5h du mat’, un bras énorme vient m’arracher de mon sommeil d’enfant. Non, non, c’est pas un rêve, c’est bien mon putain de père qui me réveille aussi sec. Aller hop, debout. C’est l’heure de ton entraînement spécial qu’il me fait. Je peux même pas souffler deux minutes pour piger ce qu’il se passe qu’il me tire de mon lit et m’enlace contre son corps musculeux. J’ai 10 ans et qu’est-ce que je peux faire? Rien. Déjà que je suis ultra fatigué par la séance d’hier à me muscler et à apprendre à me battre. Je tends ma main vers ma peluche, mais mon paternel traverse déjà la porte de ma chambre. Je chiale, je sais ce qu’il compte faire de moi, car il m’a déjà fait ce coup là déjà à mon 9ème anniversaire. Je peux certainement échouer si cette fois la difficulté monte d’un cran. Je suis un gamin et il veut me faire homme. Il veut m’endurcir le plus possible tant bien que moralement que physiquement. Il me fait ça depuis mes 7 ans. Mais merde, quoi. Les enfants ont autre chose à foutre que de survivre à des conditions extrêmes dès leur réveil. Ils sont pas censés subir les méfaits de leur géniteur même si c’est soit disant pour leur bien. Mon cul, ouais. Je doute que si ma mère était encore vivante, elle accepterait que je traîne tout seul dans la forêt à une heure pareille. Avec les différentes factions autour qui peuvent pas se blairer, j’ai beau être neutre, ils ont que faire d’un môme comme moi et me feront qu’une bouchée. Quel cauchemar! Mon vieux avance à grand pas et traverse la pièce suivante. Je vois le petit déj’ sur la table de la salle à manger, tout chaud encore et tout délicieux.
- S’il te plait. Laisse-moi manger avant de me jeter dehors. Je ne peux pas commencer la journée avec le ventre vide.
- Ne fais pas de chichi, Baal. Tu sais que ça ne marche pas avec moi. Tu mangeras seulement si tu arrives à rentrer sain et sauf à la maison, ce que je te souhaite vivement. Et ne me déçois pas, car cette virée en forêt va être plus compliquée que les précédentes.
Fait chier! Le repas me nargue alors qu’on sort de la maison à grande enjambé. Je peux pas raisonner l’autre, il me sort toujours le même speech. C’est pour ton bien qu’il me dit, c’est pour te préparer à devenir un homme fort et robuste. Tu dois commencer l’entraînement dès maintenant. Il veut faire de moi le parfait petit soldat. Moi, je suis trop bien avec mes plans de constructions et mes chiffres. Le seul truc que je veux bien cogner, c’est le fer. Je veux pas tuer des gens, je veux pas voir des morts, je veux pas recevoir des ordres supplémentaires. Je souhaite simplement vivre une vie paisible et tranquille. Et hors de Skypiea histoire de plus revoir mon père et les différents partis qui se font la guerre. Ça me gave, je suis pas fait pour combattre et encore moins pour survire. Quand je vois que l’Homme sait faire que la guerre, ça me donne pas envie d’aider quiconque. Le Monde, c’est de la merde. Alors, j’ai décidé que je ferais ce que je veux quand je serais plus grand. Moi, je suis fait pour construire des machines. Des putains de machines pratiques et utiles. Je hais mon paternel. Il brise mes rêves à chaque fois comme il le ferait avec du verre.
- Où est-ce que tu m’emmènes cette fois?
- Ne t’occupe pas de ça, mon fils. Concentre-toi sur le moyen de t’échapper. L’épreuve est déjà en route. Je t’ai toujours dit que tu pouvais manger ton petit déjeuné si tu arrivais à rentrer vivant à la maison.
