-Mmmmh… Sigurd ?
-Uh ?
-Café ?
-Un deuxième ?
-Mmh mmh.
-A m’va.
Bureau de la direction d’HSBC, par une belle fin de matinée. Haylor et Dogaku avaient pris l’habitude de faire salle commune deux fois par semaine, ni plus ni moins. D’un coté, ils aimaient bien trop bavarder à l’occasion pour se passer de ce confort. De l’autre, il s’agissait tout de même de rester sérieux : ils avaient maintenant trois négoces à chapeauter, et devaient bien s'infliger quelques contraintes pour pouvoir suivre le rythme, même à deux. Aujourd’hui, pourtant, la miss n’avait pas l’air d’humeur à se concentrer. Et l’autre ne résistait jamais à ce genre d’invitation. Aussi s’empressa-t-il de préparer le breuvage. Comme à son habitude, Sigurd se laissa lourdement choir dans le grand canapé de cuir brun qui faisait face à la table basse destinée aux réunions informelles. Sa partenaire prit place à ses coté, avec sensiblement plus de retenue.
-Tiens, j’ai entendu un truc marrant, ce matin. Apparemment, y’a un ministre qui essaie de lever du cash, et ils vont relancer des ventes de titres pour ça. Le truc bien rigolo.
-Des ventes de titres ? Noblesse ?
-Yep. Imaginez. Pour quelques dizaines de millions, je peux devenir chevalier de Luvneel ! Ca fait pas plus sympa que chevalier de Nowel, mais ç’aurait l’air beaucoup plus sérieux, nan ?
-Vous ne continuez pas à vous faire appeler chevalier de Nowel, quand même ?
-Moi j’trouve ça chouette.
-Mon dieu…
-Sinon y’avait des trucs plus rigolos comme barons et vicomtes qui étaient mis en ventes. Apparemment y’a même, à titre exceptionnel, un titre de comtesse à fournir. Une région dans laquelle c’est traditionnellement des femmes qui portent le titre, et dont les détenteurs se sont récemment éteints. Eteintes. Leurs descendantes sont parties faire les marioles sur l’équateur au sein de la marine mondiale, et ils sont sans nouvelles depuis vingt ans malgré les recherches, donc ça a été mis en vente. Ca vous botterait ?
-Euh… non ?
-Rhoo, vraiment pas ? Imaginez : Evangeline Haylor, comtesse de Luvneel. Ca envoie pas du lourd, ça ?
-Pas le moins du monde. Ce serait juste jeter de l’argent par les fenêtres.
-C’est ça ou se prendre un train de vie exorbitant, hein.
-Hihihi. Imaginez un peu. Nous pourrions avoir un château à la campagne, si nous le voulions.
-Rigolez pas, j’ai regardé les prix et c’est carrément ça, on peut vraiment. J’avoue que ça m’a gratté, mais Santa Klaus a vraiment pas aimé quand j’lui ai fait la blague.
-C’est complètement fou. Je n’aurais jamais cru pouvoir dire ça un jour, mais… j’ai tellement d’argent que je ne sais vraiment pas quoi en faire. J’ai déjà fait le tour des meilleures boutiques de vêtement de luxe de la région.
-Et pourtant on reste là à travailler comme des crétins alors qu’on pourrait faire des tonnes de trucs bien plus sympa. N’on n’a rien compris à comment marche la vie, là.
-Je n’ai pas vraiment l’impression qu’on soit en train de travailler.
-Café, justifia Sigurd d’un air presque religieux en se resservant. On ne travaille pas pendant le café.
-On ne travaille pas, non. Mais…
Tout au long de la discussion, le jeune homme n’avait pas pu s’empêcher de se blottir contre sa partenaire, qui avait réagit de la même manière en se rapprochant. Un seul regard suffit pour se comprendre. Mais avant que les deux tourtereaux ne puissent faire quoi que ce soit, Dogaku repoussa doucement l’autre par les épaules.
-Euh… stop.
-Pardon ?
-Derrière. Derrière. On a un intrus.
Sigurd retourna délicatement sa partenaire, de manière à l’asseoir sur ses genoux pour qu’elle puisse regarder dans la même direction que lui. Et même s’il lui désigna le problème du doigt, elle n’eut pas besoin de ça pour voir l’homme encapuchonné suspendu à leur fenêtre, visiblement en train d’escalader la façade du bâtiment d’HSBC, et qui avait choisi ce moment pour prendre une pause dans son ascension.
