence, ça ne pouvait produire que de bonnes choses.

        Evidemment.

        N’est-ce-pas ?

        Bien sûr que non. Et ça, le contre-amiral s’en alarmait en se mordant les doigts. Il avait beau être attentif et impassible, ses entrailles se lardèrent de plomb en entendant l’annonce. Il eut une brève vision de ce que serait probablement l’avenir. Les habitants de Troop Erdu, tous devenus esclaves, propriété des Yonesku. West Blue, sous la mainmise de Marijoa, soumise à ses caprices et ses excès.

        A moins que les Dragons ne puissent être raisonnables. Ce qui variait grandement de l’un à l’autre. Car outre la raison, il y avait l’égo. Et ces personnes allaient bâtir ici une grande cité faisant office de temple dédié à leurs familles. Ils en avaient et les moyens, et les pouvoirs. Et ils sauraient en faire usage.