Je connais la chanson. Il me fait le coup à chaque fois que j’ai droit à cet entraînement spécial. Ça fait genre à la troisième fois maintenant. Il me promet toujours que je suis libre de retourner au bercail dès l’instant où on est dehors. Seulement, le hic, c’est qu’il a une sacrée poigne et je suis incapable de me délivrer de son emprise. Hé, je suis un môme sans force. Il me tient fermement par le bras, je peine à suivre le rythme de la marche avec mes pieds nus sur la terre, je commence à m’essouffler et à me faire des ampoules. Ça fait pas mal de minutes maintenant que la demeure est loin derrière. Mon père et moi, on habite en retrait des citoyens de Skypiea. Normal, on est neutre. On prend pas part à ce qu’il se passe autour des factions qui peuvent pas se piffrer. Si c’est ça la vie, ça donne pas envie. C’est pas qu’il préfère s’éloigner d’un peuple ou d’un autre pour ma sécurité vu le nombre de fois où il tente de me tuer, c’est plus pour m’éviter que je devienne mollasson en me faisant des amis dans les villes. Je suis un pauvre gamin seul au monde et sans pote. Et là, je risque de mourir au milieu d’un conflit qui me concerne même pas à cause de cet entraînement particulier. Tout ça pour quoi? Pour que j’apprenne à survivre et à me débrouiller seul dans la jungle. Il me dit que la vie, c’est la jungle. Je le crois, mais je m’en fou. Mais mon vieux me dit que c’est dangereux partout avec les Shandias d’un coté, les Anges de l’autre et les Sélénites encore de l’autre. Conscient du danger permanent, mon géniteur a choisi de vivre au cœur de ce problème volontairement pour pouvoir m’éduquer dans les meilleures conductions extrêmes. Merci du cadeau. Mon père est un ancien officier haut-gradé de la Marine et il a bien servi le Gouvernement Mondial. Depuis qu’il est à la retraite, il se dédie entièrement à mon apprentissage de futur bon soldat. J’en peux plus.
- Papa! S’il te plait!! Va doucement. Tu me fais mal aux pieds!
J’ai les larmes aux yeux et je sens que j’ai mal à la gorge. J’ai envie de hurler tellement je suis désespéré.
- Dans la vie, il te faudra surpasser des épreuves bien pires que ça, Baal. Tu seras bien content d’avoir mal aux pieds quand ils te sauveront la vie. Alors, arrêter de chialer et bats-toi.
Il veut dire par « bats-toi » que je dois arrêter de penser à mon mal de pieds, que la douleur est qu’une simple information, que je dois plus avoir peur, que je dois outrepasser tout ça… Facile à dire qu’à faire, ouais!
- Je ne peux pas, papa. Je n’arrive pas! Tu me fais mal!!
- Si tu pars comme un perdant, tu resteras comme un perdant toute ta vie! Si mes méthodes son rudes pour toi, mon fils, c’est parce que dans la vie, tu auras droit à des situations délicates et dangereuses où tu devras te débrouiller par toi-même pour rester vivant. Et si tu n’es pas préparé, comment feras-tu?
- Mais je ne veux pas devenir un soldat, papa! Lâche-moi, je veux retourner à la maison!
- Si tu tombes sur un criminel plus fort que toi, tu crois qu’il va accepter tes supplications? Non.
Il est chiant, il veut jamais m’écouter. Comment il veut que je tombe sur un pirate si je souhaite travailler dans un laboratoire scientifique pour apporter mes savoirs? C’est sûr que s’il veut que je devienne un Marine, j’aurais affaire à des pirates plus souvent… Il comprend pas. Vie tranquille dans un labo ou vie tourmentée à la rencontre des criminels? La réponse est vite trouvée...
- Geppou!!
Voyant que je peine à suivre, il commence à faire l’une de ses techniques bizarres et il se met à marcher dans le vide, toujours plus haut jusqu’à dépasser la cime des arbres. C’est la première fois qu’il me fait ce coup et je crains le pire. Ouais, ça sent le sapin. Je suis vraiment pas emballé. J’ai pas le vertige, mais je vois vraiment pas comment faire pour m’échapper de son emprise. Je gesticule dans tous les sens, mais rien à faire. Impossible de me défaire sans chuter comme une merde. On est à une dizaine de mètres au dessus des arbres.