Ce qui n’était pas le moins du monde du goût de notre duo.
-MAIS QU’EST-CE QUE VOUS FAÎTES ? ENCORE UN ASSASSIN DE L’UMBRA ? ICI ? ON VOUS DERANGE, PEUT ETRE ?
-Il peut pas nous entendre, signala Dogaku. Double vitrage.
Effectivement. Depuis sa position précaire, le révolutionnaire de l’Umbra pouvait simplement voir les deux civils se lever avec précipitation dans sa direction. Il s’écarta prudemment d’un léger bond sur le coté, sans pour autant prendre la fuite. Intrigué plus qu’autre chose.
-Ils sont chiants, hein ?
-Mais enfin, c’est la cinquième fois en deux semaines ! Et encore, la cinquième fois qu’on s’en rend compte, parce que je suis sûre que…
-J’vous jure que j’ai fait retirer le nid d’aigle qu’ils avaient installé sur le toit. Pas eu l’autorisation de la mairie pour faire couper les buissons dans le parc d’en dessous, par contre.
Sigurd prit une grande inspiration, juste avant d’ouvrir la fenêtre et de se retrouver nez à bec avec l’homme cagoulé.
-Dîtes, faudra qu’on vous demande combien de fois d’ARRÊTER DE PRENDRE NOTRE BATIMENT POUR UN TERRAIN D’ESCALADE, S’IL VOUS PLAIT ?
-Chhhhht ! Je cherche juste à me synchroniser, et je souhaite ne pas me faire repé…
-JE M’EN FICHE. TROUVEZ UN AUTRE IMMEUBLE. Y’EN A PLEIN DE PLUS GRANDS. ET IL N’Y A AUCUN COFFRE AU TRESOR ICI.
-Si vous n’arrêtez pas de crier, je vais devoir vous…
-PAAAAAAAARTEEEEEEEEEEEEZ, J’AI DIS.
Leurs yeux se croisèrent pendant deux bonnes secondes, juste le temps que l’homme prenne sa décision. L’homme de l’Umbra choisit de filer sans demander son reste, sous le regard courroucé du chevalier de Nowel. En venir aux mains ici n’en valait vraiment pas la peine. Il lui suffirait de faire le tour, ou de revenir plus tard.
-Uh ?
-Café ?
-Un deuxième ?
-Mmh mmh.
-A m’va.
Bureau de la direction d’HSBC, par une belle fin de matinée. Haylor et Dogaku avaient pris l’habitude de faire salle commune deux fois par semaine, ni plus ni moins. D’un coté, ils aimaient bien trop bavarder à l’occasion pour se passer de ce confort. De l’autre, il s’agissait tout de même de rester sérieux : ils avaient maintenant trois négoces à chapeauter, et devaient bien s'infliger quelques contraintes pour pouvoir suivre le rythme, même à deux. Aujourd’hui, pourtant, la miss n’avait pas l’air d’humeur à se concentrer. Et l’autre ne résistait jamais à ce genre d’invitation. Aussi s’empressa-t-il de préparer le breuvage. Comme à son habitude, Sigurd se laissa lourdement choir dans le grand canapé de cuir brun qui faisait face à la table basse destinée aux réunions informelles. Sa partenaire prit place à ses coté, avec sensiblement plus de retenue.
-Tiens, j’ai entendu un truc marrant, ce matin. Apparemment, y’a un ministre qui essaie de lever du cash, et ils vont relancer des ventes de titres pour ça. Le truc bien rigolo.
-Des ventes de titres ? Noblesse ?
-Yep. Imaginez. Pour quelques dizaines de millions, je peux devenir chevalier de Luvneel ! Ca fait pas plus sympa que chevalier de Nowel, mais ç’aurait l’air beaucoup plus sérieux, nan ?
-Vous ne continuez pas à vous faire appeler chevalier de Nowel, quand même ?
-Moi j’trouve ça chouette.
-Mon dieu…
-Sinon y’avait des trucs plus rigolos comme barons et vicomtes qui étaient mis en ventes. Apparemment y’a même, à titre exceptionnel, un titre de comtesse à fournir. Une région dans laquelle c’est traditionnellement des femmes qui portent le titre, et dont les détenteurs se sont récemment éteints. Eteintes. Leurs descendantes sont parties faire les marioles sur l’équateur au sein de la marine mondiale, et ils sont sans nouvelles depuis vingt ans malgré les recherches, donc ça a été mis en vente. Ca vous botterait ?