- N’oublie jamais, Baal. La peur est l’arme utilisée contre les faibles. Ne crains jamais rien. Est-ce que tu as peur?
Il a la réponse. J’ai la trouille pour ce qu’il va m’arriver. La preuve en est que je me pisse littéralement dessus. Mon urine coule sous mon pyjama, c’est dégueulasse et gênant. Il fait encore noir, le soleil est pas sorti, mais je vois parfaitement où on est et où on va. On doit être à mi-chemin entre chez nous et Shandia, la ruine où se regroupent les Shandias. Eux, ils sont pas du genre à partager quoique ce soit. Si un étranger met le pied chez eux même par malheur, il signe son arrêt de mort. Et moi, j’ai encore toute ma vie devant moi, je veux pas crever. Parfois, je veux bien voir l’autre dans ses derniers moments histoire d’être libre et pouvoir me casser de cet enfer. Le hic, faut avouer que pour son grand âge, il a encore de la force et même plus encore... Le pire, c’est qu’il cherche à me cacher le plus possible ses fameuses techniques secrètes qu’il espère un jour m’enseigner.
J’abandonne. Tant pis pour le petit déj’, ça me gave. J’ai plus sommeil, je suis bien trop réveillé de toute façon. Je gaspille mes faibles forces. Je ferme les yeux, je repense à ma mère et à la maison quand j’ai le droit de bricoler. Je me dis que c’est qu’un stupide cauchemar. Faut pas déconner. Depuis quand les hommes savent voler? Ouais, c’est ça, c’est que des images qui défilent dans ma tête et voilà.
D’un coup, sans prévenir, mon père me laisse tomber. La sensation m’arrache de mes songes. Sec. Réalisant la triste vérité, je hurle de panique. Je vais m’empaler sur un arbre! Je lève les yeux vers le ciel, je vois mon vieux soupirer. Ça, ça veut dire que j’ai déjà fait une connerie et que la suite des évènements va être coriace. Je crois que je suis pas prêt de rentrer à la maison avant midi... Faut déjà que je trouve un moyen de pas m’écraser. C’est la première fois qu’il m’emmène aussi loin du bercail. Impossible de garder mon calme, je suis pas assez grand pour trouver des idées rapidement et de manière efficace. Cette fois, c’est sûr, je vais mourir.
- Aaahhhhh!!
Et quand je disais que ça sentait le sapin, faut le prendre dans tous les sens du terme. Je m’approche dangereusement des conifères. Au moins, avec une forêt épaisse, je suis sûr de tomber sur un arbre facilement. Peut-être que je pourrais amortir ma chute dans le pseudo-feuillage ou me suspendre à temps à une branche? Et voilà, c’est une fatalité, j’arrive à trente centimètres d’un épicéa. Je tente tant bien que mal de m’y accrocher, mes mains ripent et ça me fait horriblement mal. Je hurle non plus à cause de la peur, mais à cause de la douleur.
- Aaahhhhh!!
J’ai pas réussi. Mon dos percute alors une grosse branche, ça a craqué. Le dos, pas le bois. Et là, c’est la dégringolade assuré. Je contrôle plus rien. Je suis bon à mettre à la casse. Nature VS Baal, victoire pour l’arbre. J’arrive pas à diriger la façon dont je chute, j’enchaîne les rencontres avec les autres branches. Paf! Dans ma gueule. Boom, sur le bras. Et tiens, récolte un autre coup à l’autre bras. Et faut oublier les jambes. Je me prends des bleus de partout, j’ai même un œil au beurre noire déjà. Je me fais érafler la peau à chaque fois. J’ai l’impression de m’être fait casser un orteil ou deux. Mes doigts sont tétanisés. J’arrive à la dernière branche, je vais pour en saisir une autre plus haut avant de toucher le sol, mais malheureusement, je la rate. Mes couilles en payent le prix. J’atterris à cheval sur la branchette, elle craque. Je termine à plat ventre ma folle course sur une terre molle en plein milieu d’un sous-bois. On dirait que je suis toujours en vie, mais peut-être pas pour longtemps... J’ai mal partout et les Shandias peuvent me trouver rapidement. C’est seulement maintenant que je comprends qu’il fallait pas crier sous aucun prétexte… L’épreuve numéro une a été une catastrophe… Je suis autant paralysé par mon corps frêle, fatigué et tout cabossé que par mon manque de volonté à survivre. Je crois que je vais rester là et tant pis. C’est pas pour moi tout ça… Puis, de toute façon, je me sens affreusement faible pour me relever maintenant. En même temps, je suis qu’un gamin et c’est une chance que j’ai survécu à une chute pareille. Je ferme les yeux.
- S’il te plait. Laisse-moi manger avant de me jeter dehors. Je ne peux pas commencer la journée avec le ventre vide.
- Ne fais pas de chichi, Baal. Tu sais que ça ne marche pas avec moi. Tu mangeras seulement si tu arrives à rentrer sain et sauf à la maison, ce que je te souhaite vivement. Et ne me déçois pas, car cette virée en forêt va être plus compliquée que les précédentes.
Fait chier! Le repas me nargue alors qu’on sort de la maison à grande enjambé. Je peux pas raisonner l’autre, il me sort toujours le même speech. C’est pour ton bien qu’il me dit, c’est pour te préparer à devenir un homme fort et robuste. Tu dois commencer l’entraînement dès maintenant. Il veut faire de moi le parfait petit soldat. Moi, je suis trop bien avec mes plans de constructions et mes chiffres. Le seul truc que je veux bien cogner, c’est le fer. Je veux pas tuer des gens, je veux pas voir des morts, je veux pas recevoir des ordres supplémentaires. Je souhaite simplement vivre une vie paisible et tranquille. Et hors de Skypiea histoire de plus revoir mon père et les différents partis qui se font la guerre. Ça me gave, je suis pas fait pour combattre et encore moins pour survire. Quand je vois que l’Homme sait faire que la guerre, ça me donne pas envie d’aider quiconque. Le Monde, c’est de la merde. Alors, j’ai décidé que je ferais ce que je veux quand je serais plus grand. Moi, je suis fait pour construire des machines. Des putains de machines pratiques et utiles. Je hais mon paternel. Il brise mes rêves à chaque fois comme il le ferait avec du verre.
- Où est-ce que tu m’emmènes cette fois?
- Ne t’occupe pas de ça, mon fils. Concentre-toi sur le moyen de t’échapper. L’épreuve est déjà en route. Je t’ai toujours dit que tu pouvais manger ton petit déjeuné si tu arrivais à rentrer vivant à la maison.
Je connais la chanson. Il me fait le coup à chaque fois que j’ai droit à cet entraînement spécial. Ça fait genre à la troisième fois maintenant. Il me promet toujours que je suis libre de retourner au bercail dès l’instant où on est dehors. Seulement, le hic, c’est qu’il a une sacrée poigne et je suis incapable de me délivrer de son emprise. Hé, je suis un môme sans force. Il me tient fermement par le bras, je peine à suivre le rythme de la marche avec mes pieds nus sur la terre, je commence à m’essouffler et à me faire des ampoules. Ça fait pas mal de minutes maintenant que la demeure est loin derrière. Mon père et moi, on habite en retrait des citoyens de Skypiea. Normal, on est neutre. On prend pas part à ce qu’il se passe autour des factions qui peuvent pas se piffrer. Si c’est ça la vie, ça donne pas envie. C’est pas qu’il préfère s’éloigner d’un peuple ou d’un autre pour ma sécurité vu le nombre de fois où il tente de me tuer, c’est plus pour m’éviter que je devienne mollasson en me faisant des amis dans les villes. Je suis un pauvre gamin seul au monde et sans pote. Et là, je risque de mourir au milieu d’un conflit qui me concerne même pas à cause de cet entraînement particulier. Tout ça pour quoi? Pour que j’apprenne à survivre et à me débrouiller seul dans la jungle. Il me dit que la vie, c’est la jungle. Je le crois, mais je m’en fou. Mais mon vieux me dit que c’est dangereux partout avec les Shandias d’un coté, les Anges de l’autre et les Sélénites encore de l’autre. Conscient du danger permanent, mon géniteur a choisi de vivre au cœur de ce problème volontairement pour pouvoir m’éduquer dans les meilleures conductions extrêmes. Merci du cadeau. Mon père est un ancien officier haut-gradé de la Marine et il a bien servi le Gouvernement Mondial. Depuis qu’il est à la retraite, il se dédie entièrement à mon apprentissage de futur bon soldat. J’en peux plus.