-Euh… non ?
-Rhoo, vraiment pas ? Imaginez : Evangeline Haylor, comtesse de Luvneel. Ca envoie pas du lourd, ça ?
-Pas le moins du monde. Ce serait juste jeter de l’argent par les fenêtres.
-C’est ça ou se prendre un train de vie exorbitant, hein.
-Hihihi. Imaginez un peu. Nous pourrions avoir un château à la campagne, si nous le voulions.
-Rigolez pas, j’ai regardé les prix et c’est carrément ça, on peut vraiment. J’avoue que ça m’a gratté, mais Santa Klaus a vraiment pas aimé quand j’lui ai fait la blague.
-C’est complètement fou. Je n’aurais jamais cru pouvoir dire ça un jour, mais… j’ai tellement d’argent que je ne sais vraiment pas quoi en faire. J’ai déjà fait le tour des meilleures boutiques de vêtement de luxe de la région.
-Et pourtant on reste là à travailler comme des crétins alors qu’on pourrait faire des tonnes de trucs bien plus sympa. N’on n’a rien compris à comment marche la vie, là.
-Je n’ai pas vraiment l’impression qu’on soit en train de travailler.
-Café, justifia Sigurd d’un air presque religieux en se resservant. On ne travaille pas pendant le café.
-On ne travaille pas, non. Mais…
Tout au long de la discussion, le jeune homme n’avait pas pu s’empêcher de se blottir contre sa partenaire, qui avait réagit de la même manière en se rapprochant. Un seul regard suffit pour se comprendre. Mais avant que les deux tourtereaux ne puissent faire quoi que ce soit, Dogaku repoussa doucement l’autre par les épaules.
-Euh… stop.
-Pardon ?
-Derrière. Derrière. On a un intrus.
Sigurd retourna délicatement sa partenaire, de manière à l’asseoir sur ses genoux pour qu’elle puisse regarder dans la même direction que lui. Et même s’il lui désigna le problème du doigt, elle n’eut pas besoin de ça pour voir l’homme encapuchonné suspendu à leur fenêtre, visiblement en train d’escalader la façade du bâtiment d’HSBC, et qui avait choisi ce moment pour prendre une pause dans son ascension.
Ce qui n’était pas le moins du monde du goût de notre duo.
-MAIS QU’EST-CE QUE VOUS FAÎTES ? ENCORE UN ASSASSIN DE L’UMBRA ? ICI ? ON VOUS DERANGE, PEUT ETRE ?
-Il peut pas nous entendre, signala Dogaku. Double vitrage.
Effectivement. Depuis sa position précaire, le révolutionnaire de l’Umbra pouvait simplement voir les deux civils se lever avec précipitation dans sa direction. Il s’écarta prudemment d’un léger bond sur le coté, sans pour autant prendre la fuite. Intrigué plus qu’autre chose.
-Ils sont chiants, hein ?
-Mais enfin, c’est la cinquième fois en deux semaines ! Et encore, la cinquième fois qu’on s’en rend compte, parce que je suis sûre que…
-J’vous jure que j’ai fait retirer le nid d’aigle qu’ils avaient installé sur le toit. Pas eu l’autorisation de la mairie pour faire couper les buissons dans le parc d’en dessous, par contre.
Sigurd prit une grande inspiration, juste avant d’ouvrir la fenêtre et de se retrouver nez à bec avec l’homme cagoulé.
-Dîtes, faudra qu’on vous demande combien de fois d’ARRÊTER DE PRENDRE NOTRE BATIMENT POUR UN TERRAIN D’ESCALADE, S’IL VOUS PLAIT ?
-Chhhhht ! Je cherche juste à me synchroniser, et je souhaite ne pas me faire repé…
-JE M’EN FICHE. TROUVEZ UN AUTRE IMMEUBLE. Y’EN A PLEIN DE PLUS GRANDS. ET IL N’Y A AUCUN COFFRE AU TRESOR ICI.
-Si vous n’arrêtez pas de crier, je vais devoir vous…
-PAAAAAAAARTEEEEEEEEEEEEZ, J’AI DIS.
Leurs yeux se croisèrent pendant deux bonnes secondes, juste le temps que l’homme prenne sa décision. L’homme de l’Umbra choisit de filer sans demander son reste, sous le regard courroucé du chevalier de Nowel. En venir aux mains ici n’en valait vraiment pas la peine. Il lui suffirait de faire le tour, ou de revenir plus tard.