- Papa! S’il te plait!! Va doucement. Tu me fais mal aux pieds!
J’ai les larmes aux yeux et je sens que j’ai mal à la gorge. J’ai envie de hurler tellement je suis désespéré.
- Dans la vie, il te faudra surpasser des épreuves bien pires que ça, Baal. Tu seras bien content d’avoir mal aux pieds quand ils te sauveront la vie. Alors, arrêter de chialer et bats-toi.
Il veut dire par « bats-toi » que je dois arrêter de penser à mon mal de pieds, que la douleur est qu’une simple information, que je dois plus avoir peur, que je dois outrepasser tout ça… Facile à dire qu’à faire, ouais!
- Je ne peux pas, papa. Je n’arrive pas! Tu me fais mal!!
- Si tu pars comme un perdant, tu resteras comme un perdant toute ta vie! Si mes méthodes son rudes pour toi, mon fils, c’est parce que dans la vie, tu auras droit à des situations délicates et dangereuses où tu devras te débrouiller par toi-même pour rester vivant. Et si tu n’es pas préparé, comment feras-tu?
- Mais je ne veux pas devenir un soldat, papa! Lâche-moi, je veux retourner à la maison!
- Si tu tombes sur un criminel plus fort que toi, tu crois qu’il va accepter tes supplications? Non.
Il est chiant, il veut jamais m’écouter. Comment il veut que je tombe sur un pirate si je souhaite travailler dans un laboratoire scientifique pour apporter mes savoirs? C’est sûr que s’il veut que je devienne un Marine, j’aurais affaire à des pirates plus souvent… Il comprend pas. Vie tranquille dans un labo ou vie tourmentée à la rencontre des criminels? La réponse est vite trouvée...
- Geppou!!
Voyant que je peine à suivre, il commence à faire l’une de ses techniques bizarres et il se met à marcher dans le vide, toujours plus haut jusqu’à dépasser la cime des arbres. C’est la première fois qu’il me fait ce coup et je crains le pire. Ouais, ça sent le sapin. Je suis vraiment pas emballé. J’ai pas le vertige, mais je vois vraiment pas comment faire pour m’échapper de son emprise. Je gesticule dans tous les sens, mais rien à faire. Impossible de me défaire sans chuter comme une merde. On est à une dizaine de mètres au dessus des arbres.
- N’oublie jamais, Baal. La peur est l’arme utilisée contre les faibles. Ne crains jamais rien. Est-ce que tu as peur?
Il a la réponse. J’ai la trouille pour ce qu’il va m’arriver. La preuve en est que je me pisse littéralement dessus. Mon urine coule sous mon pyjama, c’est dégueulasse et gênant. Il fait encore noir, le soleil est pas sorti, mais je vois parfaitement où on est et où on va. On doit être à mi-chemin entre chez nous et Shandia, la ruine où se regroupent les Shandias. Eux, ils sont pas du genre à partager quoique ce soit. Si un étranger met le pied chez eux même par malheur, il signe son arrêt de mort. Et moi, j’ai encore toute ma vie devant moi, je veux pas crever. Parfois, je veux bien voir l’autre dans ses derniers moments histoire d’être libre et pouvoir me casser de cet enfer. Le hic, faut avouer que pour son grand âge, il a encore de la force et même plus encore... Le pire, c’est qu’il cherche à me cacher le plus possible ses fameuses techniques secrètes qu’il espère un jour m’enseigner.
J’abandonne. Tant pis pour le petit déj’, ça me gave. J’ai plus sommeil, je suis bien trop réveillé de toute façon. Je gaspille mes faibles forces. Je ferme les yeux, je repense à ma mère et à la maison quand j’ai le droit de bricoler. Je me dis que c’est qu’un stupide cauchemar. Faut pas déconner. Depuis quand les hommes savent voler? Ouais, c’est ça, c’est que des images qui défilent dans ma tête et voilà.
D’un coup, sans prévenir, mon père me laisse tomber. La sensation m’arrache de mes songes. Sec. Réalisant la triste vérité, je hurle de panique. Je vais m’empaler sur un arbre! Je lève les yeux vers le ciel, je vois mon vieux soupirer. Ça, ça veut dire que j’ai déjà fait une connerie et que la suite des évènements va être coriace. Je crois que je suis pas prêt de rentrer à la maison avant midi... Faut déjà que je trouve un moyen de pas m’écraser. C’est la première fois qu’il m’emmène aussi loin du bercail. Impossible de garder mon calme, je suis pas assez grand pour trouver des idées rapidement et de manière efficace. Cette fois, c’est sûr, je vais mourir.
- Aaahhhhh!!
Et quand je disais que ça sentait le sapin, faut le prendre dans tous les sens du terme. Je m’approche dangereusement des conifères. Au moins, avec une forêt épaisse, je suis sûr de tomber sur un arbre facilement. Peut-être que je pourrais amortir ma chute dans le pseudo-feuillage ou me suspendre à temps à une branche? Et voilà, c’est une fatalité, j’arrive à trente centimètres d’un épicéa. Je tente tant bien que mal de m’y accrocher, mes mains ripent et ça me fait horriblement mal. Je hurle non plus à cause de la peur, mais à cause de la douleur.
- Aaahhhhh!!
J’ai pas réussi. Mon dos percute alors une grosse branche, ça a craqué. Le dos, pas le bois. Et là, c’est la dégringolade assuré. Je contrôle plus rien. Je suis bon à mettre à la casse. Nature VS Baal, victoire pour l’arbre. J’arrive pas à diriger la façon dont je chute, j’enchaîne les rencontres avec les autres branches. Paf! Dans ma gueule. Boom, sur le bras. Et tiens, récolte un autre coup à l’autre bras. Et faut oublier les jambes. Je me prends des bleus de partout, j’ai même un œil au beurre noire déjà. Je me fais érafler la peau à chaque fois. J’ai l’impression de m’être fait casser un orteil ou deux. Mes doigts sont tétanisés. J’arrive à la dernière branche, je vais pour en saisir une autre plus haut avant de toucher le sol, mais malheureusement, je la rate. Mes couilles en payent le prix. J’atterris à cheval sur la branchette, elle craque. Je termine à plat ventre ma folle course sur une terre molle en plein milieu d’un sous-bois. On dirait que je suis toujours en vie, mais peut-être pas pour longtemps... J’ai mal partout et les Shandias peuvent me trouver rapidement. C’est seulement maintenant que je comprends qu’il fallait pas crier sous aucun prétexte… L’épreuve numéro une a été une catastrophe… Je suis autant paralysé par mon corps frêle, fatigué et tout cabossé que par mon manque de volonté à survivre. Je crois que je vais rester là et tant pis. C’est pas pour moi tout ça… Puis, de toute façon, je me sens affreusement faible pour me relever maintenant. En même temps, je suis qu’un gamin et c’est une chance que j’ai survécu à une chute pareille. Je ferme les yeux.
Dernière édition par Aran Z. Baal le Mer 02 Sep 2015, 10:04, édité 5 fois